Le béton est le matériau le plus utilisé pour la fabrication des structures de méthanisation notamment car il est économique, facile à mettre en œuvre et présente de bonnes propriétés d’inertie thermique. C’est un matériau composite alcalin constitué de liant hydraté (la matrice cimentaire) et de granulats, présentant de bonnes caractéristiques mécaniques en compression. La matrice cimentaire est multiphasique et comprend une phase gaz, une phase solide et une phase liquide. Le béton est un milieu poreux dont les vides peuvent être remplis de solution et/ou de gaz et peuvent être connectés avec l’extérieur. C’est un matériau réactif au contact de son environnement, sa réactivité et ses propriétés de transfert sont donc des propriétés majeures déterminant la durabilité des structures en béton de la méthanisation. La composition du béton peut varier grandement en fonction des propriétés physicochimiques et mécaniques visées : type de liant utilisé, conditions de cure, nature des granulats, ajouts, proportions des différents constituants, etc.
Constituants de la matrice cimentaire
Le ciment Portland classique ou ordinaire, matériau minéral finement moulu composé de phases anhydres cristallisées et/ou vitreuse, renfermant essentiellement des oxydes de silicium, d’aluminium et de calcium, est un liant hydraulique. Cela signifie que lorsqu’il est gâché avec l’eau, le ciment forme une pâte qui fait prise et durcit par suite de réactions d’hydratation et qui, après durcissement, conserve sa résistance et sa stabilité, même sous l’eau. Le ciment ordinaire anhydre est constitué de clinker Portland, de sulfate de calcium et éventuellement d’additions telles que les additions calcaires, les laitiers de haut fourneaux, les cendres volantes, les fumées de silice ou les pouzzolanes naturelles. La norme européenne NF EN 197-1 (AFNOR, 2012) définit 5 classes de ciment courants qui diffèrent par les proportions de leurs constituants. Ils sont constitués d’un mélange de base fait de clinker (95-100 %) et d’additions selon différentes proportions notées A, B et C, ainsi que de constituants secondaires (0-5%). Du gypse est ajouté en petite quantité pour réguler la prise.
Les différentes classes de ciment sont notées CEM I (ciment Portland), CEM II (Portland composé), CEM III (ciment de haut fourneau), CEM IV (ciment pouzzolanique) et CEM V (ciment composé).
Le ciment Portland (type CEM I)
Constitution
Le ciment Portland CEM I est un ciment constitué d’au moins 95 % de clinker. Le clinker Portland est obtenu par calcination (autour de 1450 °C) du cru, mélange composé de quatre oxydes principaux : CaO, SiO2, Al2O3, Fe2O3 et de petites quantités d’autres composés. Ces oxydes proviennent de roches naturelles : le calcaire (80 %) apporte l’oxyde de calcium et les argiles (20 %) fournissent la silice, l’oxyde d’aluminium et l’oxyde de fer. Les marnes quant à elles apportent les 4 oxydes. Cette réaction à haute température permet aux éléments chimiques de se recombiner pour donner les principaux composés anhydres du clinker Portland :
– Le silicate tricalcique ou alite (3CaO.SiO2), C3S en écriture cimentaire (de 50 à 70 % du clinker)
– Le silicate bicalcique ou bélite (2CaO.SiO2), C2S en écriture cimentaire (de 15 à 30 % du clinker)
– L’aluminate tricalcique (3CaO.Al2O3), C3A en écriture cimentaire (de 5 à 15 % du clinker)
– L’aluminoferrite tétracalcique (4CaO.Al2O3. Fe2O3), C4AF en notation cimentaire (5 à 10 % du clinker), souvent présent sous la forme brownmillerite .
Une petite quantité de sulfate de calcium (environ 5 %) est ajoutée lors du broyage comme régulateur de prise.
Réaction d’hydratation de l’aluminate tricalcique C3A
L’hydratation du C3A, naturellement très réactif, est contrôlée par l’ajout de sulfate de calcium sous forme de gypse (CaSO4.2H2O), d’hémihydrate (CaSO4.½H2O) ou d’anhydrite (CaSO4). Cela permet de limiter l’hydratation initiale du C3A et donc de retarder la structuration de la pâte, appelée fausse prise. Son hydratation va principalement former de l’ettringite (trisulfoaluminate de calcium hydraté de notation cimentaire C6ACS̅3H32), du monosulfoaluminate de calcium hydraté (de notation cimentaire C3ACS̅H12) et des aluminates de calcium hydratés.
Réaction d’hydratation du C4AF
L’hydratation du C4AF est comparable à celle du C3A mais la vitesse de réaction est plus lente, la chaleur dégagée est plus faible et les hydrates formés contiennent du Fe2O3.
En présence de sulfates de calcium, les phases hydratées sont les suivantes :
● C3(A,F), 3CaSO4, H32 (équivalent à l’ettringite)
● C3(A,F), 3CaSO4, H12 (équivalent au monosulfoaluminate)
● C3(A,F), H6 (équivalent à l’aluminate de calcium hydraté) .
Structure et composition des hydrates
Portlandite
La Portlandite Ca(OH)2 ou CH en notation cimentière, aussi appelée hydroxyde de calcium, représente pour un ciment Portland ordinaire, 20 à 25 % du volume de la pâte hydratée. La dissolution de la portlandite est exothermique et, par conséquent, sa solubilité diminue avec la température (Taylor, 1997). L’équilibre de la solubilité peut s’écrire de la façon suivante :
??(??)2 ↔ ??²⁺ + 2??⁻
La solubilité de la portlandite dans l’eau est de l’ordre de 22 mmol.L-1 à 25°C, ce qui correspond à un pH de 12,6. La portlandite est la phase la plus soluble de la pâte de ciment hydratée. Par son équilibre de solubilité, elle maintient le pH élevé de la solution interstitielle (Bach, 2010).
