Conséquences écologiques des invasions biologiques en milieu aquatique: du gène à l’écosystème

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Composante intraspécifique de la biodiversité

Les études se référant à la diversité fonctionnelle comme mesure de la biodiversité se sont principalement focalisées sur la valeur moyenne des traits des espèces ou au mieux des populations. Ces études ont donc considéré les individus d’une même espèce comme étant écologiquement similaires, négligeant ainsi la présence de variabilité phénotypique au sein ou entre les populations d’une même espèce (Bolnick et al. 2011, Violle et al. 2012; Fig. I.3). En effet, des individus peuvent diverger selon de nombreux aspects comme leur génétique (Pauls et al. 2013), leur morphologie (Quevedo et al. 2009), leur comportement (Dall et al. 2012), leur physiologie (Bouwhuis et al. 2014), la composition élémentaire de leur corps (El-Sabaawi et al. 2016), leur régime alimentaire (Bolnick et al. 2003) ou bien encore leurs traits d’histoire de vie (Biro & Stamps 2008). Cette variabilité phénotypique intraspécifique peut s’avérer supérieure à la variabilité existant entre les espèces (Bolnick et al. 2003, Woodward & Hildrew 2005) et pourrait ainsi moduler les effets des espèces sur le fonctionnement des écosystèmes. Par exemple, de nombreuses espèces expérimentent au cours de leur développement ontogénique des changements écologiques qui se traduisent généralement par un changement de régime alimentaire (Werner & Gilliam 1984). Les individus appartenant à des stades de développement différents sont donc fonctionnellement différents et des changements de la structure en taille des populations peut modifier le fonctionnement de l’écosystème (Rudolf & Rasmussen 2013a). Par conséquent, bien qu’il se soit opéré un véritable bouleversement dans l’étude des relations entre biodiversité et fonctionnement des écosystèmes (i.e., intégration de multiple processus écosystémiques, utilisation d’approche fonctionnelle, incorporation des dimensions horizontale et verticale du réseau trophique), il est de plus en plus reconnu qu’intégrer la variabilité intraspécifique en tant que source potentielle de modification des processus écosystémiques permettrait d’obtenir une vision plus complète des mécanismes par lesquels la biodiversité module la fonctionnement des écosystèmes. Enfin, puisque le régime alimentaire d’un individu décrit sa fonction au sein du système, tenir compte de la variabilité trophique intraspécifique devrait permettre de tester les effets des changements de structure et de fonctionnalité des populations sur le fonctionnement des écosystèmes (Luck et al. 2003) et ainsi apporter une vision plus précise des relations entre biodiversité et fonctionnement.

