Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
L’innocuité de la déambulation
Les risques qui peuvent exister pendant la déambulation sont la chute et l’hypotension orthostatique. Le CNGOF nous décrit les différentes causes possibles d’une chute : l’hypotension artérielle, la somnolence induite par les morphiniques, le bloc-moteur et les problèmes de proprioception. [15] La littérature ne rapporte cependant qu’un seul cas de chute depuis le début des travaux sur l’APDD. [6] [12] [16] La surveillance rapprochée avant chaque lever ainsi que l’obligation d’accompagnement et les règles strictes à respecter permettent de limiter ces risques. De plus, le risque de chute est diminué par la levée de la compression aorto-cave, responsable principale des hypotensions artérielles, et par la disparition du bloc-moteur grâce aux solutions diluées d’AL délivrées par bolus. [15]
Tous les travaux réalisés jusque-là s’accordent sur l’innocuité de la déambulation sous APD, autant pour la femme que pour le fœtus, si les critères de surveillance à l’induction sont respectés. [2] [3] [12] [19]
Les bienfaits possibles de l’analgésie péridurale déambulatoire
L’impact sur les paramètres obstétricaux
La durée du travail
Une des principales accusations de l’APD est d’allonger le temps de travail. Des études ont été menées sur les effets la déambulation pendant le travail, sans toujours y associer l’analgésie. Les résultats diffèrent selon les méthodes et les critères d’étude. Certains, tels que Stewart, Karraz et Flynn ont montré une diminution du temps de travail grâce à la déambulation et la mobilisation. [13] [20] [21] D’autres montrent surtout un effet sur la phase de latence, première phase du travail obstétrical : Payen et Kuczkowski s’accordent sur un raccourcissement de celle-ci. [12] [17]
L’accélération du travail par la déambulation pourrait s’expliquer par l’effet de la station verticale. En effet, par cette position, les axes de poussée des contractions utérines et de la gravité s’accordent pour accélérer la descente du fœtus dans l’excavation pelvienne. Les travaux de Payen et Kuczkowski démontrent également que la station verticale permet une augmentation de l’activité utérine et de l’intensité des contractions. [12] [17] Sachant que les contractions sont le moteur du travail obstétrical, une intensité plus importante est intéressante.
Cependant, d’autres études, telles que celles de Stalla-Bourdillon, Vallejo ou Frénéa réfutent cette hypothèse et ne démontrent aucune différence concernant le temps de travail, qu’il y ait ou non déambulation. [6] [20] [21]
Le mode d’accouchement
Une autre accusation de l’APD est d’augmenter le taux d’extractions instrumentales et de césarienne par la création de présentations dystociques ou d’hypoxie fœtale. Payen et Kuczkowski ont démontré qu’en plus de réduire le temps de travail, la déambulation réduit le nombre d’extractions instrumentales. [12] [17] Stewart cite Gupta qui, en 2004, a montré une diminution de 18% des extractions instrumentales grâce à l’APDD. [13]
D’un autre côté, certains n’ont trouvé aucune différence concernant le mode d’accouchement en comparant le travail en décubitus dorsal ou en déambulation. [6] [22] [23]
L’utilisation d’ocytocique
Le travail obstétrical peut être aidé par une perfusion d’ocytocique lorsque les contractions utérines ne sont pas suffisantes en nombre ou en intensité pour permettre la dilatation du col de l’utérus et la descente du fœtus. Les travaux de Payen et Read, repris dans un article du CNGOF, nous démontrent qu’une heure de déambulation a le même effet qu’une perfusion d’ocytocine sur la contractilité utérine. [12] [15] [24] Seuls les travaux de Karraz ne trouvent pas de différence sur l’utilisation d’ocytociques. [18] Tous les autres s’accordent à dire que la déambulation permet de diminuer l’utilisation d’ocytocique pour le travail. [6] [12] [19] [21]
L’impact sur l’état néonatal
Le rythme cardiaque fœtal
Le RCF est surveillé tout au long du travail, d’autant plus lorsque la patiente a recours à l’APD. Le lever, avec la disparition de la compression aorto-cave permet un meilleur débit utéro-placentaire avec une meilleure perfusion placentaire et donc une réduction du nombre d’anomalies du RCF. [12] [15] [16] [17] [19]
Le score d’Apgar [annexe 4]
