Un bref historique de l’oxydation sélective humide dans les hétérostructures GaAs/AlGaAs
L’oxydation sélective humide des couches AlxGa1‐xAs est une technique relativement récente. Elle a été découverte, par hasard, par Dellesasse et al[1] en 1990. Au cours de leurs études de stabilité à long terme des hétérostructures GaAs/AlxGa1‐xAs, et dans le but d’accélérer la dégradation des structures, ils ont utilisé une méthode classique (Frosch, 1955)[2] basée sur l’exposition de leurs échantillons à un flux de N2 saturé en vapeur d’eau, sous une température de 400°C. Ils ont ainsi observé que les couches AlxGa1‐xAs (x>0,7) se corrodent en donnant lieu à un oxyde « dense, transparent, de haute qualité, et significativement différent des oxydes conventionnels obtenus par hydrolyse ». Suite à cette découverte, les recherches se sont multipliées, cet oxyde apparaissant comme un candidat potentiel qui pourrait jouer dans la technologie sur les matériaux III‐V un rôle comparable à celui de la silice dans la technologie sur silicium. Ces travaux ont porté sur différents aspects de l’oxydation tels que la compréhension des mécanismes thermodynamiques, l’identification des réactions chimiques impliquées, l’étude et la modélisation de la cinétique et l’analyse de la microstructure de l’oxyde. Nous reviendrons sur ces aspects plus en détail dans la suite de ce chapitre. Ces études ont montré qu’il s’agit d’un oxyde d’aluminium non stœchiométrique (AlOx) stable, robuste, possédant de bonnes propriétés diélectriques et un faible indice de réfraction. Compte tenu de ses propriétés, cet oxyde a été largement mis à contribution dans un large panel d’applications en optoélectronique et en microélectronique. Sa haute qualitédiélectrique a assuré un confinement électrique très efficace dans les VCSELs[3][4][5][6]. Son faible indice de réfraction a permis un confinement optique performant dans les VCSELs[7][8][9], la réalisation de miroirs de Bragg (GaAs/AlOx) à fort contraste d’indice[10], la fabrication de guides d’ondes biréfringents[11], et la production de microlentilles[12]. Il est également utilisé comme oxyde de grille dans les transistors à effet de champ MOSFET[13], dans les structures à cristaux photoniques[14] ou encore comme un moyen d’alignement des boîtes quantiques[15]. Nous pouvons alors saisir l’importance d’une compréhension précise des différents processus mis en jeu lors de l’oxydation et l’intérêt d’une grande maîtrise du procédé de fabrication et des propriétés intrinsèques de l’oxyde. Dans ce chapitre, nous présentons tout d’abord les VCSELs dont la recherche des meilleures performances a conduit au développement de ce procédé. Ainsi, nous discutons des techniques alternatives qui ont été développées afin de réaliser le confinement dans les VCSELs et montrons que les VCSELs avec un diaphragme AlOx s’avèrent les plus performants. Nous présentons ensuite l’état de l’art de l’oxydation humide sélective dans les hétérostructures GaAs/ AlxGa1‐xAs, les mécanismes mis en jeu et les paramètres déterminants. Nous décrivons enfin les verrous technologiques à lever pour améliorer les performances des composants concernés et pour ouvrir à de nouvelles générations de composants.
Les méthodes de confinement dans les VCSELs
L’objectif principal du confinement est l’obtention d’un recouvrement maximal entre les profils de la densité des porteurs et du mode optique dans la zone active. Cette condition est nécessaire à ces composants pour leur assurer un rendement optique élevé et une faible densité de courant au déclenchement laser (le seuil). Le confinement concerne à la fois les porteurs (électrique) et les photons (optique) et s’applique dans les deux directions : longitudinale et transverse.
Le confinement longitudinal : La structure particulière du VCSEL facilite ce type de confinement. En effet, le confinement des photons dans la zone active est assuré grâce à la haute réflectivité des miroirs de Bragg qui entoure la cavité. Par ailleurs, la faible longueur de la cavité procure un comportement monomode dans le sens longitudinal. Les photons sont générés dans les puits quantiques. Ces derniers sont placés au milieu de la zone active pour obtenir un fort chevauchement entre le gain optique et le profil de l’intensité du mode.
