Les argiles
L’argile est une “matière minérale principalement composée de silicates d’alumine hydratés, qui devient plastique quand elle est humide, et dure comme la pierre quand elle est soumise à l’action du feu”.
Caractéristiques chimiques et physiques
Les argiles sont des minéraux de nature inorganique provenant de la décomposition des feldspaths, des roches granitiques, et des roches métamorphiques formant la croûte terrestre. Parmi les argiles, il existe les argiles fibreuses, structurées en chaînes, souvent connues pour faire des cataplasmes (attapulgite et sépiolite), et les argiles à feuillets. Ces dernières présentent une structure cristalline notamment composée de tétraèdres de silice (SiO2) et d’octaèdres d’alumine (Al2O3) superposés en feuillets qui forment des particules de très petite taille (< 2 μm) et généralement plates. Combinées à l’eau (H2O), qui joue un rôle de liant entre les différents atomes et molécules grâce à ses groupes hydroxyles, elles portent le nom de silicates d’aluminium hydratés.
Les argiles ont la particularité d’être des roches plastiques, pour former une pâte modelable, et ont la capacité d’échanger des ions (Na+ -> Ca2+) . Nous pouvons classer les argiles à feuillets en deux groupes : les argiles primaires et les argiles secondaires.
Fabrication des céramiques
Préparation de la pâte
Avant de façonner l’argile, il est nécessaire de la préparer. La décantation est une étape qui permet de purifier les argiles, le plus souvent secondaires, comme la montmorillonite. La méthode consiste à tremper l’argile dans de grands bassins remplis d’eau et de laisser se séparer les particules présentes dans la terre.
Les particules d’argile, plus légères, restent en suspension alors que les particules lourdes, comme certaines impuretés, se déposent dans le fond. Pour retirer les poches d’air de la pâte, il est nécessaire d’utiliser des méthodes physiques comme le pétrissage et le marchage. Une fois l’argile purifiée, il est possible d’y ajouter des dégraissants pour rendre la pâte moins plastique.
Façonnage, finitions et décors
Il existe plusieurs méthodes pour façonner une céramique :
le modelage à la main, en formant une boule ensuite creusée ou en superposant des boudins d’argile (colombinage) ;
le tour : lent (support tourné à la main mais n’ayant pas de rotation régulière) ou rapide (tour avec un axe et un plateau tournant, mis en mouvement avec les pieds);
le moulage
La surface est ensuite lissée lorsque la céramique est encore humide pour effacer les jointures ou affiner les parois de la céramique. Une fois la pâte sèche, le polissage peut être effectué à l’aide d’une pierre polie et permet de diminuer la porosité de la surface.
Différents types de décors peuvent être appliqués une fois les finitions terminées :
Décors par ajout de matière (décors plastiques ou métaux appliqués sur la pâte encore humide, décors peints, revêtements argileux ou vitreux appliqués sur la céramique sèche) ;
Décors par changement ou retrait de matière (décors imprimés sur la pâte humide ou incisés sur la céramique sèche).
Séchage et cuisson
Le séchage est l’étape au cours de laquelle l’eau libre s’évapore de la pâte argileuse et les particules d’argiles se rapprochent. L’importance du retrait (5-10%) et l’éventuelle apparition de fissures dépendent du type d’argile, ainsi que de la quantité de dégraissants présents dans la pâte. Différents facteurs peuvent influencer le séchage des céramiques comme la quantité d’eau présente dans l’argile, le type d’argile, la température et l’humidité relative de l’environnement, etc.
L’altération des céramiques archéologiques
La céramique est un matériau réputé pour être très résistant, c’est pourquoi il s’agit du mobilier archéologique le plus retrouvé par les archéologues. Mais elles peuvent se dégrader lors de l’enfouissement jusqu’à être en équilibre avec le milieu. Une fois mises au jour, cet équilibre est rompu et l’altération est réactivée. Le facteur de dégradation menant souvent à l’abandon de la céramique pendant sa période d’utilisation, est la casse. Plus une pâte est dure et bien cuite (vitrifiée), plus elle est résistante à l’usure et à l’érosion, et plus elle est sensible aux chocs mécaniques. Lorsque la pâte est tendre et mal cuite, il se passe le schéma inverse. La résistance d’une céramique dépend de sa cohésion, de sa dureté et de sa porosité acquis lors de la cuisson, mais aussi de la composition du sol d’enfouissement. La porosité est un facteur intrinsèque qui joue un rôle important dans les mécanismes de dégradation suivants :
L’absorption de l’eau : sur le long terme, une absorption peut provoquer une dilatation des tessons de céramique et une dissolution, par la présence d’eau, de certains composants présents dans la pâte (hydrolyse).
L’acidité du sol : un sol acide peut également avoir un impact sur les inclusions en calcaires.
Le gel : l’eau contenue dans les pores augmente de volume en gelant (+ 9%) appliquant alors une pression dans la structure interne des céramiques. Les cycles gel-dégel fragilisent et risquent donc de les faire éclater.
