Connaissance des méfaits de la photoexposition
Introduction
Le soleil est un mot qui évoque le bonheur dans l’imaginaire populaire, indispensable à la vie, joue un rôle important sur le métabolisme de la vitamine D (1) et a un effet antidépresseur certain, il a de plus un effet positif sur de multiples dermatoses. L’excès de consommation s’accompagne d’effets négatifs parfois sévères , immédiats ou retardés fonction du phototype des sujets exposés et la durée antérieure d’exposition surtout si cette dernière était importante pendant l’enfance (2) .
Ceci explique l’incidence importante des cancers cutanés en régions ensoleillées.
L’Australie compte 278.000 nouveaux cas de cancer cutané par an, correspondant à 2% de la population australienne avec 100 décès par an , et une importante morbidité (3), l’OMS estime le nombre de cancers cutanés diagnostiqués à 132.000 en 2007 (4), en 2006,l’American Cancer Society estime que plus de 50% des nouveaux cas de cancers diagnostiqués sont cutanés (5).
La relation soleil-cancer est bien établie depuis longtemps ,et ceci est étroitement lié aux interactions intriquées et multiples entre le rayonnement ultraviolet et la peau et qui fait que le taux de cancer cutanée soit toujours en constante augmentation ce qui justifie la mise en place de campagnes de prévention et d’information pour modifier les comportements vis-à-vis de la photoexposition , et afin d’atteindre ces résultats escomptés, il est élémentaire d’évaluer au début le niveau de connaissances et les attitudes de la population cible, but pour lequel le service de Dermatologie-Vénéréologie a organisé le 05 Mai 2009 , une campagne d’information au sein de l’hôpital Ibn Tofail ,d’où émane notre travail .
Ce travail met le point sur les connaissances, attitudes et pratiques du personnel paramédical et de la population générale, pour les comparer, les évaluer, en tirant les conclusions nécessaires à réhabiliter l’information sur les risques de la photoexposition dans nos programmes scolaires et modules universitaires, ainsi qu’au cours des séminaires de formation continue destinés au personnel paramédical.
MATERIELS
Population cible : Notre étude a concerné tous les consultants de la campagne de sensibilisation organisée au sein de l’Hopital Ibn Tofail le 05 Mai 2009 par le service de Dermatologie-Vénéréologie du CHU Mohamed VI, constituée de deux groupes ; le personnel paramédical et la population générale.
METHODE
Méthode statistique
L’analyse des données de cette enquête descriptive a été faite au laboratoire d’épidémiologie, à la faculté de médecine et de pharmacie de Marrakech. La saisie et l’analyse des données ont été réalisées grâce au logiciel Epi-data , version 6dfr . L’étude statistique a été de type univariée et bivariée . Le seuil de signification a été fixé à 5% .
Rappel
Rayonnement solaire
Le soleil est une étoile qui se trouve à une distance de 149,6 millions de kilomètres de la Terre. Le diamètre du soleil est de 1,5 million de kilomètres. Son centre a une température de 10 à 15 millions de degrés Celsius.(1,6)
Deux tiers du rayonnement solaire passent à travers l’atmosphère et peuvent atteindre la surface de la Terre. Les rayons UV ne représentent qu’environ 5 % de ce rayonnement.
Néanmoins presque tous les effets positifs et négatifs du soleil au niveau de la peau sont dus aux UV(6).
Interaction rayonnement optique-peau
L’interaction du rayonnement optique avec la peau est régie par quatre processus fondamentaux :
– La réflexion : elle s’exerce au niveau du stratum corneum selon la longueur d’onde du rayonnement, ainsi elle est plus importante pour le rayonnement visible et l’infrarouge, mais modeste pour les UVB .
– La diffusion : elle est plus importante au niveau de la couche cornée et la mélanine qui diffuse surtout les ondes à longueur courte.
– L’absorption : c’est un processus qui s’exerce à quatre niveaux.
