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Instabilités thermiques
En l’absence de réactifs chimiques
En l’absence de molécules réactives dans l’environnement d’exposition (oxygène ou eau), les polymères peuvent se décomposer sous leur propre instabilité, cette dernière étant gouvernée par les facteurs thermochimiques/thermodynamiques.
Il s’agit, en général, de réactions radicalaires amorcées par la rupture des liaisons chimiques les plus faibles, c’est-à-dire ayant la plus faible énergie de dissociation du réseau macromoléculaire.
Ainsi, la thermolyse peut être décrite selon le schéma mécanistique simplifié suivant [1, 24] :
(Ta) P-P 2P° (ka) Formation de radicaux
(Tb) P° P°+λV (kb) Réarrangement des radicaux par coupure β
(Tc) P° + P° espèces non-radical (kc) Terminaison
où V est un produit volatil et λ est son rendement dans la réaction considérée.
Les liaisons C-C et C-H aromatiques, et les liaisons C-F sont les plus stables (énergie de dissociation ED > 450 kJ.mol-1). Les polymères composés uniquement de ces types de liaisons sont donc qualifiés de « thermostables ». Les polyimides et polymères fluorés, tels que le polytétrafluoroéthylène (PTFE) sont des exemples de polymères thermostables. En revanche, les liaisons C-C et C-H aliphatiques sont nettement moins stables (325 < ED < 425 kJ.mol-1). Plus les carbones des liaisons C-C aliphatiques sont substitués, plus celles-ci sont instables. Ainsi, la stabilité des liaisons C-C aliphatiques varie dans l’ordre présenté au Schéma 5.
Il en résulte que les polymères avec des carbones tétrasubstitués, comme le le polyisobutylène (PIB), le polyméthacrylate de méthyle (PMMA) ou le poly-α-méthylstyrène (PαMS) sont particulièrement instables (ED = 300-320 kJ.mol-1). De même, les polymères avec des hétéroatomes dans la chaîne principale comme le polyoxyméthylène (POM), le polyéthylène téréphtalate (PET) et le polychlorure de vinyle (PVC) sont particulièrement instables (ED = 290-340 kJ.mol-1). Cependant, la stabilité thermique globale ne dépend pas uniquement de la présence de liaisons faibles, mais également de la capacité des radicaux à initier une réaction de propagation en chaîne (voir paragraphe ii).
La thermolyse et ses conséquences
La thermo-oxydation et ses conséquences
La thermo-oxydation se distingue des autres mécanismes d’oxydation (amorcés par un agent intrinsèque : irradiation γ ou UV, désinfectant chloré de l’eau potable, etc.) par le fait qu’elle est amorcée par son principal produit de propagation : le groupe hydroperoxyde. Dès son origine, ce mécanisme a été utilisé pour expliquer la thermo-oxydation des élastomères polydiènes et des polyoléfines [62-64].
En revanche, ce n’est qu’au milieu des années 90 qu’il a été appliqué avec succès aux matrices organiques de matériaux composites à usage aéronautique [1, 65]. Il est maintenant bien établ que la thermo-oxydation de la matrice organique est la principale cause de ruine des matériaux composites au dessus de 150°C dans l’air.
Elle entraîne des modifications aux différentes échelles d’observation, depuis l’échelle moléculaire jusqu’à l’échelle macroscopique, en passant par l’échelle macromoléculaire.
A l’échelle moléculaire, l’oxygène réagit avec le polymère, entraînant une densification du réseau (par greffage de molécule d’oxygène sur le réseau) [52, 54]. Parallèlement, la réaction avec l’oxygène peut former des produits volatils qui s’échappent de la résine et ainsi, allègent le composite [55]. Si ces derniers ne parviennent pas à diffuser vers l’extérieur, ils peuvent générer des microcavités qui constituent des zones d’amorce de fissures [57].
