Différents projets et actions éducatives : quelle vision du handicap ?
Nous n’aborderons ici que les dispositifs mis en place dans une classe dite « classique » et il ne sera pas question des classes ULIS que nous avons déjà abordées précédemment ni des SESSAD (services d’éducation spéciale et de soins à domicile) ou IME (instituts médicaux éducatifs). Est-ce que ces projets favorisent réellement l’inclusion à proprement parler, c’està-dire inclure l’élève en situation de handicap au même titre que les autres élèves ? Quelles sont les visions du handicap induites par ces différents dispositifs ?
Au niveau de l’école, le premier dispositif mis en place est le PPS : Projet Personnalisé de Scolarisation. Le PPS est mis en place uniquement en cas de situation de handicap. Le PPS « organise le déroulement de la scolarité de l’élève handicapé et assure la cohérence, la qualité des accompagnements et des aides nécessaires à partir d’une évaluation globale de la situation et des besoins de l’élève (article L-112-2 du CE) ». Ce document coordonne la scolarité de l’enfant concerné et suivra l’élève tout au long de sa scolarité. La famille de l’enfant porteur de handicap adresse une demande de suivi spécialisé à la MDPH puis, l’équipe pluridisciplinaire d’évaluation évalue la situation de l’élève et rend compte de cette évaluation dans le Geva-Sco première demande. L’équipe élabore ensuite le PPS et le transmet à la CDAPH (Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées). C’est la CDAPH qui prendra des décisions concernant l’orientation de l’élève (ULIS, accompagnement nécessaire…). Selon le document du ministère de l’éducation nationale, le PPS permet de préciser « les aménagements et adaptations pédagogiques nécessaires et favorise la cohérence des actions. ». Ainsi, notons le fait que théoriquement, l’objectif est d’adapter la pratique pédagogique à l’élève en situation de handicap et non pas l’inverse. C’est-à-dire qu’en théorie, ce ne sera pas à l’élève de s’adapter à la pédagogie de l’enseignant. Cette adaptation de pédagogie nécessite cependant du matériel précis et surtout des connaissances de la part du professeur des écoles car, même si beaucoup d’acteurs gravitent autour de l’enfant porteur de handicap, le professeur est seul dans la classe. Dans les documents officiels, la question tourne beaucoup autour de l’accueil de l’élève mais peu autour de son intégration dans les apprentissages. Peu de documents évoquent des solutions pour intégrer l’élève dans la classe sans qu’il ne soit victime de préjugés ou d’exclusion, volontaire ou pas. Il existe un document officiel nommé « Scolariser un enfant sourd ou malentendant ». Ce document donne des conseils afin de s’adapter au handicap de l’élève mais ces conseils ne se rapportent qu’à la dimension physique du handicap. Par exemple, on conseille de se mettre à la hauteur de l’enfant pour parler, bien en face de lui, de parler fort…
Ces conseils montrent que c’est de la dimension médicale du handicap qui est prise en compte.
Un manque de formation pour les professeurs ?
Dans son écrit, Elisabeth Maizonnier-Payelle pose une question intéressante : « les compétences disponibles dans les écoles sont-elles employées de façon pertinente au service de l’inclusion ? » . Cette question souligne un aspect important dans l’inclusion : la formation des professeurs. Si du matériel pédagogique est mis à disposition des professeurs, est-il employé à bon escient au service de l’inclusion ? Si certains professeurs ont acquis des compétences lors de formations, parviennent-ils à les mettre en œuvre au service de l’inclusion ?
Les professeurs des écoles disposent de 18h de formation par an, accompagnés par des conseillers pédagogiques. Les formations sont souvent en lien avec des demandes de la part de l’équipe éducative. La formation au handicap n’est donc pas obligatoire. Il existe néanmoins une formation spécialisée pour les enseignants souhaitant devenir enseignants spécialisés. Ceux qui souhaitent exercer cette fonction doivent passer le CAPPEI (Certificat d’Aptitudes Professionnelles aux Pratiques de l’Education Inclusive). Ce sont les seuls enseignants réellement formés pour la scolarisation des élèves en situation de handicap.