Kuczkowski et Flynn démontrent un meilleur score d’Apgar chez les fœtus dont la mère a déambulé pendant le travail par rapport à celles restées allongées. Dans les travaux de Flynn, une différence significative est retrouvée avec un score de 8,8 en moyenne à 1 minute pour les femmes qui ont déambulé contre un score de 7,5 pour les femmes restées allongée. La différence est moins flagrante à 5 minutes avec un score de 9,9 contre 9,4 en moyenne. [17] [19]
Les études montrant ces différences reposent sur un faible nombre de patientes : 34 dans chaque groupe pour les travaux de Flynn. D’autres études ne retrouvent pas ces différences. C’est le cas de Payen et Collis ainsi que le Docteur Jacob-Bordereau au CHU de Caen lors de son étude menée en 2014. [3] [12] [23]
L’impact sur les paramètres anesthésiques
Réduction de la compression aorto-cave
L’APD classique impose le décubitus dorsal aux patientes. Dans cette position, l’utérus gravide entraine une compression de l’aorte et de la veine cave inférieure sur la colonne vertébrale mais aussi des artères utérines. En permettant la station verticale, l’APDD entraine la levée de cette compression, donc un meilleur retour veineux, une meilleure perfusion placentaire avec amélioration du débit utéro-placentaire et ainsi une meilleure activité utérine.
Cela a de nombreux effets positifs sur le déroulé du travail. Stewart nous démontre qu’un meilleur retour veineux entraine moins d’hypotension maternelle. [13] Une meilleure activité utérine est synonyme de contractions plus efficaces. Selon Payen, une meilleure perfusion placentaire n’est pas liée à une amélioration du score d’Apgar à la naissance mais Kuczowski nous montre le contraire. [12] [17]
Diminution du risque thrombo-embolique
La grossesse est une période à fort risque thromboembolique par l’état d’hypercoagulabilité, le mauvais retour veineux lié à la compression des vaisseaux par l’utérus gravide et les lésions des parois endothéliales. L’accouchement est tout particulièrement à risque, notamment lorsque la patiente reste alitée tout le long. Nous savons qu’il faut au minimum cinq pas pour activer la pompe surale et permettre le retour veineux. La déambulation sous APD permettrait donc naturellement de diminuer le risque thromboembolique en favorisant le retour veineux des membres inférieurs. [15] [16]
Réduction des complications nerveuses du post-partum
Par la disparition du bloc-moteur et la capacité de bouger les jambes, la patiente va éviter les attitudes vicieuses pourvoyeuses de lésions nerveuses, comme typiquement la position tailleur. De même, une malposition sur les étriers lors de la phase expulsive pourra être corrigée par la patiente elle-même selon son ressenti et ainsi éviter des complications nerveuses.
Favorise les mictions spontanées
Sous APD, il est fréquent que les patientes ne ressentent pas le besoin d’uriner. Nous avons recours à des sondages urinaires réguliers pour éviter une distension vésicale trop importante et laisser la place à la présentation de descendre dans le bassin.
Avec la levée du bloc-moteur dans l’APDD, les patientes conservent toutes les sensations dont celle de devoir uriner. Cela entraine une réduction du nombre de sondages vésicaux. C’est un confort pour la patiente lors de son travail, permettant une plus grande autonomie et ainsi une meilleure satisfaction.
Au-delà de cet aspect, nous observons une diminution des complications urinaires en post-partum. Comme Weiniger l’a démontré, la miction spontanée est plus efficace qu’un sondage vésical : le volume résiduel post-miction est plus faible. Les infections urinaires du post-partum sont causées par une mauvaise vidange de la vessie et l’apport possible de germes lors du sondage vésical, qui reste un geste invasif. Une augmentation des mictions spontanées lors de l’accouchement est alors synonyme d’une réduction des complications urinaires dans le post-partum. [25]
L’impact sur le vécu de l’accouchement
Diminution de la douleur
Dans de nombreux travaux, nous retrouvons une différence dans les quantités d’AL pour obtenir une analgésie suffisante pour les patientes. Frénéa montre une différence de 2mg/h dans la consommation de Bupivacaïne : le groupe « décubitus » a eut besoin de 8,4mg/h d’AL contre 6,4mg/h dans le groupe « déambulation ». [21] Payen démontre que, même sans analgésie, la déambulation permet à la patiente de mieux supporter les contractions utérines. [12] Depuis le début des recherches sur l’APDD, Collis a été le seul à ne montrer aucune différence entre ses deux groupes d’étude. [23] La déambulation peut être considérée comme une distraction de la douleur.