Invasions biologiques

De l’introduction des espèces au phénomène d’invasion

Les invasions biologiques sont actuellement reconnues comme une cause majeure de perte de biodiversité pouvant conduire à une homogénéisation globale des communautés et des habitats (McKinney & Lockwood 1999). Une espèce invasive est une espèce introduite par l’Homme en dehors de son aire de répartition géographique naturelle, qui s’établie de manière durable dans son aire d’introduction, se disperse à partir de son point d’introduction et impacte les espèces natives et les écosystèmes où elle est introduite (Lockwood et al. 2007; Fig. I.4). Les invasions biologiques se sont considérablement accélérées sous l’intensifications des activités humaines, plus particulièrement du développement des transports et des échanges internationaux (Mooney & Cleland 2001). En parallèle de ces introductions fortuites, de nombreuses espèces ont été introduites volontairement par l’Homme à des fins ludiques (pêche, aquariophilie) ou commerciales (agriculture, aquaculture, production de fourrure). Pour ces raisons, les invasions biologiques peuvent intervenir rapidement et à large échelle géographique, modifiant ainsi la dynamique de colonisation naturelle des habitats (Lockwood et al. 2007).
Figure I.4 Le processus d’invasion biologique est composé de quatre étapes majeures: i) l’introduction, ii) l’établissement, iii) l’expansion de l’espèce allochtone introduite et iv) les impacts écologiques. Le passage entre ces différentes étapes nécessite le franchissement de plusieurs barrières: (A) géographiques (inter- ou intracontinentale), (B) environnementales (biotiques et abiotiques), (C) de reproduction et (D) de dispersion (locales et régionales). Le franchissement de ces barrières dépend donc des caractéristique de l’écosystème envahi (e.g., présence de prédateurs, conditions climatiques) et des caractéristiques de l’espèce introduite (e.g., capacité de dispersion, stratégie r de survie). Adaptée de Lockwood et al. 2007.
Le succès d’une espèce invasive dépend des capacités des individus issus de la population introduite à franchir différentes barrières géographiques, de reproductions et environnementales (Fig. I.4). Il apparait donc que certains caractères biologiques puissent expliquer le succès invasif de certaines espèces (Facon et al. 2006). En effet, le degré d’affinité de l’espèce avec l’Homme (e.g., comestibilité, qualités sportives ou esthétiques) et la pression de propagule (i.e., le nombre d’individus introduits et la fréquence de ces introductions) sont des facteurs prépondérants à son introduction et à son établissement (Kolar & Lodge 2001, Lockwood et al. 2007). Les traits d’histoire de vie vont également déterminer le potentiel invasif et il est généralement admis que des espèces à stratégie r (i.e., temps de génération court, croissance rapide, forte fécondité) ont un potentiel invasif plus important (Sakai et al. 2001, Facon et al. 2006). De plus une forte plasticité phénotypique, traduisant une forte tolérance aux conditions environnementales, combinée à un potentiel adaptatif rapide (Lee 2002), favorisent la survie et la reproduction des individus introduits, et donc le succès d’invasion. Finalement, le succès invasif d’une espèce découle d’une bonne adéquation entre les caractéristiques de l’espèce introduite et l’environnement d’accueil. Par conséquent, la compréhension des interactions établies entre les facteurs environnementaux biotiques (e.g., prédation, compétition) et abiotiques (e.g., disponibilité en ressource trophique, morphologie du milieu) et les caractéristiques des espèces introduites (e.g., structure des populations, régime alimentaire, morphologie) est d’un intérêt majeur et fait l’objet d’un vaste domaine de recherche en écologie.

Conséquences écologiques des invasions biologiques en milieu aquatique: du gène à l’écosystème

Les conséquences écologiques des invasions biologiques peuvent être importante et s’étendent à l’ensemble des niveaux d’organisations écologiques (Simberloff et al. 2013). Par exemple, les phénomènes d’hybridation génétique sont fréquentes chez les espèces invasives (Ellstrand & Schierenbeck 2006) et peuvent parfois engendrer l’extinction de l’espèce native (Huxel 1999). Les impacts des espèces invasives sur les populations et les communautés natives ont largement été étudiés probablement parce qu’ils sont immédiatement visibles et relativement simple à mesurer. En effet, via des interactions directs (compétition, prédation, parasitisme) ou indirectes (modifications des habitats, introduction de pathogène), les espèces invasives conduisent généralement à une diminution de l’abondance et de la diversité ainsi qu’à une modification de la structure des populations natives (Kaufman 1992, Sakai et al. 2001, Blackburn et al. 2004). Bien qu’il semble implicite que les effets des espèces invasives sur les niveaux inférieurs d’organisation biologiques vont se répercuter aux niveaux supérieurs, leurs impacts sur le fonctionnement de l’écosystème et les mécanismes impliqués demeurent relativement peu étudiés (Cucherousset & Olden 2011, Strayer et al. 2012). Plus précisément, les invasions biologiques perturbent les relations trophiques précédemment établis entre les espèce autochtones, modifiant ainsi les mécanismes ascendants et descendants régulateurs du fonctionnement de l’écosystème (Ehrenfeld 2010). En parallèle, les invasions biologiques peuvent également impacter le fonctionnement de l’écosystème par le biais de modifications chimiques et physiques de l’habitat comme par exemple lors de la formation de « hot-spot » biogéochimique (Boulêtreau et al. 2011, Capps & Flecker 2013a). Cependant, puisque les conditions environnementales interviennent dans le succès d’invasion des populations, les impacts écologiques des populations invasives devraient varier en fonctions des conditions locales. Par exemple, il est généralement admis que les impacts seront d’autant plus sévères que les milieux seront pauvres en diversité spécifique et limités en nombre d’interactions biotiques (e.g., compétition et prédation) (Ricciardi & MacIssac 2011). Par conséquent, mieux comprendre les caractéristiques des populations invasives le long des gradients environnementaux se révèle d’un enjeu crucial afin de mieux prédire leurs impacts potentiels sur l’ensemble des niveaux d’organisation biologiques.

