Conséquences des accidents de la route

Chaque jour dans le monde, plus de 3000 personnes décèdent dans un accident de la route (Organisation mondiale de la santé, 2004). Chaque année, les accidents de la route causent environ 1,25 million de décès et blessent entre 20 et 50 millions de personnes (Organisation mondiale de la santé, 2015). D’ici 2030, l’Organisation mondiale de la santé (OMS, 2015) estime que, si rien n’est fait maintenant, les accidents de la route deviendront la septième cause de décès dans le monde. Il est estimé qu’aux États-Unis, environ une personne sur quatre (23 %) sera victime d’un accident de la route au cours de sa vie (Norris, 1992). Au Canada, cette estimation est évaluée à près de 18 % (Van Ameringen, Mancini, Patterson, & Boyle, 2008).

Au Québec, pour l’ année 2012, le nombre total de victimes se chiffrait à 41 922 (Société de l’assurance automobile du Québec, 2012). Ce nombre comprend 486 victimes décédées, 2023 victimes gravement blessées! et 39413 victimes légèrement blessées. Toutefois, la Société de l’assurance automobile du Québec (2012) souligne la diminution du nombre de victimes lorsque ce bilan est comparé avec celui des années 2007 à 20 Il. Des diminutions de l’ordre de 18,0 % des décès, de 16,2 % des blessés graves et de 10,3 % de blessés légers sont notées. Néanmoins, malgré l’amélioration du bilan routier, il n’en demeure pas moins que le nombre de victimes est important; le cout financier lié aux accidents de la route l’est tout autant.

Aux États-Unis, pour l’année 2000, le National Highway Traffic Safety Administration estimait l’impact économique total des accidents de la route à un montant de 230,6 milliards de dollars (Blincoe et al., 2002). Pour l’année 2004, les couts sociaux des accidents de la route au Canada et au Québec étaient évalués respectivement à 63 milliards de dollars et à 17,6 milliards de dollars (Vodden, Smith, Eaton, & Mayhew, 2007) .

Au-delà des chiffres, les accidents de la route sont des événements marquants, voire parfois traumatiques, pour les personnes qui les vivent (American Psychiatric Association, 1996, 2013). ils peuvent, par ailleurs, entrainer diverses conséquences tant sur les plans physique, psychologique, psychiatrique que cognitif (Iverson, Brooks, & Ashton, 2008; Mayou, Bryant, & Ehlers, 2001 ; Smith, 1989). Le présent essai s’intéresse plus particulièrement à l’ aspect cognitif en se concentrant sur les effets sur le plan attentionnel. il examine donc l’impact des accidents de la route, comme événements potentiellement traumatiques, sur le processus attentionnel des personnes accidentées. Nous nous intéressons à l’attention puisqu’il s’agit d’une des composantes cognitives les plus importantes impliquées dans la conduite automobile. Fait à noter, cet essai s’inscrit dans le cadre d’un projet de recherche plus large. Ce projet inclut également des victimes d’agressions sexuelles et examine d’ autres processus cognitifs, tels que le raisonnement déductif, la mémoire de travail et la mémoire épisodique. Pour les besoins de l’essai, les participants ayant vécu une agression sexuelle n’ont pas été inclus dans les analyses afin de s’assurer que la seule distinction entre le groupe expérimental et le groupe contrôle porte sur le fait d’ avoir vécu ou non un accident de la route.

Conséquences des accidents de la route 

Au-delà des blessures physiques, les personnes accidentées peuvent être confrontées à différentes conséquences qui peuvent être d’ordre psychologique, psychiatrique et cognitif. Sur le plan psychologique, les personnes accidentées peuvent vivre un deuil pour la perte de capacités physiques ou cognitives à la suite de l’accident ou encore pour le décès d’une personne dans l’événement (Smith, 1989). De plus, elles peuvent ressentir de la culpabilité du fait d’avoir survécu à l’accident alors que d’autres ont péri ou encore elles peuvent se percevoir comme étant coupables des blessures subies par d’autres. Finalement, Smith (1989) souligne que la difficulté à accepter une nouvelle condition physique peut amener les victimes d’accident à être démoralisées et à sombrer dans la dépression.

Sur le plan psychiatrique, plusieurs études ont démontré que les gens ayant vécu un accident de la route peuvent développer des problèmes de santé mentale, tels qu’un trouble d’anxiété généralisé (TAG), une dépression, une phobie spécifique au voyage ou un TSPT (Blanchard et al., 2004; Mayou, Bryant, & Duthie, 1993; Mayou et al., 2001; Smith, 1989). Parmi ces conséquences, le TSPT est l’une des plus étudiées (Blanchard et al., 2004). Il est à noter, toutefois, que seule une minorité des individus rencontrent les critères pour recevoir le diagnostic du TSPT à la suite d’un accident grave, à savoir environ 12 % des personnes accidentées (Norris, 1992). Plusieurs personnes présentent des symptômes à des degrés divers, pour des périodes_ variables après l’accident de la route (Blanchard, Hickling, Taylor, Loos, & Gerardi, 1994; Blanchard et al., 1995; Duckworth, 2008; Mayou, Ehlers, & Bryant, 2002; Taylor & Koch, 1995). Précisons que dans le cadre de cet essai, les critères diagnostiques du TSPT seront présentés à partir de la 4e édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV) (American Psychiatric Association, 1996), puisque les tests psychométriques utilisés pour cette étude sont basés sur cette version du DSM.