Epaississement de l’épiderme
Après irradiation UVB, les kératinocytes basaux se divisent activement à partir du troisième jour, contribuant à un épaississement du corps muqueux et du nombre de strates de la couche cornée. Après irradiations UVB répétées, l’épaisseur de l’épiderme sera pratiquement doublée, ce qui augmente la photoprotection naturelle. En l’absence de nouvelles irradiations, la desquamation permet le retour progressif, en 5 semaines, de l’épiderme épaissi vers la normale.
Les UVA, peu absorbés par l’épiderme, n’induisent en revanche pas d’épaississement de l’épiderme avec, comme conséquence, pas de photoprotection naturelle.
Action immunologique
Les UV (surtout les UVB) ont un effet suppresseur sur le système immunitaire. Cette photo-immunosuppression est responsable d’une diminution des réactions d’hypersensibilité de contact et d’hypersensibilité retardée, associée à la présence de lymphocytes T suppresseurs spécifiques d’antigènes ; les UVB peuvent induire une immunosuppression locale et systémique ; les mécanismes impliqués dans la photoimmunosuppression font intervenir :
• Une action directe sur les cellules de langerhans épidermiques, les mastocytes dermiques.
• L’isomérisation de l’acide urocanique en un dérivé cisurocanique aux propriétés immunosuppressives.
• La production et la libération de cytokines par les cellules épidermiques (tumor necrosis factor, interleukine 1, IL12 et IL10).
• L’infiltration de l’épiderme par des cellules monocytaires (CD36 ,DR) ,cellules présentatrices d’antigènes .
• Apoptose des lymphocytes T dermiques (induction de l’expression de Fas-ligand sur les lymphocytes T irradiées via l’oxygène singulet) L’état de tolérance immunitaire induit par les UV s’installe dans les heures qui suivent l’irradiation mais il est réversible (restauration en 3 semaines environ).
Effet anti-fibrosant
Les UV ont une action sur le processus de sclérose cutanée, ils entrainent une diminution du collagène I et III dans le derme, ainsi qu’une stimulation de l’enzyme de dégradation du collagène, la collagénase interstitielle.
Effets délétères
Accidents aigus
Erythème actinique : c’est le classique « coup de soleil », il équivaut à une brulure superficielle due à une surexposition solaire. Le pouvoir érythématogène est maximal pour les UVB (90%), les UVA ne sont que partiellement responsables (10%). Cet érythème est induit par l’agression directe des UV sur les kératinocytes (altérations de l’ADN et des membranes lysosomiales) et les cellules endothéliales dermiques qui libèrent des substances (eicosanoides) entrainant une vasodilatation des capillaires sous –épidermiques, responsable d‘érythème, oedème et douleur. Le coup de soleil apparait plusieurs heures après l’exposition, avec un délai d’autant plus court et un aspect clinique d’autant plus intense due la surexposition a été plus importante. (15)
Héliodermie
C’est le vieillissement cutané photo-induit, dû aux expositions solaires chroniques. Il résulte des effets cumulés et synergiques entre les UVB et UVA et les IR sur les cellules épidermiques (kératinocytes , mélanocytes) et dermiques (fibroblastes) , par le stress oxydant et les agressions par les radicaux libres .
Carnation
Le « patrimoine soleil » individuel
Dès la naissance existe une capacité spécifique d’adaptation au soleil : c’est le patrimoine soleil. Face à ce patrimoine les dommages provoqués par le soleil, constamment mais imparfaitement réparés, vont s’accumuler : oxydations des lipides perturbant le fonctionnement de tous les systèmes membranaires, mutations dans l’ADN du noyau et des mitochondries, altération progressive des cellules souches assurant le renouvellement de l’épiderme.
Ces dommages survenant plus rapidement sur une peau à phototype clair que sur une peau à phototype foncé, le patrimoine soleil s’épuisera plus vite pour une peau claire. Il s’épuisera encore plus rapidement après des expositions prolongées, qu’elles soient volontaires ou professionnelles(17). Une fois le patrimoine soleil consommé, les lésions provoquées par le soleil s’accumulent, et les premiers signes pathologiques du vieillissement cutané, puis les premiers cancers apparaissent.