Le confinement transverse : Ce type de confinement peut être réalisé par différentes techniques. La démarche utilisée initialement a consisté à réaliser un confinement latéral par implantation ionique [34] (figure I.3). Cette méthode présente le grand avantage de préserver la planéité de la structure, simplifiant la technologie de fabrication du laser et permettant d’obtenir une évacuation correcte de la chaleur. Elle est par ailleurs fiable et efficace pour confiner les porteurs [35]. Cependant, la géométrie de la zone implantée ne permet pas de contrôler la polarisation de la lumière et son confinement optique est très limité : les photons ne sont guidés que par le gain. En plus, à cause des défauts créés par implantation, même dans la zone active limitrophe, les pertes optiques par diffraction sont assez importantes. La méthode développée par la suite a visé l’obtention d’un confinement optique. Elle est basée sur la gravure d’une mesa pour créer un guidage par l’indice, résultant de la différence d’indice entre l’air et la multicouche (zone active et miroir supérieur)[20][36] (figure I.4). La dimension latérale de la zone active est ainsi réduite à quelques micromètres, ce qui permet de réaliser des composants monomodes transverse [37]. Choquette et al [38] ont montré que la polarisation du faisceau laser émis dépend de la géométrie de la mesa. Depuis lors, le contrôle de la polarisation par la gravure d’une mésa asymétrique (elliptique) est devenue une technique assez commune dans la fabrication des VCSELs[39]. Cependant, cette méthode, contrairement à la précédente, ne permet pas de confiner les porteurs. Au contraire, elle entraîne la diminution de leur temps de vie par recombinaison en bord de mesa [40]. Cet effet peut être réduit par passivation de la surface [41]. Par ailleurs, la gravure génère souvent des défauts et des rugosités qui engendrent des pertes optiques supplémentaires par diffraction et diffusion[40][42]. Un autre inconvénient de cette méthode est l’échauffement excessif du composant : l’air, mauvais conducteur thermique, ne favorise pas l’évacuation de chaleur de la cavité. Cet effet diminue le rendement du composant en décalant le maximum de l’émission des puits et le pic de résonance de la cavité. Cependant, ce problème est évitable par encapsulation de la mesa avec un matériau de bonne conductivité thermique [43].
L’épaisseur de la couche et son environnement au sein de l’hétéro structure
L’influence de l’environnement de la couche sur la vitesse d’oxydation a été mise en évidence par Kim et al[86]. En étudiant l’effet des interfaces GaAs/AlxGa1‐xAs sur l’oxydation, ils ont observé que l’introduction d’une couche fine de 10 nm de Al0,72Ga0,28As aux niveau des interfaces AlAs/GaAs entraîne une diminution de la vitesse d’oxydation de la couche AlAs. Cette baisse a été expliquée par la réduction des contraintes mécaniques induites par l’oxydation (facteur promoteur de l’oxydation). De même, ils ont constaté une diminution rapide de la vitesse d’oxydation latérale avec celle de l’épaisseur de la couche (≤80 nm), allant jusqu’au blocage total de l’oxydation pour une épaisseur de 11 nm. Yoshikawa et al[87] ont expliqué ce phénomène par le développement de contraintes mécaniques liées au changement de volume de la couche lors de l’oxydation. Ces contraintes exercent une force négative sur le processus de diffusion. Une deuxième interprétation rigoureuse de ce phénomène a été apportée par Naone et Coldren[88]. En effet, les observations en microscopie électronique en transmission (TEM) ont montré que le front d’oxydation présente une courbure dont le rayon dépend de l’épaisseur de la couche. D’après l’effet Gibbs‐Thomson, une pression qui s’oppose à l’avancement de l’oxyde au niveau des interfaces est à l’origine de cette courbure. Plus la couche à oxyder est fine, plus cet effet d’interface est important. Par conséquence, un terme inversement proportionnel à l’épaisseur de la couche est rajouté à l’énergie d’activation du processus d’oxydation. Les deux explications précédentes sont raisonnées et cohérentes. L’interprétation de Naone et Coldren associent le ralentissement de l’oxydation à « une pression » au niveau des interfaces qui inhibe la réaction chimique en augmentant son énergie d’activation. Si on se réfère au modèle de Deal‐Grove qui suppose que la réaction chimique est un mécanisme du 1er ordre, ceci amène donc à une cinétique linéaire (car limitée par la réaction). Tandis que l’interprétation de Yoshikawa suppose que cette baisse de vitesse est due aux contraintes mécaniques (induites par le changement de volume de la couche) qui génèrent « une force négative » qui s’oppose à la diffusion. Toujours selon Deal‐Grove, il en résulte une cinétique parabolique. En observant la progression de l’oxyde en fonction du temps (voir figure I.9), nous constatons une combinaison des deux régimes. Le mécanisme qui limite la vitesse d’oxydation semble en effet agir à la fois sur le processus de la réaction chimique et sur la diffusion. Nous pouvons en déduire que les deux interprétations sont pertinentes et que les deux mécanismes proposés par ces auteurs jouent un rôle complémentaire dans le procédé d’oxydation.