Pour recevoir un diagnostic de TSPT, une personne doit tout d’ abord avoir été exposée à un événement traumatique puis réagir à celui -ci. Elle doit également présenter trois groupes de symptômes persistant depuis plus d’un mois: 1) la ré-expérience de l’ événement traumatique, notamment par des souvenirs, des rêves répétitifs, provoquant chez la personne une détresse psychique; 2) l’évitement des stimuli associés à l’événement traumatique et l’émoussement de la réactivité générale (c’ est-à-dire au monde extérieur); et 3) l’hyperréactivité neurovégétative, notamment par des signes d’anxiété et d’hypervigilance. Cet essai s’intéresse plus précisément à ce dernier groupe de symptômes, selon lesquels la personne qui a vécu un événement traumatique aurait davantage tendance à être hypervigilante envers les éléments menaçants de son environnement en dirigeant son attention vers ceux-ci (Bryant & Harvey, 1995; Reichert, Segal, & Flannery-Schroeder, 2015). Par exemple, une personne accidentée de la route qui se fait percuter par l’ arrière lors d’un arrêt pourrait par la suite constamment porter une attention particulière à son rétroviseur pour s’assurer que la personne derrière elle ne freinera pas à la dernière minute. De ce fait, son attention n’est plus totalement disponible pour évaluer ce qui se passe sur la route devant elle. La personne accidentée devient alors elle-même plus à risque de commettre un accident de la route. Il est donc important de souligner que certains symptômes liés au TSPT peuvent avoir des conséquences non négligeables sur la sécurité routière des usagers de la route en affectant, entre autres, certains aspects du processus attentionnel, essentiel pour la conduite.

À la suite d’un accident de la route, plusieurs raisons peuvent mener la personne accidentée à développer des troubles cognitifs. Parmi ces raisons, le traumatisme craniocérébral (TeC) semble être la plus commune (lverson et al., 2008). Le Tee se caractérise par une blessure au cerveau pouvant entrainer de la confusion, de la désorientation, une perte de conscience, voire même un coma, ainsi qu’ une possible amnésie suivant le choc subi à la tête (Harvey, Brewin, Jones, & Kopelman, 2003). En effet, au cours de l’accident, en raison de la haute vitesse à laquelle se déplace la voiture et de l’impact de la collision avec un objet (p. ex., une autre voiture ou un poteau), les passagers de la voiture sont susceptibles de recevoir un coup à la tête et/ou de subir un coup de fouet, c’est-à-dire une blessure cervicale causée par la rapide accélération et décélération du cou lors de l’ impact (Harvey et al., 2003). Les conséquences de ces blessures sur les fonctions cognitives ont été largement étudiées en neuropsychologie (Harvey et al., 2003; Iverson et al., 2008; Masson et al., 2013). À cet effet, des déficits de la mémoire et de l’attention ont été observés lors d’évaluations neuropsychologiques. Les conséquences cognitives d’un Tee ne sont pas à négliger puisque que les patients ayant un sévère Tee seraient, par exemple, 2,3 fois plus à risque d’ avoir un autre accident de la route que les personnes n’ayant pas de TCC sévère (Formisano et al., 2005).

Certaines des conséquences des accidents de la route sont donc susceptibles d’augmenter le risque d’ accidents subséquents. Un des éléments essentiels pour une conduite sécuritaire sur la route est de bien porter attention à ce qui se passe autour de soi sur la route.

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Table des matières

Introduction 
Contexte théorique 
Conséquences des accidents de la route
Le processus attentionnel et la conduite automobile
L’attention et son importance dans la conduite automobile
La distraction et l’inattention dans la conduite automobile
Le biais attentionnel
Paradigmes expérimentaux permettant d’évaluer le biais attentionnel
Les principaux résultats rapportés dans la littérature sur le biais
attentionnel
Le biais attentionnel et les accidents de la route
Objectifs et hypothèses
Méthode 
Participants
Recrutement, critères d’inclusion et d’exclusion
Consentement, confidentialité et compensation financière
Constitution des groupes, retraits de participants
Matériel
L’inventaire d’anxiété situationnelle et de trait d’anxiété-fonne Y
(IASTA-Y)
Life Event Checklist (LEC)
Sévérités objective et subjective
Clinician-Administered PTSD Scale for PTSD (CAPS)
Beck Depression Inventory-II (BDI-II)
La tâche d’indiçage spatiaL
Procédure
Procédure de l’entretien clinique
Procédure de la tâche d’indiçage spatial
Analyses statistiques
Résultats 
Analyses descriptives des groupes
Analyses statistiques pour la tâche attentionnelle
Analyses statistiques pour l’évaluation émotionnelle des contenus
Discussion
Les limites de l’étude
Conclusion

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