Construction de l’espace social neuchâtelois

Construction de l’espace social neuchâtelois

CADRE THÉORIQUE

L’ancrage théorique de notre travail de recherche représente une sorte de fil conducteur qui permet, tout au long de son élaboration, de mettre en lien nos données, récoltées lors de nos terrains, ainsi que nos interrogations préalablement exposées. Dans un premier temps, nous nous intéressons à la théorie des représentations sociales ; dans un deuxième temps, à celle des trajectoires de vie. Nous choisissons ces ressources conceptuelles pour leur complémentarité. Nous avons, en effet, dans l’introduction de notre travail de recherche, exposé notre objectif d’étudier les éléments de représentations du voile au cours des trajectoires de vie de femmes musulmanes voilées. Nous utilisons, pour ce faire, les trajectoires de vie dans le but de positionner, sur une échelle temporelle, les éléments de représentations du voile des femmes auxquelles nous nous intéressons. Notre intérêt est, en parallèle, d’observer et d’analyser les possibilités et/ou les difficultés rencontrées, en termes d’actions, par nos participantes en tant que femmes portant un voile dans l’espace social neuchâtelois.
Notre cadre théorique, développé ci-après, se divise en deux parties. Nous présentons, dans le premier sous-chapitre, la théorie des représentations sociales et l’utilisation que nous en faisons dans la présente étude pour orienter notre démarche et guider nos questionnements. Au sein du second sous-chapitre, nous présentons, ensuite, le concept de trajectoire de vie et mettons en exergue les notions de ruptures et de transitions ; des notions qui, selon nous, sont importantes pour comprendre la manière d’étudier les trajectoires de vie et, dans le cadre de ce travail de recherche, son lien avec le port du voile et les éléments de représentations qui en émanent.

La théorie des représentations sociales

De Serge Moscovici à Ivana Markova

Si la théorie des représentations sociales, élaborée par Serge Moscovici dans les années 1960, s’est particulièrement modifiée depuis sa conception, les directions qu’elle a prises depuis sont multiples et diversifiées. Les perspectives adoptées diffèrent et l’objet d’étude varie selon cette dernière.
Afin de comprendre d’où émerge ce modèle théorique initial, il nous faut revenir au début des années 1900 avec le concept de représentation collective d’Emile Durkheim (Jodelet, 2015). Ivana Markova (2007) considère, d’ailleurs, qu’« [o]n ne peut pas écrire un livre dont le titre comporte les mots « représentations sociales » sans aborder le concept de la représentation sociale et collective étudié par le sociologue français Emile Durkheim (1858/1917) » (p. 171). La représentation collective de Durkheim peut correspondre, premièrement, à des objets multiples et référer à divers types de représentations ; deuxièmement, elle peut être définie en tant que forme mentale, comme le mentionne Markova (2007), dans l’extrait qui suit :
De ses écrits on peut déduire, sans risque d’erreur, que pour Durkheim les représentations collectives correspondaient à diverses activités mentales, plutôt qu’à des phénomènes définis précisément. Comme l’affirme Pickering (2000c, p. 98-99), Durkheim parlait de représentations dans différents sens, qui pouvaient aller des représentations scientifiques, collectives ou sociales, individuelles et religieuses, aux représentations des sentiments, mais aussi à d’autres types de représentations [(Pickering as cited in Markova, 2007, pp. 174-175)]. Pour lui, tout pouvait être représenté, et ce point de vue était partagé par les autres chercheurs français de son époque. (pp. 174-175)
Durkheim va, ainsi, proposer, dans son modèle, que chaque élément puisse faire l’objet de représentations (Markova, 2007).