La diminution des doses d’AL est également liée à la technique. En effet, la PCEA permet à la patiente de choisir de niveau de sensations qu’elle souhaite. Généralement, les femmes choisissent de sentir les contractions et la progression de leur enfant ce qui induit des doses plus faibles.
Une plus grande autonomie
L’APDD permet à la femme de conserver une plus grande autonomie durant son accouchement. La disparition du bloc-moteur lui permet d’être libre de ses mouvements. Elle peut choisir la position qui lui est confortable et en changer quand bon lui semble. La technique de la PCEA permet à la patiente de choisir son niveau de confort et les sensations qu’elle souhaite conserver ou non. Elle peut ainsi conserver les sensations de poussée, l’envie d’uriner et la capacité de se rendre aux toilettes pour ne pas avoir recours aux sondages évacuateurs effectués par les sages-femmes (SF). Par ces quelques éléments, elle peut gérer son accouchement et se sent plus actrice du travail. Cette autonomie conservée est le point commun entre toutes les études réalisées sur l’APDD. Elle est le garant d’une amélioration de la satisfaction des patientes concernant leur analgésie et leur prise en charge en salle de naissance. [3, 6, 12, 13, 15, 16, 17, 26, 27]
L’augmentation des sensations de poussées
Le bloc-moteur ne supprime pas que les sensations dans les membres inférieurs. Celles du bassin sont également atténuées voire effacées. Les patientes ne ressentent donc plus le fœtus qui progresse et les sensations de poussée au moment de l’expulsion. Les dosages compatibles avec la déambulation permettent de conserver toutes ces sensations. Cela contribue énormément au vécu de l’accouchement : les femmes ressentent le travail qui avance et savent quand le moment de l’expulsion est arrivé. Ce sont alors elles qui savent quand la naissance va arriver, ce n’est pas le professionnel de santé qui dicte quand pousser.
L’implication de l’accompagnant
Un des critères pour permettre la déambulation est la présence d’un accompagnant. Généralement, cette personne se trouve désemparée et ne sait pas comment aider la femme en travail. Dans l’APDD, elle a un rôle à jouer en étant impliquée dans la surveillance et en aidant à la mobilisation. Cet aspect participe à la satisfaction de la femme enceinte sur sa prise en charge. L’APDD a un impact limité sur les paramètres obstétricaux, anesthésiques et néonataux, tout en restant sans danger pour la femme et l’enfant. Son véritable point fort est de permettre une plus grande autonomie pour la patiente et d’offrir un rôle à l’accompagnant. Ces derniers arguments sont garants d’une meilleure satisfaction de la femme et du couple sur l’analgésie et la prise en charge de l’accouchement. Malgré les faibles effets sur le reste de la prise en charge, l’APDD devrait être proposée à chaque femme ne présentant pas de contre-indication pour lui assurer le meilleur vécu possible de son accouchement. Au CHU, un protocole existe depuis 2014 mais il semblerait que l’APDD ne soit pas régulièrement proposée aux patientes.
Analyse ciblée sur les réponses de ceux ayant déjà pratiqué l’APDD
Parmi le personnel interrogé, 28 personnes ont déjà pratiqué au moins une APDD. Douze l’ont fait en réponse à la demande de la patiente, 16 l’ont proposé à la patiente. D’autres raisons sont revenues : participation à une étude randomisée d’interne, à la demande de la sage-femme ou pour aider le MAR.
Au sujet du nombre d’APDD pratiqué, hormis des extrêmes à 60 ou 40 APDD pratiquées, le nombre s’étend plutôt entre 1 et 10. La moyenne est de 9,57 avec un écart-type de 41.
Nous avons demandé à chaque professionnel ayant déjà pratiqué au moins une APDD de noter son ressenti pour la mise en place et l’accompagnement et son degré de sérénité à laisser la patiente déambuler. La figure 5 regroupe leurs réponses.
