Depuis de trรจs longues dates, les hommes ne cessent de sโillustrer par la consommation abusive et sans raison mรฉdicale de substances psychotropes. Aujourdโhui, le monde moderne fait face ร de multiples problรจmes sociosanitaires liรฉs ร cette attitude. Le phรฉnomรจne est si inquiรฉtant que la communautรฉ internationale est obligรฉe de sโorganiser pour y faire face. Cโest dans cette perspective que sโinscrivent les actions menรฉes par lโOffice des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC) et lโOrgane International de Contrรดle des Stupรฉfiants (OICS). En dehors de ces deux entitรฉs, dโautres organismes sโy activent รฉgalement. Ainsi, selon le rapport mondial sur les drogues, publiรฉ par lโONUDC, 250 millions de personnes dont lโรขge varie entre 15 et 64 ans auraient consommรฉs au moins une drogue en 2014. Parmi elles, 29 millions souffriraient de troubles liรฉs ร lโusage de la drogue (ONUDC, 2016). Lโรขge de la consommation relativement bas dans ce rapport est assez inquiรฉtant, et lโampleur du problรจme devient plus รฉvidente lorsque lโon tient compte du fait que plus dโun usager de drogue sur dix est un usager problรฉmatique souffrant de toxicomanie, autrement dit, quelques 27 millions de personnes, soit lโรฉquivalent de la population entiรจre dโun pays de la taille de la Malaisie (ONUDC, 2015). Par ailleurs, les tendances mondiales 2006-2014 publiรฉes dans le rapport de 2016 montrent une nette stabilitรฉ de la prรฉvalence de lโusage problรฉmatique de la drogue ร 0,6% (ONUDC, 2016).
Sโagissant de lโAfrique, selon le rapport annuel de lโOrganisation Internationale de Contrรดle des Stupรฉfiants (OICS) de lโannรฉe 2016, le continent noir demeure lโune des principales zones de transit du trafic de drogues ร lโรฉchelle mondiale. Aujourdโhui, en plus dโรชtre un continent de transit, lโAfrique est considรฉrรฉe comme un continent de production et de consommation de stupรฉfiants (WACD, 2013 ; ISS, 2014 et OICS, 2016).
REVUES BIBLIOGRAPHIQUES
Dรฉfinitions
Addiction
Lโaddiction, est un anglicisme employรฉ pour dรฉsigner la dรฉpendance psychique et parfois physique ร une drogue mais รฉgalement ร un comportement, une situation ou une relation affective (Dictionnaire mรฉdical, 2007). Il sโagit donc dโune vision plus large de la toxicomanie, qui va au-delร des produits psychoactifs pour intรฉgrer les comportements, les situations et les relations affectives.
Dans ce prรฉsent travail, lโaddiction sera traitรฉe sous le volet de la toxicomanie. Cette derniรจre รฉtant une thรฉmatique autour de laquelle gravite un certain nombre de concepts dont la comprรฉhension facilitera certainement ce travail.
Toxicomanie
Dโaprรจs Chami (1987), la toxicomanie est un terme difficile ร dรฉfinir, si bien que lโOMS (organisation mondiale de la santรฉ) a dรป proposer plusieurs dรฉfinitions :
โข Tout dโabord, en 1957, elle met en รฉvidence la notion dโaccoutumance qui est un รฉtat rรฉsultant de la consommation rรฉpรฉtรฉe de drogue ;
โข Puis, en 1965, elle fait remplacer les anciens termes dโaccoutumance et de toxicomanie par la notion de dรฉpendance ;
โข Enfin, en 1969, elle lui prรฉfรจre la notion de pharmacodรฉpendance, quโelle dรฉfinit ainsi : ยซ รฉtat psychique et quelquefois physique rรฉsultant de lโinteraction entre un organisme vivant et un mรฉdicament, se caractรฉrisant par une modification du comportement et par des rรฉactions qui comprennent toujours une pulsion ร prendre le mรฉdicament de faรงon continue ou pรฉriodique, afin de retrouver ses effets psychiques et quelquefois dโรฉviter le malaise qui accompagne la privation. Cet รฉtat peut sโaccompagner ou non de tolรฉrance. Un mรชme individu peut รชtre dรฉpendant ร lโรฉgard de plusieurs mรฉdicaments ยป.
