En 1999, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a lancé l’initiative « Faire reculer le paludisme », avec deux populations cibles : la femme enceinte et les enfants de moins de cinq ans dans les pays en développement (1)(2). Madagascar a adhéré pleinement à cette initiative. Madagascar est un pays d’endémie palustre, mais où différents types de transmission existent, allant du paludisme stable sur la côte Est au paludisme épidémique des Hautes Terres centrales (3). L’objectif visé est de contribuer à l’amélioration de l’état de santé de la population de Madagascar par la réduction de 50% de la morbidité et de la mortalité dues au paludisme d’ici 2010 par rapport au niveau de l’an 2000.
L’UNICEF (United Nations Fund for Child) encourage les pays à passer à l’échelle les interventions coût/efficacité pour prévenir la mort des enfants.
Dans le cadre de la lutte contre le paludisme, les stratégies reposant sur une chimioprophylaxie continue par chloroquine des jeunes enfants ont vu le jour dès 1950 dans les pays en développement (PED) situés en zone d’endémie palustre. Ce volet de lutte a progressivement montré ses limites et a dû être abandonné sous sa forme initiale. En effet, le problème de l’observance et l’apparition dans les années 1980, de souches de Plasmodium falciparum résistantes à la chloroquine et leur diffusion rapide dans de nombreux pays endémiques en limitaient considérablement l’intérêt. De ces faits, l’approche chimioprophylactique a été abandonnée, laissant la place au traitement préventif intermittent (TPI) avec principalement pour population cible les femmes enceintes. En 1994, Schultz et al., au Malawi, ont défini un protocole de TPI du paludisme chez la femme enceinte par la sulfadoxine pyriméthamine (SP) (4). L’utilisation de la SP administrée à doses curatives de manière intermittente après le quatrième mois de grossesse lors des différentes consultations prénatales s’est avérée génératrice d’impact significatif en terme de réduction du nombre des enfants à faible poids de naissance et de l’incidence des anémies maternelles. Le succès de cette approche a incité certains auteurs à évaluer cette stratégie chez l’enfant dans quelques pays d’Afrique : Traitement Préventif Intermittent du Paludisme chez l’enfant (TPIe). L’utilisation des systèmes de soins de vaccination pour fournir une plus grande variété d’interventions est une stratégie destinée à promouvoir la survie de l’enfant grâce à l’augmentation de l’efficacité des services délivrés (5)(6). Dans le but d’accélérer l’opérationnalisation du TPIe en Afrique pour contribuer à une réduction de la morbidité liée à cette affection chez les nourrissons de moins d’un an le plus tôt possible, l’UNICEF et l’OMS, en tant que chefs de file du programme des Nations Unies pour l’initiative Faire Reculer le Paludisme (FRP), se sont engagés à travailler en coordination avec la communauté des chercheurs pour développer une mise en œuvre pilote du TPIe dans six pays d’Afrique : Bénin, Ghana, Madagascar, Malawi, Mali et Sénégal .
CONSIDERATIONS GENERALES SUR LE PALUDISME
Cycle évolutif et épidémiologie
Les agents pathogènes du paludisme sont des protozoaires appartenant à l’embranchement des sporozoaires et du genre Plasmodium. Sur les 100 espèces connues, seuls quatre types de Plasmodium parasitent l’homme :
– Plasmodium falciparum est l’espèce la plus redoutable, celle qui tue. C’est l’agent de la fièvre tierce maligne, de l’accès pernicieux, et indirectement de la fièvre bilieuse hémoglobinurique. Il parasite les hématies, quel qu’en soit l’âge.
– P. vivax : cette espèce responsable de la fièvre tierce bénigne est la plus répandue avec P. falciparum. Il parasite surtout les hématies jeunes.
– P. malariae : responsable de la fièvre quarte, il parasite les hématies vieillies.
– P. ovale : cette espèce est aussi responsable de la fièvre tierce bénigne. Il parasite les hématies jeunes.
Chacune des espèces de plasmodies confère aux manifestations cliniques du paludisme une allure particulière, une gravité différente, une évolution dans le temps dissemblable. Elles sont caractérisées par un cycle biologique complexe, qui comporte d’une manière obligatoire, une phase de multiplications asexuées ou cycle schizogonique et une phase de reproduction sexuée ou cycle sporogonique. Les premières s’effectuent chez l’homme, la seconde chez le moustique .
La transmission du paludisme
La transmission du paludisme concerne aussi bien le passage du parasite dans le sens moustique-Homme que dans le sens Homme-moustique. Les agents vecteurs du paludisme humain appartiennent tous au genre Anopheles, de la famille des Anophelinae qui fait partie de la famille des culicidés, de l’ordre des diptères. On connaît plus de 400 sous-espèces d’anophèles dont une soixantaine seulement assure la transmission du paludisme. Seules les femelles piquent et peuvent transmettre le paludisme. Les anophèles femelles sont facilement reconnaissables à leur façon de se poser sur un support en oblique par rapport à la surface; ainsi que par leurs appendices céphaliques faits de palpes (aussi longs que la trompe).
Seulement 28 espèces sont trouvées à Madagascar dont deux jouent un rôle très important dans la transmission du paludisme :
– Anopheles funestus.
– Anopheles gambiae.