A l’aise pour la mise en place (n=28)A l’aise pour l’accompagnementSerein pour laisser la patiente
(n=28)déambuler (n=28)
Pas du toutPlutôt nonSans avisPlutôt ouiTout à fait
Parmi les 16 SF ayant déjà pratiqué au moins une APDD, 12 ont remarqué une différence par rapport à une APD classique. Les différences observées sont majoritairement l’amélioration du vécu de l’accouchement, du confort et de la satisfaction de la patiente sur sa prise en charge. Les femmes se mobilisent de façon plus spontanée. La participation du conjoint est également un point fort selon eux. Certains ont constaté une accélération de la dilatation ou un engagement plus rapide.
Freins au développement de l’APDD au CHU de Caen
Une question interrogeait sur les freins possibles à une large utilisation de l’APDD. Il était demandé aux professionnels de donner leur avis par une note allant de un, « pas du tout d’accord » (ce n’est pas un frein), à cinq, « tout à fait d’accord » (c’est un vrai frein). La figure 6 regroupe les réponses à chaque élément.
Manque Manque de Manque de Manque de Surveillance trop Fatigue des Risques trop Faibles bénéfices d’expérience connaissances sur temps (n=81) moyens, de importante parturientes importants de la technique (n=81) la technique matériel (n=81) (n=81) (n=81) (n=81) (n=81) (n=81) Pas du tout d’accordPlutôt pas d’accordSans avisPlutôt d’accordTout à fait d’accord
Cette figure met en évidence que les professionnels interrogés estiment que le manque d’expérience (34%), le manque de temps (34%) et le manque de connaissance (28%) sont les principaux freins à la pratique de l’APDD, suivi du manque de moyens (21%). Ils s’accordent aussi sur la surveillance trop importante. Par contre, la fatigue des parturientes, les risques trop importants et les faibles bénéfices de la technique ne sont pas considérés comme des freins importants.
Une question ouverte a permis de soulever d’autres freins. Au niveau des sages-femmes, différents aspects sont évoqués : « un temps d’attente trop long entre bolus et lever », un « manque d’habitude dans les services plus qu’un manque d’expérience », le souhait des patientes de « ne plus bouger une fois soulagées » et le fait que le sujet ne soit pas abordé en consultation pré-anesthésique.
Les MAR, les internes et les IADE s’accordent sur trois freins non évoqués dans le questionnaire : un « manque de communication et de collaboration entre les équipes » avec un « manque de motivation » ainsi qu’un « manque de personnel ».
Les MAR évoquent également d’autres aspects plus techniques : « le risque de mobilisation du cathéter de péridurale » et une « pose trop tardive de l’analgésie ».
Leviers à l’utilisation de l’APDD : surveillance indispensable et formation
Cette partie du questionnaire était composée de trois questions ouvertes :
□ Quelle surveillance vous semble indispensable pour une analgésie péridurale déambulatoire ?
□ Quel(s) élément(s) peut/peuvent vous empêcher de proposer une analgésie péridurale déambulatoire à une patiente ?
□ Selon vous, comment pourrions-nous faciliter son utilisation ?
Les professionnels s’accordent sur les éléments indispensables de la surveillance de l’APDD. Revient le plus souvent la surveillance de la stabilité hémodynamique de la patiente avec prise de la tension artérielle régulièrement et vérification continue de la fréquence cardiaque et de la saturation en oxygène. En second, est évoquée la surveillance de la sensibilité et de la mobilité des membres inférieurs, notamment avec le score de Bromage cité de nombreuses fois. Selon les MAR, cette vérification doit être faite après chaque bolus. Les SF pensent ensuite à la surveillance du RCF qui doit être continue. Les MAR et les IADE l’évoquent mais la surveillance de la douleur, de l’efficacité et de la tolérance de l’APDD revient plus souvent dans leurs réponses. Enfin, tous s’accordent sur la nécessité d’un accompagnement tout au long de la déambulation. Les MAR évoquent un accompagnement par un professionnel au moment du premier lever puis par la personne accompagnante par la suite.
Les éléments pouvant empêcher les professionnels de proposer une APDD peuvent être classés en trois catégories : aspect technique, aspect humain et aspect médical.
Dans l’aspect technique, nous retrouvons la méconnaissance de la technique en elle-même, une surcharge de travail en SDN avec un « manque de personnel disponible pour la surveillance », un « matériel non adapté à la déambulation » (exemples venant des réponses : scope ou monitoring non filaires) et un « RCF difficile à enregistrer ».