Bien quโil existe plusieurs dรฉfinitions de la toxicomanie, celle qui sert de rรฉfรฉrence ร lโensemble des interventions, quโelles soient juridiques, mรฉdicales ou sociales, est celle de 1969 (Chami, 1987). Dans cette dรฉfinition, il convient de noter que le terme mรฉdicament utilisรฉ renvoie ร la substance toxicomanogรจne ou ร la drogue dont le toxicomane fait usage. En effet, autrefois, le terme drogue dรฉsignait la matiรจre premiรจre devant entrer dans la composition du mรฉdicament. Raison pour laquelle les deux termes pouvaient รชtre indiffรฉremment utilisรฉs dans certaines situations. Par ailleurs, cette dรฉfinition met en รฉvidence quatre รฉlรฉments essentiels ร la comprรฉhension de la toxicomanie ou pharmacodรฉpendance :
โข La notion de tolรฉrance
โข La notion dรฉpendance
โข La notion de sevrage
โข La notion de polyconsommation
Tolรฉrance
La tolรฉrance est lโadaptation de lโorganisme ร un produit et la nรฉcessitรฉ pour la personne consommatrice dโaugmenter les doses pour retrouver le mรชme effet (Chami, 1987).
Syndrome de dรฉpendance
Il est dรฉfini par lโOMS dans sa dixiรจme รฉdition de la classification internationale des maladies, comme รฉtant lโensemble des phรฉnomรจnes comportementaux, cognitifs et physiologiques dans lesquels lโutilisation dโune substance psychoactive spรฉcifique ou dโune catรฉgorie de substances entraine un dรฉsinvestissement progressif des autres activitรฉs. Le trait distinctif essentiel du syndrome de dรฉpendance consiste en un dรฉsir obsessionnel de boire de lโalcool, de fumer du tabac ou de consommer toute autre substance psychoactive (y compris un mรฉdicament prescrit). Aprรจs une pรฉriode dโabstinence, le syndrome peut se rรฉinstaller beaucoup plus rapidement quโinitialement (www.who.int, consultรฉ le 03/01/2018) Par ailleurs, Ndiaye, en citant Segura, dรฉfinit le terme dรฉpendance comme lโimpossibilitรฉ pour une personne de sโabstenir de consommer un produit avec comme caractรฉristique fondamentale, le dรฉsir sans relรขche de se procurer le produit en cause (Ndiaye, 2016).
Elle comprend deux volets : psychique et physique
โข Dรฉpendance physique : la suppression de la consommation du produit sโaccompagne dโun syndrome de sevrage ou รฉtat de manque qui peut รชtre exclusivement subjectif : craving (ou besoin intense du produit), asthรฉnie, anxiรฉtรฉ, etc., ou entrainer des troubles somatiques parfois graves, delirium, convulsion etc. (Dally, 2000)
โข Dรฉpendance psychique : cโest le besoin du produit consommรฉ en dรฉpit de la volontรฉ de sโen abstenir et malgrรฉ les consรฉquences nรฉfastes qui en rรฉsultent (Dally, 2000) .
Cette notion est assimilable ร lโaccoutumance mis en รฉvidence par lโOMS et dรฉcrite par Chami (1987) dans son livre intitulรฉ toxicomanies et interventions sociales.
Syndrome de sevrage ou รฉtat de manque
En dehors du dรฉsordre profond rรฉsultant de lโinteraction entre le produit lui-mรชme et le systรจme nerveux central (SNC), fait place la souffrance consรฉcutive ร lโarrรชt brutal de la consommation de drogue chez le sujet dรฉpendant. Cet รฉtat dโabstinence est appelรฉ ยซ le manque ยป ou syndrome de sevrage (Chami, 1987).
Polyconsommation
Les polyconsommations peuvent designer diffรฉrentes situations :
โข Un usage rรฉgulier et rรฉpรฉtรฉ dans le temps, avec une certaine frรฉquence, dโau moins deux substances psychoactives : par exemples, fumer des cigarettes et boire de lโalcool rรฉguliรจrement, voire tous les jours, pendant plusieurs annรฉes
โข Un usage concomitant dโau moins deux substances psychoactives : par exemples, consommer au cours dโune mรชme soirรฉe du cannabis et de lโalcool.
