Conséquences de l’insatisfaction corporelle : Détresse psychologique
L’insatisfaction de l’image corporelle a plusieurs conséquences. Notamment, des sentiments de détresse psychologique sont fortement associés à des préoccupations relatives de l’image corporelle (Kostanski & Gullone, 1998; Ledoux et al., 2002). Par ailleurs, la perception de son image corporelle a un plus grand impact sur le plan psychologique que le poids réel d’une personne (Bearman et al., 2006). Dans le cadre du présent projet doctoral, nous nous sommes intéressés plus précisément à deux dimensions de la détresse psychologique, soit les symptômes de dépression et d’anxiété. En effet, la dépression et l’anxiété seraient fortement associées aux perturbations de l’image corporelle (Cooper & Goodyer, 1997).
L’effet de l’insatisaction corporelle sur l’anxiété
L’anxiété est un concept multidimensionnel qui comprend des éléments comportementaux, somatiques, cognitifs et émotionnels (Kendall, 2012). Dans le cadre du présent projet, l’anxiété est considérée comme une réaction émotionnelle qui se traduit par des manifestations physiologiques et des modifications comportementales (Bridou, & Aguerre, 2012). Plus spécifiquement, l’anxiété est une réaction universelle, face aux objets ou aux situations qui présentent une menace ou un danger réel ou imaginaire, qui s’exprime au travers de sentiments parfois intenses de peur et d’angoisse (Dumas, 2013) et qui interfère avec le fonctionnement de la personne (Kendall, 2012). Plus de 10 % des enfants et des adolescents seraient atteints de troubles anxieux (Kendall, 2012).
Les perturbations de l’image corporelle seraient fortement associées aux symptômes d’anxiété (Cooper & Goodyer, 1997). En effet, des études ont démontré que l’insatisfaction à l’égard de l’image corporelle est associée à l’anxiété générale (Kostanski & Gullone, 1998) et à l’anxiété reliée au corps (Etu & Gray, 2010). Par ailleurs, Cameron et Ferraro (2004) ont constaté que la présence élevée de traits d’anxiété était associée à une plus grande insatisfaction corporelle. Les résultats de ces études démontrent bien la relation bidirectionnelle entre l’insatisfaction de l’image corporelle et l’anxiété.
L’effet de l’insatisfaction corporelle sur la dépression
Dans le cadre de ce projet, nous nous intéressons à la dépression qui peut être caractérisée par un manque d’intérêt prononcé et une baisse du niveau d’activité au travers desquels, des sentiments de dépression et de désespoir prédominent (Dumas, 2013). La prévalence du trouble dépressif majeur chez les enfants et les adolescents se situe entre 2 % à 5 % (Brotman et al., 2006) .
L’image du corps pourrait être un facteur important dans le développement de la dépression (Almeida, Severo, Araûjo, Lopes, & Ramos, 2012; Bélanger & Marcotte, 2013). En effet, entretenir des sentiments négatifs sur l’évaluation de son apparence peut mener vers la dépression (Thompson et al., 1999). D’ailleurs, plusieurs études ont démontré que l’insatisfaction corporelle est un facteur important pour prédire une humeur dépressive (Almeida et al, 2012; Johnson et Wardle, 2005; Stice et Bearman, 2001). De plus, une étude de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (King, Boyce et King, 1999) a démontré une association entre le fait de vouloir changer quelque chose en regard de son corps et une vulnérabilité à ressentir des sentiments de dépression. En outre, une étude longitudinale a démontré qu’une forte insatisfaction de son image corporelle chez les adolescentes prédit l’apparition de la dépression chez celles qui initialement n’étaient pas déprimées (Stice, Hay ward, Cameron, Killen, & Taylor, 2000). De plus, les adolescents qui se perçoivent eux mêmes comme ayant un poids normal seraient moins déprimés que ceux qui se pensent en insuffisance ou en excès de poids (Kaplan et al, 1988). D’un autre côté, l’étude de Bélanger et Marcotte (2013) a montré que les symptômes dépressifs étaient liés à une image corporelle négative chez les jeunes filles et garçons. En effet, Rierdan, Koff, et Stubbs (1989) suggèrent que les cognitions négatives que les adolescents entretiennent lorsqu’ils souffrent de dépression influencent de façon négative leur perception de leur corps, les conduisant à développer un haut niveau d’insatisfaction corporelle. Il est alors possible de croire qu’un cercle vicieux s’installe entre l’insatisfaction de l’image corporelle et la dépression.