La notion de représentation collective va, ultérieurement, servir d’appui pour la construction ─ et l’idée ─ de la théorie des représentations sociales selon Moscovici. En effet, « [l]a reconstitution de la genèse de la notion de représentation suppose un détour initial par le champ disciplinaire de la sociologie, où lui a été réservée une place privilégiée dans les théorisations du courant de la sociologie de la connaissance (Jodelet, 1991) » (Jodelet as cited in Valence, 2010, p. 14). Les représentations collectives proviennent, selon Durkheim, d’une communauté, d’un groupe (Jodelet, 2015), peuvent être l’objet de nombreux éléments ─ pour Durkheim, tout pouvait faire l’objet de représentation (Markova, 2007 ; Moscovici & Duveen, 2000) ─ et sont décrites en tant que « […] formes mentales […] » (Moscovici as cited in Valence, 2010, p. 14). Selon le modèle de Durkheim, dans les sociétés traditionnelles, […] une représentation désigne une vaste classe de formes mentales ─ relatives à la science, aux mythes ou encore aux religions ─ constituée d’opinions et/ou de savoirs sans distinction (Moscovici, 1989). Tout ce qui peut ainsi dire quelque chose de la réalité s’exprime à travers des représentations qui sont soit collectives, soit individuelles. (Moscovici as cited in Valence, 2010, p. 14)
Ces représentations sont reproduites et se reproduisent par le biais de groupes et/ou de communautés, sont significatives pour ces derniers et leur confèrent, en parallèle, leur identité (Jodelet, 2015). Qui plus est, « [i]l [Durkheim] postulait que la connaissance du monde extérieur ne pouvait se former que par les représentations collectives et il était persuadé que la sociologie de la connaissance devait se bâtir sur ce concept » (Markova, 2007, p. 174).
Les représentations collectives servent, ainsi, de point de départ à l’élaboration de la théorie des représentations sociales :
« Cela le conduisit [Moscovici] à découvrir chez Durkheim [le concept] de représentation collective qu’il transforma en représentation sociale pour l’adapter aux conditions des sociétés contemporaines et traiter d’une forme spécifique de la pensée sociale, le sens commun » (Jodelet, 2015, p. 49).
Moscovici prend appui, dans un premier temps, sur la notion de représentation collective pour faire éclore, ensuite, celle de représentation sociale et, cela, dans le but de pouvoir étudier les sociétés plus actuelles en son temps (ibid, 2015). Si Moscovici se réfère au concept de représentations collectives pour élaborer son idée de représentations sociales et poursuivre la construction de sa théorie, il se détache, néanmoins, de la signification et de la stabilité de ce concept (ibid, 2015). D’une part, les sociétés contemporaines tendent, en effet, à évoluer et à se développer ─ avec l’émergence, notamment, de nouveaux outils de communication, de nouveaux moyens de déplacement, etc. ─, une évolution leur conférant, par conséquent, un aspect plutôt dynamique. D’autre part, les formes mentales que tendent à représenter les représentations collectives selon Durkheim limitent la compréhension « […] des phénomènes représentatifs » (ibid, 2015, p. 50). Ainsi, […] la substitution du qualificatif de social à celui de collectif, a permis une meilleure approximation des phénomènes représentatifs. D’une part, les écueils liés aux notions de « conscience » et « contrainte » collectives ont pu être dépassées ; ils ont été remplacés par la triangulation qui lie la représentation à l’interaction sociale. D’autre part, a pu être respectée la spécificité des représentations dans les sociétés contemporaines que caractérisent l’intensité, la rapidité et la fluidité des échanges et des communications, le développement des sciences, leur pénétration dans l’espace public et leur impact sur les modes de vie, et enfin, la mobilité sociale, la pluralité des systèmes de pensée, et plus récemment, le multiculturalisme. (ibid, p. 50)
Les sociétés contemporaines se définissent, en conséquence, par le biais de communications différenciées et, en somme, comme étant davantage développées ; la mobilité contemporaine se distingue, par ailleurs, de celle du début du 20ème siècle. En l’occurrence, [d]’une part, Moscovici va considérer que les représentations sociales ne sont pas les produits d’une société dans son ensemble, mais qu’elles sont plutôt les produits des groupes sociaux qui constituent cette société. D’autre part, il va mettre l’accent sur les processus de communication, considérés comme explicatifs de l’émergence et de la transmission des représentations sociales. (Moliner et Guimelli, 2015, p. 15)
Les sociétés modernes se développent et, par conséquent, vont se heurter à la stabilité des représentations selon Durkheim qui ne semble pas considérer l’évolution et/ou la transformation des faits sociaux, caractéristiques de nos sociétés contemporaines (Valence, 2010).
