Connaissances, attitudes, pratiques et perceptions des ménages par rapport à la consommation de sel et de bouillons

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Type d’étude et Echantillonnage

Il s’agit d’une étude transversale descriptive portant sur la consommation de sel et de bouillons dans des ménages sénégalais. Les cibles de l’étude sont des ménages résidant en milieu urbain dans la région de Dakar et en milieu rural dans la région de Kaffrine.
Un échantillonnage à choix raisonné a été effectué pour sélectionner les ménages dans les régions de Dakar et Kaffrine. Les ménages sont inclus à la seule condition d’accepter de participer à l’étude. Au total, 54 ménages urbains dans la région de Dakar et 57 ménages ruraux dans la région de Kaffrine ont été enrôlés.

Ethique et sensibilisation

Le consentement libre et éclairé des chefs de ménage et des participants est obtenu avant la collecte des données. Toutes les dispositions nécessaires pour garder l’anonymat et l’intégrité des cibles ont été prises.
Des séances de sensibilisation sont effectuées dans les villages et quartiers pour informer les autorités locales, les chefs de ménage et les agents de santé de la tenue de l’étude et de ses objectifs. Lors de ces séances, l’accent est mis sur le déroulement des activités et les différentes données à collecter auprès des ménages selectionnés.

Collecte des données

Questionnaire

Les informations sont recueillies à partir d’un questionnaire électronique élaboré à cet effet, inclus dans l’application mobile de collecte de données : ODK (Open Data Kit).
Le questionnaire comporte 5 grandes parties :
 Identification du ménage ;
 Caractéristiques sociodémographiques ;
 Consommation de sel et de bouillons ;
 Connaissances, attitudes et perceptions (CAP) ;
 Antécédents d’hypertension artérielle.

Mesure de la consommation de sel ajouté

Le sel mesuré correspond à la quantité de sel utilisée lors de la préparation des plats consommés au sein du ménage. Ainsi, dans chaque ménage, il est demandé à la personne en charge de la cuisson d’indiquer la quantité de sel qui sera utilisée pour la préparation de chaque repas le jour de l’enquête. Ensuite, le poids du sel est mesuré grâce à des balances alimentaires (Soenhle, Nassau, Allemagne ; Gram, Barcelona, Spain ; Camry EK3450, Guangdong, China) toutes d’une portée maximale de 5 kg et d’une précision de 1 g.

Mesure de la consommation de bouillon

Dans chaque ménage, la quantité de bouillon ajoutée dans la préparation des repas du ménage au cours des 24 heures est également mesurée. Celle-ci est déterminée en notant le poids marqué sur l’emballage ou bien pesée par une balance alimentaire, respectivement pour les cubes, les sachets non entièrement utilisés et les bouillons en vrac conditionnés dans des sachets en plastique.

Détermination du niveau de consommation en sel

La consommation en sel du ménage est déterminée en additionnant la quantité de sel ajoutée lors de la préparation des repas et la quantité de sel contenu dans les bouillons utilisés au cours de la préparation de ces mêmes repas. La contribution des bouillons dans l’apport journalier en sel est estimée en appliquant le pourcentage maximal de 55% de sel conformément à la norme de l’Association Sénégalaise de Normalisation (ASN, 2017).
La consommation individuelle de sel (g/jour) est ensuite estimée en divisant la quantité totale de sel consommé par le ménage par le nombre total de personnes qui consomment les repas du ménage. Sur la base des recommandations de l’OMS, le niveau de consommation de sel des ménages est classée comme acceptable (<5 g/jour/personne) ou élevée (≥5 g/jour/personne).