Les anophèles femelles ont besoin d’un repas sanguin pour la maturation de leurs follicules ovariens; ils piquent et les plasmodies sont inoculés à l’homme. La piqûre de l’anophèle porteur de sporozoïtes dans ses glandes salivaires recouvre trois processus à la fois distincts et liés : la pénétration des pièces buccales (probing), l’injection de salive contenant les sporozoïtes, et le gorgement (feeding).
L’homme est le seul réservoir de Plasmodium humain, mais il n’existe pas d’immunité innée face aux quatre espèces du Plasmodium humain. Mais certains sujets semblent être protégés contre l’infection palustre :
– les drépanocytaires porteurs d’HbS qui présentent une certaine résistance et sont moins sensibles au paludisme à P. falciparum, de même que les sujets déficients en Glucose 6 Phospho Deshydrogénase / G6PD.
– les sujets Duffy négatif, protégés de P. vivax qui ne peut pénétrer dans les hématies en l’absence de cet antigène. Ainsi, la plupart des Africains noirs sont-ils résistants uniquement à P. vivax.
A l’inverse, il existe une immunité acquise, certes relative mais indiscutable. Elle se constitue au fil des années chez l’individu soumis à des infestations itératives, et ceci explique la rareté du paludisme clinique chez les autochtones adultes en zone d’endémie. Ce n’est pas une immunité solide mais seulement un état de semi-immunité ou de prémunition : elle ne fait pas disparaître les accès cliniques mais elle ne fait que limiter le nombre d’hématozoaires dans le sang; il instaure un état de « paix armée » entre le parasite et son hôte .
Symptomatologie clinique
Les manifestations cliniques du paludisme sont dues à la présence de la schizogonie érythrocytaire dont le déroulement et la gravité dépendent de l’espèce plasmodiale, la densité parasitaire et le degré de prémunition de l’hôte.
Le paludisme de primo-invasion
– Incubation : elle correspond à la maturation hépatique du parasite. Sa durée varie suivant l’espèce plasmodiale : de 7 à 15 jours pour le P. falciparum, de 15 jours pour le P. vivax et P. ovale, de 21 jours pour P. malariae.
– Primo invasion à P. falciparum : elle se traduit essentiellement par une fièvre à 39°- 40°C du type continu ou rémittent, précédée de prodrome (asthénie, malaise général), accompagnée de troubles digestifs (anorexie, vomissements, nausées, diarrhée) et d’algies diverses. La primo invasion se traduit par une fièvre de type continu, jamais intermittent dans le paludisme à P. vivax. Elle peut manquer dans la primo-invasion à P. malariae. La primo-invasion à P. ovale revêt le plus souvent l’allure d’un embarras gastrique fébrile.
Accès palustre simple
L’accès régulier se compose de trois stades : frissons – chaleur – sueur. Notons que quelquefois, la présence de signes fonctionnels révélateurs extrêmement trompeurs à type de phénomènes digestifs peut égarer le diagnostic vers une affection intestinale aiguë ou un syndrome douloureux de la région hépatovésiculaire. Une goutte épaisse peut trancher la question .
Accès graves et neuropaludisme
Le neuropaludisme, ou accès pernicieux, ou « cerebral malaria » pour les anglosaxons, est une encéphalite aiguë fébrile due à P. falciparum, qui possède un tropisme cérébral. L’accès pernicieux est défini par l’existence de signes neurologiques aigus au cours d’un accès palustre à P. falciparum. Des critères de gravité ont été proposés par l’OMS.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : CONSIDERATIONS GENERALES
1. CONSIDERATIONS GENERALES SUR LE PALUDISME
1.2. Cycle évolutif et épidémiologie
1.2. La transmission du paludisme
1.3. Symptomatologie clinique
1.3.1. Le paludisme de primo-invasion
1.3.2. Accès palustre simple
1.3.3. Accès graves et neuropaludisme
1.3.4. Le paludisme viscéral évolutif
1.3.5. Formes cliniques du paludisme
1.4. Diagnostic du paludisme
1.5. Traitement du paludisme
1.6. Prophylaxie
1.6.1. Lutte anti-vectorielle
1.6.2. Chimioprophylaxie
2. TRAITEMENT PREVENTIF INTERMITTENT (TPI)
2.1. TPI chez la femme enceinte
2.2. TPI chez l’enfant
2.3. Rappel sur la vaccination
3. ETUDE « COST EFFECTIVENESS ANALYSIS »
3.1. Introduction
3.2. Méthodologie des analyses médico-économiques
3.3. Etude « Cost effectiveness » proprement dite
3.4. Etude « Time and motion / TM »
3.4.1. Historique
3.4.2. Définition
DEUXIEME PARTIE : ETUDE TIME AND MOTION
1. MATERIELS ET METHODES
1.2. Les sites de travail
1.2. Mise en œuvre du projet
1.3. Recherches opérationnelles
1.4. Modalités et gestion du TPIe
1.4.1. Modalités d’administration
1.4.2 Présentation des outils de gestion du TPIe
1.5. Etude « Time and motion » dans le district de Moramanga
2. LES RESULTATS
2.1. Mise en œuvre du projet TPIe
2.2. Enquête « Perceptions » des agents de santé
2.3. Etude « Time and motion »
TROISIEME PARTIE : DISCUSSIONS – SUGGESTIONS
1. DISCUSSIONS
1.2. Mise en œuvre du TPIe
1.2. Perceptions des agents de santé
1.3. Time and motion
2. SUGGESTIONS
CONCLUSION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE