L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a défini en 2010 les régimes alimentaires durables comme « des régimes alimentaires ayant de faibles conséquences sur l’environnement, qui contribuent à la sécurité alimentaire et nutritionnelle ainsi qu’à une vie saine pour les générations présentes et futures. Les régimes alimentaires durables contribuent à protéger et à respecter la biodiversité et les écosystèmes, sont culturellement acceptables, économiquement équitables et accessibles, abordables, nutritionnellement sûrs et sains, et permettent d’optimiser les ressources naturelles et humaines » (Burlingame et Dernini 2012). De même, le groupe d’experts de haut niveau sur la sécurité alimentaire et la nutrition (HLPE) a défini en 2016 un système alimentaire durable comme étant « un système alimentaire qui garantit à chacun la sécurité alimentaire et la nutrition sans compromettre les bases économiques, sociales et environnementales nécessaires à la sécurité alimentaire et à la nutrition des générations futures » (HLPE 2018). Le HLPE définit un cadre conceptuel pour décrire les composantes d’un système alimentaire, en ajoutant, par rapports à des rapports antérieurs, trois dimensions majeures : l’environnement alimentaire (pour que les consommateurs puissent faire des choix amenant à une bonne adéquation nutritionnelle et une durabilité de l’alimentation), les régimes alimentaires (liens entre les systèmes alimentaires et la nutrition-santé), et les impacts de l’agriculture et des systèmes alimentaires sur le développement durable (économique, social, environnemental). Cinq catégories de facteurs déterminent l’évolution des systèmes alimentaires : les facteurs biophysiques et environnementaux, les facteurs liés à l’innovation, les technologies et l’infrastructure, les facteurs politiques et économiques, les facteurs socioculturels et les facteurs démographiques. Enfin, le HLPE identifie trois composantes des systèmes alimentaires : les chaînes d’approvisionnement alimentaire, les environnements alimentaires et le comportement des consommateurs. L’interaction entre les facteurs d’évolution et ces trois composantes détermine les résultats en termes de répercussions sur la santé et la nutrition, et d’impacts sociaux, économiques et environnementaux .
Les régimes alimentaires sont variés dans le monde. Dans ce même rapport, le HLPE fait un bilan des consommations alimentaires par région et de leur évolution. En 2013, la consommation de fruits était plus forte dans les pays à revenus élevés que dans les pays à faibles revenus, au contraire des légumes. Les produits laitiers étaient fortement consommés en Amérique du Nord et en Europe et les produits de la mer en Asie du Sud-Est. La consommation de viande rouge était similaire en Asie de l’Est, Amérique latine, Amérique du Nord et Europe et la viande transformée était fortement consommée essentiellement en Amérique latine, Amérique du Nord et Europe. Entre 1990 et 2013, la consommation de fruits et noix a augmenté dans la plupart des pays et la consommation de céréales complètes et produits de la mer a augmenté surtout en Asie du Sud-Est. La consommation de viande rouge non transformée a diminué ou stagné dans la plupart des régions, à part en Asie du Sud Est (+40%) et la consommation de viande transformée a augmenté dans toutes les régions.
Consommation de sources de protéines dans les pays occidentaux
Contributeurs alimentaires et profils de consommation protéique
Contribution des groupes alimentaires aux apports protéiques Au sein de la cohorte EPIC (Enquête prospective européenne sur le cancer et la nutrition, 1995- 2000, n = 36 034), les apports protéiques étaient entre 55 et 73% d’origine animale et entre 24 et 39% d’origine végétale (en excluant le groupe d’individus qualifiés de « soucieux de leurs santé » uniquement au Royaume-Uni) (Halkjaer et al. 2009). Au sein de protéines animales, les contributeurs les plus importants étaient la viande (de 38,1% pour les femmes en Grèce à 62,2% pour les hommes aux Pays-Bas) et particulièrement la viande rouge (entre 14,4% pour les femmes à Murcie et 38,5% pour les femmes à Raguse). Le porc contribuait de façon importante à l’apport en protéines animales en Allemagne (entre 25 et 30% pour les hommes et 18 et 21% pour les femmes), plus que dans les autres pays. Les produits laitiers contribuaient à l’apport protéique animal de 12,4 % à San Sebastian (hommes) à 41,6% à Utrecht (femmes). Enfin, le poisson était un important contributeur aux protéines animales en Grèce et en Espagne (entre 19,4 et 24,3%). En ce qui concerne les protéines végétales, le principal contributeur était les céréales (entre 42 et 69% pour les hommes et entre 35% et 61% pour les femmes). Les légumes contribuaient aux apports protéiques végétaux de 5% à 24%, les légumineuses de 0,1% à 15,6% et les fruits de 3,8% à 15,6 %, selon un gradient géographique croissant nord-sud pour ces trois groupes.
