Le béton est le matériau manufacturé le plus consommé au monde. C’est un matériau composite complexe. Il est constitué d’un squelette granulaire inerte qui occupe entre 60% et 80% de son volume total et d’une matrice cimentaire. Le squelette granulaire est constitué d’un mélange de sable et de gravillon de taille millimétrique et centimétrique respectivement dans des proportions qui permettent d’optimiser l’empilement granulaire. La matrice est, elle, composée de ciment, d’eau, le plus souvent d’adjuvants et parfois de fibres. Elle est caractérisée essentiellement par le rapport de la masse d’eau sur la masse de ciment. Depuis quelques décennies, afin de diminuer le coûts et l’impact environnemental, une partie du ciment est remplacée par des additions minérales. Le béton peut contenir également des bulles d’air qui peuvent être entraînées naturellement lors du malaxage du béton [1] ou artificiellement avec un ajout d’adjuvants. Leurs diamètres varient généralement entre 10 μm et 1 mm [2]. Par ailleurs, en fonction des performances recherchées, les proportions de ces constituants peuvent largement varier. Ainsi, à ce jour, la famille des bétons est en constante évolution. Nous trouvons à titre d’exemple le béton lourd, le béton léger, le béton fibré et le béton auto-plaçant.
Cependant, les bétons, quelles que soient leur nature ou formulation, sont produits à partir de composants de densités très variées. Soumis à la gravité, ils sont ainsi instables par nature. Les interactions entre grains de ciment permettent cependant dans la majeure partie des cas de stabiliser les différents composants et d’assurer l’homogénéité finale du mélange. Cette stabilité est cependant obtenue au détriment de la fluidité du système [https://www.chatpfe.com/].
Les bétons de fondations profondes constituent une catégorie à part de bétons de haute technicité du fait de leurs propriétés spécifiques à l’état frais et de leur mise en œuvre sans vibration. Ces propriétés sont assez souvent assurées par l’ajout de polymère [4, 5, 6]. Ce dernier permet d’améliorer la fluidité et de faciliter la mise en œuvre en diminuant l’intensité des interactions entre grains de ciment. Cette modification est, toutefois et en contrepartie, à l’origine d’une augmentation du risque d’instabilité gravitaire du béton [3].
Constatations expérimentales et positionnement dans la littérature
Nous mettrons l’accent, dans cette partie, sur cinq constatations expérimentales majeures. Les deux premières sont issues d’une analyse de la cinétique du phénomène de ressuage. Les autres constatations sont issues des observations macroscopiques et microscopiques de l’échantillon testé.
Cinétique du ressuage
Afin d’étudier la cinétique du ressuage, trois échantillons de hauteurs différentes (16cm, 30cm et 40cm) ont été étudiés. La pâte testée est une pâte de rapport massique Eau/Ciment égal à 0,6 . L’essai réalisé, consiste à suivre la progression de l’épaisseur de la couche d’eau ressuée d’une pâte de ciment dans un cylindre transparent de diamètre 7,7cm. Le suivi est assuré à l’aide d’une technique d’acquisition et d’analyse d’image .
Première constatation: La présence de trois régimes
Nous notons, dans un premier temps, la présence de trois régimes. Ces régimes peuvent être présentés comme suit :
Régime 1 : Période d’induction
En dessous de 1000 secondes (environ 15 minutes), nous notons l’existence d’un régime de très faible épaisseur de couche d’eau ressuée. Nous remarquons également que la durée de cette période est toujours la même et ne dépend pas de la hauteur de l’échantillon testé. Par la suite, cette période sera appelée « période d’induction ».
Par ailleurs, il est important de préciser que cette période ne pourrait pas être capturée à une échelle de temps linéaire et que l’épaisseur d’eau ressuée dans cette période est celle qui existait déjà à la fin de la phase de remplissage du tube. Nous suggérons que cette épaisseur initiale est due essentiellement à une séparation de phases lors de l’écoulement nécessaire au remplissage et à la mise en place de l ‘échantillon [1].
