Le travail des peaux est une des plus vieilles activités de l’homme. Dans ses prémices, il s’agissait avant tout d’un besoin fondamental : se couvrir face aux conditions de vie très rudes de l’époque. Au fil du temps, les besoins se sont développés et les utilisations du cuir n’ont eu de cesse de se multiplier. Avec cela, l’humanité a apporté son génie à la tannerie qui devient véritablement une activité industrielle moderne avec l’avènement du tannage au chrome qui donne des cuirs à la fois souples et résistants vers la fin du XIXème. Depuis, le cuir est utilisé non plus seulement pour l’habillage mais il sert surtout pour la fabrication d’objets solides, sophistiqués et raffinés. Ce sont des équipements, des meubles, des chaussures, des bijoux, des sacs et des ornements.
La peau, matière première
Selon le Larousse 2009, « la peau est l’organe constituant le revêtement du corps de l’homme et des animaux » [9]. Cette définition est des plus générale mais permet déjà de déduire le rôle majeur de la peau pour les êtres vivants animaux. En effet, elle joue le rôle d’interface entre le corps et son milieu extérieur.
Une autre définition est proposée par A.-M. VILLON : « la peau est le tissu membraneux qui recouvre le corps des hommes et de la plupart des animaux […] il est tout à la fois résistant et élastique » [13]. L’accent est mis ici sur la nature de la peau et ses propriétés. L’intérêt du cuir réside dans les propriétés des peaux. Selon son origine, un cuir peut être plus ou moins souple, avoir un aspect variable, avoir des défauts plus ou moins prononcés. Dans la majorité des cas, les cuirs ont pour origine les animaux de boucherie : zébus, veaux et moutons. Les peaux de reptiles, de poissons et d’oiseaux sont également utilisées mais dans des proportions plus faibles.
Dans cette étude sont essentiellement présentées les peaux de poissons pour le potentiel qu’elles représentent mais aussi pour des raisons pratiques. Pratiquement la transformation des peaux fraiches de poissons se fait peu de temps après leur collecte. La tannerie de ce type de matière est située à proximité du lieu de production. La peau y est séparée de la chair et des écailles mécaniquement ou manuellement avec un couteau avant de subir des traitements pour les rendre imputrescibles.
Constitution de la peau des poissons
Pour tous les poissons, la peau se subdivise en deux parties :
♦ L’épiderme qui est la partie externe ;
♦ Le derme qui se situe entre l’épiderme et les muscles.
Cependant, suivant la classe des poissons, ces parties ont des structures différentes. Deux classes de poissons peuvent être distinguées: les chondrichtyens et les ostéichtyens. Les chondrichtyens sont les poissons à squelette cartilagineux. Ils se caractérisent aussi par une peau sans écailles. Leurs branchies sont adhérentes à la peau par leurs bords externes ce qui se traduit par des ouvertures au niveau des intervalles entres branchies. C’est la classe des requins, raies et chimères [16]. Quant aux ostéichtyens, ce sont les poissons ordinaires à squelette osseux. Ils disposent généralement d’une peau recouverte d’écailles. Leurs branchies sont localisées dans une même cavité dans laquelle l’eau pénètre via la bouche et ressort par le cou au niveau de l’ouïe. Leurs branchies sont dites libres .
Composition de la peau des chondrichtyens
La peau pour cette classe de poisson est sans écailles. En fait elle est recouverte de denticules nécessaires à l’hydrodynamisme de l’animal. L’épiderme est formé de trois couches :
● La couche cornée formée de cellules mortes, son rôle est surtout la protection. Elle permet d’éviter la déperdition d’eau en trop grande quantité.
● La couche muqueuse de liquide visqueux (mucus), qui sert à faciliter le déplacement des poissons dans l’eau.
● L’assise germinative constituée par des cellules souches. C’est la couche la plus profonde de l’épiderme et c’est l’origine des cellules de l’épiderme.