Notons que les enseignants référents ne sont pas assignés dans une seule classe mais dans plusieurs. Il existe donc un manque de formation des professeurs et ce manque de formation pose de plus en plus question à l’Education Nationale : “ La diversité et l’augmentation du nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés tout comme les évolutions législatives et réglementaires récentes nécessitent une évolution de la formation des enseignants du premier et du second degré exerçant leurs fonctions […]” . Le ministère souhaite mettre en place les PIAL : Pôles Inclusifs d’Accompagnement Localisé. Le but est de « mieux accueillir les parents et l’élève », « former et accompagner les enseignants » et « s’adapter aux besoins éducatifs particuliers des élèves ». Ainsi, on admet qu’il y a une lacune dans la formation des professeurs au handicap. Nous retrouvons également la dimension d’adaptation aux besoins particuliers des élèves. Cependant, on devine un paradoxe : comment faire en sorte d’adapter sa pédagogie sans non plus exclure l’élève des apprentissages « normaux » ? Il paraît paradoxal de vouloir adapter sa pédagogie à l’élève sans non plus l’exclure des apprentissages classiques, exercés avec une pédagogie « classique ». Dans leur essai sur l’intégration des élèves en situation de handicap à l’école primaire, Frédéric Grimaud et Frédéric Saujat relatent les résultats de différentes études menées sur l’inclusion d’élèves porteurs de handicap. Il en ressort plusieurs éléments, notamment que l’enseignant est « en proie à un important déficit de prescription » . Cet élément souligne en effet le manque de formation pour les professeurs et d’actions très concrètes à mettre en place au sein d’une classe. Il ressort également de cette étude que les textes institutionnels sont flous en ce qui concerne l’inclusion et que les temps consacrés à la question du handicap et aux gestes professionnels permettant de scolariser un élève porteur de handicap sont très rares. En effet, les enseignants interrogés n’avaient reçu aucune formation, pas « d’approche ergonomique ». Par exemple, l’un des enquêtés disait : « j’ai eu en tout, une demi-journée de formation sur les situations difficiles, on a parlé des ZEP, de la dyslexie, du handicap… ». Le handicap n’était donc pas abordé seul. Dans cette enquête, les auteurs ont remarqué que les professeurs ayant accueilli des élèves porteurs de handicap trouvaient par eux-mêmes des solutions afin d’intégrer les élèves dans la classe, en appliquant des « gestes ordinaires pour une situation extraordinaire ». Le handicap est donc vu comme un élément sortant de l’ordinaire d’une classe. Les enseignants choisissent de palier à cette « anormalité » en transformant la situation en situation ordinaire. On note donc une véritable volonté des professeurs d’intégrer les élèves en situation de handicap dans les apprentissages, de les inclure dans la classe au même titre qu’un élève non porteur de handicap. Cependant, même s’il s’agit de cas isolés, on peut émettre l’hypothèse que le manque de formation des professeurs implique des réponses inadaptées aux besoins des enfants en situation de handicap ou alors des réponses qui accentuent la stigmatisation de l’enfant et qui rendront sa socialisation difficile.
Porter un regard sociologique sur le handicap : pour un environnement moins handicapant
Le handicap est donc reconnu et pris en compte par l’Education Nationale et par les différents acteurs qui gravitent autour. Nous avons néanmoins pu voir que c’était globalement l’aspect médical du handicap qui était abordé : les moyens physiques pour permettre aux enfants porteurs de handicap d’aller à l’école, des moyens humains pour accompagner l’enfant. Pour l’Education Nationale, l’inclusion scolaire permet de trouver des moyens pour inclure un enfant dans une classe « ordinaire » malgré son handicap physique ou moral. La question de l’apprentissage est peu évoquée. On évoque la scolarité mais pas les apprentissages ni les gestes professionnels à mettre en place pour intégrer les élèves dans les apprentissages. Oui nous pouvons accueillir un élève sourd en classe, à moins de parler fort, à sa hauteur, en articulant. Mais comment faire en sorte que cet élève trouve sa place au sein de la classe et dans les apprentissages ? Cette deuxième partie sera consacrée à une étude sociologique de la manière dont on perçoit le handicap, de l’impact d’une vision médicalisée du handicap.