Gestion des invasions biologiques en milieu aquatique

Des changements de traits phénotypiques induits par les activités humaines ont été largement documentés dans les écosystèmes terrestres et aquatiques (Kettlewell 1958, Allendorf & Hard 2009). De plus, l’Homme exploite les populations naturelles de manière non-aléatoire en sélectionnant préférentiellement certains individus de la population (Coltman et al. 2003, Festa-Bianchet & Lee 2009). Cette sélection se base sur les traits phénotypiques des individus (Biro & Post 2008, Biro & Sampson 2015) et peut conduire à des changements évolutifs rapides et parfois drastiques (Conover & Munch 2002, Darimont et al. 2009b). Par exemple, la pêche industrielle ou récréative vise à capturer préférentiellement les individus d’intérêts, c’est-à-dire ceux avec la plus grande taille, ce qui peut altérer les traits d’histoire de vie (e.g., maturité précoce à taille réduite, diminution de la croissance), se répercuter sur les paramètres démographiques et potentiellement conduire au déclin de la population (Jørgensen et al. 2007, Laugen et al. 2014).
Les milieux aquatiques d’eau douce sont particulièrement vulnérables aux invasions biologiques (van der Velde et al. 2006). Les poissons sont parmi les organismes les plus introduits dans les milieux aquatiques du fait de leur forte attractivité pour l’aquaculture et la pêche, qu’elle soit récréative ou professionnelle (García-Berthou et al. 2005a). La gestion des espèces invasives en milieu aquatique se base principalement sur des méthodes visant à éradiquer l’espèce invasive ou réguler son abondance par des moyens de lutte mécaniques, chimiques ou biologiques. Toutefois, l’éradication totale et définitive d’une espèce invasive n’est souvent possible que dans les premiers stades d’invasion (Britton et al. 2011). Lorsque l’établissement d’une espèce invasive est considéré comme irréversible, des mesures de contrôle sont mise en place de façon à réduire l’importance des populations. Ainsi, la lutte mécanique est une méthode de contrôle largement préconisée ayant pour avantage d’être spécifique à l’espèce ciblée, mais qui requiert une main d’œuvre importante et une répétition des campagnes de contrôle. Par conséquent, cette approche est privilégiée dans de petites zones d’intervention et peut s’effectuer sous différentes formes telles que la collecte à la main des individus, la mise en place de pièges ou encore la pêche, et a donc pour avantage de faire intervenir un grand nombre d’opérateurs. Par conséquent, comprendre comment l’action de l’Homme peut moduler les traits phénotypiques des individus au sein des populations invasives et quelles en sont les conséquences sur l’écosystème s’avère être un enjeu crucial afin notamment de déterminer l’efficacité des méthodes de régulation mises en place.