Les sels solubles : les sels présents dans le sol migrent avec l’eau dans les pores du matériau. Ils ne posent pas de problèmes majeurs tant qu’ils sont maintenus en solution lors d’un degré de saturation en humidité dans le sol. Dès que la céramique sèche, ils affleurent à la surface avec l’évaporation de l’eau et cristallisent (efflorescences). Ils cristallisent également à l’intérieur des pores provoquant alors une pression interne (subefflorescences). Les cycles de cristallisations et de re-solubilisation, souvent causés par des fluctuations du degré de saturation en eau, peuvent provoquer l’effritement des tessons.
Les sels insolubles : ils peuvent former une concrétion volumineuse à la surface de la céramique et ne sont plus solubles dans l’eau.
L’érosion mécanique : l’érosion des surfaces et des tranches est plus rapide sur une céramique tendre, la rendant parfois rugueuse (à cause des dégraissants affleurant, de détachement de particules ou de grains, ou d’émiettement). Lorsque les céramiques sont en mauvais état de conservation, il n’est souvent plus possible de détecter la présence d’un engobe ou d’un revêtement.
La pollution du sol : des sels métalliques (potassium, fer, etc.), provenant de la corrosion d’objets en métal environnants, et certains “complexes organiques” peuvent colorer les céramiques. Le fer réduit présent dans la pâte peut parfois s’oxyder tachant la céramique en rouge.
Les organismes vivants : insectes, bactéries, racines peuvent parfois fragiliser les céramiques.
Les fouilles et leur environnement
Contexte géographique et géologique
La région du Tessin est géographiquement et géologiquement divisée en deux : d’une part le Sopraceneri, au Nord, formée de profondes vallées de type fluvio-glaciaire, creusées par des rivières et de vifs torrents ; d’autre part, le Sottoceneri, au Sud du Monte Ceneri, “caractérisée par l’imposant massif du Monte Generoso et par de considérables incisions fluviales, mais aussi par des collines arrondies, des cuvettes, des terrasses fluviales et des dépôts glaciaires”55. Le site archéologique, où ont été trouvées les céramiques, se situe au Sud du Monte Ceneri, dans la région administrative du Mendrisiotto. Il se trouve plus précisément dans un quartier appelé Piasa dans le village de Tremona, situé à env. 2.5 km au Nord-Ouest de Mendrisio .
Le site de Tremona se trouve au Sud-Est du Monte San Giorgio qui se trouve géologiquement dans la plus ample unité tectonique des Alpes méridionales dont les roches se situent au sud d’une faille, appelée la Linea Insubrica. Dans la zone de Tremona, affleurent plusieurs types de roches sédimentaires. Elles sont disposées stratigraphiquement en partant de la plus ancienne, la dolomie principale (ère triassique), roche de composition dolomitique. Dessus, se trouve la “seria di Tremona” (ère triassique) composée de calcaires et dolomie en partie marneuse.
Au-dessus, se trouvent des brèches de composition calcaire, appelées “Macchia vecchia” et “Broccatello” (ère jurassique). Ensuite, on retrouve une roche contenant la “Radiolariti”, roches à base de silice, et “Rosso Ammonitico lombardo”, un calcaire marneux avec des fossiles (ère jurassique). Enfin, au sommet, se trouvent différents dépôts fluviaux, glaciaires et glacio-lacustres définis par différents types de terre, comme le limon argileux, l’argile limoneuse légèrement sablonneuse et l’argile à couches laminaires parallèles. La couleur peut être variable, allant du gris-brun, au brun foncé passant par le gris, le brun-jaune, le jaune et le brun. Les archéologues ont décrit cette terre comme très argileuse, compacte et graveleuse, de couleur brun foncé. Exposée au soleil et à l’air libre, elle sèche et devient dure et compacte, alors qu’au contact de la pluie, elle devient boueuse.
Pré-consolidation
Objectif
Nous savons que les céramiques sont très fragiles et que leur faible cohésion rend le nettoyage plus difficile ; une consolidation préliminaire des céramiques serait donc appropriée. Le but de cette intervention est de protéger la céramique pendant le traitement de nettoyage. Le consolidant devra être assez fluide pour pouvoir consolider la céramique et non le dépôt terreux. Il devra être résistant aux produits chimiques qui seront utilisés pour ramollir le dépôt terreux. Une consolidation n’est jamais complètement réversible, c’est pourquoi sa stabilité à long terme est un facteur important.
Méthodes d’application
Pour des céramiques fragiles et pulvérulentes, il est préférable d’utiliser des méthodes d’application douces : avec un pinceau (avec des solvants à évaporation rapide, comme l’acétone ou l’éthanol) ou avec un spray qui pulvérise le produit (avec des solvants à évaporation lente, comme le toluène, l’acétate d’éthyle). Les bains sont donc à éviter d’autant plus que pour la consolidation temporaire, l’objectif n’est pas d’imprégner le matériau à cœur mais en surface.
Les objets doivent généralement être consolidés secs, à moins que le séchage ne les altère davantage.
Dans ce cas, l’utilisation de consolidants à base d’eau (dispersion acrylique, émulsion vinylique, alcool polyvinylique, éthers de cellulose) permet de consolider le matériau humide. Nous testerons le Paraloïd B72 (résine acrylique) qui est actuellement le consolidant le plus stable et le plus utilisé en conservation-restauration. Le cyclododécane, consolidant temporaire, sera également testé.