Mesure de la tension artérielle

La tension artérielle (systolique et diastolique) est mesurée chez les personnes adultes présentes dans le ménage au moment de l’enquête. La mesure est faite grâce à un tensiomètre électronique (Omron, Kyôto, Japon), en position assise après un repos d’au moins 5 à 10 minutes, et les resultats recueillis sur une fiche de mesure. Pour chaque sujet, trois (3) mesures consécutives sont effectuées le matin et l’après-midi. Pour les sujets qui ont eu une tension élevée, un deuxième passage est fait une semaine après pour confirmation.
La pré-hypertension est définie par une pression systolique comprise entre 120 mm Hg et 139 mm Hg et/ou une pression diastolique comprise entre 80 mm Hg et 89 mm Hg et l’hypertension artérielle par une pression systolique supérieure à 140 mm Hg et/ou une pression diastolique supérieure à 90 mm Hg (NIH, 2004). Les sujets sous traitement hypotenseur au moment de l’enquête sont considérés aussi comme hypertendus.

Saisie, traitement et analyse statistique

La saisie, le traitement et l’analyse statistique des données sont effectués avec les logiciels Epi Info 7 (Center for Disease Control and Prevention, Atlanta, USA), Excel 2016 (Microsoft Corporation, Redmond, USA), Stata/SE version 12.1 (Stata Corporation, Texas, USA). Une double saisie a été effectuée sur Epi Info 7 pour le contrôle de la qualité des données.
Une analyse descriptive a permis de déterminer les caractéristiques principales des ménages enquêtés. Les résultats sont exprimés en moyenne ± écart-type et en pourcentage (avec l’effectif). Les variables qui ont une distribution asymétrique telle que la consommation en sel sont exprimées en médiane et écart interquartile. Le test t de Student et le test de Kruskal-Wallis sont utilisés respectivement pour la comparaison des moyennes et des médianes de consommation de bouillons ou de sel, en fonction des milieux rural et urbain, et le test de χ² de Pearson pour la comparaison des pourcentages. Un seuil de signification de 5% a été retenu pour toutes les analyses.

RESULTATS

Caractéristiques sociodémographiques

L’étude est menée auprès de 111 ménages dont 54 en milieu rural (Kaffrine) et 57 ménages en milieu urbain (Dakar). Les caractéristiques sociodémographiques des ménages sont présentées dans le Tableau 1. La taille moyenne des ménages ruraux est significativement plus élevée (15 ± 8 personnes) que celle des ménages urbains (11 ± 7 personnes), de même que le nombre d’enfants et d’adolescents vivant dans ces ménages (P<0,05). L’intégralité des ménages ont accès à l’eau potable et 73% ont de l’élecricité dans leur domicile. Le bois de chauffe ou le charbon sont les combustibles les plus utilisés pour la préparation des repas dans les ménages.

Consommation de bouillons dans les ménages

La quantité moyenne de bouillons ajoutée est indiquée dans le Tableau 3. En médiane, les ménages consomment 50 g de bouillon par jour. Cette quantité est significativement plus élevée en milieu rural comparé au milieu urbain (62,5 g vs. 30 g ; P<0,001). Lorsqu’on rapporte cette consommation au niveau individuel, la différence est toujours significative entre le milieu rural (5,3 ± 2,8 g) et le milieu urbain (3,6 ± 2,1 g). L’apport en sel des bouillons est estimé à 27,5 g de sel par ménage, avec une différence significative entre le milieu rural et le milieu urbain.

Connaissances, attitudes, pratiques et perceptions des ménages par rapport à la consommation  de sel et de bouillons

Connaissances

Le Tableau 5 montre que 23,4% des personnes enquêtées affirment connaître la composition des bouillons. Parmi elles, 42,3% ont cité le sel, 15,4% les épices et 65,4% d’autres composants (principalement les viscères de poissons). Globalement plus de 70% des sujets pensent que la consommation excessive de sel peut nuire à leur santé et ceci indépendamment du milieu urbain et rural. Plus de la moitié (57,1%), des sujets qui connaissent les effets du sel sur la santé, pensent que la consommation excessive de sel pourrait causer l’hypertension, 16,7% le surpoids, 8,3% les maladies cardio-vasculaires et 20,2% d’autres affections telles que les douleurs articulaires, le diabète, les oedèmes etc.