Le regard médical porté sur le handicap : facteur de préjugés
Nous l’avons vu plus tôt, le regard posé sur le handicap dans les textes officiels et dans la perspective de l’inclusion scolaire est davantage tourné vers le diagnostic médical. Quelles adaptations en fonction de tel ou tel diagnostic médical. Ce regard médicalisé sur le handicap peut-il avoir des conséquences sur notre perception de l’élève ? Est-il facteur de préjugé ?
Porter un regard sociologique sur le handicap ?
Dans leur article « Pour une sociologie du handicap », Romuald Bodin et Etienne Douat évoquent le handicap comme étant davantage un problème social qu’un problème médical. Ils évoquent « le poids central des catégories de pensée et des discours derrière un discours de façade sur la dimension sociale du handicap » . Il semble que cette phrase fasse référence à la manière dont la loi de 2005 définit le handicap. La loi de 2005 évoque le handicap comme une « limitation à la vie en société » mais en raison d’une « altération substantielle ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques ». Cette définition allie donc un aspect social et un aspect médical du handicap. Dans cette définition, ce sont les dysfonctionnements physiques qui sont la cause d’une limitation à la vie en société. C’est cette vision qui est questionnée par les deux auteurs mais aussi par Jean-Sébastien Eideliman dans sa conférence de novembre 2015 à l’hôpital Necker. Il invitait les auditeurs à porter un autre regard sur la notion de handicap. Il définit clairement le modèle médical du handicap et le modèle social. Pour se faire, il prend un exemple qu’il semble intéressant de réemployer ici afin d’établir une comparaison entre les deux façons de penser de ces modèles.
Le « sick role »
Dans ce dernier point, il s’agira d’évoquer ce que Talcott Parsons a nommé le sick role. D’un point de vue sociologique, ce terme désigne la manière de catégoriser un individu et d’observer les effets sur la manière dont cet individu reprend les caractéristiques qui lui sontattribuées. Ce mécanisme de catégorisation a des effets sur la manière dont on s’adresse à quelqu’un, les attentes qu’on a de lui. Ce terme nous intéresse par rapport au sujet car il serait intéressant d’observer les manifestations de ce sick role au sein d’une relation enseignant/élève en situation de handicap. L’enfant, dans sa socialisation primaire, apprend à décoder la manière dont on s’adresse à quelqu’un, les attentes qu’on a de lui. Pour un élève, le sick role consiste à agir, de la manière dont on imagine quelqu’un en situation de handicap agir. C’est-à-dire selon les représentations usuelles que l’on a des personnes en situation de handicap. L’enfant se conforte dans ce rôle qu’on lui a attribué, il se met dans la représentation que l’on a de lui et adopte une forme de rôle social qu’on lui a imposé. Quand un élève sort de ces catégorisations, il faut prendre un temps avec lui pour lui montrer qu’on essaye de le comprendre. Un enfant sort de ce rôle social quand il a vu que les autres ne voyaient pas en lui uniquement un malade qui ne peut pas faire ou pas suffisamment. Cette question est très intéressante et rappelle d’ailleurs le principe de l’effet Pygmalion : si on applique tel ou tel regard et a priori sur un individu, cet individu aura tendance à se glisser dans les attentes que l’on a de lui. En lien avec le sujet, on peut donc se demander si les représentations de l’enseignant envers l’élève ont un impact sur l’attitude de l’élève ? Est-ce que l’enseignant a des attentes particulières inconscientes ou pas de l’élève en situation de handicap ? Est-ce l’enfant répond, inconsciemment à ces attentes ? Comment ces représentations et attentes se traduisent-elles concrètement ?
