Connaissances de la population française sur les perturbateurs endocriniens

Historique

   Le concept de perturbateurs endocriniens a progressivement émergé suite à l’observation de modifications environnementales, animales et humaines en lien avec l’exposition à certaines substances. L’histoire des perturbateurs endocriniens peut être mise en parallèle avec l’histoire de la chimie, de la révolution industrielle, et l’essor des produits phytosanitaires. Le recours aux substances chimiques date de plusieurs millénaires. Historiquement utilisée à visée médicinale, la chimie a rapidement été mise au service de l’agriculture. L’usage du souffre, par exemple, remonte à la Grèce antique. C’est à la fin du XIXème siècle que débute l’histoire contemporaine des pesticides industriels, avec le développement de la chimie minérale et la synthèse des organochlorés. Puis, les recherches sur les armes chimiques lors de la première guerre mondiale permettent d’accroître les connaissances des scientifiques internationaux et permettent à partir des années 1930 une utilisation massive des pesticides. Dans les années 1950, la biologiste Américaine Rachel Carson mène des études sur l’impact de ces nouvelles substances sur la faune et la flore. Elle constate une nette diminution des populations d’oiseaux, notamment au printemps. C’est à partir de cette observation qu’elle écrira « Silent Spring », ouvrage publié en 1962 qui dénonce l’utilisation massive des pesticides et autres produits chimiques et leurs conséquences sur l’environnement. Elle plaide pour un usage contrôlé des pesticides et une transition vers une agriculture biologique. Dans son livre, elle met notamment en lien la pollution des sols par les pesticides, tout particulièrement le dichlorodiphényl‐trichloroéthane (DDT), et la diminution de plusieurs espèces d’oiseaux dont le grand Aigle Américain (6). Son livre connait dès sa parution un vif succès avec plus de 500 000 ventes aux Etats unis, et participe à une prise de conscience collective à la fois politique, scientifique et populaire. Au total, environ 2 millions d’exemplaires seront vendus dans le monde. C’est sous l’influence de cet ouvrage que sera fondée l’Environnemental Protection Agency (EPA) en 1970. Plus tard, en 1974, la science donnera raison à Rachel Carson et le DDT sera interdit aux USA. Elle deviendra ainsi la pionnière du mouvement écologiste. Après Rachel Carson, nombre de scientifiques ont observé des anomalies de la reproduction dans le monde animal, en y faisant un lien avec l’exposition à de multiples substances chimiques. À partir des années 1980, le professeur d’embryologie Louis Guillette s’intéressa au lac Apopka en Floride, reconnu comme étant une zone de déversement important de DDT et ses métabolites (5). Il publiera plusieurs études mettant en lien ces contaminations et des anomalies de l’appareil reproducteur des alligators du lac, autant mâles (anomalies morphologiques des OGE, taux de testostérone abaissé) que femelles (ovocytes anormaux, taux oestrogénique anormalement élevé) provoquant des troubles de la reproduction et une diminution de la population du lac (7). Les travaux du Pr Guillette montreront des taux de DDE (dichlorodiphényldichloréthylène), métabolite du DDT, 10 à 20 fois supérieurs dans le sang des alligators de ce lac que dans celui des animaux des lacs voisins et 100 fois plus dans les œufs. Il sera prouvé par la suite l’action anti androgénique et oestrogénique du DDE, induisant notamment une féminisation des organes sexuels des alligators mâles. Les exemples similaires sont nombreux. Des malformations des organes génitaux et des troubles de la reproduction ont été décrits chez de nombreux animaux : masculinisation des gastéropodes marins femelles suite à une exposition au Tributylétain (TBT, retrouvé dans les peintures) (8), production de vitellogénine (VTG) par les poissons mâles (9), mais également diminution de la reproduction des phoques exposés aux PCB (10), troubles de la reproduction et anomalies des organes génitaux externes chez les ours polaires (11), les panthères de Floride exposées aux DDE et PCB (12), les mouettes etc… Si les observations dans le monde animal ont permis les premiers liens entre exposition à ces substances chimiques et perturbation du système endocrinien, des exemples sur l’Homme ont rapidement été observés et mis au cœur de l’actualité. L’exemple le plus connu étant celui du Distilbène®(13) . À partir des années 1940 le diéthylstilbestrol (DES), œstrogène de synthèse, est utilisé chez les femmes enceintes avec comme indication initiale la diminution du risque de fausse couche. Cette indication était basée sur l’observation que lors d’un avortement spontané, les femmes enceintes avaient un taux d’œstrogène abaissé. En France, le DES est commercialisé essentiellement sous 3 noms commerciaux : le Distilbène®, Furostilboestrol® et le Stilboestrol‐Borne®(14). Alors qu’aux Etats unis le nombre de prescriptions de DES commence à chuter dès les années 1950 suite à une étude évoquant la possible inefficacité de la substance (15), le DES continue d’être régulièrement utilisé en France. À la fin des années 60, la notice d’utilisation du Vidal recense 5 indications chez la femme enceinte. En 1964, le DES est utilisé dans plus de 1,2% des naissances en France (16). À partir des années 70, plusieurs études mettent en lien des cas d’adénocarcinomes à cellules claires du col utérin chez des jeunes femmes et leur exposition in utéro au DES (17). Rapidement, plusieurs pays notamment les Etats Unis et le Canada recommandent de ne plus utiliser ce produit chez la femme enceinte. De plus, les progrès scientifiques permettent de mettre en évidence que le taux d’œstrogène bas observé chez les femmes ayant fait une fausse couche n’est non pas une cause, mais la conséquence de l’arrêt de la grossesse. En France, le DES sera contre indiqué chez la femme enceinte à partir de 1977. Les principales autres complications documentées chez les jeunes femmes exposées in utéro – les « filles DES » – sont des anomalies structurales et fonctionnelles des organes génitaux internes (adénose, hypoplasie du col utérin, utérus en T, hypoplasie utérine, trompes grêles…) entraînant des troubles de la fertilité, des risques de fausse couche et d’accouchement prématuré augmentés. De même, chez les hommes exposés in utéro, il est observé des atteintes de l’appareil uro‐génital plus fréquentes qu’en population générale (cryptorchidie, hypotrophie testiculaire, hypospadias…) (18). Les effets du DES sont même décelables jusqu’à la 3ème génération d’exposés, soit les petits enfants des femmes enceintes exposées initialement (19). Des atrésies de l’œsophage et des troubles du développement cérébral ont été également observés (14).