Dans l’aspect humain, nous retrouvons une « incompréhension de la patiente », « une fatigue trop importante avec un manque de motivation » et un « refus de la déambulation » ainsi qu’une « absence d’accompagnement » ou une « incompréhension du rôle d’accompagnant ».
Dans l’aspect médical, nous notons la présence d’un bloc-moteur, une « douleur non contrôlée nécessitant des bolus rapprochés » ou un « travail trop avancé », l’hypotension artérielle, des anomalies du RCF, une grossesse non physiologique (exemples venant des réponses : présentation pelvienne, grossesse gémellaire, macrosomie fœtale…).
Selon les professionnels, l’élément principal pouvant faciliter l’utilisation de l’APDD est la formation des équipes. Il est important pour tous de « motiver et impliquer tous les professionnels dans la surveillance ». Le second élément le plus fréquemment retrouvé est l’information des patientes lors des consultations prénatales : consultations pré-anesthésiques et séances de préparation à la naissance. D’autres éléments reviennent dans toutes les professions : instauration d’un « protocole clair disponible pour tous », « plus d’effectif en salle de naissance » et « plus de matériel adapté à la déambulation ».
Les SF pensent à une réduction du temps entre un bolus et le lever ou à autoriser les bolus pendant la déambulation. Certains MAR et internes pensent à la formation de la personne accompagnante pour la surveillance des levers, d’autres à une salle commune de déambulation permettant une surveillance globale des patientes. Les IADE pensent à la collaboration et communication entre les équipes pour faciliter la surveillance.
La dernière question interrogeait sur l’intérêt des professionnels pour une formation. Soixante-huit ont répondu positivement, cela correspond à 84% de la population d’étude. Parmi les autres, 7 ont répondu négativement et 6 ont déjà eu une formation.
Discussion
Analyse des résultats
Objectif principal
L’objectif principal de cette étude était d’évaluer les pratiques professionnelles vis-à-vis de l’analgésie péridurale déambulatoire au CHU de Caen. Nous avons voulu comprendre quelles sont les habitudes des équipes et les raisons qui les conduisent à pratiquer ou non cette technique d’analgésie.
Nous constatons que 59% des personnes interrogées connaissent le protocole mais seulement 27% ont eu une formation. Quatre-vingt-dix pour cent de la population ne l’évoquent pas en consultations prénatales et 77% ne l’évoquent pas en salle de naissance face à une patiente souhaitant une analgésie. Que ce soit lors des consultations prénatales ou en salle de naissance, une raison principale ressort des réponses données par les professionnels : le manque de connaissances sur la technique. De plus, nombreux sont ceux qui écrivent ne pas savoir pas que les patientes peuvent bénéficier de l’APDD au CHU de Caen.
Parmi les 81 personnes qui ont répondu, seules 28 ont déjà pratiqué l’APDD au CHU de Caen. Un MAR en a fait 60, trois SF en ont fait 30 à 40. Mais la majorité en compte entre 1 et 10 au cours de leur carrière. Nous pouvons affirmer que ces chiffres sont très faibles au regard de la quantité de patientes bénéficiant d’une analgésie au cours de leur accouchement au CHU de Caen. Effectivement, au cours de l’année 2021, 2286 des 3229 accouchements ont lieu avec une analgésie péridurale. Cela correspond à un taux de 70,8% d’APD sur cette année. Les chiffres étaient similaires en 2020 avec un taux de 71,5% d’accouchement sous APD.
Ensuite, nous constatons que ce sont majoritairement ceux qui ont plus de 10 années d’expérience qui en ont pratiqué. L’expérience a un effet significatif sur la pratique de l’APDD en elle-même mais aussi sur le nombre pratiqué. Par exemple, le MAR qui en a fait 60 a plus de 20 ans d’expérience. Pour la majeure partie, la déambulation s’est mise en place après l’avoir proposée à la patiente en salle de naissance. Seulement quelques-uns l’ont fait à la suite d’une demande de la patiente. Cela répond au passage à notre première hypothèse qui était que l’APDD est peu pratiquée car peu demandée par les patientes qui ne connaissent pas cette technique d’analgésie. De plus, très peu de professionnels évoquent cette technique au cours de la grossesse : 2 MAR, 5 internes anesthésistes-réanimateurs et 1 IADE disent l’aborder. Même si aujourd’hui les patientes ont de nombreuses sources d’informations grâce aux réseaux sociaux, aux médias et autres, les consultations prénatales restent pour beaucoup la première source d’informations sur la grossesse et l’accouchement. Les femmes sont alors peu nombreuses à connaitre cette possibilité et à pouvoir la demander à l’arrivée en salle de naissance.