Variabilité intraspécifique et invasion biologique

Au cours de ces dernières décennies, de réels progrès ont été réalisés dans le domaine des invasions biologiques et ont abouti au développement d’un cadre conceptuel général permettant d’expliquer quels sont les caractères biologiques des espèces introduites impliqués dans leur succès invasif et leurs impacts écologiques (Kolar & Lodge 2001, Facon et al. 2006, Gurevitch et al. 2011). En parallèle, le concept de variabilité intraspécifique s’est appliqué à une large gamme de taxon mais demeure relativement peu étudié dans le contexte des invasions biologiques. Les populations invasives sont un choix intéressant pour étudier la variabilité intraspécifique puisque les individus sont souvent caractérisés par une forte plasticité phénotypique (Davidson et al. 2011) et sont donc susceptible de présenter des caractéristiques variables le long du front d’invasion. De plus, les capacités d’invasion et les impacts écologiques des individus introduits dépendent de leurs traits phénotypiques. Par exemple, l’expansion de l’espèce au sein de la zone géographique d’introduction va être favorisée par le caractère dispersant de l’espèce, lui même biaisé par le comportement de chaque individu (Cote et al. 2010a, Juette et al. 2014). Ensuite, les individus mâles et femelles d’une espèce étant souvent différents sur de nombreux traits phénotypiques, ceci permettrait d’expliquer que des populations invasives de Gambusia affinis de sex-ratio différent affectent différemment les processus écosystémiques (Fryxell et al. 2015). Par conséquent, bien que la variabilité intraspécifique est été relativement peu étudiée chez les espèces invasives, il s’avère important de quantifier son ampleur en milieux naturels afin de mieux prédire les conséquences écologiques des espèces invasives. C’est dans ce contexte qu’il serait également intéressant comparer les impacts écologiques induits par l’introduction de l’espèce à ceux causés par la variabilité intraspécifique elle-même.

Espèces modèles

L. gibbosus et P. clarkii (Fig. II.2A et II.2B) sont toutes deux originaires d’Amérique du Nord (du Nouveau-Brunswick à la Caroline du Sud pour L. gibbosus; Floride, Illinois, Louisiane et nord-est du Mexique pour P. clarkii) (Hobbs et al. 1989, Jordan et al. 2009). Contrairement à L. gibbosus qui fut introduite à Paris dès 1877 dans des bassins d’ornementation (Gensoul 1908), P. clarkii a été introduite plus tardivement en 1973 en Espagne pour l’aquaculture et sa progression rapide vers les autres pays européens demeure relativement mal connue (Gherardi 2006). Présente sur l’ensemble des continents exceptés l’Australie et l’Antarctique, P. clarkii est l’écrevisse la plus répandue à travers le monde (Hobbs et al. 1989). De part leur forte capacité d’adaptation à différents types de milieux (Hobbs et al. 1989, Vila-Gispert et al. 2002) et leur stratégie de type r (Copp & Fox 2007, Gherardi 2006; Tableau II.1), ces deux espèces se sont rapidement propagées à l’ensemble du territoire français et leur apparition en Haute-Garonne remonterait aux alentours de 1945 et 1995 pour L. gibbosus et P. clarkii, respectivement. P. clarkii possède une tolérance environnementale très élevée pour des niveaux extrêmement bas d’oxygène dissous et une forte résistance à la dessiccation. Ces caractéristiques lui permettent de sortir du milieu aquatique pour se propager par la voie terrestre et coloniser de nouveaux écosystèmes (Banha & Anastacio 2014, Souty-Grosset et al. 2016). Omnivores opportunistes et décrites très voraces, ces deux espèces ont pour principaux effets écologiques de réduire considérablement l’abondance et la diversité des communautés d’invertébrés aquatiques et d’amphibiens dont elles se nourrissent dans les milieux qu’elles occupent (Gherardi & Acquistapace 2007, Renai & Gherardi 2004, van Kleef et al. 2008). Ces effets peuvent se répercuter par des cascades d’interactions sur le fonctionnement des écosystèmes (Jackson et al. 2014). De part leur comportement agressif, L. gibbosus et P. clarkii sont également des espèces très compétitrices pour l’accès à la ressource trophique et à l’habitat (Almeida et al. 2014, Souty-Grosset et al. 2016). De plus, P. clarkii utilise la matière végétale (litière de feuilles et macrophytes) comme source principale de nourriture, pouvant ainsi créer des changements dans les processus écosystémiques régulateurs du fonctionnement des écosystèmes. Par exemple, la consommation des macrophytes peut favoriser le passage de l’écosystème d’un état d’eau claire à eau turbide (Rodríguez et al. 2003) tandis que la décomposition annuelle de la litière peut être accélérée dans des plans d’eau fortement envahis par rapport à ceux peu envahis (Alp et al. 2016). Du fait de leurs impacts sur les écosystèmes aquatiques, L. gibbosus et P. clarkii sont règlementairement considérées en France comme des espèces susceptibles de provoquer des déséquilibres biologiques (Art. R. 323-3). Ainsi, tout individu capturé fait l’objet d’une réglementation stricte interdisant son transport vivant (Art. L. 432-11) et son introduction dans de nouveaux écosystèmes (Art. L. 432-10), obligeant ainsi la destruction des individus capturés. Tandis que le contrôle de L. gibbosus se fait principalement par le biais de la pêcherie récréative à la ligne, P. clarkii fait également l’objet de campagnes ponctuelles et intensives de piégeages à l’aide de nasses appâtées et d’approches basées sur la biomanipulation consistant à l’introduction de poissons prédateurs pour en diminuer les abondances (Paillisson et al. 2012).