Régime 2 : Période de vitesse d’extraction constante
Dans les 4000 premières secondes (environ une heure), nous notons une période de vitesse d’extraction d’eau constante. Nous remarquons que, comme pour la période d’induction, cette période ne dépend pas de la hauteur de l’échantillon testé. Le ressuage se produit de la même manière quelle que soit la hauteur initiale de l’échantillon. Par la suite, cette période sera appelée « période de vitesse d’extraction constante ». Une observation plus approfondie de la courbe nous a permis de souligner l’existence d’une période intermédiaire entre la période d’induction où la vitesse d’extraction est nulle et cette période où la vitesse d’extraction est constante. Cette période intermédiaire est une période d’accélération au cours de laquelle la vitesse augmente jusqu’à atteindre un régime constant. Nous notons qu’elle ne dépend pas non plus de la hauteur de l’échantillon testé.
Régime 3 : Période de consolidation
Sur des échelles de temps plus longues, la vitesse de ressuage décroît lentement jusqu’à s’annuler. Il est important de noter que pour le matériau testé ici, il reste encore deux heures avant le début de la prise. La prise du matériau n’est pas alors à l’origine de ce ralentissement. De plus, pendant ce régime l’épaisseur finale d’eau ressuée est proportionnelle à la hauteur initiale de l’échantillon. Par la suite, cette période sera appelée « période de consolidation ».
Les trois régimes dans la littérature
Approche théorique
En théorie, si nous considérons que nous sommes face à une consolidation homogène d’un milieu poreux déformable, en appliquant la loi de Darcy, la quantité d’eau extraite de l’échantillon après un temps t devrait être proportionnelle à Δρ g K t / μ0 où μ0 est la viscosité du fluide interstitiel, Δρ est la différence de densité entre les particules et le liquide et K est la perméabilité de la pâte fraîche.
En considérant cette relation, nous nous attendons à ce que la vitesse de ressuage soit constante au début de l’essai. Ensuite, sur des échelles de temps plus longues, cette vitesse devrait diminuer suite à la diminution de la perméabilité pendant le phénomène de consolidation [2]. Quand l’état final de cette consolidation est atteint, nous devrions mesurer une même fraction volumique solide finale de la pâte pour les différentes hauteurs testées. Nos résultats, détaillés plus haut, sont en parfaite cohérence avec ces prédictions et par conséquent avec la vue du ressuage comme étant un phénomène de consolidation homogène d’un milieu poreux déformable.
Résultats de la littérature
Il existe une importante littérature dédiée à l’étude de la physique de ressuage. La plupart des auteurs montrent que le ressuage est caractérisé essentiellement par une période de vitesse d’extraction constante puis cette vitesse décroît lentement jusqu’à s’annuler. Cette approche a été développée il y a longtemps dans les travaux de Powers [3] et résumée dans sa courbe typique de ressuage . Par la suite, d’autres auteurs [4,5,6,7] ont confirmé cette approche dans leurs travaux.
Par ailleurs, bien que ces auteurs soient tous d’accord sur le fait que le ressuage est représenté par deux régimes, leurs études expliquent différemment l’origine du deuxième régime de ralentissement.
Les travaux de Powers et Steinour [3,8] ont traité le ressuage comme étant un phénomène provoqué principalement par la sédimentation de particules isolées. Selon Tan et al. [9], le ressuage de la pâte de ciment d’un rapport E / C entre 0,32 et 0,63, est principalement provoqué par la consolidation des particules de ciment. Pour expliquer ses résultats, il s’est basé sur une analogie à la mécanique des sols et abordé le problème comme la réponse collective d’un assemblage de grains .
Plus tard en 1997, le même auteur a montré que le ressuage dans une pâte de ciment à base de ciment d’une surface spécifique d’environ 317 m2 / kg avec un rapport E/C de 0,51 résulte à la fois d’un phénomène de sédimentation et de consolidation, alors que pour un rapport E/C de 0,44 le ressuage résulte uniquement du phénomène de consolidation. Ceci rejoint en partie l’hypothèse de Powers et Steinour [3, 8] selon laquelle le ressuage trouve son origine dans une sédimentation des grains. Selon Yang et al. [10] la floculation est un autre processus qui pourrait influencer la sédimentation à l’origine du phénomène de ressuage. La formation de flocs de grains de ciment accélèreraient la sédimentation du système en augmentant le diamètre effectif des éléments sédimentant.
