L’irrigation par aspersion consiste à fragmenter un jet d’eau durant son parcours dans l’atmosphère. L’apport d’eau au niveau de la parcelle agricole est alors constitué des gouttes d’eau produites par le processus d’atomisation. Cependant, cette technique peut conduire à une forte hétérogénéité des apports au niveau du sol. De plus, une partie du volume d’eau est perdue et n’atteint pas la parcelle, d’une part à cause d’effets de dérive liés au vent et d’autre part à cause de l’évaporation. Ces pertes d’eau induisent une perte de productivité et peuvent avoir des impacts environnementaux importants et notamment conduire à une dégradation du sol, voire des plantes, et à une surexploitation de la ressource en eau. Dans le contexte socio économique actuel, il est primordial d’optimiser ces apports, ce qui passe par une meilleure caractérisation des processus d’atomisation. Les travaux présentés durant cette thèse visent à améliorer la compréhension et à contribuer à la modélisation des mécanismes d’atomisation intervenant dans ces jets d’irrigation.
Enjeux liés à l’irrigation
Consommation d’eau dans le monde
Au niveau mondial, la consommation moyenne en eau domestique est estimée à 40 litres d’eau par jour et par habitant. Ces valeurs sont en fait assez hétérogènes puisqu’en moyenne un malgache ne consomme que 10 litres d’eau pour une utilisation domestique, contre 600 litres pour un citoyen américain. Néanmoins, dans tous les cas, ces consommations sont moindres comparées à la quantité d’eau nécessaire à l’approvisionnement alimentaire : en effet, une personne a en moyenne besoin de 3000 litres d’eau par jour pour se nourrir (FAO 2003). La majeure partie de l’eau consommée dans le monde est ainsi dédiée à l’agriculture. L’irrigation permettant d’obtenir des rendements plus de deux fois supérieurs à ceux obtenus par l’agriculture pluviale, celle-ci s’est largement développée depuis les années 1960 pour accroître la productivité agricole (FIG. I.1.1). Aujourd’hui l’irrigation représente près de 70% des prélèvements en eau, 20% des terres agricoles sont irriguées et produisent près de 40% de l’approvisionnement alimentaire.
En France, l’irrigation représente environ 50% de la consommation en eau (FIG. I.1.2). En période estivale, cette consommation peut atteindre 80% dans certaines régions et éventuellement conduire à des restrictions entre les différents secteurs d’utilisation (agricoles, industriels et domestiques).
Évolution de la ressource en eau
Au rythme de l’accroissement de la population mondiale (8,5 milliards en 2025 selon l’ONU) et de l’évolution de la consommation, de nombreux spécialistes prévoient une forte augmentation de la demande en eau à l’horizon 2025. Or cette augmentation se situe dans un contexte de diminution de la ressource en eau, due notamment à une surexploitation des nappes phréatiques, à la pollution et à une mauvaise gestion des ressources. Les difficultés d’approvisionnement, mais aussi l’évolution du climat, risquent d’augmenter le stress hydrique dans de nombreuses régions. Selon l’ONU, la part de population mondiale vivant dans de telles zones augmentera de 35% d’ici 2025, soit d’environ 2,8 milliards de personnes, ce qui laisse présager l’apparition de conflits pour la ressource en eau.
Techniques d’irrigation
Une réponse à la diminution de la ressource en eau est de réduire la consommation d’eau par une meilleure gestion de la ressource et de meilleures pratiques dans son exploitation, mais également en adoptant des techniques plus performantes quant à l’utilisation de la ressource. En ce qui concerne l’irrigation, ceci passera par une meilleure maîtrise des usages, l’amélioration de la performance des matériels d’irrigation et la recherche de ressources alternatives, telle que la réutilisation des eaux usées. Les systèmes d’irrigation peuvent être classés en deux grandes catégories : l’irrigation gravitaire et l’irrigation sous pression, qui regroupe l’irrigation par aspersion et l’irrigation en goutte à goutte (FIG. I.1.3). Si dans le monde l’irrigation gravitaire est la plus répandue (environ 80%), en Europe et dans les pays développés ou émergents c’est l’irrigation par aspersion qui est majoritaire. En France, l’irrigation par aspersion est pratiquée sur environ 90% des surfaces irriguées (FIG. I.1.3), contre 20% au niveau mondial.
Irrigation gravitaire
Cette technique d’irrigation est la plus ancienne. Elle consiste à utiliser un réseau de canaux à ciel ouvert et légèrement en pentes (FIG. I.1.4). L’eau est alors distribuée par gravité à de nombreuses rigoles d’arrosage à partir desquelles l’eau s’infiltre. L’eau en excédent est éventuellement évacuée par un réseau de fossés collecteurs en bas de parcelles. Ce système possède l’avantage d’être rudimentaire et d’être très économe en énergie. Cependant, il est très consommateur en eau : l’eau s’infiltre très rapidement dans le sol et les pertes par percolation sont importantes. L’efficience maximale atteinte avec ce système est de l’ordre de 60%.