La théorie des représentations sociales, élaborée initialement par Moscovici et présentée en 1961 au sein de sa thèse intitulée La psychanalyse, son image et son public, va, par la suite, se développer et connaître différentes approches pour sa compréhension et son étude. A ce sujet, Moliner et Guimelli (2015) mettent en exergue l’existence de […] quatre orientations théoriques dans la manière d’aborder le phénomène de représentation sociale. L’approche fondatrice, proposée par Moscovici et communément appelée sociogénétique, s’attache principalement à décrire les conditions et les processus impliqués dans l’émergence des représentations. L’approche structurale (Abric, 1976) s’intéresse davantage aux contenus des représentations, à leur organisation et à leur dynamique. L’approche sociodynamique (Doise, 1990), porte son attention sur les liens entre rapports sociaux et représentations sociales. Enfin, l’approche dialogique (Markova, 2007), met l’accent sur le rôle du langage et de la communication dans l’élaboration des représentations. (p. 21)
Dans le cadre de notre travail de recherche, nous nous attardons, plus spécifiquement, sur l’approche initiale proposée par Moscovici, pour tenter de comprendre ce que représentent, selon lui, les représentations sociales, puis sur l’approche dialogique d’Ivana Markova (2007) que nous utilisons, par la suite, comme outil théorique principal dans l’élaboration de ce travail. Nous présentons, par ailleurs, brièvement l’évolution du concept de représentation sociale en nous basant, notamment, sur les définitions de différents auteurs.
Dans l’élaboration initiale de sa théorie des représentations sociales, Serge Moscovici (1961) commence par mettre en exergue les rôles que détiennent ces dernières. Les représentations « […] conventionalize the objects, persons and events we encounter [and] [t]hey give them a definite form, locate them in a given category and gradually establish them as a model of a certain type, distinct and shared by a group of people » (Farr & Moscovici, 1984, p. 7). Elles formalisent les éléments qui, quotidiennement, nous entourent. Ce processus de formalisation permet, ainsi, à l’individu, et cela de manière plutôt inconsciente, de se situer dans le contexte au sein duquel il se positionne, d’analyser et de comprendre les éléments qui se présentent autour de lui (ibid, 1984). Les « […] representations are social entities, with a life of their own, communicating between themselves, opposing each other and changing in harmony with the course of life; vanishing, only to re-emerge under new guises » (ibid, p. 10). Elles « […] are the product of a whole sequence of elaborations and of changes which occur in the course of time, and are the achievement of successive generations » (ibid, p. 10). En conséquence, elles s’« […] impose themselves upon us with an irresistible force » (ibid, p. 9). Elles présentent, ainsi, une certaine puissance et constance dans leur essence, pouvant, en conséquence, subsister à travers les générations; des générations au cours desquelles la représentation sociale d’un objet se développe, se renforce ou tend à se modifier. Les représentations permettent, par ailleurs, l’émergence d’interactions interindividuelles, mais également intergroupes, et sont « […] capable of influencing the behaviour of the individual participant in a collectivity » (ibid, p. 12). Ces dernières ne sont, toutefois, pas innées. En effet, elles se forment, se modifient et se perpétuent au travers d’interactions interindividuelles et intergroupes (ibid, 1984). L’intérêt est, dès lors, d’analyser de telles représentations, « […] their properties, their origins and their impact » (ibid, p. 13), mais également d’étudier leur « […] structure and [their] dynamics […] » (ibid, p. 16).
La spécificité des représentations sociales est de rendre familier ce qui ne l’est pas et, à travers cela, de créer un sentiment de rassurance et de confiance chez les individus concernés par un élément inconnu, à un moment donné, dans un contexte social particulier (ibid, 1984). La construction d’un sentiment de sécurité ou de « déjà-vu » est, selon Farr et Moscovici (1984) le résultat de deux mécanismes qu’ils nomment l’ancrage et l’objectivation. Nous introduisons ces deux processus par la définition suivante: « [t]he first mechanism strives to anchor strange ideas, to reduce them to ordinary categories and images, to set them in a familiar context […] the second mechanism is to objectify them, that is to turn something abstract into something almost concrete […] » (ibid, p. 29). Un élément abstrait est, ainsi, catégorisé de façon à devenir plus familier et, en parallèle, à permettre sa comparaison à d’autres éléments de la même catégorie (ibid, 1984). Nous complétons cette explication à l’aide des définitions suivantes :
L’objectivation renvoie à la façon dont l’objet nouveau va, par le biais des communications à son propos, être rapidement simplifié, imagé et schématisé. […]. Les différents aspects de l’objet sont ainsi détachés du champ auquel ils appartiennent pour être appropriés par les groupes qui, en les projetant dans leur univers propre, peuvent mieux les maîtriser. Ces éléments sélectionnés vont former ce que Moscovici appelle un noyau figuratif, c’est-à-dire un ensemble imagé et cohérent qui reproduit l’objet de façon concrète et sélective. (Moliner et Guimelli, 2015, p. 23)
L’ancrage complète le processus d’objectivation. Il rend compte de la façon dont l’objet nouveau va trouver sa place dans le système de pensée préexistant des individus et des groupes. […] [L]’objet nouveau va être assimilé à des formes déjà connues, des catégories familières. Il va, dans le même temps, s’inscrire dans un réseau de significations déjà présent. (ibid, p. 24)
Ainsi, « [l]’ancrage consiste en l’incorporation de nouveaux éléments de savoir dans le système de valeurs du sujet […] » (Valence, 2010, p. 36) et, par conséquent, « […] [assure l’incorporation des représentations] dans le social » (ibid, p. 36). Le mécanisme d’objectivation, quant à lui, « […] désigne la genèse de la mise en forme des connaissances relatives à un objet » (ibid, p. 35). Dès lors, il « […] donne […] une texture matérielle aux idées et fait correspondre des choses aux mots » (ibid, pp. 35-36). Par conséquent, « [c]e sont eux [les processus d’ancrage et d’objectivation] qui rendent compte de la façon dont le social transforme une connaissance en représentation et de la façon dont cette représentation transforme le social » (ibid, p. 35).