Ce type dโusage vient en rรฉponse ร une volontรฉ dโaugmenter ou dโรฉquilibrer les effets individuels de chaque produit (MILDECA, 2014).
Drogue
Ce terme est trรจs ambigu et prรชte ร beaucoup de choses. En effet, selon la dรฉfinition scientifique ou pharmacologique, une drogue est ยซ une substance qui, par sa nature chimique, agit sur la structure ou le fonctionnement de lโorganisme vivant ยป (Nowlis, 1975). On voit aisรฉment quโune telle dรฉfinition embrasse pratiquement tout ce que lโhomme sโadministre ou se fait administrer y compris les mรฉdicaments, les aliments ou bien mรชme les substances toxiques. Cependant, dans le langage courant, ce terme ne renvoie pas ร cette dรฉfinition ; ร cet effet, il dรฉsigne le stupรฉfiant, la substance illicite ou toxicomanogรจne utilisรฉ pour modifier son รฉtat psychologique et quelquefois physique. Ainsi on comprend bien cette dรฉfinition de Chami (1987) : ยซ la drogue est, en effet, une substance naturelle ou chimique, qui a des propriรฉtรฉs spรฉcifiques, en particulier celle dโagir sur le systรจme nerveux central et de transformer les รฉtats de conscience, lโhumeur, les perceptions, les comportements humainsโฆ ยป. Cette dรฉfinition vient rejoindre celle de Nguerenam (2012) selon qui, le terme dรฉsigne gรฉnรฉralement dโaprรจs lโOMS, des produits modificateurs psychiques utilisรฉes illicitement ou hors prescription mรฉdicale dans un but rรฉcrรฉatif, dโรฉvitement de la douleur physique ou psychologique ou dโoptimisation de performances physiques et intellectuelles. Aujourdโhui, la notion de drogue psychotrope lui est prรฉfรฉrรฉe pour montrer le caractรจre psycho-modificateur et dรฉgager toute ambigรผitรฉ. Le psychotrope รฉtant selon Bลuf-Cazou (2009) en citant Delay et Deniker, une substance chimique dโorigine naturelle ou artificielle ayant un tropisme psychologique, cโest-ร -dire susceptible de modifier lโactivitรฉ psychique. Ainsi, les termes, drogue, substance psychoactive, psychotrope ou produit addictif seront indiffรฉremment utilisรฉs tout au long de ce travail. Par ailleurs selon Nowlis (1975), en ce qui concerne lโutilisation licite ou illicite, mรฉdicale ou non, dโune drogue quelconque, on peut retenir lโintervention de trois รฉlรฉments essentiels :
โข La drogue elle-mรชme
โข Lโindividu utilisateur
โข Le contexte socioculturel dans lequel lโutilisation de la drogue en question se dรฉroule. Dans ce qui suit, nous ferons un focus sur ces trois รฉlรฉments.
Les drogues psychotropes
Classification
Il existe plusieurs classifications des drogues, principalement en fonction de leurs potentiels de nuisance ou de leurs effets.
Classification selon le danger
Classification du rapport Pelletier
En 1978, Pelletier, dans son rapport de mission dโรฉtudes sur les problรจmes de la drogue, reprend la classification de lโOMS et lโapplique ร lโensemble des psychotropes juridiquement rรจglementรฉs. Il distingue ainsi les trois (3) classes suivantes :
โข Les dรฉpresseurs du SNC tels que lโalcool, lโhรฉroรฏne et la morphine
โข Les stimulants du SNC parmi lesquels on retrouve le cafรฉ et la nicotine
โข Et enfin, les perturbateurs du SNC tels que le chanvre indien, lโรฉther et la mescaline (Ndiaye, 2016).