Aux Etats-Unis, dans l’enquête représentative NHANES (Enquête nationale sur la santé et la nutrition, 2007-2010, n = 10 977), les protéines animales contribuaient à 64% des apports totaux, les protéines végétales à 30% et 8% des apports protéiques n’étaient pas classés (Pasiakos et al. 2015). Les principaux contributeurs animaux étaient le poulet (7,2%), le bœuf (6,2%), le lait (5,5%), le fromage (4,3%), la charcuterie (3,6%), les plats composés de viande (3,9%), les œufs et omelettes (3,3%) et le poisson (2,5%). Les principaux contributeurs végétaux étaient les pains et viennoiseries (5,6%), les plats à base de pâtes (2,4%), les noix et graines (2,0%) et les légumineuses (1,3%). Une autre étude états-unienne a montré dans la population de l’étude clinique PREMIER (1999-2002, n = 809) que les protéines animales contribuaient à environ 66% des apports protéiques (contre 34% pour les protéines végétales) (Lin et al. 2010). Les principaux contributeurs animaux dans le groupe contrôle étaient le poulet (17,2% des protéines totales), les produits laitiers (15,7%) et le bœuf (10,8%) et les principaux contributeurs végétaux étaient les céréales raffinées (14,7%), les légumes (6,0%) et les céréales complètes (4,3%).
Profils de consommateurs protéiques
Les profils de consommateurs protéiques les plus décrits sont liés aux régimes d’exclusions de certaines sources protéiques : les végétariens et végétaliens. Dans un ouvrage de référence, Dagnelie et Mariotti ont considéré les végétariens comme « toutes les catégories de régimes végétariens et de végétariens sans distinction, c’est-à-dire tous les régimes excluant la viande et le poisson, indépendamment du fait que d’autres produits animaux tels que les produits laitiers et/ou les œufs soient également exclus » (Dagnelie et Mariotti 2017). Ils définissent les différentes formes d’alimentation à dominante végétale (comme le pesco-végétarisme, qui procède de l’exclusion de la viande mais pas du poisson) et de végétarisme : l’ovo-lacto végétarisme (régime excluant la viande, le poisson et les fruits de mer, mais pas les produits laitiers ni les œufs), avec ses variantes (ovo-végétarisme et lactovégétarisme), et le végétalisme/véganisme, qui exclue tous les produits d’origine animale .
Enfin, les semi-végétariens ou flexitariens suivent de manière prédominante un régime végétarien (parmi ceux cités ci-dessus), mais consomment de manière occasionnelle des produits animaux (le plus souvent de la viande ou du poisson). On retrouve cette classification dans la littérature. Par exemple, au sein de la cohorte Adventiste (2002-2007, n = 71 751), cinq profils de consommateurs protéiques ont été identifiés : les non-végétariens, les semi-végétariens, les pesco-végétariens, les lacto-ovo-végétariens et les végétariens stricts (Rizzo et al. 2013).
Au-delà de ces profils, identifiés à partir de l’exclusion de groupes alimentaires, et qui représentent une part minoritaire de la population, d’autres profils ont été identifiés à partir de données de consommation de population générale par des analyses statistiques de régimes a posteriori (Analyse en composantes principales (ACP) ou analyse factorielle (AF)), éventuellement suivies de classifications d’individus aux régimes similaires (par classification ascendante hiérarchique (CAH) ou « k-means »). Newby et Tucker et Wirfält et al. ont effectué deux revues de la littérature en 2004 et 2013, respectivement, sur les études identifiant des profils de consommation, en lien avec la santé (Newby et Tucker 2004; Wirfält et al. 2013). Une première conclusion est la diversité des profils identifiés en fonction de la zone géographique concernée et de facteurs socio-économiques. Un type de régimes se retrouve sous différents noms (méditerranéen, prudent, sain ou nordique) dans majorité des études et est caractérisé par une consommation élevée de légumes, fruits, noix, céréales complètes, poisson, produits laitiers allégés et huiles végétales. De même, un type de régime « occidental » est caractérisé dans la plupart des études par une consommation élevée de viande rouge et transformée, plats type «fast-food », céréales raffinées, confiseries, bonbons, boissons sucrées et aliments ultra-transformés. Des régimes « traditionnels » sont aussi identifiés dans de nombreuses études et dépendent des régimes « historiques » des pays observés (Jannasch et al. 2018; Newby et Tucker 2004; Tucker 2010). Un profil caractérisé par une consommation élevée de desserts ou sucreries a également été observé dans 15 populations distinctes (Newby et Tucker 2004).