Finalement, selon Moscovici (1961), la théorie des représentations sociales évoque « […] un modèle théorique […] » (Lagache as cited in Moscovici, 2013, p. 8) au sein duquel les représentations sont définies « […] comme des formes de connaissance » (Moscovici, 2013, p. 8). Ces formes de connaissance ne sont pas anodines ; elles sont issues du sens commun et se confrontent à la rationalité de connaissances exclusivement scientifiques (Markova, 2007). L’intérêt est, dès lors, d’étudier les « […] problèmes actuels […] » (Moscovici as cited in Moscovici, 2013, p. 11) par le biais des connaissances et des croyances issues du sens commun qui, toujours selon Moscovici (2013), permettent d’accéder aux représentations sociales. Il définit, d’ailleurs, le sens commun comme « […] un ensemble de descriptions et d’explications plus ou moins reliées entre elles […] que chacun possède, même sans s’en rendre compte, pour organiser son expérience, prendre part à une conversation ou faire affaire avec autrui » (ibid, p. 104). Il considère, par ailleurs, que les représentations sociales ne possèdent guère un caractère inné, mais qu’elles se forment dans la communication et permettent, ainsi, aux individus de communiquer (Moscovici, 2013) – un élément que Markova (2007) reprend, par la suite, dans le lien qu’elle émet entre les représentations sociales et la dialogicité. Ainsi, selon une approche sociogénétique (Moscovici, 1961), l’intérêt théorique et méthodologique des représentations sociales relève, dans un premier temps, de la communication qui revête un caractère important pour comprendre l’émergence et procéder à l’étude des représentations sociales. Dans un deuxième temps, les représentations sociales sont issues du sens commun et, par conséquent, requièrent l’étude de ce dernier, ainsi que sa contextualisation. Finalement, dans le cadre de notre travail de recherche, sa pertinence se retrouve dans l’étude de femmes musulmanes portant le voile et qui se positionnent dans des contextes socioculturels spécifiques au sein desquels des représentations, en matière d’Islam et de port du voile, existent, se produisent, se modifient, se renforcent et/ou se perpétuent au cours du temps.
Ultérieurement à la création de la théorie initiale des représentations sociales selon Moscovici (1961), différents professionnels vont reprendre celle-ci, transformer sa conceptualisation et la faire évoluer. Plusieurs approches se distinguent, dès lors, de l’approche sociogénétique et s’intéressent à l’étude des représentations sociales sous différentes formes (Moliner et Guimelli, 2015). Nous présentons brièvement quelques-unes de ces conceptions ci-dessous.