LA BARRIÈRE MÉLANIQUE
La mélanine est produite pas les mélanocytes épidermiques. Son rôle protecteur est fondamental : elle absorbe plus de 90 % des UV ayant franchi la couche cornée. Elle est photo protectrice par trois mécanismes : diffraction, absorption des photons et rôle tampon des radicaux libres formés dans les kératinocytes par absorption de certains photons.
Les mécanismes de réparation cellulaire
L’absorption des photons par certaines molécules, appelées chromophores, entraîne des modifications de l’état énergétique moléculaire qui conduisent à un état instable. La désactivation de ces états excités se fait par transfert d’énergie à des molécules du milieu environnant, en particulier à l’oxygène moléculaire qui prend une forme activée (« espèces réactives de l’oxygène ») agressive pour certains composants cellulaires (lipides des membranes, ADN, protéines).
Les produits de protection solaire (PPS)
Composition : Un PPS est formé de molécules s’opposant à la pénétration de la lumière, d’un excipient et éventuellement d’additifs variés. On distingue deux types de molécules actives contre la pénétration des photons : les filtres et les écrans. (23,24)
*Les filtres
Substances chimiques de synthèse qui agissent comme chromophores en absorbant l’énergie lumineuse selon leur spectre d’absorption. Le retour à leur état énergétique basal se fait par émission de chaleur, d’un rayonnement de fluorescence ou par transformation en un isomère. On distingue les filtres à spectre étroit, n’absorbant que les UVB et les filtres à large spectre efficaces jusque dans les UVA.
Phototype
Le phototype type III (46,8% chez le personnel paramédical et 36% chez la population générale) et IV (45,5% du personnel paramédical et 47% de la population générale) étaient les plus fréquents chez les deux populations , reflétant la carnation de la population marocaine.
Niveau d’instruction
Le niveau d’instruction était secondaire et supérieur chez le personnel paramédical alors qu’il s’échelonnait de l’analphabétisme au niveau supérieur chez la population générale avec 52% des consultants de la population générale qui ne sont pas scolarisés, et ceci explique l’intérêt porté à la santé de la peau quel que soit le niveau d’instruction.
Discussion des attitudes et pratiques
Bronzage
Le bronzage était plus apprécié par la population générale (33%) que le personnel paramédical (23,4%) , expliquée par le fait que le personnel paramédical, applique en partie les connaissances alors que la population générale est toujours influencée par les données transculturelles de l’urbanisme qui le prônent comme stigmate de beauté et de bonne santé .(48)
Les pratiques restent aberrantes même si le niveau de connaissance est moyen sur les méfaits d’une sur- exposition, le bronzage reste très apprécié en particulier par le sexe féminin et donc les attitudes ne vont pas de pair avec le niveau de connaissances. En effet, chez l’adulte qui constitue la tranche d’âge la plus importante, La recherche de bronzage est une donnée toujours présente.
CONCLUSION
L’enquête réalisée auprès de la population générale et du personnel paramédical au sein de l’hôpital Ibn Tofail au CHU Mohamed VI compare, évalue leurs connaissances, attitudes et pratiques vis-à-vis du soleil et montre un niveau acceptable de connaissances, toutefois , les attitudes et pratiques sont déficientes concernant la photoprotection.
Notre enquête montre que le niveau de connaissance est acceptable chez l’ensemble des consultants avec 60% du personnel paramédical qui pensent connaitre les méfaits de la photoexposition et 50% de la population générale. Quant aux pratiques, elles demeurent malsaines avec une photoexposition chez 23,4% du personnel paramédical et 33% chez la population générale, alors que la photoprotection était insuffisante et utilisée chez seulement 60% du personnel paramédical et uniquement 32% de la population générale.