Ensuite, il existe un effet de masse chez les SF qui gonfle les chiffres. Parmi les 19 réponses de SF, 17 connaissent le protocole (90%) alors que quatre ont été formés (21%) et 15 ont pratiqué au moins une APDD dans leur carrière (79%). Comparativement, les MAR et internes sont 69 mais 13 connaissent le protocole (43%), 11 ont été formés (37%) et 4 en ont déjà pratiqué (13%). Le protocole instauré à Caen vaut pour toutes les APD posées, c’est-à-dire que n’importe quelle patiente sous APD pourrait déambuler. Il est possible de penser que les MAR posent une APD sans qu’il y ait un souhait de déambulation à l’origine. Les SF, connaissant le protocole et la surveillance nécessaire, peuvent la proposer plus tard dans le travail et réaliser la surveillance des levers sans demander l’aide des MAR. Le test de Chi2 affirmant que les SF font significativement plus d’APDD que les autres professions appuie cette hypothèse. (cf. Tableau III)
Nous constatons donc que l’APDD est très peu pratiquée au CHU de Caen malgré un taux important de patientes accouchant sous analgésie péridurale. Elle est également absente des informations données lors des consultations prénatales ou lors de l’arrivée en salle de naissance. Les raisons principales de ce manque de pratique sont la méconnaissance de la technique et le manque d’information, auprès des professionnels, sur la possibilité de la pratiquer dans notre service.
Objectifs secondaires et hypothèses
Notre deuxième objectif était en lien avec notre deuxième hypothèse. Nous imaginions que le manque de pratique de l’APDD pouvait émaner des professionnels de santé. Pour cela, il était important de comprendre quels sont les freins à l’utilisation de cette technique.
Afin de les recenser, le questionnaire proposait huit éléments que nous imaginions comme potentiellement bloquant dans la mise en œuvre de l’APDD. Les professionnels devaient accorder une note allant de 1 à 5, de « ce n’est pas du tout un frein » à « c’est un vrai frein », pour chacun des éléments. A la suite, une question ouverte permettait aux professionnels de citer des freins auxquels nous n’aurions pas pensé.
La littérature est ambivalente quant aux effets de l’APDD sur le travail obstétrical. Payen, dans son article Déambulation pendant le travail, a montré un raccourcissement de la phase de latence avec une augmentation de l’intensité des contractions utérines. [12] Mais Vallejo, dans son article Effect of Epidural Analgesia with Ambulation on Labor Duration, n’a pas décrit de modifications du temps de travail ou de l’intensité des contractions que ce soit avec une analgésie péridurale classique ou celle permettant la déambulation. [20] Cependant, les SF ayant accompagné des parturientes bénéficiant d’une APDD rapportent de réelles différences par rapport à une APD classique et notamment une impression d’accélération du travail et de descente plus rapide de la présentation dans le bassin.
Cette dualité se retrouve également au niveau néonatal. Toujours dans le même travail, Payen ne montre pas d’amélioration de l’état néonatal. [12] Cependant Flynn, dans Ambulation in labour, montre une amélioration significative du score d’Apgar avec en moyenne un point de plus par rapport à un enfant dont la mère n’a pas déambulé pendant le travail. [19] Toutefois, c’est un effet qui n’est jamais cité par les personnes interrogées ayant accompagné un travail avec déambulation.
Nous avions pensé que cette ambivalence des études pouvait empêcher les professionnels de proposer l’APDD : pourquoi s’imposer une surveillance plus lourde, demandant plus de temps, pour ne pas être sûr de trouver une réelle amélioration ? Mais cela ne semble pas être le problème à l’utilisation de l’APDD au CHU comme le montre la figure 6. Les faibles bénéfices de la technique ainsi que la fatigue des parturientes et les risques trop importants ne sont pas considérés comme des freins majeurs. Par contre, le manque d’expérience (34%), le manque de temps (34%) et le manque de connaissance sur la technique (28%) sont les éléments ayant été considérés comme les plus entravant à la pratique, suivi du manque de moyens (21%). Les professionnels s’accordent aussi sur une surveillance trop importante, nous reviendrons plus tard sur les éléments qui leur semblent indispensables pour cette surveillance.