Modes d’expositions

   Les perturbateurs endocriniens sont omni présents dans notre environnement, que ce soit dans l’air, l’eau, les sols ou encore les produits alimentaires. Ainsi, il est quasi impossible pour l’Homme de ne pas être en contact avec un ou plusieurs PE. Les voies d’expositions sont multiples : cutanée, digestive, respiratoire, par voie intraveineuse, transplacentaire ou encore via l’allaitement maternel. En France, l’étude ELFE réalisée en 2011 révélait que 99% des femmes enceintes étaient imprégnées par des phtalates. Plus récemment, l’étude ESTEBAN (31) réalisée dans le cadre du grenelle sur l’environnement entre 2014 et 2016 a montré que l’intégralité de la population française est exposée aux PE, avec des résultats variants entre 97% et 100% d’exposition selon les substances étudiées. Cette étude de biosurveillance a été réalisée sur 2503 adultes et 1104 enfants, âgés de 6 à 74 ans et issus de la population française. De multiples prélèvements (urinaires, sanguins et phanères) ont été réalisés afin de mesurer l’imprégnation de la population française en plusieurs classes de substances : les bisphénols, les parabènes, les composés perfluorés, les retardateurs de flamme polybromés, les phtalates, les métaux lourds et le plomb. Cette étude révèle que les enfants sont encore plus exposés que la population adulte aux composés perfluorés. La voie d’imprégnation respiratoire a longtemps été considérée comme minoritaire, excepté en milieu professionnel. Pourtant, comme le montre une étude française publiée en 2014, les PE sont omniprésents dans l’air, notamment au sein des foyers (32). L’étude de biosurveillance ESTEBAN retrouve également une association statistiquement significative entre l’aération du lieu de vie et le taux d’imprégnation en PE (2). En effet, l’air intérieur, de par son confinement, présente des taux supérieurs en PE que l’air extérieur.

Les perturbateurs endocriniens du quotidien et leurs impacts sanitaires

   Les perturbateurs endocriniens peuvent être répartis en plusieurs groupes selon leur structure chimique, leur usage, leur mode d’action, ou encore leur capacité de persistance dans l’environnement. Certains sont des perturbateurs endocriniens avérés, d’autres seulement suspectés. Même si leur structure chimique et leurs modes d’action diffèrent, on retrouve finalement des effets indésirables communs à de nombreux perturbateurs endocriniens. Les PE sont suspectés de jouer un rôle dans l’essor mondial de multiples problèmes de santé publique comme le diabète,l’obésité, certains cancers, les troubles de la reproduction ou du neurodéveloppement. Ces pathologies, bien que multifactorielles, sont très largement influencées par les pollutions environnementales dont les PE (46). Cependant, les études sur les différents PE sont souvent sujettes à débat : réalisées in vitro ou sur modèle animal, de faible niveau de preuve, contradictoires…etc. Les études d’impact des facteurs environnementaux sont effectivement confrontées à des difficultés pratiques, méthodologiques et éthiques. En effet, en dehors des expositions à forte dose (scandale du distilbène, catastrophe de Seveso, ou expositions professionnelles), l’exposition aux PE se fait dans la population générale à faibles doses, de façon cumulative et « cocktail » ce qui rend l’association entre exposition et effets complexe à prouver et les biais nombreux.