L’inclusion scolaire : entre ouverture et mise à l’écart
On trouve donc plusieurs manières d’aborder le handicap, et aujourd’hui , on trouve des tentatives d’appliquer un regard sociologique sur le handicap. Romuald Bodin soulignait bien le fait que le handicap était parfois renforcé par les aides matérielles ou humaines dédiées pourtant à le réduire. Au niveau scolaire, on observe également cette ambiguïté, une inclusion entre ouverture et mise à l’écart du handicap. Parfois, en croyant faire bien pour intégrer un enfant en situation de handicap dans la classe, on l e met involontairement à l’écart.
Les professeurs face au handicap et à l’inclusion scolaire
Il paraît important d’aborder les différentes représentations du handicap que peuvent avoir les enseignants et l’impact de celles-ci dans la classe. On parle de plus en plus de stigmatisation, de discrimination positive ; quels sont les différents facteurs qui peuvent expliquer ces phénomènes ? Tout d’abord, on peut citer le manque de formation des professeurs des écoles qui joue sur la perception du handicap. Il est difficile de s’adapter à des besoins particuliers quand on n’a pas été formé et on entend souvent : « je fais comme je peux ». Ensuite, les conditions de travail peuvent parfois être un frein à l’inclusion : le nombre d’élèves dans la classe, leur âge. Tous ces facteurs rendent l’inclusion difficile. Ainsi, beaucoup d’enseignants se posent la question de la place accordée aux élèves en situation de handicap dans la classe. Comment ces élèves sont intégrés aux apprentissages ?
Dans l’article « Pour une sociologie du handicap », les auteurs Romuald Bodin et Etienne Douat évoquent différents entretiens menés auprès de jeunes handicapés, de parents et de professionnels de santé. Il en ressort que le jugement scolaire est parfois intériorisé par les élèves et les enseignants : il y a des paroles qui « condamnent » l’enfant dans ses possibilités futures. On voit donc que ce jugement est intériorisé donc implicite car il relève certainement de représentations sociales inconscientes, des représentations socialement admises et ancrées dans les mentalités.
Le paradoxe de l’école inclusive
Les professeurs se trouvent donc dans des situations inégales face au handicap. Ces situations varient selon l’expérience des professeurs, le milieu social, leur propre expérience face à l’inclusion scolaire. Ces observations mènent à se demander s’il n’existerait pas un paradoxe dans l’inclusion scolaire. En effet, malgré une volonté d’inclure des élèves en situation de handicap dans un parcours « ordinaire », on remarque qu’à cause d’un manque de moyens et de formations, le handicap est parfois creusé ou amplifié. Goffman évoque l’école comme un « lieu de tensions » , entre inclusion net mise à l’écart. Tremblay et Loiselle parlent même d’utopie de l’inclusion. En effet, l’inclusion scolaire cherche à accroître la participation sociale des personnes en situation de handicap mais paradoxalement, on ne propose pas de formation obligatoire aux enseignants, ils ne sont pas accompagnés et les délais pour les aides humaines sont très longs. De plus, chercher à voir autant de différences que d’individus est très difficile concrètement surtout dans un système éducatif basé quasi exclusivement sur la norme et l’équité. Pour Goffman d’ailleurs, ce processus « intimement lié au cadre démocratique qui impose le caractère universel de l’égalité formelle et donc, qui peut à la fois amener les « normaux » à se sentir mal à l’aise avec le stigmate des autres et les « stigmatisés » à fournir la preuve constante qu’ils sont différents et méritent les mêmes égards que les autres. » . Le fait de vouloir s’adapter à l’enfant en situation de handicap en proposant des activités réaménagées part certes d’une bonne intention de l’enseignant et d’une volonté d’inclusion, mais cela peut néanmoins participer à créer un stigmate autour de cet élève. Il ne fait pas comme les autres : les autres le stigmatisent et l’élève en situation de handicap se sent davantage exclut. Et de l’autre côté, si l’on donne exactement la même chose à faire à un enfant en situation de handicap qu’aux autres, on risque également d’accroître les stigmatisations car l’enfant en situation de handicap se retrouvera dans une situation humiliante dans laquelle il n’arrive pas à faire comme les autres. C’est pour ces raisons que Tremblay et Loiselle semblent dire qu’appliquer l’inclusion scolaire telle qu’elle est définie, est utopique et paradoxale.