Lors de l’élaboration de l’étude et la création de nos hypothèses, nous imaginions le manque de connaissance comme le premier frein à la pratique de l’APDD. Selon la figure 6, il est considéré par les professionnels comme le troisième frein le plus important. La première place étant occupée par le manque d’expérience. Cependant, le manque de connaissance est la première réponse donnée dans les raisons de ne pas évoquer l’APDD en prénatal ou en per-natal. Les chiffres sont parlants également car 73% des professionnels disent ne pas avoir reçu de formation sur le sujet, ainsi seulement 59% connaissent l’existence d’un protocole. De plus, nombreux sont ceux qui disent ne pas évoquer l’APDD, ni en consultation, ni en salle de naissance, car ils pensent que cette technique n’est pas pratiquée au CHU. Les résultats de la figure 6 sont donc à nuancer face aux réponses des questions suivantes.
Le deuxième élément de cette hypothèse était le manque de temps. Il revient effectivement à la deuxième place des freins les plus importants. Afin de réduire ce problème, le rôle de la personne accompagnante pourrait être développé. C’est ce que proposent certains professionnels : former le co-parent pour réaliser les levers, après un premier surveillé par un SF, un MAR ou un IADE. Le professionnel serait présent lors du premier lever pour s’assurer que la patiente est en capacité de déambuler ainsi que pour expliquer la surveillance à l’accompagnant et signaler quand demander de l’aide. La suite de la déambulation pourrait se faire en seule présence de la personne accompagnante.
De plus, cela permettrait à cette personne de trouver sa place dans le déroulé du travail. Effectivement, de nombreux co-parents ne savent pas comment aider la femme en travail or nous savons que cela participe grandement au vécu des couples. Développer le rôle de l’accompagnant pourrait alors améliorer la satisfaction des patientes sur leur prise en charge. Les professionnels ayant accompagné au moins un travail sous APDD s’accordent d’ailleurs pour dire que son effet principal est l’amélioration de la satisfaction des femmes. C’est également sur ce point que s’accordent toutes les études réalisées jusqu’ici. Nous le retrouvons par exemple dans les travaux de Stalla-Bourdillon (Influence de l’analgésie locorégionale sur la mécanique obstétricale), de Stewart (Maternal ambulation during labor) ou Morgan (« Walking » epidurals in labour). [6, 13, 16]
Le dernier point de cette hypothèse était le manque de moyens. Il revient à la quatrième place des freins selon la figure 6. Cependant, il revient régulièrement dans les réponses ouvertes interrogeant sur les éléments bloquant ou facilitant la proposition de l’APDD. Certains ont répondu que le manque de matériel adapté, tel que les cardiotocographes sans fils, peut les empêcher de proposer la déambulation. D’autres l’ont plutôt formulé dans les éléments pouvant faciliter l’utilisation de l’APDD : avoir à disposition plus de matériel adapté à la déambulation pourrait développer la pratique. Deux des sept salles de naissance du CHU sont équipées de cardiotocographe sans fils. Or les SF citent souvent la surveillance du RCF comme indispensable lors du travail et des difficultés à l’enregistrer comme un élément pouvant empêcher de proposer la déambulation. Il est donc possible d’imaginer que l’absence de cardiotocographe sans fils ou de scope maternel sans fil puisse constituer un frein plus important que ne le laisse paraitre la figure 6. Faciliter l’accès à l’APDD pourrait passer par l’investissement dans du matériel adapté mais ces équipements ont un coût élevé.
D’autres freins ont pu être soulevés par une question ouverte. Les SF évoquent un manque d’habitude dans le service ou des difficultés à enregistrer le RCF lors de la mobilisation. Les MAR et internes anesthésistes-réanimateurs évoquent le risque de mobilisation du cathéter de péridurale au cours de la déambulation entrainant l’inefficacité de l’analgésie. Les professionnels du versant anesthésique citent un manque de communication et de collaboration entre les équipes ainsi qu’un manque de personnel.