Le derme se subdivise aussi en trois parties
● Les papilles dermiques qui sont des petites excroissances de tissu conjonctif
● Le derme lâche et le derme dense qui sont tous les deux du tissu conjonctif mais se différencient par leurs densités.
C’est au niveau du derme que se situent les cellules chromatographiques à l’origine de la coloration des poissons .
Composition de la peau des ostéichtyens
L’épiderme est en couche mince. Les mêmes couches que pour les chondrichtyens s’y rencontrent. Le derme se compose d’écailles et d’un derme dense.
❖ Les écailles.
Elles sont de tailles et de formes variables. Elles sont disposées en tuile chez certains. Cette disposition participe à l’hydrodynamisme du poisson et le protège des parasites. Chez d’autres, elles sont en formes d’épines de tailles variables pour la défense de l’animal. Chez quelques espèces, elles sont tout simplement absentes : cas des anguilles, murènes…
❖ Le derme dense où se forment et sont fixées les écailles. C’est aussi là que sont localisés les cellules chromatographiques qui donnent leurs couleurs aux poissons.
La partie importante dans le domaine du cuir est le derme. Il est composé de collagène qui peut réagir avec certains composés pour donner des composés stables et imputrescibles .
Etude du collagène
Le collagène est une protéine, plus particulièrement il s’agit de la protéine la plus abondante de la peau. Il se présente sous formes de fibres qui se décomposent elles-mêmes en fibrilles puis en microfibrilles. L’aspect de cette molécule est proche de celui d’une corde ; sa longueur est d’environ 300 nm et se présente majoritairement sous forme de trois chaînes hélicoïdales d’acides aminés imbriquées entre elles et ayant un même axe. Ces trois chaînes forment donc une triple hélice et les extrémités sont laissées libres sur une dizaine d’acides aminés. Le tripeptide (Gly-X-Y) constitue la séquence primaire de ces portions et est répété entre 100 à 400 fois .
Les molécules se regroupent pour former des fibrilles dont la longueur est de 100 nm environ. Ces dernières se regroupent à leurs tours et donnent les fibres de collagènes. Les fibrilles sont stabilisées par les liaisons hydrogènes intramoléculaires réparties le long des chaînes.
Il est cependant à noter qu’au niveau des extrémités, laissées libres, ces liaisons intramoléculaires sont absentes. Par conséquent, les fibres sont globalement insolubles car ces terminaisons ne peuvent être attaquées par des enzymes directement [8]. La résistance mécanique de la peau s’explique par des liaisons covalentes formées dans les enchevêtrements de fibres. De manière générale, le collagène est inerte faces aux attaques chimiques et enzymatiques dans les conditions physiologiques. L’amélioration des capacités mécaniques et de la résistance à la détérioration se fait grâce au renforcement du réseau d’enchevêtrement des fibres et grâce à la réduction de la quantité d’eau contenue dans la molécule.
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Table des matières
Introduction
Chapitre I : La peau, matière première
I-1. Introduction
I-2. Constitution de la peau des poissons
I-3. Etude du collagène
I-4. La conservation des peaux
I-5. Les défauts de la peau
Chapitre II : Les tannins végétaux
II-1. Introduction
II-2. Définitions
II-3. Les caractéristiques communes des tannins
II-4. Les types de tannins végétaux
II-5. Théories sur le fonctionnement des tannins végétaux
II-6. Localisation des tannins dans les plantes
II-7. Les extraits tannants
II-8. Conclusion partielle
Chapitre III : Transformation de la peau de poisson en cuir
III-1. Introduction
III-2. Le travail de rivière
III-3. Le tannage
III-4. Le corroyage-finissage
III-5. Le cuir fini
Chapitre IV : Démarche expérimentale
IV-1. Mise en place du dispositif expérimental
IV-2. Mise en œuvre de la manipulation proprement dite
IV-3. Contrôle des caractéristiques du cuir
Chapitre V : Discussions et perspectives
V-1. Les discussions
V-2. Les perspectives
Conclusion
Bibliographie
Webographie
Annexes
Résumé
Abstract