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Table des matières
1. Introduction
2. Qu’est-ce qu’une céramique ?
2.1. Les argiles
2.1.1. Caractéristiques chimiques et physiques
2.1.2. Les argiles primaires
2.1.3. Les argiles secondaires
2.2. Les dégraissants
2.3. Fabrication des céramiques
2.3.1. Préparation de la pâte
2.3.2. Façonnage, finitions et décors
2.3.3. Séchage et cuisson
2.3.3.1. Processus de cuisson
2.3.3.2. Types de four
2.4. L’altération des céramiques archéologiques
3. Les céramiques étudiées
3.1. Contexte historique
3.1.1. Période de La Tène
3.1.2. Rites et structures funéraires
3.2. Les fouilles et leur environnement
3.2.1. Contexte géographique et géologique
3.2.2. Contexte archéologique
3.2.3. Mobilier funéraire
3.2.4. Conservation actuelle des céramiques
4. Description et constat d’état des céramiques
4.1. Examen visuel, description et analyses
4.1.1. Pyxide ou gobelet en bobine (Rep.5)
4.1.2. Pot modelé à la main (Rep.11)
4.1.3. Coupelle (coupe) en céramique commune à pâte claire (Rep.12)
4.1.4. Vase a trottola (Rep.14)
4.2. Résultats des analyses
5. Synthèse / Diagnostic
6. Propositions d’intervention : Partie théorique
6.1. Pré-consolidation
6.1.1. Objectif
6.1.2. Méthodes d’application
6.1.3. Consolidation temporaire : le cyclododécane
6.1.4. Solution acrylique
6.1.5. Dispersion acrylique
6.1.6. Dispersion vinylique
6.1.7. Alcool polyvinylique
6.1.8. Ethers de cellulose
6.2. Nettoyage
6.2.1. Méthodes mécaniques
6.2.2. Méthodes chimiques
6.2.2.1. Solutions acides
6.2.2.2. Solutions alcalines
6.2.2.3. Complexants
6.2.2.1. AB® 57
6.2.2.2. Echangeur d’ions
6.2.3. Méthodes d’application des produits chimiques
6.2.3.1. Argile colloïdale (Sépiolite)
6.2.3.2. Pulpe de cellulose (Arbocel®)
6.2.3.3. Acide polyacrylique (Carbopol®)
6.2.3.4. Ether de cellulose (Tylose®)
6.2.3.5. Silice amorphe (Aérosil®)
6.3. Consolidation permanente et remontage
6.3.1. Solution acrylique
6.3.2. Trétraéthoxysilane ou silicate d’éthyle
6.3.3. Evaluation et choix du consolidant et adhésif
7. Propositions d’intervention : Partie expérimentale
7.1. Tests de nettoyage mécanique avec l’airbrush
7.1.1. Introduction/mise en œuvre
7.1.2. Résultats
7.1.3. Conclusion
7.2. Tests de nettoyage mécanique par peeling (abrasion avec adhésif)
7.2.1. Introduction/mise en œuvre
7.2.2. Résultats
7.2.3. Conclusion
7.3. Tests de nettoyage mécanique par peeling (pelage de film adhésif)
7.3.1. Introduction/mise en œuvre
7.3.2. Résultats
7.3.3. Conclusion
7.4. Tests de compatibilité des cataplasmes avec les produits chimiques
7.4.1. Introduction/mise en œuvre
7.4.2. Résultats
7.4.3. Conclusion
7.5. Tests de nettoyage chimique sur les éprouvettes
7.5.1. Introduction/mise en œuvre
7.5.2. Résultats
7.5.2.1. Solutions acides
7.5.2.2. Solutions alcalines
7.5.2.3. Complexants
7.5.2.4. Solution de nettoyage : AB57
7.5.2.5. Echangeur d’ions
7.5.3. Synthèse
7.5.4. Conclusion
7.6. Tests de compatibilité des consolidants avec les produits chimiques
7.6.1. Introduction/mise en œuvre
7.6.2. Résultats
7.6.3. Conclusion
7.7. Tests de nettoyage par dissolution progressive des consolidants
7.7.1. Introduction/mise en œuvre
7.7.2. Résultats
7.7.2.1. Dissolution du Paraloïd® B72
7.7.2.2. Dissolution partielle et sublimation du cyclododécane
7.7.3. Conclusion
7.8. Tests de nettoyage sur les céramiques
7.8.1. Introduction/mise en œuvre
7.8.2. Résultats
7.8.2.1. Tests de nettoyage chimique avec dégagement mécanique au pinceau ou à l’airbrush, avec ou sans consolidation préalable
7.8.2.2. Tests de nettoyage définitif
7.8.3. Conclusion
8. Traitement des céramiques
8.1. Vase a trottola (Rep.14)
8.2. Coupelle en céramique commune (Rep.12)
8.3. Pot modelé à la main (Rep.11)
8.4. Pyxide (Rep.5)
9. Conservation préventive
10. Synthèse – Discussion
11. Conclusion générale
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