Dans leur article « Un âge refusé », Etienne Douat et Romuald Bodin parlent « d’oublier le handicap sans trop l’oublier ». Ce paradoxe met en évidence l’exercice difficile que représente l’inclusion : s’adapter sans trop s’adapter pour ne pas creuser les différences.
Les deux auteurs évoquent l’alternance entre mise à l’écart et inclusion. Pour répondre aux « besoins spécifiques » de certains élèves, on met en place des séries d’exercices pour corriger et adapter. Finalement, l’institution scolaire « crée paradoxalement les conditions d’un renforcement des difficultés dans les apprentissages et d’une exclusion de toute une partie de l’univers ». Il apparaît finalement qu’inclure des élèves en situation de handicap dans une classe ordinaire est une tâche périlleuse, un questionnement constant pour savoir quand inclure l’élève au maximum et quand trouver des aménagements sans nuire à son inclusion dans la classe.
Le cas de la surdité à l’école maternelle/élémentaire
Poursuivons notre réflexion avec un exemple de handicap : la surdité. J’ai choisi ce handicap car il y a un élève atteint de surdité moyenne dans ma classe de petite section. Dans le cas de l’école maternelle, il est très difficile de pouvoir parler d’inclusion en ce qui concerne les enfants sourds. En effet, la maternelle est un système très oraliste puisque les enfants n’ont pas encore accès à l’écrit. On peut palier à ce manque vers la fin de la moyenne section ou la grande section en utilisant des pancartes, des dessins, indiquant les règles de classe, les consignes. Cependant, cette méthode nécessite une certaine abstraction de la part des élèves, abstraction dont les élèves de petite section ne font pas encore preuve. Bernard Mottez explique que le système de l’école maternelle est en décalage avec la surdité car on demande sans cesse aux enfants d’entendre et d’écouter. Dans son article « A s’obstiner contre les déficiences, on augmente souvent le handicap : l’exemple des sourds » , il évoque la surdité à l’école et comment ce handicap peut être accentué. Il évoque certaines actions centrées sur un dysfonctionnement physique qui peuvent avoir pour conséquences d’augmenter le handicap et participer à l’exclusion de l’élève. Il définit d’ailleurs le handicap comme « l’ensemble des lieux et rôles sociaux desquels un individu ou une catégorie d’individus se trouvent exclus en raison d’une déficience physique ». Il parle du handicap comme d’une exclusion de la société. Il précise que les personnes atteintes de surdité sont exclues à cause de l’organisation de notre société actuelle, centrée sur des canaux de communication et d’informations, des communications à distance, et d’une moins bonne audition à cause des divers outils téléphoniques. En effet, ces nouveaux outils technologiques affaiblissent la qualité auditive et les personnes sourdes souffrent des conséquences de cette perte en qualité auditive. Prenons un exemple en rapport avec la crise sanitaire : les cours à distance étaient assurés grâce à des logiciels de visioconférence. Très peu de ces logiciels possédaient une option de sous-titrage pour des personnes malentendantes ou sourdes. De même, à l’école maternelle, les consignes sont globalement données oralement, et cette manière de transmettre la consigne peut nuire à la compréhension d’un élève sourd. Ajoutons également la présence du masque qui évidemment, accentue la situation handicapante, rendant la lecture labiale impossible.