L’estime de soi
Le concept d’estime de soi revêt une grande importance pour la recherche en psychologie (Vallières & Vallerand, 1990) et joue un rôle critique dans le processus de développement (Block & Robins, 1993). En effet, l’estime de soi constitue une ressource personnelle qui s’établit durant l’adolescence (Blackburn et al., 2008) et qui s’associe à une meilleure adaptation sociale, une bonne santé mentale et au bien-être (Bolognini, Plancherel, Bettschart, & Halfon, 1996; Torres, Lecturer, Fernandez, Fellow, 1995). Lors de cette étape clé du développement, la construction de l’estime de soi se fait en lien avec différentes caractéristiques personnelles et sociales et la satisfaction de son image corporelle (Blackburn et al. 2008). Selon Rosenberg (1979), l’estime de soi est un concept qui se réfère au sentiment personnel de confiance en soi. Elle correspond à la valeur et au respect que le jeune va s’attribuer à lui-même (Breton et al., 2002). Plus précisément, elle repose sur l’image qu’une personne entretient d’elle-même et qui résulte de la confrontation entre les rôles qu’elle estime jouer dans un contexte précis et ses attentes (Blackburn et al., 2008). En somme, la conceptualisation de l’estime de soi doit être considérée dans une perspective multidimensionnelle, car il s’agit d’un jugement de valeur qui découle des perceptions que l’on attribue à ses compétences dans différents domaines (Blackburn et al., 2008).
L’influence de l’insatisfaction corporelle sur l’estime de soi
Les études de Eide (1982) et Taggart (1977) ont démontré qu’une modification de la perception de son image corporelle influence l’estime de soi, puisque celle-ci est une dimension du concept de soi (Ledoux et al., 2002). Les résultats de Thompson et Smolak (2001) indiquent une relation négative très forte entre l’estime de soi et l’insatisfaction corporelle, alors que ceux de Van der Berg, Mond, Eisengerg, Ackard et NeumarkSztainer (2010) révèlent une faible association chez les adolescents. Néanmoins, plusieurs études indiquent que l’insatisfaction de l’image corporelle est associée à une plus grande détérioration de l’estime de soi et d’autres aspects du fonctionnement psychosocial, autant chez les femmes que chez les hommes (Furnham, Badmin, & Sneade, 2002; Mond & Hay, 2007; Wardle et Cooke, 2005). D’ailleurs, les résultats d’une recherche indiquent une forte association négative entre l’insatisfaction de l’image corporelle et l’estime de soi pour tous les groupes de statuts pondéraux sauf pour les filles en insuffisance de poids (Van der Berg et al., 2010). Ces résultats suggèrent que les filles qui sont en insuffisance pondérale (maigreur) ont probablement une meilleure estime de soi, parce qu’elles répondent davantage à l’idéal de minceur véhiculé dans la société (Blackburn et al, 2008; Van der berg, 2010).
Plusieurs auteurs ont étudié l’effet de l’estime de soi sur l’image corporelle (p. ex., Breton et al, 2002; Catin & Stan, 2010; Paxton et al., 2006a), alors que d’autres ont évalué l’effet de l’insatisfaction de l’image corporelle sur l’estime de soi (p. ex., Johnson et Wardle, 2005; Paxton et al, 2006b; Perron, Gaudreault, Veillette, & Richard, 1999; Seidah et al., 2004; Tiggemann, 2005). Des chercheurs sont arrivés à la conclusion que l’image corporelle est un aspect important de l’estime de soi et n’est pas un construit séparé (Allgood-Merten, Lewinshohn, & Hops, 1990). Toutefois, bien que les deux construits soient reliés, ce ne sont probablement pas deux construits identiques. En effet, les résultats d’Allgood-Merten et ses collègues indiquent des coefficients de corrélations de 0,44 et 0,49 pour les filles et de 0,34 et 0,36 pour les garçons aux Temps 1 et 2 respectivement. D’autres auteurs considèrent que l’estime et l’image corporelle sont deux construits distincts. D’ailleurs, l’existence d’une relation spirale entre ces deux variables a été proposée par Paxton et ses collaborateurs (2006a). Ainsi, bien qu’il puisse y avoir des changements dans les niveaux moyens de l’estime de soi et de l’insatisfaction corporelle à travers l’adolescence, l’association entre les deux construits semble demeurer assez stable (Van Der Berg et al., 2010). Il est donc raisonnable de supposer que l’insatisfaction corporelle et l’estime de soi ont une relation réciproque et que cette relation commence tôt dans la vie (Van Der Berg et al., 2010).
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Table des matières
Introduction
Contexte théorique
Image corporelle
Vue d’ensemble de l’image corporelle selon le sexe
Conséquences de l’insatisfaction corporelle : Détresse psychologique
L’effet de l’insatisaction corporelle sur l’anxiété
L’effet de l’insatisfaction corporelle sur la dépression
L’estime de soi
L’influence de l’insatisfaction corporelle sur l’estime de soi
Lien entre l’estime de soi et la détresse psychologique
Objectifs et hypothèses de recherche
Méthode
Participants
Procédure et déroulement
Instruments de mesure
Questionnaire sociodémographique
L’estime de soi
L’insatisfaction de l’image corporelle
Anxiété
Dépression
Analyses statistiques
Résultats
Analyses descriptives
Effets de l’insatisfaction corporelle et de l’estime de soi sur les symptômes d’anxiété
et de dépression
Discussion
Implications cliniques
Forces et faiblesses de l’étude
Conclusion
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