Selon Jean-Claude Abric (2016), qui reprend l’idée initiale de Moscovici (1961), « […] les représentations sont des guides pour l’action » (Abric, 2016, p. 11), comme l’expose l’extrait qui suit : La représentation fonctionne comme un système d’interprétation de la réalité qui régit les relations des individus à leur environnement physique et social, elle va déterminer leurs comportements ou leurs pratiques. La représentation est un guide pour l’action, elle oriente les actions et les relations sociales. (ibid, p. 18)
La représentation sociale permet, ainsi, de déchiffrer et de comprendre l’ensemble des éléments qui environnent et entourent l’individu et les liens de ce dernier avec son espace physique, matériel, socioculturel, etc. (ibid, 2016). Abric (2016) considère, d’ailleurs, qu’ « […] un objet n’existe pas en lui-même, [mais qu’] il existe pour un individu ou un groupe et par rapport à eux. C’est donc la relation sujet-objet qui détermine l’objet lui-même. Une représentation est toujours représentation de quelque chose pour quelqu’un » (p. 16). L’objet prend, par conséquent, sa forme et son existence au sein de sa relation au sujet, à l’individu. Il existe par son biais, à travers lui et au travers de leurs interactions (ibid, 2016). En somme, les représentations, au sein de son approche, « […] permettent aux acteurs sociaux d’acquérir des connaissances et de les intégrer dans un cadre assimilable et compréhensible pour eux […] » (ibid, p. 21). En d’autres termes, elles rendent possible la compréhension de la réalité par laquelle les personnes sont entourées et à laquelle elles sont confrontées (ibid, p. 21). Par ailleurs, les représentations déterminent l’aspect identitaire des individus et des groupes (ibid, p. 21) et guident, une nouvelle fois, leurs actions et leurs comportements (ibid, p. 22). Finalement, elles « […] [permettent] […] aux acteurs d’expliquer et de justifier leurs conduites dans une situation ou à l’égard de leurs partenaires » (ibid, p. 23) et acquièrent, ainsi, différentes caractéristiques et différents rôles.
Afin de définir les représentations d’un objet et dans le but d’accéder à ces dernières, Abric (Abric,, 1994 ; Abric, 2016 ; Guimelli, 1994) emploie les notions de noyau central et d’éléments périphériques pour conceptualiser la représentation sociale. C’est à travers le noyau central qu’une représentation sociale peut définir un objet et, cela, de manière quasiment immuable. Les éléments périphériques, quant à eux et contrairement au noyau central, sont facilement modulables et tendent, aisément, à se modifier et à intégrer de nouveaux éléments en leur sein (Abric 1994 ; Abric, 2016). Ainsi, lorsqu’une représentation sociale initiale d’un objet tend à évoluer ou à se modifier, ce n’est pas son noyau qui se transforme, mais sa partie périphérique qui acquiert, en son sein, de nouveaux éléments de représentations.
Selon Denise Jodelet (2015),
[…] les représentations sociales concernent le savoir de sens commun, mis en oeuvre dans l’expérience quotidienne ; sont des programmes de perception, des constructs à statut de théorie naïve, servant de guide d’action et de grille de lecture de la réalité, des systèmes de significations permettant d’interpréter le cours des évènements et des relations sociales ; expriment le rapport que les individus et les groupes entretiennent avec le monde et les autres ; sont forgées dans l’interaction et au contact des discours circulant dans l’espace public […]. (p. 38)
Les représentations sociales font, ainsi, office d’illustrations de la réalité et permettent aux individus de traiter et de comprendre cette dernière. Au travers de leur compréhension de la réalité qui les entoure, ils acquièrent la possibilité et la capacité d’agir au sein de celle-ci. Les représentations sociales sont, ainsi, significatives des relations sujet-objet, mais également des relations que l’individu entretient avec son environnement physique et social (ibid, 2015). Afin d’étudier les représentations sociales, Jodelet (2015) utilise un schéma au sein duquel elle met en exergue trois sphères nécessaires à leur analyse. Elle considère, à cet effet, que les individus se situent dans des contextes spécifiques au sein desquels elle met en avant plusieurs types de subjectivité permettant l’apparition et l’analyse d’une représentation sociale (ibid, p. 75). Elle met, ainsi, en évidence, une première sphère où le subjectif prévaut, une deuxième sphère au sein de laquelle l’intersubjectif prime et, finalement, une troisième sphère pour laquelle le trans-subjectif prédomine. L’endroit où ces trois sphères se rencontrent exprime la représentation sociale (ibid, p. 75).
Nous constatons, ici, le rapprochement existant entre l’approche d’Abric (1994 ; 2016) et la conception des représentations sociales de Jodelet (2015). L’un et l’autre considèrent, en effet, que les représentations sociales permettent aux individus d’accéder à leur réalité et de comprendre cette dernière ; ils orientent, en conséquence, leurs actions et leurs comportements (Abric, 1994; Abric, 2016 ; Jodelet, 2015). Finalement, ils se rejoignent, une nouvelle fois, sur une conception similaire ; celle d’un objet dont la représentation existe uniquement lorsque celui-ci fait l’objet d’une représentation pour un, ou plusieurs, individu(s) (Abric, 1994 ; Abric, 2016 ; Jodelet, 2015). Ainsi, sans sujet, un objet ne peut susciter une représentation sociale.