Analyses de la niche trophique

Traditionnellement, l’étude du régime alimentaire des consommateurs est basée sur l’utilisation de méthodes directes et notamment sur les analyses des contenus stomacaux. Ces analyses nécessitent d’identifier des restes de proies présents dans l’estomac des consommateurs, permettant ainsi d’obtenir une composition détaillée (au niveau taxonomique) du régime alimentaire (García-Berthou & Moreno-Amich 2000b).
Sur la base des données issues des contenus stomacaux, un indice développé par Bolnick et al. (2002) permettant de calculer pour chaque individu son niveau de spécialisation trophique en se basant sur la distribution de fréquence de chaque taxon consommé a été utilisé. Cette distribution de fréquences est alors comparée à celle de l’ensemble des ressources consommées par la population qui définit alors la disponibilité en ressources, permettant ainsi de comparer chaque individu à l’ensemble de sa population plutôt qu’à la disponibilité des ressources dans son environnement (Bolnick et al. 2002; voir les détails au Chap. VII). Il faut toutefois noter que les analyses des contenus stomacaux présentent des difficultés méthodologiques (identification difficile des proies, contenus qui varient en fonction du moment de prélèvement, contenus vides) et n’informent pas sur les ressources énergétiques réellement assimilées par les consommateurs (Votier et al. 2003). Par conséquent, des analyses des isotopes stables ont également été utilisées pour caractériser la niche trophique à l’échelle individuelle et populationnelle (Chap. IV, V, VII).
L’utilisation des isotopes stables permet de quantifier de manière indirecte les interactions trophiques entre les consommateurs et leurs proies et d’estimer les ressources réellement assimilées, c’est-à-dire celles qui contribuent directement au métabolisme de l’individu (Fry 2007; Box II.A). De plus, les isotopes stables fournissent une vision temporellement intégrative des régimes alimentaires, allant de plusieurs jours à plusieurs mois en fonction des tissus analysés (Layman et al. 2012). Les isotopes du carbone et de l’azote sont les deux éléments les plus largement utilisés en écologie trophique. L’azote (ratio isotopique noté δ15N) est utilisé comme indicateur de la position trophique des organismes (Vander Zanden et al. 1997). Le carbone (ratio isotopique noté δ13C), quant à lui, renseigne sur l’origine de la ressource consommée (Post 2002). Par exemple, l’utilisation du δ13C permet de discriminer des proies d’origine terrestre versus aquatique (Larson et al. 2011) ou encore d’origine littorale versus pélagique (Quevedo et al. 2009). L’utilisation conjointe du δ13C et du δ15N dans un espace à deux dimensions (valeurs de δ13C en abscisse et valeurs de δ15N en ordonnée; Box II.A) permet donc de positionner les entités écologiques considérées (consommateurs et ressources) les unes par rapport aux autres et ainsi représenter la niche isotopique. Cette représentation graphique permet de visualiser la structure générale du réseau trophique et d’inférer les interactions trophiques.
Les données issues des analyses isotopiques en écologie peuvent désormais être synthétisées de manière quantitative à l’aide d’indices. La définition de ces indices est ancrée dans le concept de niche écologique et notamment de l’idée que la dispersion des individus dans l’espace isotopique est révélateur de la niche trophique de la population (Bearhop et al. 2004, Newsome et al. 2007). La « Standard Ellipse Area » (SEA) développée par Jackson et al. (2011) est un indice représentatif de la variance du nuage de points formés par les individus d’une population dans l’espace isotopique. Cette métrique s’avère peu sensible à la présence de valeurs extrêmes et aux nombres d’individus échantillonnés (Jackson et al. 2011). En parallèle de cette mesure de la taille de la niche trophique, les modèles de mélange permettent d’estimer la contribution relative de chaque ressource trophique au régime alimentaire de chaque consommateur à partir des valeurs de δ13C et de δ15N des consommateurs et de leurs ressources potentielles (Philips & Gregg 2003; Box II.A). Dans cette thèse, les isotopes stables ont été utilisés pour l’étude des relations trophiques (Layman et al. 2012) et du rôle des consommateurs dans le fonctionnement des écosystèmes (Matthews et al. 2010, Kreps et al. 2016).
Dans le cadre des analyses isotopiques réalisées au cours de cette thèse, les échantillons de tissus prélevés sur les individus de L. gibbosus et P. clarkii ont été séchés à l’étuve (60°C pendant 48h) puis broyés jusqu’à l’obtention d’une poudre fine et homogène. Les ressources potentielles de chaque espèce ont également été collectées au cours des campagnes d’échantillonnage, nettoyées à l’aide d’eau distillée puis conservées dans de la glace et enfin ramenées au laboratoire. Exceptés pour le périphyton (voir détails dans Chap. V), les échantillons des ressources ont été séchés puis broyés suivant les mêmes procédures précédemment décrites pour les consommateurs. Enfin, tous les échantillons ont été analysés pour les valeurs isotopiques du carbone et de l’azote au Laboratoire d’Isotopie de Cornell (COIL, Ithaca, NY, Etats-Unis).