L’oxygène diffuse plus lentement qu’il ne réagit avec la matrice du composite depuis les bords libres vers le cœur du matériau, ce qui entraîne la formation d’une couche oxydée en surface, mise en évidence à l’échelle microscopique par différentes techniques d’observation (microscope optique, MEB ou cartographie IR). Cette fine couche oxydée a pu être déjà formée au cours de l’étape de post-cuisson du matériau composite. L’oxydation entraîne une diminution des propriétés à rupture de la matrice, en compétition avec la post-cuisson qui, elle, au contraire, tend à les améliorer [12, 48]. Plus concrètement, cette fine couche oxydée tend à devenir plus fragile et donc plus sensible à la fissuration, à la différence du cœur de l’échantillon qui, lui, conserve son caractère ductile [25]. Les contraintes de traction qui se développent suite au retrait contrarié de la couche oxydée, conduisent à sa fissuration [10]. Les fissures s’amorcent en surface, là où l’intensité des contraintes de traction est la plus élevée [54]. Ces fissures accélèrent la progression de l’oxygène vers le cœur du matériau. Deux cas sont envisageables. La fissure peut atteindre l’interface entre la couche oxydée et le cœur non oxydé et s’émousser. Mais, elle peut aussi traverser l’interface et atteindre le cœur intact, accélérant ainsi la progression de l’oxygène vers les couches plus profondes. Les lèvres de la fissure s’oxydent et font progresser le front d’oxydation vers le cœur de l’échantillon, créant une nouvelle couche oxydée en deçà de la pointe de la fissure, qui à son tour, peut se fissurer, et ainsi de suite. La Figure 5 illustre ces mécanismes.
A l’échelle macroscopique, la dégradation (provenant de la thermolyse ou de la thermo-oxydation) conduit à la ruine du matériau par la chute des propriétés à la rupture, telles que la contrainte à la rupture, l’allongement à la rupture ou la ténacité [53, 54, 66].
Dans un matériau composite, les interfaces fibres/matrices constituent les plus gros défauts. Les ruptures aux interfaces sont donc favorisées. De plus, la nature de la matrice est un facteur dominant dans l’évolution des propriétés mécaniques. En effet, une modification de la structure chimique entraîne une modification de la capacité de transfert de charge de fibre à fibre [54, 66]. Un composite dégradé réagit comme un paquet de fibres dissociées où le transfert de charge n’est plus optimal, d’où la chute des propriétés mécaniques [47].
Les effets de la post-cuisson se reflètent également sur les propriétés mécaniques des matériaux composites avant de voir apparaître ceux du vieillissement thermique. En effet, durant les premiers temps d’exposition, on assiste à une légère augmentation de la limite d’élasticité [80], de la contrainte à la rupture et du module en traction [48, 53, 80]. Cette amélioration coïncide avec l’augmentation de Tg attribuée à la post-réticulation sur les mêmes durées. D’après Tsotsis [53], cette augmentation peut également être due à une amélioration de la résistance de l’interface fibre/matrice.
Cependant, cette amélioration est rapidement masquée par les effets négatifs du vieillissement thermique de la matrice. En effet, la fragilisation de cette dernière conduit à la rupture du composite pour des contraintes ou déformations plus faibles [49]. Ainsi l’échantillon se rompt dans le domaine élastique, adoptant ainsi un comportement qualifié de fragile [80].
Les échantillons vieillis (6000 heures à 177°C) présentent également une sévère érosion en surface, ainsi qu’une délamination [53].
L’oxydation ne concerne que de fines couches superficielles de l’échantillon car elle est gouvernée par la diffusion d’oxygène, c’est pourquoi le module et la limite d’élasticité restent en général quasi-constants au cours du vieillissement [80]. Cependant, après de plus longues durées, lorsque la couche oxydée s’est fissurée et que le front d’oxydation s’est décalé vers les couches plus profondes du matériau, les propriétés mécaniques chutent et peuvent perdre jusqu’à 50% de leurs valeurs initiales.
La Figure 8 montre la formation de la couche oxydée d’un composite unidirectionnel. Celle-ci se développe préférentiellement dans la direction des fibres, la diffusion de l’oxygène n’étant pas ralentie par la présence des fibres [47].
La matrice pure se présente sous forme de films et de plaques d’épaisseur variant entre 200 µm et 2 mm. Ces derniers ont été découpés en échantillons rectangulaires de différentes tailles avant vieillissement. Ces échantillons ont aussi été vieillis dans une large gamme de températures (entre 120 et 240°C) sous différentes pressions partielles d’oxygène (entre 0 et 100% de la pression atmosphérique). La variation de pression partielle d’oxygène a permis de découpler les effets des deux principaux modes de vieillissement chimique du matériau composite en service, c’est-à-dire les effets de la thermolyse de ceux de la thermo-oxydation.
Les échantillons ont été retirés des enceintes de vieillissement à intervalles de temps réguliers pour être analysés par des techniques de caractérisation physico-chimiques et mécaniques courantes de laboratoire.
· Spectrophotométrie IRTF :
La spectrophotométrie Infra Rouge à Transformée de Fourier (IRTF) est une technique d’analyse chimique permettant d’identifier et de quantifier les différents groupes chimiques d’une molécule. Les analyses ont été effectuées à l’aide d’un spectrophotomètre Perkin Elmer (de type FT-IR Frontier).
Tout d’abord, chaque monomère et le catalyseur ont été caractérisés séparément afin d’identifier leurs principales bandes d’absorption IR. Ces derniers étant liquides à température ambiante, ils ont été déposés sur une pastille de KBr pour être analysés par transmission.
Comme expliqué au chapitre bibliographique, la réticulation ne fait intervenir que deux fonctions chimiques : les cycles époxy et anhydride s’ouvrent pour réagir entre eux. Les bandes d’absorption IR caractéristiques du cycle époxy d’une part, situées à 906, 975 et 1234 cm-1, et du cycle anhydride d’autre part, situées à 1856 et 1777 cm-1, vont donc décroître et disparaître progressivement au cours de la réticulation, tandis la bande caractéristique des esters, située à 1740 cm-1, va apparaître et croître, rendant compte de la réaction d’estérification [4, 5, 10, 11, 21, 103-105]. En général, c’est la bande à 906 cm-1, attribuée au cycle époxy, qui est suivie lors de la réticulation. Cependant, en observant le spectre de l’anhydride, on remarque que celui-ci présente aussi une bande d’absorption IR dans cette région (vers 916 cm-1). On a donc choisi de suivre une bande dans une région où seule la fonction époxy est présente. Il s’agit de la bande à 975 cm-1. A partir de l’intensité de ces bandes, il sera possible de calculer les concentrations des différentes fonctions chimiques (via la loi de Beer-Lambert) qui participet à la réaction de réticulation, connaissant au préalable leurs coefficients d’absorption molaire.
La littérature ne regorgeant pas de ce type de données (notamment pour les fonctions anhydride et époxy), nous avons décidé de déterminer nous mêmes ces coefficients.
Une cuve en KBr, d’épaisseur connue (500 µm) a été utilisée pour déterminer les coefficients d’absorption molaire ε des différents groupes chimiques présents dans la matrice époxy. Des solutions de concentrations connues des monomères dans des solvants usuels (chloroforme, dichlorométhane, acétonitrile, tétrahydrofurane (THF)) ont été préparées et la valeur de ε (en L.mol-1.cm-1) a été déterminée à l’aide de la loi de Beer-Lambert : ~ = 7 {×$ Eq. 33 où A et c sont respectivement l’absorbance et la concentration du groupe chimique considéré (en mol. L-1) et l est la longueur du trajet optique, correspondant à l’épaisseur de la cuve KBr (en cm). Des solutions diluées de monomères de différentes concentrations ont été préparées et analysées en mode transmission. L’absorbance des bandes IR citées plus haut a été mesurée et portée en fonction de la concentration des groupes chimiques concernés sur un graphe.