Enfin, selon Markova (2007), l’importance de l’utilisation de la théorie des représentations sociales dans une approche psychosociale est la mieux adaptée. En effet, elle implique, dans un premier temps, principalement, le sens commun. Markova (2007) rejoint, ici, Moscovici (1961), Abric (1994 ; 2016) et Jodelet (2015) qui relèvent chacun la pertinence de l’étude du sens commun pour accéder aux représentations sociales d’un objet. Dans un deuxième temps, elle présente et met en évidence la triade dialogique Ego-Alter-Objet, dont elle s’inspire du modèle de Karl Bühler (1982). Dans le cadre de notre travail de recherche, cette triade est représentée par l’intervieweur ─ nous en tant que chercheure ─ les interviewé(e)s ─ participant à l’élaboration de ce travail ─ l’Islam et le voile musulman – faisant office de l’objet suscitant des représentations. En somme, nous relevons « […] l’imbrication culturelle et la dynamique des représentations sociales […] » (Markova, 2007, p. 193) que met en exergue Markova au sein de son approche dialogique.
Dans la suite de ce chapitre, nous présentons la théorie des représentations sociales selon l’approche dialogique de Markova (2007). Celle-ci sous-tend la méthodologie de notre première étape ─ la présentation de l’espace social du Canton de Neuchâtel ─ et l’analyse de cette dernière. Dans un premier temps, nous présentons la dichotomie existante entre la connaissance issue du sens commun et celle résultant du champ scientifique. Dans un deuxième temps, nous mettons en exergue la notion de dialogicité que Markova (2007) emploie pour présenter sa conceptualisation des représentations sociales. Puis, nous nous arrêtons sur le concept de thémâta (Markova, 2007) et, finalement, présentons la triade dialogique Ego-Alter-Objet évoquée précédemment au sein de notre rédaction.

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Table des matières

1. Introduction
1.1 Introduction à l’objet d’étude
1.2 Choix de la thématique
1.3 Depuis octobre 2015 : questionnements préliminaires et reformulations
1.4 Contexte de l’étude : de l’international au national
1.5 L’état de la recherche
1.5.1 A l’étranger
1.5.2 En Suisse
1.6 Plan du travail
2. Cadre théorique
2.1 La théorie des représentations sociales
2.1.1 De Serge Moscovici à Ivana Markova
2.1.2 Le sens commun vs. la connaissance scientifique
2.1.3 Les représentations sociales et la dialogicité
2.1.4 Le concept de thêmata
2.1.5 La triade dialogique Ego-Alter-Objet
2.2 Les trajectoires de vie
2.2.1 Préambule
2.2.2 Les trajectoires de vie : entre ruptures et transitions
2.2.3 Les notions de ruptures et de transitions
2.2.4 Le concept de trajectoire de vie au sein de notre travail
2.3 Complémentarité de ces ressources conceptuelles
3. Problématique et question de recherche
4. Méthodologie
4.1 Une méthodologie en deux étapes
4.2 Construction de l’espace social neuchâtelois
4.2.1 L’entretien semi-directif
4.2.2 Le guide d’entretien
4.2.3 L’échantillon
4.2.4 La prise de contact
4.2.5 Le déroulement des entretiens
4.3 Représentations du voile au cours de trajectoires de vie
4.3.1 L’entretien narratif
4.3.2 Le guide d’entretien
4.3.3 L’échantillon
4.3.4 La prise de contact
4.3.5 Le déroulement des entretiens
5. Présentation et analyse des données
5.1 Méthodologie pour l’analyse de nos entretiens
5.2 Présentation de l’espace social du Canton de Neuchâtel
5.2.1 L’espace social : définition
5.2.2 L’espace social neuchâtelois
5.3 Trajectoires de vie et éléments de la représentation du port du voile
5.3.1 Samia
5.3.2 Myriam
5.3.3 Chloé
6. Discussion
7. Conclusion
7.1 Limites du présent travail
7.2 Perspectives et ouvertures
Bibliographie
Annexes

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