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Table des matières

CHAPITRE I – Introduction générale
I.1 – Biodiversité et fonctionnement des écosystèmes
I.1.1 – Evaluer la biodiversité pour mieux appréhender le fonctionnement des écosystèmes
I.1.1 – Evaluer la biodiversité pour mieux appréhender le fonctionnement des écosystèmes
I.1.2 – Composante intraspécifique de la biodiversité
I.2 – Invasions biologiques
I.2.1 – De l’introduction des espèces au phénomène d’invasion
I.2.2 – Conséquences écologiques des invasions biologiques en milieu aquatique: du gène à l’écosystème
I.2.3 – Gestion des invasions biologiques en milieu aquatique
I.2.4 – Variabilité intraspécifique et invasion biologique
I.3 – Objectifs
CHAPITRE II – Matériel & Méthodes
II.1 – Sites d’étude
II.2 – Espèces modèles
II.3 – Collecte des données
II.4 – Analyses de la niche trophique
II.5 – Analyses morphologiques
CHAPITRE III –
Article I: Impacts of invasive fish removal through angling on population characteristics and juvenile growth rate
CHAPITRE IV –
Article II: Environment-dependent trophic niche shifts in an invasive omnivore
CHAPITRE V –
Article III: A transcontinental comparison of the phenotype-environment relationships among invasive populations
CHAPITRE VI –
Article IV: Intraspecific traits variations among populations modulate the ecological effects of invasive Procambarus clarkii
CHAPITRE VII –
Article V: Resource composition mediates the effects of intraspecific variability on ecosystem processes
CHAPITRE VIII – Discussion générale et perspectives
VIII.1 – Déterminants écologiques de la variabilité intraspécifique chez les espèces invasives
VIII.2 – Rôle de la variabilité intraspécifique dans la modulation des impacts écologiques des espèces invasives sur le fonctionnement de l’écosystème
VIII.3 – Mécanismes évolutifs de la variabilité intraspécifique et boucle de rétroaction
CHAPITRE IX – Bibliographie

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