Irrigation en goutte à goutte
Ce système, également appelé micro-irrigation ou encore irrigation localisée, consiste à apporter directement sous chaque plant un apport d’eau régulier et en faible quantité, en goutte à goutte (FIG. I.1.5). Ce système, très précis, est le système d’irrigation le plus performant, avec des pertes en eau quasiment nulles. De plus, ce système permet de doser parfaitement la quantité d’eau apportée aux racines. Cependant ces installations, souvent coûteuses, sont plutôt utilisées sur des cultures maraîchères et sont assez peu adaptées aux cultures céréalières. Enfin, l’inconvénient majeur de ce mode est le colmatage des goutteurs, qui annihile tous les avantages cités précédemment.
Irrigation par aspersion
L’eau est amenée sous pression jusqu’à des asperseurs rotatifs, qui permettent de répandre l’eau au niveau de la parcelle (FIG. I.1.6). Différentes configurations existent afin d’apporter une bonne couverture de la parcelle à irriguer, parmi les plus répandues on peut citer les systèmes d’enrouleurs, de rampes frontales ou pivotantes et enfin de couverture intégrale. Dans la plupart des cas, l’eau se trouve sous la forme d’un jet plus ou moins dense en sortie de buse. Le jet d’eau se fragmente alors au fur et à mesure de son évolution dans l’atmosphère. Au niveau du sol, le jet doit être atomisé et l’eau atteindre le sol sous forme de gouttes. Ce type d’irrigation est celui se rapprochant le plus de l’irrigation pluviale et permet d’obtenir une efficience bien supérieure à celle de l’irrigation gravitaire (de 85% à 100%).
Optimisation de l’irrigation par aspersion
Uniformité de l’apport d’eau
Contrairement à la pluie naturelle, l’apport d’eau obtenu par aspersion n’est pas toujours homogène au niveau de la parcelle. Les irrigants appliquent souvent un excédent d’eau afin de garantir un apport minimum sur l’ensemble de la zone à irriguer. Cet excédent représente une nette perte d’eau et peut contribuer à l’appauvrissement du sol et à la pollution des eaux de surface par ruissellement (nitrates, phosphores, pesticides), et des nappes par percolation sous la zone racinaire (sels solubles, nitrates, produits phytosanitaires).
Pertes par dérive et évaporation
Pour les systèmes d’irrigation par aspersion, les pertes par dérive et évaporation représentent la majeure partie des pertes en eau [100]. Les pertes par dérive concernent les plus petites gouttes du spray, qui peuvent sous l’action du vent être amenées en dehors de la zone d’application. Le vent peut également diminuer la portée de l’asperseur et augmenter l’hétérogénéité de l’application. Dans la pratique, afin de limiter les pertes par dérive, il est déconseillé d’irriguer par aspersion pour des vitesses de vent supérieure à 4m/s.
Réutilisation des eaux usées
Afin d’économiser la ressource en eau, de nombreux pays optent pour la réutilisation des eaux usées traitées (REUT) pour l’irrigation des cultures et l’arrosage des espaces verts. Ces eaux sont chargées en sels minéraux, et éventuellement en pathogènes ou en polluants. La maîtrise de leur distribution (dans l’espace et dans le temps) est donc le facteur primordial à maîtriser pour avoir un système de production durable.
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Table des matières
Introduction
I Contexte
1 Présentation générale
1.1 Enjeux liés à l’irrigation
1.2 Optimisation de l’irrigation par aspersion
2 Etat de l’art
2.1 Physique des sprays
2.2 Distributions granulométriques
II Etude expérimentale
1 Dispositif expérimental
1.1 Asperseur
1.2 Technique de visualisation
1.3 Campagnes de mesure
1.4 Description du jet
2 Calibration du système d’imagerie
2.1 Calibration du système d’imagerie
2.2 Corrections statistiques
2.3 Détection des gouttes et estimation des tailles dans le spray
2.4 Validation de la méthode
3 Technique de détection et de mesure
3.1 Masking
3.2 Détection des gouttes présentes dans l’image
3.3 Analyse locale des gouttes référencées
III Modélisation de l’atomisation du jet liquide
1 Présentation du modèle
1.1 Introduction
1.2 Equations instantanées
1.3 Equations moyennées
1.4 Modélisation de la turbulence
1.5 Modélisation de la taille des gouttes
2 Densité volumique d’interface liquide/gaz
2.1 Modèle de Vallet et al. (1997)
2.2 Modèle proposé par Beau (2006) et Lebas (2007)
2.3 Equation de transport de la variable R
3 Fermeture des flux turbulents des fluctuations de fraction massique
3.1 Fermeture au premier ordre
3.2 Fermeture au deuxième ordre
3.3 Conclusion
4 Résolution numérique
4.1 ANSYS Fluent
4.2 GENMIX
4.3 Modification du code de calcul
4.4 Maillage
4.5 Conditions de calcul
Conclusion