Comparaison selon le fait d’avoir ou non des enfants

   Les populations les plus vulnérables face aux effets secondaires des PE sont les enfants, depuis leur développement intra‐utérin jusqu’à la période péri pubertaire. Il nous paraissait donc pertinent d’observer si, le fait d’avoir ou non des enfants influençait les connaissances de notre échantillon sur les perturbateurs endocriniens. On constate que dans notre échantillon, la population avec enfant (ou projet à court terme) pensait avoir de meilleures connaissances que la population sans enfant (p=0,0347). Ils étaient également plus inquiets de l’impact des PE sur la santé (p= 0,0426), et déclaraient s’être plus renseignés sur les PE (p= 0,0011). En revanche notre étude n’a pas montré de lien statistiquement significatif entre le fait d’avoir un enfant et le niveau de connaissances sur les PE. Seule l’identification des populations vulnérables était statistiquement plus importante chez le groupe avec enfant (p= 0,0059)

Identification des moyens d’information

   Notre étude permet également d’aborder des moyens de communications et d’informations plébiscitées par la population française. Selon notre échantillon, l’information qu’ils avaient reçus sur les PE provenait majoritairement des réseaux sociaux ou des médias. Un tiers seulement de notre échantillon aurait reçu des informations sur les PE via son parcours professionnel ou scolaire, et un tiers via son entourage personnel. L’information délivrée par les professionnels de santé, comme décrite ci‐dessus, était largement minoritaire (8,3%). Notre étude suggère que la majorité de la population française souhaite recevoir des informations sur les PE à travers des campagnes de sensibilisation menées par l’état et les autorités sanitaires compétentes. Notre étude suggère également que près d’un français sur deux souhaite que les professionnels de santé participent activement aux messages de prévention et à l’information concernant les PE. L’inclusion des perturbateurs endocriniens au programme scolaire et la création d’un label sans perturbateur endocrinien font également parti des propositions formulées par notre échantillon. Le support majoritairement évoqué par notre échantillon est la diffusion de l’information sur les réseaux sociaux. Certains ont également spontanément évoqué la création d’une « newsletter santé ». Il existe plusieurs études statistiques qui montrent que la population française privilégie la télévision et les réseaux sociaux comme support d’information, tout sujet confondu (250). La part des réseaux sociaux dans la recherche d’informations grandit considérablement depuis 5 ans tout particulièrement chez les moins de 35 ans. Il serait intéressant de réaliser une autre étude sur les supports privilégiés par les français pour recevoir des informations de santé.

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Table des matières

I. INTRODUCTION
II. GÉNÉRALITÉS
1. Historique
2. Définitions
3. Caractéristiques toxicologiques des perturbateurs endocriniens
3.1. Modes d’expositions
3.2. Mécanismes d’action
3.3. Effets et principes toxicologiques des PE
3.4. Polluants Organiques Persistants (POP)
4. Les perturbateurs endocriniens du quotidien et leurs impacts sanitaires
5. Réglementation sur les PE
5.1. A l’échelle Européenne
5.2. A l’échelle nationale
III. MATÉRIELS ET MÉTHODES
1. Type d’étude
2. Population étudiée
3. Le questionnaire 
4. Analyse des données 
5. Recherche bibliographique
IV. Résultats
1. Caractéristiques de l’échantillon
2. Auto évaluation des connaissances sur les PE et ressenti
3. Evaluation des connaissances
4. Habitudes de vie
5. Attentes et préoccupations
6. Comparaison des sous‐groupes
6.1. Comparaison selon l’âge
6.2. Comparaison selon le genre
6.3. Comparaison selon le fait d’avoir ou non des enfants
6.4. Comparaison selon le lieu de vie
6.5. Comparaison selon le statut de professionnel de santé
6.6. Comparaison selon la catégorie socio professionnelle
6.7. Comparaison selon le risque ressenti
V. Discussion
1. Interprétation des résultats
1.1. Données socio‐démographiques
1.2. Comparaison avec études antérieures
2. Forces et limites de l’étude
3. Perspectives
VI. Conclusion
VII. Bibliographie
VIII. Annexes
IX. Liste des abréviations
X. Serment d’Hippocrate 

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