Conséquences du rapport affectif au projet sur la pratique du professionnel de l’urbanisme

Nombreuses sont les personnes qui disent qu’elles n’aiment pas la ville à cause de la pollution, du monde, de la circulation, du manque de verdure… et les justifications sont nombreuses. Pourtant, aujourd’hui, 77% de la population française vit en ville. Bien sur, il y a certains individus qui sont en quelque sorte contraints d’y vivre, mais cela montre que le qualificatif d’ « aimer » est en fait lié à un jugement personnel, qu’il ne signifie pas la même chose pour tout le monde. Une majorité de la population dit ne pas aimer la ville pour telles ou telles raisons, mais tout le monde n’aime pas la ville de la même façon. En fait, cela passe par le rapport affectif qu’établit l’individu avec la ville. Chaque personne ne ressent pas le même rapport affectif à la ville selon son âge, son passé et de nombreux autres facteurs. Plusieurs étudiants se sont déjà prêtés à l’étude du rapport affectif à la ville chez l’individu. Une première recherche, réalisée en 2000, a permis de montrer l’existence du rapport affectif à la ville chez un individu quelconque. Ces recherches ont apporté des connaissances plus complètes sur la notion de rapport affectif à la ville, au lieu. Ainsi, nous savons qu’il existe au moins quatre catégories de déterminants du rapport affectif à la ville : les aménités, évoquant les éléments agréables qui se trouvent dans l’environnement urbain ; l’urbanité, composée de l’ensemble des liens sociaux qui existent ou se créent dans la ville ; la lisibilité, définissant une ville identifiable, remarquable ; et la civilité, renvoyant aux relations qu’entretient un individu avec d’autres personnes. De plus, le rapport affectif à la ville est un sentiment qui se construit à partir d’un jugement personnel. Il se forme et évolue en fonction de l’apprentissage et de l’appropriation de l’individu à la ville. Les professionnels de l’urbanisme sont des individus amenés à évoluer dans la ville qui se trouve être également leur lieu de travail. En effet, les professionnels de l’urbanisme travaillent sur des projets de différentes tailles mais toujours dans la ville. Les projets, qui ont vocation à améliorer l’espace, sont des moteurs d’investissement plus ou moins important pour le professionnel qui y travaille. Cela génère une phase d’apprentissage et d’appropriation du projet par le professionnel. Ce travail s’appuie sur le postulat, démontré par les recherches précédentes, que le rapport affectif au projet chez les professionnels de l’urbanisme existe. Cette recherche s’intéresse aux conséquences du rapport affectif au projet sur la pratique du professionnel de l’urbanisme, et plus particulièrement sur sa satisfaction par rapport au résultat du projet. Elle a pour vocation de démontrer l’hypothèse qui est : « si le professionnel de l’urbanisme est attaché au projet, alors il est satisfait du résultat final ». Cette hypothèse peut être illustrée par un enfant réalisant une maquette : en y passant du temps, soit en s’investissant, l’enfant s’attache à la maquette, notamment à travers le travail qu’il fournit, et donc en général il est satisfait du résultat. Bien sur, la capacité d’autocritique de l’individu peut modérer sa satisfaction. Dans l’optique de répondre à la recherche, l’analyse d’entretiens menés avec des professionnels de l’urbanisme est réalisée. Cette analyse a permis dans un premier temps d’identifier le rapport affectif au projet chez les professionnels de l’urbanisme qui se constitue notamment de trois composantes qui sont : l’investissement, l’appropriation et le sentiment de déception. Ensuite, des régulateurs du rapport affectif au projet sont mis en évidence. Par régulateurs, il faut entendre des facteurs de rapprochement ou de détachement au projet chez le professionnel de l’urbanisme. Ainsi, les relations avec les autres acteurs du projet, le passé du professionnel, son rôle dans le projet et son rapport affectif à la ville où il travaille régulent son rapport affectif au projet. Enfin, la satisfaction du professionnel, notamment jugée à partir de sa capacité d’autocritique, est estimée afin de pouvoir conclure sur la valeur de l’hypothèse.