Anne Vanbrugghe souligne néanmoins la nécessité pour l’élève sourd de bénéficier d’une langue porteuse d’apprentissages, qu’elle soit vocale ou gestuelle . Cependant, l’enseignant peut rapidement tomber dans un premier écueil : faire comme si l’enfant n’était pas sourd en lui demandant sans cesse d’entendre et d’écouter. Bernard Mottez appelle cela le déni de surdité. Le deuxième écueil consiste à envisager positivement la surdité comme une différence de capacités. Il s’agit d’occulter certaines difficultés en oubliant que dans certaines situations, l’enfant sourd est handicapé par le fait qu’il n’entend pas. Cet écueil paraît évident mais il est lié au principe d’inclusion qui cherche une égalité de traitement entre tous les élèves. Ainsi, on considère que l’enfant sourd va apprendre de la même manière que les autres or, dans certains cas, des adaptations sont nécessaires, physiquement parlant. Cet écueil est également lié à l’évolution du concept de handicap : « de façon générale, l’évolution des conceptions du handicap sous l’impulsion de l’OMS, visant à distinguer la déficience du handicap éventuel qu’elle génère et à envisager la personne dans sa globalité et non plus uniquement au regard de ses incapacités, a pu produire les mêmes effets de balanciers, aboutissant parfois à gommer complètement l’idée du handicap, jugée trop stigmatisante » : en voulant inclure l’élève à tout prix au même titre que les autres enfants, on occulte parfois le handicap.
L’élève observé : origines sociales, place dans la classe et rapports avec les différents acteurs de la classe
Le questionnement de mon travail de recherche se centre sur l’intégration des élèves en situation de handicap dans la classe. Grâce à mes recherches et mes lectures théoriques, j’ai pu recentrer mon interrogation sur l’impact des contraintes organisationnelles qui pèsent sur les enfants en situation de handicap. Je recherche à questionner cet impact au regard de l’intégration de l’élève dans la classe mais aussi dans ses apprentissages. Les contraintes organisationnelles liées à l’institution génèrent des difficultés quant à la mise en œuvre de l’inclusion scolaire. En quoi la manière de gérer ces difficultés a-elle un impact sur la façon dont l’élève en situation de handicap est intégré dans la classe et aux apprentissages.
Finalement, ce raisonnement se positionne à la fois du côté de l’institution et aussi du côté de l’enseignant et de ses attitudes.
Le petit garçon que j’ai observé est un élève de ma classe, nous le nommerons V pour des questions d’anonymat. Cet enfant est atteint de surdité moyenne aux deux oreilles. Une surdité moyenne implique une baisse de l’audition de 40 à 69 décibels. V est appareillé aux deux oreilles. Il fait également preuve de problèmes de comportement : violence avec les enfants et grosses difficultés à se concentrer sur une tâche. Il est suivi au CMP et au CHU par différents professionnels de la santé : un pédopsychiatre, une orthophoniste, une psychologue et un pédiatre. Les difficultés de comportement notées en début d’année dans la classe ont conduit l’équipe pédagogique à mener une ESS (équipe de suivi de la scolarisation des élèves). Toute l’équipe a fait une demande d’aide humaine à la MDPH afin que V puisse avoir une personne qui reste avec lui pour l’aider à se concentrer, se recentrer et pour gérer le comportement parfois très brusque de V.
Avant de venir à l’école, V allait en crèche seulement un jour par semaine. Il a récemment déménagé, passant d’un appartement à une maison. Il a un petit frère d’environ un an, sa mère est assistante maternelle et son père maître-nageur. V est un enfant éveillé, très curieux et il semble qu’il soit déjà dans les apprentissages scolaires. On suppose qu’il est très stimulé à la maison. J’ai remarqué que les parents étaient très soucieux de son apparence physique : V est toujours habillé avec des vêtements assortis, « à la mode ». Les vêtements viennent de la marque Zara, et dénotent avec la plupart des marques traditionnelles pour enfant s, moins chères.