En revanche, les travaux de Josserand [2], ont considéré le ressuage comme étant un phénomène de consolidation plutôt qu’un phénomène de sédimentation. A ce stade, nous pouvons conclure que, malgré la diversité des explications de l’origine de la période d’extraction constante, les travaux de la littérature montrent que le ressuage est homogène et capturé essentiellement par deux régimes. Cependant, il semble nécessaire de rappeler que nos constatations, présentées plus haut, ont souligné l’existence aussi d’un premier régime de très faible vitesse d’extraction appelé « période d’induction ». Ce régime est connu des praticiens du béton qui connaissent l’existence d’une période durant laquelle le béton ne ressue pas.
|
Table des matières
Introduction générale
1 Chapitre 1: Constatations expérimentales sur une pâte de ciment
1.1 Constatations expérimentales et positionnement dans la littérature
1.1.1 Cinétique du ressuage
1.1.1.1 Première constatation: La présence de trois régimes
1.1.1.2 Les trois régimes dans la littérature
1.1.1.2.1 Approche théorique
1.1.1.2.2 Résultats de la littérature
1.1.1.3 Deuxième constatation: Paradoxe sur la perméabilité
1.1.2 Observation macroscopique et microscopique de l’échantillon
1.1.2.1 Troisième constatation : Hétérogénéité à la surface
1.1.2.2 Quatrième constatation : Hétérogénéité à l’intérieur de l’échantillon
1.1.2.2.1 Mesure par Micro-tomographie
1.1.2.2.2 Résultats expérimentaux
1.1.2.3 Cinquième constatation : Diversité de configurations des canaux
1.1.2.3.1 Effet de la mise en place de l’échantillon
1.1.2.3.2 Essais réalisés dans des conditions identiques
1.1.2.3.3 Effet du rapport E/C
1.1.2.4 Hétérogénéité dans la littérature
1.2 Approche retenue dans ce travail
1.2.1 Origine des défauts du système
1.2.2 Origine de la formation des canaux
1.2.3 Origine de la diversité de configurations des canaux à la surface
1.2.4 Origine du paradoxe de la perméabilité
1.3 Conclusions
1.4 Références
2 Chapitre 2: Ressuage de la pâte de ciment: Effet de paroi et de la mise en place de l’échantillon
2.1 Protocole de référence et répétabilité
2.1.1 Protocole de référence
2.1.1.1 Matériels utilisés
2.1.1.2 Protocole de préparation de la pâte de ciment
2.1.1.3 Protocole de mise en place
2.1.1.4 Procédure de mesure :Méthode d’acquisition d’image avec appareil photo
2.1.2 Pâte de référence
2.1.3 Répétabilité
2.2 Effet des paramètres non intrinsèques au matériau
2.2.1 Evolution d’une pâte de ciment
2.2.1.1 Hydratation du ciment
2.2.1.2 Conséquences physiques de la réaction d’hydratation sur l’évolution des matériaux cimentaires
2.2.1.3 L’eau dans une pâte de ciment : Rappel de la typologie de l’eau présente dans une pâte de ciment hydraté
2.2.2 Influence des paramètres de préparation
2.2.2.1 Conditions du stockage du ciment
2.2.2.2 Moment d’introduction de l’eau
2.2.2.3 Malaxage
2.2.3 Influence des paramètres de mise en place
2.2.3.1 Vibration
2.2.3.2 Instant de démarrage de l’essai
2.2.3.3 Température
2.2.4 Influence de la géométrie: effet de paroi
2.2.4.1 Fluide à seuil
2.2.4.2 Effet du diamètre
2.2.4.2.1 Approche théorique
2.2.4.2.2 Présence de trois régimes
2.2.4.2.3 Conséquences
2.2.4.2.4 Résultats expérimentaux
2.2.4.3 Effet de la hauteur
2.2.4.3.1 Constatations expérimentales
2.2.4.3.2 Interprétations et discussions
2.3 Conclusion
2.4 Références
3 Chapitre 3: Ressuage de la pâte de ciment: Effet de la formulation de la matrice cimentaire
3.1 Effet de E/C
3.2 Effet du type de ciment
3.3 Effet des additions minérales
3.4 Effet de la distribution de taille de particules
3.4.1 Granulométre laser
3.4.2 Résultats et interprétations
3.5 Effet de l’air occlus
3.5.1 Description des entraineurs d’air utilisés
3.5.2 Protocole de préparation de la pâte de ciment
3.5.3 Résultats et interprétations
3.5.3.1 Observation macroscopique de la surface de l’échantillon
3.5.3.2 Résultats expérimentaux
3.5.3.3 Analyses et interprétations
3.6 Effet de fibre
3.7 Conclusions
3.8 Références
Conclusion générale
Télécharger le rapport complet