Le rapport affectif, une notion à découvrir

Des connaissances récentes et basées sur la recherche universitaire

La question du rapport affectif n’a pas fait l’objet de nombreuses recherches. C’est en 2000 que Béatrice Bochet a réalisé le premier mémoire de recherche sur cette thématique. Son mémoire avait pour intérêt de mettre en valeur les différents déterminants du rapport affectif chez l’individu à la ville. En partant du postulat que le « couple aménité/urbanité est une base au sens mathématique » du rapport affectif, elle a conclu que tout élément de la ville pouvant intervenir dans le rapport affectif est définissable par ce couple. Son étude, ainsi que ses recherches postérieures , lui ont permis de définir deux catégories de déterminants du rapport affectif : les aménités et l’urbanité. L’étude et la mise en valeur des déterminants du rapport affectif à la ville ont ensuite été complétées par Fanny Guyomard au cours son étude du rapport affectif à la ville de Bruxelles. Elle a ainsi mis en avant deux autres catégories de déterminants qui sont : la civilité et la lisibilité. En reprenant les conclusions faites par Béatrice Bochet, d’autres étudiants ont réalisé leur mémoire de recherche. Benoît Feildel , lui, s’est attaché à étudier la construction cognitive du rapport affectif à la ville. L’objectif de sa recherche était de déchiffrer les phénomènes psychosociologiques à l’origine de la naissance du rapport affectif entre l’individu et la ville. Dans Evolution du rapport affectif à la ville de l’individu, à travers son parcours de vie , Joëlle Le Borgne, en s’appuyant sur les travaux déjà réalisés, a mis en avant que le rapport affectif de l’individu se développe à partir de son passé. En partant de la question de départ : « Le temps passé en milieu urbain est-il un facteur déterminant dans la construction du rapport affectif de l’individu à la ville ? » , Joëlle Le Borgne conclut notamment que le rapport affectif est lié à certaines périodes de vie de l’individu, notamment l’enfance. Enfin, en 2007, Nathalie Audas dans son mémoire Le rapport affectif au lieu : Analyse comparée deméthodes de recueil d’informations sur la dimension affective des représentations étudie les différentes méthodes d’observation du rapport affectif au lieu. Elle parvient notamment à réaliser un tableau synthétique permettant à quiconque d’utiliser la méthode la plus adaptée en fonction des besoins de sa recherche sur le rapport affectif.

Tous abordent le rapport affectif de l’individu à la ville sous différents angles : construction cognitive, évolution, étude des méthodes d’analyse ; mais peu d’entre eux s’intéressent à celui des professionnels de l’urbanisme. Il est vrai que les professionnels de l’urbanisme sont également des individus qui vivent dans les villes, mais ils ont une connaissance plus complète, notamment technique, de la ville qu’un habitant ne travaillant pas dans ce domaine.

Dans L’invention de la ville , Yves Chalas explique qu’au milieu des discours des habitants il y a l’ignorance due au manque de connaissance en urbanisme et l’imagerie liée à l’ensemble des préjugés. Dans les paroles de l’urbaniste, même si nous considérons que les préjugés sont toujours présents dans l’esprit des personnes, ce discours d’ignorance devrait être moins important dans les paroles des professionnels de l’urbanisme. En effet, nous pouvons supposer que ces derniers sont des habitants des villes qui n’entretiennent pas un rapport affectif commun avec la ville du fait de leurs connaissances dans le domaine.

L’absence d’étude sur le rapport affectif des professionnels de l’urbanisme

Bien que le rapport affectif ait fait l’objet de plusieurs mémoires de recherche durant ces dernières années, nous avons pu constater précédemment que le rapport affectif chez les professionnels de l’urbanisme était peu, voire pas, étudié. Pourtant, un professionnel de l’urbanisme est une personne dotée d’affectivité qui peut influencer ses relations à la ville, au lieu, au travail.

L’illustration ci-dessus permet de mettre en avant les différents rapports affectifs ayant déjà été abordés dans d’autres recherches. Comme nous l’avons précédemment vu et comme l’illustre la figure, les rapports affectifs à la ville et à un environnement, qui peut être un lieu, chez l’individu ont déjà été étudiés et mis en évidence. Le professionnel de l’urbanisme étant également un individu, nous pouvons conclure sur l’existence de ces rapports affectifs chez le professionnel de l’urbanisme. Par contre, comme il a déjà été souligné le rapport affectif au projet chez le professionnel de l’urbanisme n’a pas encore fait l’objet d’une étude précise. Même si le rapport affectif à la ville a été étudié chez l’individu, il pourrait être intéressant de mettre en parallèle les recherches précédentes avec le rapport affectif chez le professionnel de l’urbanisme. Nous faisons l’hypothèse qu’une telle recherche permet de mettre en avant des points communs mais également des différences entre le rapport affectif à la ville chez l’individu non compétent en urbanisme et chez le professionnel de l’urbanisme. Toutefois, pour cette recherche nous avons pris le parti d’étudier le rapport affectif au projet qui est propre aux professionnels de l’urbanisme.