Prévalence de l’hypertension artérielle

La tension artérielle (systolique et diastolique), les prévalences de la pré-hypertension et de l’hypertension selon le sexe, les tranches d’âge, le niveau de consommation des ménages et le milieu de résidence sont présentés dans les Tableaux 10, 11 et 12 et à la Figure 2.
Les résultats montrent que globalement 34% des sujets sont pré-hypertendus et 15,1% sont hypertendus. La pré-hypertension est significativement plus élevée chez les hommes comparés aux femmes (47,9% vs. 28,1% ; P=0,003), par contre l’hypertension est comparable entre le milieu urbain et le milieu rural. Parmi les sujets dépistés hypertendus 61,1% étaient déjà sous traitement au moment de l’étude. Les individus agés de plus de 45 ans sont plus atteints par l’hypertension.

DISCUSSION

Un apport alimentaire élevé en sel, plus précisément en sodium, est associé à l’hypertension artérielle, un facteur de risque majeur de maladies cardiovasculaires (He, 2013). L’OMS s’est fixée comme objectif entre 2013 et 2020 une réduction relative de 30% de l’apport moyen en sel (sodium) de la population, et aussi une diminution de 25% de la prévalence de l’hypertension artérielle ou de contenir la prévalence de l’hypertension artérielle, selon les circonstances nationales (WHO, 2013). Cette présente étude a été menée dans des ménages urbains et ruraux respectivement à Dakar et à Kaffrine, afin d’évaluer la consommation de sel, les connaissances, attitudes et perceptions liées à sa consommation et de mesurer la prévalence d’hypertension artérielle.
La consommation de sel ajouté au niveau des ménages, collectée à l’aide d’un questionnaire ne fournit qu’une estimation minimale de l’apport en sel, car ne tient pas compte de la teneur en sel de toutes les sources de sel de notre alimentation. L’analyse du sodium urinaire, qui est la méthode de référence, qui donne avec précision la quantité de sel consommée au niveau individuel (Clark et al., 1986 ; Strom et al., 2013 ; McLean, 2014) n’a pas été utilisé dans cette étude par manque de moyen et de temps. Néanmoins, dans les pays en développement, la majorité du sel alimentaire est ajoutée pendant la préparation des aliments (Brown et al., 2009). Dans cette étude, la consommation du sel est estimée en considérant le sel de cuisson et celui contenu dans les bouillons. L’intégralité des ménages visités n’utilise du sel qu’au moment de la cuisson, et la plupart d’entre eux y rajoutent des bouillons.
Nos résultats montrent que les ménages ruraux ajoutent deux fois plus de bouillons que les ménages urbains. Sachant que les bouillons cubes pèsent en moyenne 10 à 12 g, cela veut dire qu’un ménage en milieu rural ajoute approximativement 6 cubes de bouillons par jour pour la préparation des repas, contre 3 cubes pour un ménage en milieu urbain. La consommation de bouillons par individu de cette étude est presque le double de la quantité estimée dans l’enquête nationale sur l’utilisation du sel adéquatement iodé et des bouillons par les ménages, mené en 2014 par l’institut de Population, Développement et Santé de la Reproduction (IPDSR, 2014). La proportion de ménages qui consomment les bouillons culinaires est égale à celle rapporté au niveau national (94%) dans le cadre d’une enquête sur le statut en certains micronutriments (UCAD/COSFAM/MI, 2011). Le taux d’utilisation des bouillons en milieu urbain est comparable aux observations faites au Bénin et en Guinée selon l’étude de Leyraz et al. (2018), qui a effectué une méta-analyse concernant des populations urbaines de cinq (5) pays d’Afrique subsaharienne.
Dans l’ensemble, 70,3% des ménages utilisent du sel iodé. Cette proportion est inférieure à celle rapportée au niveau national (IPDSR, 2014) qui était de 81,3%. Cependant le pourcentage observée dans nos ménages en milieu urbain (82,5%) est supérieur à la moyenne nationale. La consommation moins élevée de sel iodé en milieu rural est probablement due à la proximité avec les zones de productions de sel où il est prouvé que l’utilisation du sel iodé est plus faible (IPDSR, 2014).
La consommation moyenne de sel par individu de notre étude (6,3 g/jour) est inférieure à la moyenne nationale qui était de 8 g par jour par personne, rapporté dans le profil du Sénégal pour les maladies non transmissibles (OMS, 2018). Cette consommation en sel est comparable à celle d’une étude menée au Malawi (Prynn et al., 2018), avec la méthode de collecte d’urine standard de 24 heures, qui a trouvé que les Malawites consommaient 7,1 g de sel/jour et des résultats rapportés par (Paterson et al., 2019) au Vanuatu où la consommation individuelle, mesurée sur des échantillons d’urines de 24h est de 5,9 g/jour. Par contre, cette consommation individuelle moyenne est inférieure aux résultats de Ghimire et al. (2019) qui, avec une méthodologie similaire à la notre, a trouvé une consommation moyenne de 8 g/jour de sel chez une communauté au nord du Népal. Elle est aussi inférieure aux résultats de l’enquête STEPS du Bhoutan (9 g/jour) réalisée en 2014, et des valeurs trouvées dans les études de Lazda et al. (2018) (8,8 g/ jour) en Lettonie, Vichealth 2015 (8,5 g/jour) en Australie, et en Ethiopie (enquête STEPS, 2015) (8,3 g/jour) où les consommations individuelles ont été mesurées grâce à la collecte d’urines standard de 24 heures. La consommation individuelle de sel en milieu rural est comparable aux résultats trouvés par Johnson et al., (2017) dans le sud de l’Inde et par Mizéhoun-Adissoda et al. (2016) dans le sud du Bénin. Ces auteurs ayant utilisé la mesure du sodium urinaire sur 24 heures. En milieu urbain, la consommation de sel (4,6 g/jour) est très inférieure aux résultats de Radhika et al. en 2007 (8,5 g/jour) chez une population urbaine du sud de l’Inde en utilisant un questionnaire de fréquence alimentaire semi-quantitatif, et de Choudhury et al. (2014) (10,6 g/jour) au Bengladesh qui a effectué la mesure via les urines.
Les différences méthodologiques et la situation géographique expliquent probablement les différences observées dans l’estimation de la consommation de sel. La consommation de sel dépend en grande partie du contexte culturel, économique et des habitudes alimentaires. En effet, il existe des différences entre les pays développés et les pays en développement en ce qui concerne les sources alimentaires de sel. Dans les régimes alimentaires européens et nord-américains, une grande partie du sodium ingéré (jusqu’à 75% aux États-Unis et au Royaume-Uni) provient des produits transformés et les aliments consommés à l’extérieur de la maison. Une image différente en ce qui concerne certains pays en développement, où le sodium dans l’alimentation provient majoritairement du sel ajouté (Brown et al, 2009 ; Mannar, 2018) et des autres additifs pendant la cuisson (par exemple les bouillons au Sénégal).