Classifications juridiques
Du point de vue juridique, les lois nโรฉtant pas les mรชmes dans les pays, les classifications aussi seront diffรฉrentes. Ainsi, on peut voir que si la consommation de certaines substances est strictement interdite dans certains pays, elle peut รชtre autorisรฉe sous rรฉglementation stricte dans dโautres. Mais dโune maniรจre gรฉnรฉrale, cette classification distingue deux types de drogues :
โข Les drogues dites licites dรฉsignant les psychotropes dont la vente et la consommation sont autorisรฉes par la loi dโun pays. Par exemple le cafรฉ et le tabac sont en vente libre au Sรฉnรฉgal
โข Les drogues dites illicites dรฉsignant les psychotropes dont la vente et la consommation sont interdites par la loi dโun pays (Ndiaye, 2016).
|
Table des matiรจres
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUES BIBLIOGRAPHIQUES
I. Dรฉfinitions
I.1 Toxicomanie
I.1.1 Tolรฉrance
I.1.2 Syndrome de dรฉpendance
I.1.3 Syndrome de sevrage ou รฉtat de manque
I.1.4 Polyconsommation
I.2 Drogue
II. Les drogues psychotropes
II.1 Classification
II.1.1 Classification selon le danger
II.1.1.1 Classification du rapport Pelletier
II.1.1.2 Classifications juridiques
II.1.2 Classifications selon les effets
II.1.2.1 Classification selon Lewin
II.1.2.2- classification selon Delay et Deniker
II.2- Usages de psychotropes et troubles associรฉs
II.3- Mรฉcanisme dโaction des psychotropes
II.3.1- Circuit de la rรฉcompense
II.3.1.1- Anatomophysiologie
II.3.1.2- Action des drogues sur le circuit de la rรฉcompense
II.3.2 Quelques mรฉcanismes dโaction spรฉcifiques
II.3.2.1 Les psychostimulants (amphรฉtamine, cocaรฏneโฆ)
II.3.2.2- Le cannabis et la nicotine
II.3.2.3- Les entactogรจnes (MDMA, MDA, MBDB, 4-MTA, etc.)
II.3.2.4- Les opiacรฉs (hรฉroรฏne, morphine, codรฉine, etc.)
II.3.2.5- Lโalcool
III. Adolescence et consommation de psychotrope
III.1 Dรฉfinition
III.2. Epidรฉmiologie
III.3 Facteurs de risques associรฉs ร lโadolescence
III.3.1 Facteurs individuels
III.3.2 Facteurs familiaux
III.3.3 Facteurs environnementaux
III.3.4 Comorbiditรฉ
DEUXIEME PARTIE : ADOLESCENCE ET CONSOMMATION DE PSYCHOTROPES : ENQUETE AUPRES DES ELEVES DU LYCEE MAURICE DELAFOSSE
I- Objectifs de lโรฉtude
I.1- Objectif gรฉnรฉral
I.2- Objectifs spรฉcifiques
II- Dรฉmarche mรฉthodologique
II.1- Le cadrage de lโรฉtude
II.2- Type dโรฉtude
II.3- Population dโรฉtude
II.3.1- Critรจre dโinclusion
II.3.2- Critรจre dโexclusion
II.4- Echantillonnage
II.5- Considรฉration รฉthique
II.6- Matรฉriels et outils
II.7- Collecte des donnรฉes
III- Rรฉsultats
III.1- Caractรจres sociodรฉmographiques
III.1.1- Rรฉpartition des รฉlรจves enquรชtรฉs
III.1.1.1- Selon le sexe
III.1.1.2- Selon lโรขge
III.1.1.3- Selon le rendement scolaire
III.1.1.4- Selon la section, la sรฉrie et le niveau dโรฉtude
III.2- Description de la consommation de produits psychotropes
III.2.1- Consommation de psychotropes
III.2.3-Classification des produits selon lโimportance de consommation
III.2.4- Consommation de psychotropes selon les sections
III.2.5- Consommation de psychotropes en fonction du revenu
III.2.6.- Polyconsommation de psychotropes
III.2.6.1-Selon les tranches dโรขges
III.2.6.2- Selon le sexe et la tranche dโรขge
III.2.7- Motivation de la consommation de psychotropes
III.2.8- Pรฉriode de consommation de psychotropes
III.3- Consommation de psychotropes et ses consรฉquences
III.3.1- Perception de la dangerositรฉ des psychotropes par les รฉlรจves
III.3.1.1- Niveau de connaissance de la dรฉpendance
III.3.1.2- Perception des risques sanitaires
III.3.1.4- Effets de lโarrรชt temporaire de la consommation selon lโรขge et le sexe
III.3.1.5- Effets de lโarrรชt temporaire de la consommation selon lโรขge du dรฉbut de la consommation
III.3.1.2- Perception de lโinfluence de la consommation sur la santรฉ et la performance scolaire
DISCUSSION
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES