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Organisation Mondiale de la Santé
L’OMS (5) définit la maltraitance à enfant comme « toutes violences et négligences envers une personne de moins de 18 ans. Elle s’entend de toutes les formes de mauvais traitements physiques et/ou affectifs, de sévices sexuels, de négligence ou de traitement négligent, ou d’exploitation commerciale ou autre, entrainant un préjudice réel ou potentiel pour la santé de l’enfant, sa survie, son développement ou sa dignité, dans le contexte d’une relation de responsabilité, de confiance ou de pouvoir ».
L’OMS considère également un contexte de violences conjugales comme forme de maltraitance infantile.
Code Civil
En élargissant la notion « d’enfants maltraités » à celle « d’enfants en danger », la loi du 5 mars 2007 a augmenté le nombre d’enfants concernés. (6)
Enfant en danger
L’article 375 du Code Civil définit l’enfant en danger « dès lors que sa santé, sa sécurité ou sa moralité sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ».
Enfant en risque de danger
L’article 375 du Code Civil définit l’enfant en risque de danger « lorsque ces mêmes conditions menacent d’être compromises ».
Enfant maltraité
Un enfant maltraité est celui « victime de violences physiques, psychologiques, sexuelles ou de négligences lourdes qui ont ou auront des conséquences graves sur son développement physique ou psychologique ».
Types de maltraitance
Quatre types de maltraitances infantiles ont été identifiés (7) :
Les violences physiques définies par « l’usage de la force ou de la violence contre un enfant, de telle sorte qu’il soit blessé ou risque de l’être ».
Les violences psychologiques, entravant la sécurité affective et relationnelle de l’enfant (insultes, humiliations, menaces, propos dénigrants).
Les violences sexuelles, ne se limitant pas au viol et concernant tous actes à connotation sexuelle imposés à l’enfant et toutes agressions sexuelles commises avec violence, contrainte, menace ou surprise. Les négligences définies comme « le fait, pour la personne responsable de l’enfant, de le priver des éléments indispensables à son bon développement et à son bien-être. […] la négligence est ainsi une forme de maltraitance par omission, à savoir l’absence de mobilisation de l’adulte dont dépendent le présent et l’avenir de l’enfant ».
B. Epidémiologie En 2006, l’OMS a reconnu la maltraitance infantile comme un problème de santé publique majeur pour l’enfant au même titre que d’autres pathologies chroniques. Selon les données de l’ISPCAN (International Society for the Prevention of Child Abuse and Neglect) et de l’OMS, au niveau mondial (8) : – 1 adulte sur 4 déclare avoir subi des violences physiques durant l’enfance – 1 femme sur 5, et 1 homme sur 13, disent avoir subi des violences sexuelles dans leur enfance.
– L’OMS estime que 40 millions d’enfants de 0 à 14 ans dans le monde souffrent de maltraitance et requièrent des soins de santé et une protection sociale.
Malheureusement, les données épidémiologiques concernant les maltraitances sont rares, et les chiffres sont sous-estimés.
Par ailleurs, les médecins réalisent moins de 5% des informations préoccupantes. Et plus précisément, seulement 1% des informations préoccupantes proviennent des médecins libéraux. (2) L’Observatoire National de la Protection de l’Enfance (ONPE) réalise une estimation du nombre de mineurs et jeunes majeurs faisant l’objet d’une mesure de protection de l’enfance en faisant un croisement des données de la DREES (Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques), de la DPJJ (Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse) et du nombre de mineurs en assistance éducative. Au 31 décembre 2016 en France : (9) – 295 357 mineurs sont pris en charge en protection de l’enfance soit 20.1 ‰ des mineurs – 21 400 jeunes majeurs sont concernés par une prestation soit 0.9 ‰ des 18-21 ans. Et au 31 décembre 2017, la DREES comptait 344 080 mesures d’Aides Sociales à l’Enfance (10). Cependant, un enfant pouvant faire l’objet de plusieurs mesures, cette enquête ne permet donc pas de connaitre le nombre exact d’enfants pris en charge mais le nombre de mesures.
Le ministère de la justice dénombre 126 145 mineurs en danger dont le juge des enfants a été saisi en 2018 et 247 374 mineurs suivis par le juge des enfants (hors mesure d’aide judiciaire) au 31 décembre 2018.
La CRIP13 reçoit en moyenne 5 000 informations par an, 3 000 d’entre elles sont qualifiées et adressées aux Maisons Des Solidarités pour évaluation socioéducative.
La sous-estimation de la maltraitance est cependant hautement probable. Le Dr Anne Tursz, pédiatre et épidémiologiste, directrice de recherche retraitée à l’INSERM, énonce plusieurs causes probables à cette sous-estimation dont le non-repérage par manque de formation sur la sémiologie de la maltraitance, l’insuffisance des investigations médico-sociales et psychologiques, les diagnostics erronés et la non-révélation des soupçons. (11)
C. Sémiologie, les signes évocateurs Aucun signe clinique isolé n’est pathognomonique d’une forme de mise en danger ou de maltraitance. Chaque médecin doit s’alerter devant tout symptôme inhabituel ou devant tout changement de comportement : (12) – Nourrisson : retard psychomoteur ; troubles alimentaires ; troubles du sommeil ; agitation motrice ; bébé triste, peu mobile, ralenti ; évitement du regard de ses parents ; bébé insécure ; pleurs inconsolables décris par les parents se disant nerveusement épuisés. – Enfant d’âge scolaire : troubles du sommeil, de la commande des sphincters, des apprentissages ou du comportement ; fugue, conduites à risque, idées suicidaires.
– Adolescent : troubles du comportement ; syndrome dépressif masqué ; fugue, conduites à risque, idées suicidaires ; avidité de lien affectif avec l’adulte.
Des signes comportementaux de l’entourage doivent également alerter :
– Intrusion des parents lors de la consultation médicale, prenant la parole à la place de l’enfant
– Indifférence notoire des parents vis-à-vis de l’enfant.
– Proximité corporelle exagérée, inadaptée.
– Refus des vaccinations obligatoires.
– Régimes alimentaires sources de carences malgré les avis médicaux répétés.
– Minimisation ou banalisation des symptômes ou plaintes de l’enfant.
– Dénigrement de l’enfant.
– Refus des investigations médicales, paramédicales ou sociales.
– Attitude agressive ou sur la défensive envers les professionnels de santé.
Signes physiques
Des lésions physiques traumatiques objectivées lors de l’examen de l’enfant doivent faire suspecter une maltraitance, par le caractère inhabituel ou incohérent avec le discours allégué (13) :
– Les ecchymoses et les hématomes doivent attirés une attention particulière en fonction de leur forme, leur siège, leur nombre et leur corrélation avec l’âge. Ils sont la manifestation la plus commune de la violence physique. Des hématomes de couleurs différentes peuvent faire suspecter une répétition de traumatismes.
– Les brûlures (eau bouillante, objet chaud) se localisent de façon prédominante sur la moitié inférieure du tronc, le périnée, les membres inférieurs, les mains ou la face. Leurs limites sont nettes.
– Les morsures, griffures et autres plaies doivent nous alerter par leur localisation.
– Les fractures des os longs et des os plats (quel que soit l’âge), les arrachements métaphysaires avec décollement du périoste (chez le nourrisson).
– Les lésions viscérales, notamment les lésions thoraciques chez les enfants de moins de 5 ans, en l’absence de traumatisme accidentel majeur.
– Les douleurs abdominales chroniques.
Le professionnel doit rattacher systématiquement toute lésion à l’âge de l’enfant. Un bébé qui ne se déplace pas ne peut pas se blesser tout seul ( Figure 1).
La description des lésions doit être réalisée de manière rigoureuse dans le dossier médical de l’enfant, associée si besoin à la prise de photographie.
Devant une forte suspicion, des explorations radiologiques doivent être réalisées. Avant l’âge de 2 ans, des radiographies du squelette entier doivent être réalisées. Entre 2 et 5 ans, les radiographies doivent être réalisées au cas par cas. Après 5 ans, les radiographies doivent être limitées aux zones cliniquement suspectes.
Les violences sexuelles
Les violences sexuelles incluent toutes les agressions sexuelles commises sur les enfants. Les auteurs de ces violences sont dans la majorité des cas des personnes proches de l’enfant. (13) Les comportements sexualisés de l’enfant doivent attirer l’attention du professionnel, ainsi que ses dires. Malheureusement, dans la majorité des cas, les abus sexuels ne sont jamais révélés ou tardivement.
Toute suspicion ou révélation de violences sexuelles doit faire l’objet d’un signalement judiciaire. Les mariages forcés font partie des maltraitances sexuelles. En France, l’âge légal du mariage est fixé à 18 ans depuis la loi du 4 mars 2006. La prévention est de mise, et la protection à la suite d’un mariage forcé est possible par la réalisation d’une information préoccupante ou d’un signalement. Les mutilations sexuelles féminines concernent encore un grand nombre de femmes dans le monde, elles sont encore pratiquées dans 30 pays (majoritairement Afrique de l’ouest, Egypte, Somalie, Djibouti, Guinée) et touchent 200 millions de filles/femmes.
Dans la déclaration conjointe OMS/UNICEF/UNFPA, les mutilations sexuelles féminines sont classées en 4 types : (15)
– Type I : ablation partielle ou totale du clitoris et/ou du prépuce (clitoridectomie).
– Type II : ablation partielle ou totale du clitoris et des petites lèvres, avec ou sans excision des grandes lèvres (excision).
– Type III : rétrécissement de l’orifice vaginal avec recouvrement par l’ablation et l’accolement des petites lèvres et/ou des grandes lèvres, avec ou sans excision du clitoris (infibulation).
– Type IV : toutes les autres interventions nocives pratiquées sur les organes génitaux féminins à des fins non thérapeutiques (ponction, percement, incision, scarification, cautérisation).
Les négligences lourdes
Les négligences sont mal connues et souvent peu dépistées notamment dans les milieux socio-économiques favorisés. Elles peuvent porter sur l’alimentation, le sommeil, l’hygiène, les soins médicaux, l’éducation, l’attention portée à l’enfant.
Un retard ou un arrêt du développement staturopondéral ou psychomoteur de l’enfant doivent alerter le professionnel, en particulier lorsqu’aucune cause somatique n’est retrouvée. (13)
Diagnostics différentiels
Il ne faut cependant pas oublier les diagnostics différentiels à évoquer en fonction des lésions constatées : tâches mongoloïdes, troubles de l’hémostase, maladie coeliaque avec carence en vitamine K, lésions vésiculo-bulleuses d’origine infectieuse ou allergique, ostéogénèse imparfaite, ostéomyélite, cancer, rachitisme, scorbut. (14)
Cas particulier
Syndrome du bébé secoué
Le syndrome du bébé secoué (13) est un ensemble de traumatismes crâniens infligés, ou non accidentels, par secouement chez les nourrissons de moins de 1 an. Des atteintes neurologiques doivent faire suspecter cette maltraitance : malaise grave, troubles de la vigilance, apnées sévères, convulsions, hypotonie, plafonnement du regard, pâleur, perte de contact, diminutions des compétences de l’enfant ; ainsi que des signes non spécifiques tels qu’une modification du comportement, du sommeil ou de la prise alimentaire.
Les conséquences sont graves : séquelles neurologiques, décès.
Syndrome de Silverman
Le syndrome de Silverman est une maltraitance grave, associant des fractures multiples des os longs et un hématome sous-dural. Il a été décrit par le Docteur Ambroise Tardieu en 1860, puis définit par le Docteur John Caffey, radiopédiatre, et son élève Frederic Silverman.
Syndrome de Münchhausen
Aussi appelé « maladie alléguée », le syndrome de Münchhausen par procuration (13) est à évoquer devant un enfant présenté comme constamment malade, avec des demandes pressantes du parent (lui étant malade psychologiquement) pour des investigations répétées.
Ce syndrome est à suspecter si l’histoire clinique, les symptômes physiques ou psychiques, les signes cliniques ou les résultats d’examens paracliniques sont en décalage avec un tableau clinique connu.
Le parent peut également entrainer des symptômes réels chez l’enfant par administrations de médicaments. Les symptômes de l’enfant disparaissent en l’absence du parent responsable, en particulier lors des hospitalisations.
Ce cas de maltraitance est rare mais reste grave car la mortalité avoisinerait les 10%.
Les facteurs de risque de maltraitance
Un certain nombre de facteurs de risque décrits dans la littérature doivent alerter tout praticien et entrainer une certaine vigilance. (14)
Seront abordés les facteurs de risque liés aux parents, puis ceux liés à la grossesse, et enfin ceux liés à l’enfant.
Liés aux parents
Des situations retrouvées chez les parents ont été qualifiées de facteurs de risque :(13)
– Une addiction chez un ou les deux parents (drogues, alcool)
– Une pathologie psychiatrique
– Antécédent de maltraitance vécue dans l’enfance
– Un contexte socio-économique difficile (chômage, précarité)
– Un jeune âge parental
– Une famille monoparentale
– Violences conjugales.
Il semble important de préciser que tous les milieux sociaux peuvent être touchés par les maltraitances infantiles, et leurs diagnostics s’avèrent complexes dans les milieux dits aisés en raison de l’absence de difficultés économiques, et sont donc largement sous-estimées.
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Table des matières
I. INTRODUCTION
II. MALTRAITANCES INFANTILES : LES PRE-REQUIS
A. Définitions
1. Besoins fondamentaux de l’enfant
2. Organisation Mondiale de la Santé
3. Code Civil
4. Types de maltraitance
B. Epidémiologie
C. Sémiologie, les signes évocateurs
1. Signes physiques
2. Signes psychologiques
3. Les violences sexuelles
4. Les négligences lourdes
5. Diagnostics différentiels
6. Cas particulier
D. Les facteurs de risque de maltraitance
1. Liés aux parents
2. Liés à la grossesse
3. Liés aux enfants
E. Conséquences et retentissements sur la santé et le développement de l’enfant
F. Protection de l’enfance
1. Définitions
2. Législation
G. Organismes intervenants dans la protection de l’enfance
1. Le Procureur de la République
2. Le Juge des Enfants
3. La Brigade de Protection de la Famille
4. Les Unités d’accueil Médico-Judiciaires
5. Les Cellules de Recueil des Informations Préoccupantes (CRIP)
6. L’Aide Sociale à l’Enfance (ASE)
7. L’Inspecteur Enfance Famille
8. Le numéro d’appel 119
9. La Protection Maternelle Infantile
H. Procédures
1. L’Information Préoccupante, en dehors d’une situation d’urgence
2. Le Signalement, face à une situation d’urgence
I. Suites
1. Protection administrative
2. Protection judiciaire
III. MATERIEL ET METHODE
A. L’étude
B. L’échantillon
C. Le questionnaire
D. Analyse descriptive
IV. RESULTATS
A. Renseignements généraux
B. Connaissances et expériences sur le sujet
1. Suspicion et expérience
2. Freins à la prise en charge
3. Législation
C. Connaissances sur les facteurs de risque
1. Liés aux parents
2. Liés à la grossesse
3. Liés aux enfants
D. Impact de l’épidémie de Coronavirus
E. Pistes de réflexion
V. DISCUSSION
A. Principaux résultats
1. Manque de connaissance ou déni de voir
2. Conduites des médecins généralistes
3. Les freins à la prise en charge
4. Impact de l’épidémie du Coronavirus
5. Les pistes de réflexion
B. Faiblesse de l’étude
C. Perspectives
VI. CONCLUSION
VII. BIBLIOGRAPHIE
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