Silicates de calcium hydratés C-S-H
Les C-S-H constituent la majeure partie de la phase liante du ciment, représentant environ 70 % du volume. Ils sont constitués de particules nanométriques agrégées les unes aux autres, présentant une structure lamellaire (Bach, 2010). Ce sont des phases nano cristallines, les analyses DRX révèlent une organisation autour de quelques dizaines d’Angströms, composés de silicates mal cristallisés mais non amorphes. La composition des C-S-H issus de l’hydratation des C3S et β-C2S sont des matériaux de composition variable, généralement définie par le rapport CaO/SiO2 (noté C/S) et H2O/SiO2 (noté H/S). L’existence de plusieurs C-S-H, de stœchiométrie, de structure ou de morphologie un peu différentes est postulée pour rendre compte des résultats expérimentaux (Damidot et al., 1995; Damidot & Nonat, 1994; Nonat & Damidot, 1994; Nonat & Lecoq, 1998; Taylor, 1986). Il est aujourd’hui admis que des éléments extérieurs peuvent être incorporés dans la structure des C-SH : en présence d’aluminium, des aluminosilicates de calcium hydratés C-A-S-H sont formés. L’incorporation de l’aluminium dans les C-S-H augmente avec la concentration en aluminium en solution (Copeland et al., 1967; L’Hôpital et al., 2015; Lothenbach & Nonat, 2015). De plus, les C-(A-)S-H peuvent sans doute être mélangés avec des Afm mal cristallisés.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I – Synthèse bibliographique
Introduction
1 La méthanisation
1.1 Introduction
1.2 Etat des lieux
1.3 Principe et étapes de la méthanisation (ou digestion anaérobie)
1.4 Gisements de matières utilisables en méthanisation
1.5 Le biogaz
1.6 Les installations de méthanisation
1.7 Digesteurs
1.8 Conditions optimales pour la digestion anaérobie
1.9 Composition chimique de la phase liquide des biodéchets
1.10 Inhibition du procédé de méthanisation
1.11 Conclusion
2 Les matériaux cimentaires
2.1 Constituants de la matrice cimentaire
2.2 Le ciment Portland (type CEM I)
2.3 Le ciment de haut fourneau – focus sur le CEM III/B
2.4 Le ciment d’aluminates de calcium (CAC) ou ciment alumineux
2.5 Les matériaux alcali-activés
2.6 Synthèse
3 Mécanismes de dégradation des matrices cimentaires par les agents agressifs du milieu liquide de la méthanisation
3.1 Introduction – Mécanismes de dégradation
3.2 Attaques des matrices cimentaires par les acides organiques
3.3 Attaques par le CO2 dissous
3.4 Attaques par l’ion ammonium
3.5 Attaques par le magnésium
3.6 Effet du phosphore
3.7 Attaque par les effluents agricoles complets
3.8 Biodétérioration de matrices cimentaires exposées à la phase liquide de la digestion anaérobie
3.9 Influence des microorganismes sur la détérioration des matériaux cimentaires
3.10 Conclusion
4 Performance des liants vis-à-vis des agents agressifs du milieu liquide de la méthanisation
4.1 Performance vis-à-vis de l’attaque par les acides organiques
4.2 Performance vis-à-vis de la carbonatation
4.3 Performance vis-à-vis des milieux agressifs biotiques
4.4 Conclusion
5 Contexte normatif
Conclusion
Chapitre II – Matériaux et méthodes
Introduction
1 Matériaux
1.1 Liste des liants utilisés et composition chimique
1.2 Formulation, fabrication et cure des matériaux
1.3 Caractéristiques mécaniques et physiques des matériaux
2 Exposition des matrices cimentaires au milieu de la digestion anaérobie en laboratoire
2.1 Matériaux
2.2 Déroulement des expériences
2.3 Suivi biochimique du processus de digestion
2.4 Caractérisation des modifications microstructurales, chimiques et minéralogiques des matériaux
2.5 Synthèse du protocole expérimental
2.6 Essais supplémentaires pour l’analyse de l’interaction MKAA – NH4+
3 Exposition des matrices cimentaires à des solutions synthétiques agressives
3.1 Expériences sur monolithes
3.2 Expériences sur poudre
Conclusion
Chapitre III – Caractérisation du processus de digestion anaérobie : influence des matériaux sur le milieu
Introduction
1 Matériaux et méthodes
1.1 Matériaux
1.2 Alimentation en substrat et inoculum
1.3 Echantillonnage et analyses de la phase liquide et de la phase gaz
2 Substrat fumier bovin
2.1 Echéances
2.2 Production et composition du biogaz, pH et composition en AGV
2.3 Composition de la phase liquide
2.4 Conclusion intermédiaire – fumier bovin
3 Substrat brisure de maïs
3.1 Echéances
3.2 Résultats
3.3 Discussion
4 Synthèse
Conclusion
Chapitre IV – Effet des biodéchets en digestion sur les matériaux : biodétérioration des matériaux cimentaires dans la phase liquide d’un méthaniseur
Introduction
1 Matériaux et méthodes
1.1 Matériaux
1.2 Dispositif expérimental
1.3 Conditions d’immersion des pâtes de ciment
1.4 Caractérisation de la pâte dégradée
2 Résumé des conditions (bio)chimiques agressives dans les biodéchets en digestion et contexte normatif
3 Résultats
3.1 Etats de surface et modifications microstructurales
3.2 Modifications chimiques et minéralogiques – Fumier bovin
3.3 Modifications chimiques et minéralogiques – Brisure de maïs
Conclusion générale