Dans un article de la revue Urbanisme , Camille Tiano, chercheuse à l’Institut Français d’Urbanisme, parle des acteurs des projets urbains : les élus locaux, les architectes et aménageurs, les communicants, qu’elle décrit comme les « auteurs d’imaginaire ». Elle met succinctement en avant le rapport que peut entretenir un professionnel de l’urbanisme avec « son projet ».

Les élus locaux sont décrits comme des personnes pouvant être très attachées aux projets réalisés sur leur territoire, au point de parler parfois de « leur bébé ». Par exemple, Pierre Mauroy, homme politique, aurait expliqué ne pas avoir dormi pendant des nuits en raison des difficultés rencontrées pour Euralille. Camille Tiano parle ensuite des architectes et des urbanistes. Certains professionnels de l’urbanisme s’investissent au minimum dans les projets alors que d’autres y vouent corps et âme. En effet, elle site l’exemple de l’aménageur Jean-Paul Baïetto et de l’architecte Rem Koolhaas qui ont réalisé ensemble le projet d’Euralille avec une volonté de rupture architecturale, économique, politique, et esthétique avec des lignes architecturales futuristes. Ce parti pris par les deux professionnels a entraîné de nombreux débats, mais les deux hommes se seraient défendus, sans doute par attachement au projet. Certains pourraient dire qu’ils ont gagné leur pari au regard du résultat, mais cela reste à l’appréciation de chacun. Nous pouvons tout de même avancer, à partir de cet exemple, que l’implication des professionnels dans la réalisation d’un projet a certainement des conséquences sur le projet lui-même, conséquences positives ou négatives selon les points de vue.

Définition des termes 

Le rapport affectif, un sentiment personnel 

Le rapport affectif à la ville de l’individu
Dans Le rapport affectif à la ville : Essai de méthodologie en vue de rechercher les déterminants du rapport affectif à la ville , Béatrice Bochet définit le rapport affectif en s’intéressant aux sentiments qui peuvent s’exprimer de différentes formes : « sentiment esthétique, sentiment de rejet, sentiment d’appartenance… ». Les sentiments se ressentent à la suite d’une opinion fondée sur une appréciation subjective et non sur un raisonnement logique. Elle termine son explication du terme en disant que le fait d’avoir des sentiments, soit d’entretenir un rapport affectif, correspond à un « état affectif ayant pour antécédent immédiat une représentation et/ou une émotion ». Benoit Feildel élargit dans son mémoire la notion de rapport affectif à « une sphère d’affectivité » qui recouvre différents degrés et différentes formes de sentiments et d’émotions. Le rapport affectif, selon Benoit Feildel, est donc plus vaste et contient en plus l’idée d’émotion qui est un état affectif plus intense, plus troublant et plus temporaire que le sentiment.

Dans sa recherche, Fanny Guyomard  apporte l’idée de temps. En effet, l’affectif fait appel aux sentiments qui se développent par l’apprentissage du lieu et également en fonction des interactions existantes entre le lieu et l’individu. L’histoire de l’individu et l’environnement, direct ou indirect, ont donc une influence sur les sentiments qu’il peut ressentir pour un lieu, une ville, un projet.

Pour Joëlle Le Borgne, le lien affectif que l’individu construit avec la ville est étroitement lié à l’apprentissage et à l’appropriation de la ville. Dans Evolution du rapport affectif à la ville de l’individu, à travers son parcours de vie, Joëlle Le Borgne cherche à mieux comprendre le type de relations que peut établir un individu avec la ville. Pour cela, elle fait une étude parallèle avec le rapport affectif entre deux individus, soit par exemple lors de relations amoureuses. Elle en conclut que « le rapport à la ville passe tout d’abord par des interactions, des échanges entre celle-ci et l’individu qui s’y trouve » et qu’il naît grâce aux émotions et aux sentiments ressentis par l’individu à propos d’une ville. Le rapport affectif à la ville se traduit donc par des sentiments personnels engendrés par les expériences vécues ou non par l’individu, en rapport direct avec la ville ou seulement associés à elle.

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE 1 : PRESENTATION DU SUJET DE RECHERCHE
I. Le rapport affectif, une notion à découvrir
II. Définition des termes
III. Objet de la recherche
PARTIE 2 : PRESENTATION DE LA METHODE DE RECHERCHE
I. Le choix de l’outil : l’entretien
II. Une opportunité dans l’avancement de la recherche
III. Les projets sur lesquels les professionnels de l’urbanisme ont travaillé
PARTIE 3 : ANALYSE ET RESULTATS DES ENTRETIENS
I. L’échantillon de professionnels de l’urbanisme interviewés
II. Un protocole d’analyse basé sur l’analyse thématique des entretiens
III. Analyse des entretiens
IV. Synthèse des résultats
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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