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Table des matières
Remerciements
Introduction
Partie 1 : Construction de l’objet d’étude
I- L’école inclusive : quelle intégration pour les élèves en situation de handicap ?
1- Les différents acteurs de l’école inclusive
a) Les acteurs de l’Education Nationale : des enseignants spécialisés et des Unités Localisées pour l’Inclusion Scolaire
b) Des acteurs externes à l’Education Nationale : quelle communication ?
2- Les dispositifs mis en place pour l’accueil des enfants en situation de handicap : quelles aides pour les professeurs ?
a) Différents projets et actions éducatives : quelle vision du handicap ?
b) Un manque de formation pour les professeurs ?
II- Porter un regard sociologique sur le handicap : pour un environnement moins handicapant
1- Le regard médical porté sur le handicap : facteur de préjugés
a) L’évolution du concept de handicap
b) Porter un regard sociologique sur le handicap ?
c) Le « sick role »
2- L’inclusion scolaire : entre ouverture et mise à l’écart
a) Les professeurs face au handicap et à l’inclusion scolaire
b) Le paradoxe de l’école inclusive
c) Le cas de la surdité à l’école maternelle/élémentaire
d) Des contraintes organisationnelles liées à l’institution
Conclusion de la première partie
Partie 2 : Présentation du terrain d’étude et de la méthodologie adoptée
I- Terrain d’étude : caractéristiques géographiques, sociales et organisation de l’école
1- Caractéristiques géographiques et sociales de l’école : le quartier
Saint Félix – Hauts Pavés
a) Population : âge et origines
b) Diplômes et emplois
2- Organisation de l’école : des contraintes organisationnelles dans la gestion du handicap à l’école
II- Contexte de classe : Quelle gestion du handicap et de l’inclusion ?
1- Caractéristiques sociales des élèves de la classe et de l’élève observé en particulier
a) Origines sociales des élèves
b) L’élève observé : origines sociales, place dans la classe et rapports avec les différents acteurs de la classe
2- Caractéristiques spatiales de la classe : au service de l’inclusion ?
3- Caractéristiques temporelles : organisation type d’une journée
III- Méthode de recherche
1- Description et choix de la méthode
a) L’observation participante et la captation de sons et d’images
b) Les entretiens
2- Difficultés rencontrées sur le terrain et dans l’étude et évolution des méthodes
a) Difficultés propres à l’école maternelle : liées à l’organisation d’une classe
b) Difficultés liées à une posture de débutant
PARTIE 3 : Confronter la théorie à l’expérience : une mise en œuvre de l’inclusion scolaire dépendante de contraintes organisationnelles
I- Des contraintes qui pèsent sur l’élève et sur les enseignants : quelles sont ces contraintes et en quoi participent-elles à multiplier les situations handicapantes ?
1- Des contraintes organisationnelles liées à l’institution scolaire
a) Le contexte de la maternelle
b) Des contraintes matérielles
2- Des contraintes liées à différentes formes de pression
a) Une pression sociale
b) Une pression institutionnelle
II- L’impact des représentations sociales sur le handicap et des stratégies mises en œuvre pour résoudre les difficultés liées à l’inclusion
1- Les représentations des enseignants
a) Recueil de paroles prononcées lors de réunions au sujet des élèves en situation de handicap
b) Représentations et attitudes des enseignants par rapport au handicap
2- Des attitudes inconscientes : que révèlent-elles sur la capacité d’un enseignant à gérer des situations handicapantes ?
a) Le sick role et l’effet Pygmalion
b) Le rôle des émotions : se décharger du problème de l’intégration aux
apprentissages
CONCLUSION
ANNEXES
Bibliographie
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