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Table des matières

I. INTRODUCTION
1. Généralités
2. Objectifs
2.1. Objectif général
2.2. Objectifs spécifiques
II. METHODOLOGIE
1. Cadre de l’étude
2. Type d’étude et Echantillonnage
3. Ethique et sensibilisation
4. Collecte des données
4.1. Questionnaire
4.2. Mesure de la consommation de sel ajouté
4.3. Mesure de la consommation de bouillon
4.4. Détermination du niveau de consommation en sel
4.5. Mesure de la tension artérielle
5. Saisie, traitement et analyse statistique
III. RESULTATS
1. Caractéristiques sociodémographiques
2. Consommation de sel ajouté dans les ménages
3. Consommation de bouillons dans les ménages
4. Niveau de consommation en sel
5. Connaissances, attitudes, pratiques et perceptions des ménages par rapport à la consommation de sel et de bouillons
5.1. Connaissances
5.2. Attitudes et Pratiques
5.3. Perceptions
6. Connaissances, attitudes, pratiques et perceptions des ménages en fonction du niveau de consommation
7. Prévalence de l’hypertension artérielle
7.1. Caractéristiques des sujets testé d’hypertension
7.2. Prévalence de l’hypertension artérielle
7.3. Terrain d’hypertension artérielle
IV. DISCUSSION
V. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
VI. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES :
ANNEXES

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