Les objectifs de notre enquête étaient essentiellement ; la formation et l’éducation des consultants, le dépistage des lésions précancéreuses et l’organisation de leur prise en charge adaptée au sein du service de Dermatologie.
Nous déduisons au niveau des connaissances, qu’elles étaient insuffisantes et les pratiques en matière de photo exposition et photoprotection étaient inadaptées. Un grand effort est à fournir afin de hausser ce niveau de connaissance et d’inculquer les bonnes informations et corriger les mauvaises pratiques.
Force est de constater que hormis ces initiatives personnelles et ponctuelles, aucune stratégie nationale, institutionnelle et pérenne n’a réellement vu le jour dans notre pays.
Dans notre contexte, nous proposons les recommandations suivantes :
1-Intensifier les campagnes similaires au sein des écoles primaires pour inculquer aux enfants de bas âge déjà les principes d’une photoprotection de qualité.
2- Renforcer le message, intégrer ces notions dans les programmes scolaires au niveau des collèges et lycées.
3-Introduire ces notions dans les cours de formation du personnel paramédical.
4-Intensifier les campagnes de dépistage des lésions précancéreuses et de sensibilisation sur les méfaits de la photoexposition.
5-Adapter les messages de sensibilisation selon l’âge, le sexe et le niveau d’instruction.
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Table des matières
INTRODUCTION
MATERIEL ET METHODES
I Matériel
II- Méthodes
1- Questionnaire utilisé
2- Méthode statistique
RESULTATS
I. Caractéristiques épidémiologiques des deux groupes
1-Répartition des groupes
2-Age
3-Sexe
II. PERSONNEL PARAMEDICAL
1 – Caractéristiques épidémiologiques du personnel paramédical
1-1 Age
1-2 Sexe
2-Caractéristiques sociodémographiques du personnel paramédical
2-1 Port de voile
2-2 Lieu de l’habitat
2-3 Niveau d’instruction
2-4 Niveau socio-économique
3-Facteurs de risques et antécédents
3-1Phototypes
3-2 Antécédents dermatologiques
3-3 Antécédents de coups de soleil
4-Motif de consultation
5-Photo-exposition
5-1Fréquentation des plages
5-2 Pratique de la natation
5-3Désir de bronzer
6-Usage des moyens de photoprotection
7-Qualité de la photoprotection
8- Connaissance des méfaits de la photoexposition
9- Connaissance des bienfaits de la photoexposition
III. POPULATION GENERALE
1-Caractéristiques épidémiologiques de la population générale
1-1 Age
1-2 Sexe
Connaissances et attitudes vis-à-vis du soleil
Personnel paramédical versus population générale à Marrakech
2-Caractéristiques sociodémographiques
2-1 Port de voile
2-2 Lieu d’habitat
2-3 Niveau d’instruction
2-4 Niveau socio-économique
3-Facteurs de risques et antécédents
3-1 Phototypes
3-2 Antécédents de coups de soleil
4-Motif de consultation
5-Photo-exposition
5-1 Fréquentation des plages
5-2 Pratique de la natation
5-3 Désir de bronzer
6-Usage des moyens de photopeotection
7-Qualité de la photoprotection
8-Connaissance des méfaits de la photoexposition
9-Connaissance des bienfaits de la photoexposition
10-Lésions dermatologiques dépistées au cours de la campagne
DISCUSSION
I. Rappel sur le rayonnement solaire
II. Discussion et comparaison des résultats des deux groupes
1- Age
2- Sexe
3- Le phototype
4- Le niveau d’instruction
5- Antécédents de coups de soleil
6- Motif de consultation
III. Discussion et comparaison des connaissances des deux groupes
1- Connaissances des risques de la photo-exposition
1-1-Cancer cutané
1-2-Vieillissement actinique
1-3-Hyperpigmentation cutanée
1-4-Brulures
2- Connaissances des bienfaits de la photo-exposition
IV. Discussion des attitudes pratiques
1- Bronzage
2- Photo protection
CONCLUSION
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