Ensuite, une incompréhension de la technique par la patiente revient régulièrement dans les éléments empêchant de proposer l’APDD en salle de naissance. Durant le travail, avec la douleur des contractions ou la fatigue, il est possible que les capacités de compréhension soient réduites par rapport à la normale. Favoriser l’information au cours de la grossesse, pendant la préparation à la naissance avec les SF et la consultation pré anesthésique avec les MAR, permettrait aux patientes de mieux appréhender les risques et les contraintes de la déambulation sous analgésie péridurale. C’est un des éléments qui revient régulièrement dans les solutions proposées par les professionnels pour faciliter la mise en place de l’APDD. De plus, informer les patientes de cette possibilité pendant la grossesse pourrait leur permettre de l’inclure dans leur projet de naissance et induire plus de demande de leur part au moment de l’arrivée en SDN.
Notre dernière hypothèse était que la mise en pratique de l’APDD est trop difficile car elle demande une plus grande surveillance que l’APD classique ainsi qu’un accompagnement constant et rapproché tout au long de la déambulation. Effectivement, le CNGOF dans Quoi de neuf en obstétrique ? recommande une surveillance scopée de la patiente avec des prises de tensions régulières dans différentes positions, car le risque de l’APD est l’hypotension, ainsi qu’une surveillance de la vigilance. [15] Stalla-Bourdillon dans Influence de l’analgésie locorégionale sur la mécanique obstétricale préconise de surveiller la motricité par le test de Bromage et une épreuve de flexion partielle des membres inférieurs quant au risque de chute.[6] Payen dans Déambulation pendant le travail conseille d’attendre 30 minutes avant le premier lever et 15 à 20 minutes allongé après chaque nouveau bolus. [12] Notre dernier objectif était donc d’évaluer le ressenti des professionnels face à une APDD. La surveillance plus importante n’est pas considérée comme le plus grand frein mais elle pose tout de même problème à plus de 50% des professionnels.
Tous s’accordent sur l’importance de la surveillance hémodynamique de la patiente et du RCF or nous avons vu plus tôt que beaucoup estiment ne pas avoir le matériel nécessaire. Les SF insistent sur le fait que la surveillance du RCF peut être difficile lors de la déambulation, même avec des capteurs sans fils, car ils peuvent facilement bouger. Les remettre en place régulièrement pour permettre l’enregistrement peut demander beaucoup de temps. Parmi les éléments pouvant les empêcher de proposer l’APDD, les SF évoquent un temps d’attente trop long entre dernier bolus et premier lever. Du fait que les doses soient réduites par rapport à une APD, les anesthésistes trouvent indispensable de surveiller l’efficacité face à la douleur.
Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.
|
Table des matières
Glossaire
Introduction
1. La prise en charge de la douleur
1.1. L’ère de l’analgésie péridurale
1.2. Les controverses de l’analgésie péridurale
1.3. Une volonté de retour à plus de physiologie
2. Une alternative possible : l’analgésie péridurale déambulatoire
2.1. Définitions
2.2. Les recommandations
2.3. La technique
2.4. Les règles à respecter
2.5. La surveillance clinique
2.6. L’innocuité de la déambulation
3. Les bienfaits possibles de l’analgésie péridurale déambulatoire
3.1. L’impact sur les paramètres obstétricaux
3.2. L’impact sur l’état néonatal
3.3. L’impact sur les paramètres anesthésiques
3.4. L’impact sur le vécu de l’accouchement
Objectifs et hypothèses
1. Objectifs de l’étude
2. Hypothèses
Matériels et méthodes
1. Critères d’inclusion et d’exclusion
2. Nombre de sujets
3. Support
5. Lieu
6. Outils de recueil des données
7. Accords obtenus préalablement à la mise en place de l’étude
8. Analyse des données
9. Analyse statistique
Résultats
1. Caractéristiques de la population
2. Connaissances sur les effets de la déambulation pendant le travail sous analgésie péridurale
3. Les connaissances et la pratique de l’APDD
3.1. La pratique générale
3.2. Analyse ciblée sur les réponses de ceux ayant déjà pratiquée l’APDD
4. Freins au développement de l’APDD au CHU de Caen
5. Leviers à l’utilisation de l’APDD : surveillance indispensable et formation
Discussion
1. Analyse des résultats
1.1 Objectif principal
1.2 Objectifs secondaires et hypothèses
2. Forces et faiblesses de l’étude
3. Propositions et perspectives
Conclusion
Références bibliographiques
Télécharger le rapport complet