Signalons que pour chaque groupe chimique, un solvant « idéal » respectant les conditions suivantes a été recherché :
– Celui-ci doit être un « bon solvant » du monomère, c’est-à-dire le dissoudre complètement,
– Il ne doit pas présenter de bandes d’absorption IR aux nombres d’onde où l’on souhaite déterminer les valeurs des coefficients d’extinction molaire,
– Le solvant ne doit pas interagir chimiquement avec le monomère.
Des essais préliminaires ont donc été réalisés afin de sélectionner les meilleurs solvants pour cette étude (Tableau 9).
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Table des matières
Introduction
Chapitre I. Etude bibliographique
1. Introduction
2. Matrices époxy-anhydride
a. Mécanisme de réticulation
b. Instabilités thermiques
3. Vieillissement thermique des matériaux composites
a. Généralités
b. La thermolyse et ses conséquences
c. La thermo-oxydation et ses conséquences
d. Diffusion d’oxygène dans les matériaux composites
e. Conséquences de la thermolyse et thermo-oxydation sur les propriétés mécaniques
f. Modélisation de la thermo-oxydation
4. Conclusion
Chapitre II. Matériaux et techniques d’analyse
1. Introduction
2. Matériaux
a. Matériaux composites : NE29 et NE42
b. Mise en œuvre des matériaux composites
c. Microstructure des matériaux composites
d. Propriétés initiales des matériaux composites
e. Matrice époxy-anhydride
f. Propriétés initiales des matrices pures
3. Procédures expérimentales
a. Echantillonnage et conditions de vieillissement
b. Techniques expérimentales
4. Conclusion
Chapitre III. Caractérisation physico-chimique initiale de la matrice pure
1. Introduction
2. Rappel sur la structure des réseaux époxy-anhydride
3. Caractérisation infrarouge des monomères de départ
4. Suivi de la réticulation de la résine époxy par analyse IR in situ
5. Réseau réel formé
6. Conclusion
Chapitre IV. Analyse de l’endommagement
1. Introduction
2. Mise en évidence de l’endommagement
a. Matériaux NE29
b. Matériaux NE42
c. Influence du diamètre du jonc
d. Effet du revêtement
3. Proposition d’un scénario chimique pour la formation des microcavités
a. Identification des composés organiques volatils (COVs)
b. Solubilité et diffusion des COVs
c. Scénario de formation des microcavités
4. Conclusion
Chapitre V. Analyse et modélisation cinétique des mécanismes de dégradation
1. Introduction
2. Thermolyse de la matrice pure
a. Cas des films minces
b. Cas des plaques épaisses
3. Thermolyse du matériau composite
4. Thermo-oxydation de la matrice pure
a. Pertes de masse des films minces sous différentes pressions partielles d’oxygène
b. Effet de la température sur la vitesse de perte de masse
c. Modélisation cinétique de la thermo-oxydation
5. Conclusion
Chapitre VI. Conséquences de la thermolyse sur les propriétés mécaniques. Relations structure – propriétés
1. Introduction
Sommaire CONFIDENTIEL 5 ans
2. Propriétés mécaniques du composite NE29
a. Evolution du module d’élasticité en flexion E
b. Evolution de la contrainte à la rupture σR
c. Influence de la taille de l’endommagement sur les propriétés mécaniques
3. Propriétés mécaniques du composite NE42
a. Evolution du module d’élasticité en flexion E
b. Evolution de la contrainte à la rupture σR
c. Influence de la taille de l’endommagement sur les propriétés mécaniques
4. Conclusion
Conclusions
Perspectives
Annexe 1
Annexe 2
Annexe 3
Références bibliographiques
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