Evolution contemporaine de la consommation de sources de protéines
Après une augmentation progressive à la suite de la deuxième guerre mondiale, la consommation de produits d’origine animale, en particulier de viande, a diminué depuis le début des années 2000 en France et dans les pays occidentaux (FAO 2018; FranceAgriMer 2015).
Les types de viandes consommés évoluent également au cours du temps : on assiste à une diminution de la consommation de viande ovine, bovine et porcine et une augmentation de la consommation de viande de volailles au sein de l’UE à 15 pays . On observe également une évolution des produits consommés, au-delà de l’origine de la viande, entre 2003 et 2013 : la part de viande de boucherie a diminué de 45% à 39%, alors que la part de charcuterie a augmenté de 27% à 32% (FranceAgriMer 2015). Le Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de Vie (CREDOC) a évalué dans ses enquêtes Comportements et consommations alimentaires (qui ont lieu tous les trois ans) que la quantité de produits carnés consommée avait diminué entre 2007 et 2016 de 153 à 135 g/j en France. Les baisses les plus importantes concernaient les viandes de boucherie (de 58 à 46 g/j) et la charcuterie (de 35 à 29 g/j) (Tavoularis et Sauvage 2018).
D’après le CREDOC, des différences sont observées en fonction de caractéristiques sociodémographiques : si la quantité de viande consommée diminue dans toutes les catégories socioprofessionnelles, la diminution la plus importante de consommation de produits carnés a été observée chez les ouvriers (de 178 à 151 g/j, soit -15%) et les cadres (de 140 à 113 g/j, soit -19%). Les évolutions récentes se manifestent également par une modification du mode de consommation de la viande : en 2016, les 18-24 étaient les plus gros consommateurs de viande, et particulièrement d’ingrédients carnés au sein de plats préparés et fast-food (25% de la quantité de produits carnés, contre 13% pour les 55-64 ans).
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Table des matières
Liste des figures
Liste des tableaux
Abréviations
Valorisation scientifique
Introduction générale
Chapitre 1- Introduction bibliographique
1. Consommation de sources de protéines dans les pays occidentaux
1.1. Contributeurs alimentaires et profils de consommation protéique
1.2. Evolution contemporaine de la consommation de sources de protéines
1.3. Motivations, freins et leviers à la modification de la consommation de sources de
protéines
Conclusion partielle
2. Consommation de sources de protéines et impacts sur les paramètres de durabilité
2.1. Sources de protéines, sécurité nutritionnelle et sanitaire
2.2. Sources de protéines et maladies chroniques
2.3. Sources de protéines et impacts sur l’environnement
Conclusion partielle
3. Les sources de protéines dans les régimes durables
3.1. La durabilité dans les régimes observés
3.2. La modélisation de régimes améliorant ou optimisant la durabilité
3.3. L’acceptabilité dans la modélisation de régimes durables
Conclusion partielle
Conclusion générale
Chapitre 2 – Travaux de thèse
1. Justification des travaux
1.1. Etat des lieux des profils de consommation de sources de protéines et adéquation nutritionnelle en France
1.2. Trajectoires de réarrangements de la consommation de sources de protéines visant à améliorer l’adéquation nutritionnelle
1.3. Impacts des trajectoires modélisées sur les paramètres de durabilité
2. Travaux personnels
2.1. Travail personnel n°1 : L’adéquation des apports en protéines est avant tout une question de quantité de protéines et non de qualité : modélisation d’une augmentation du rapport protéines végétales/ protéines animales chez les adultes français
2.2. Travail personnel n°2 : Les profils de consommation protéique sont associés à
l’adéquation nutritionnelle dans la population générale adulte française
2.3. Travail personnel n°3 : Les attitudes et croyances vis-à-vis des sources de protéines sont un bon prédicteur du degré de transition vers un régime pauvre en viande en France
2.4. Travail personnel n°4 : Le régime alimentaire initial devrait être pris en compte lorsqu’on modifie les tailles des portions des aliments sources de protéines pour augmenter l’adéquation nutritionnelle chez les adultes français
2.5. Travail personnel n°5 : La propension à modifier les tailles de portion ou à introduire de nouveaux aliments dépend largement du profil de consommation protéique
2.6. Travail personnel n°6 : La modélisation de modifications graduelles de la consommation de sources de protéines pour améliorer l’adéquation nutritionnelle mène à une meilleure durabilité lorsqu’on cible systématiquement les protéines végétales.
2.7. Travail personnel n°6bis : Les variations de consommation modélisées suivent-elles les tendances récentes, et quel impact auraient-elles sur la production agricole française à l’horizon 2027 ?
Chapitre 3 – Discussion
1. Discussion générale
2. Conclusion
3. Perspectives
Références
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