Les contraintes associées au procédé d’oxydation
La montée en température de la structure pour son oxydation à 400‐450°C réduit légèrement la contrainte thermique précédente. En revanche, le refroidissement des couches après l’oxydation partielle de la couche enterrée d’AlxGa1‐xAs conduit à retrouver cette contrainte thermique dans la partie non oxydée ; dans la zone oxydée, le refroidissement provoque une déformation plus importante, associée à la différence entre les coefficients de dilatation thermique de l’arséniure de gallium (αGaAs=5,97 10‐6 /K) et de l’oxyde d’aluminium (αAlOx=8,5 10‐6 /K). Il y aura donc un gradient de contrainte thermique à l’interface entre la partie oxydée et celle non oxydée, mais qui restera toutefois faible. De plus, dans la partie oxydée, se rajoute une déformation (contraction) provoquée par l’oxydation de la couche AlxGa1‐xAs qui peut atteindre 13% de l’épaisseur initiale de la couche (cas de l’arséniure d’aluminium pur). Vu son importance et son impact sur les propriétés physiques des composants VCSELs (ou autre), cette déformation fera l’objet de la suite de ce chapitre.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : GENERALITES
1.1 UN BREF HISTORIQUE DE L’OXYDATION SELECTIVE HUMIDE DANS LES HETEROSTRUCTURES GAAS/ALGAAS
1.2 LE CONFINEMENT OPTO‐ELECTRIQUE ENTERRE DANS LES VCSELS
1.2.1 La structure et le principe de fonctionnement du VCSEL
1.2.2 Les principaux avantages des VCSELs
1.2.4 Les méthodes de confinement dans les VCSELs
1.2.5 Le confinement par diaphragme d’oxyde enterré dans les VCSELs
1.3 LES MECANISMES DE L’OXYDATION
1.3.1 Le principe
1.3.2 La stabilité thermodynamique des phases et la microstructure de l’oxyde
1.4 LA CINETIQUE
1.4.1 Les paramètres clés de la cinétique
1.4.2 Les limites du modèle de Deal‐Grove
1.5 LES PERSPECTIVES
1.6 CONCLUSION
CHAPITRE II : ETUDE DES CONTRAINTES MECANIQUES ENGENDREES PAR L’OXYDE
2.1 INTRODUCTION
2.2 ELEMENTS DE MECANIQUE DES COUCHES MINCES POUR LA MICROELECTRONIQUE
2.3 LES CONTRAINTES ENGENDREES PAR L’OXYDATION DANS LES STRUCTURES GAAS/ALXGA1‐XAS
2.3.1 Le phénomène de réduction du volume de la couche oxydée
2.3.1.1 Origine
2.3.1.2 Etude bibliographique
2.3.2 La procédure expérimentale et le logiciel de simulation numérique
2.3.2.1 Elaboration des structures par épitaxie par jet moléculaire (EJM)
2.3.2.2 Gravure d’une mesa pour l’oxydation
2.3.2.3 Oxydation et système de contrôle in‐situ
2.3.2.4 Caractérisation par micro‐photoluminescence
2.3.2.5 Logiciel de simulation numérique : COMSOL Multiphysics
2.3.3 Résultats
2.3.3.1 Etalonnage du four d’oxydation
2.3.3.2 Etude des contraintes engendrées par l’oxydation des couches minces (<100 nm)
2.3.3.3 Oxydation des couches épaisses
2.4 CONCLUSIONS & PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE
CHAPITRE III : NOUVELLE APPROCHE PLANAIRE DE L’OXYDATION DES STRUCTURES GAAS/ALGAAS
3.1 INTRODUCTION
3.2 RAPPEL DES DIFFERENTES APPROCHES PLANAIRES DE L’OXYDATION
3.2.1 Oxydation à travers des trous gravés dans le miroir de Bragg supérieur du VCSEL
3.2.2 Oxydation localisée à partir de la surface (le PAlOx)
3.3 OXYDATION A PARTIR DE TROUS SUBMICRONIQUES
3.3.1 Structure des échantillons étudiés
3.3.2 Définition des trous submicroniques
3.3.3 Oxydation
3.4 PREPARATION DE SURFACE
3.4.1 Préparation ex‐situ
3.4.1.1 Le traitement UV‐Ozone
3.4.1.2 Le traitement par plasma (O2 : SF6)
3.4.2 Préparation in‐situ
3.4.2.1 Désorption thermique de l’oxyde
3.4.2.2 Désoxydation sous un flux d’hydrogène atomique
3.4.2.3 Désoxydation sous flux de gallium
3.4.3 Résultats expérimentaux
3.4.3.1 Désorption thermique de l’oxyde
3.4.3.2 Désoxydation sous un flux d’hydrogène atomique
3.4.3.3 Désoxydation sous un flux de gallium
3.5 REPRISE D’EPITAXIE (PAR JETS MOLECULAIRES)
3.5.1 La croissance par épitaxie par jets moléculaires (EJM)
3.5.1.1 Un bref historique de la technique
3.5.1.2 Principe et mécanismes de la croissance épitaxiale
3.5.2 Diffraction d’électrons de haute énergie en incidence rasante (RHEED)
3.5.3 Conditions de la reprise
3.5.4 Caractérisation de la qualité de reprise d’épitaxie
3.5.4.1 Caractérisation par SIMS
3.5.4.2 Caractérisation par AFM
3.5.4.3 Caractérisation par micro‐photoluminescence
3.6 CONCLUSIONS & PERSPECTIVES
CONCLUSION GENERALE
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