Un premier contact avec les systèmes agroalimentaires alternatifs à partir de l’agriculture biologique
Au cours de l’été 2014, en raison de mon mémoire de master 2, j’ai eu l’opportunité de me déplacer dans différentes zones rurales du Costa Rica et du Panama pour étudier les effets territoriaux de différentes politiques néolibérales, qui depuis les années 1980 impactent l’économie rurale des deux pays. Grâce à cette opportunité, j’ai effectué ma recherche dans deux bassins agricoles, un à Zarcero, Costa Rica ; et un autre à Cerro Punta, Panama. Dans ces deux lieux, les activités primaires ont joué un rôle déterminant dans la configuration de leur structure de production. Face à ce panorama, un accès inégal aux facteurs de production et au marché a fait qu’agriculture et élevage deviennent rentables seulement pour certains secteurs.
Dans le cadre de la recherche, j’ai visité plusieurs fermes dédiées à l’agriculture biologique ; celles-ci, à la différence d’autres fermes, conventionnelles, se sont alignées sur un modèle agro-productif qui promeut la non-dépendance et la non utilisation de produits chimiques de synthèse, la biodiversité agricole dans la parcelle, les pratiques de conservation et la vente directe. Les histoires de vie et les expériences de production de deux agriculteurs de Zarcero ont attiré mon attention, surtout par la singularité de leurs projets, et les façons qu’ont ces agriculteurs de concevoir l’agriculture, par rapport à d’autres stratégies de production locales.
De ces deux producteurs, David est un jeune agriculteur récemment intégré à l’agriculture biologique, contrairement à Javier qui a une expérience de 30 ans dans le secteur et qui a réussi à promouvoir l’activité à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Le premier de ces agriculteurs travaille en association avec son cousin Marcos. Tous deux ont élargi le schéma économique familial en incorporant une autre méthode de production à l’agriculture traditionnelle et à l’élevage, de type conventionnel. Quant à Javier, sa participation à l’agriculture biologique a été, selon ses propres termes, une « renaissance » vu que ses pratiques et ses idéaux se sont transformés, et il a élargi le fossé par rapport au modèle d’agriculture conventionnelle qu’il pratiquait des années auparavant.
La question alternative vue depuis certains modes agro-productifs
Les aspects empiriques mentionnés sur le développement de l’agriculture biologique et agroécologique au Nicaragua, au Costa Rica et au Panama, nous obligent à réfléchir sur ce que nous appelons « alternatif » concernant ces modes de production. Ce qui est alternatif ne renvoie pas seulement à différents procédés agronomiques utilisés, par rapport à l’agriculture conventionnelle, pour l’obtention d’un produit. Dans leur ensemble, ces initiatives portent une demande sociale sur l’établissement de liens nouveaux et différents entre l’agriculture, la société et l’environnement, y compris différents modes de production, de vente directe et d’associations entre acteurs (Lamine & Deverre, 2010 : 4), (Montagut, X & Vivas, E, 2009 : 33-37).
De cette façon, on parle aussi de systèmes agroalimentaires alternatifs, vu que dans l’ensemble, il s’agit d’un modèle qui intègre différents sous-systèmes moyennant des interactions entre ses acteurs. En général, ces systèmes agroalimentaires se définissent comme un ensemble de systèmes liés à la production et à l’alimentation qui se réclament en rupture avec le système agroalimentaire global, qu’on appelle aussi système « dominant » ou conventionnel. Cet ensemble de systèmes est aussi connu sous d’autres noms comme celui d’initiatives agroalimentaires alternatives, systèmes alternatifs locaux, celui de systèmes alimentaires durables, ou celui de pratiques alimentaires alternatives, comme le mentionnent Lamine & Deverre (2 ; 2010).
Contexte socio-économique et environnemental de l’agro en Amérique Centrale
Bien que les problématiques attribuées au système agroalimentaire actuel soient diverses, celles-ci se répercutent à des degrés divers selon le contexte géographique où elles se développent. En Amérique Centrale, ces questionnements ont aussi attiré l’attention sur la structure socio-économique des différentes zones de production et sur la conformation des marchés de consommation, où le secteur de l’agriculture familiale, en particulier, a fait référence en termes de stratégies d’adaptation à ce système. D’autre part, le mélange entre colonisation agricole et animale, déforestation et dégradation des sols et impacts du changement climatique, a provoqué une vulnérabilité croissante des écosystèmes de la région, conjuguée aux conditions de pauvreté de ses habitants, en plus des problèmes structurels que génère le modèle dominant.
Dans la région, la pauvreté est concentrée dans les zones rurales, où au Honduras et au Nicaragua elles dépassent les 70% de la population, et dans une moindre mesure au Panama avec 43,9% et au Costa Rica avec 19,5%, la pauvreté devenant ainsi un des obstacles majeurs pour atteindre des niveaux de bien-être. De plus, le rétrécissement du secteur agricole est devenu une des raisons aggravantes des problèmes économiques de la population rurale, qui dans la majorité des pays, n’a pas l’opportunité d’augmenter ses revenus par le biais d’autres activités ni de réduire la vulnérabilité économique ; comme ça a été le cas au Costa Rica et au Panama. La contraction dans l’activité primaire est déterminée par la diminution des exportations agricoles traditionnelles, le poids relativement faible des cultures non traditionnelles, et l’augmentation significative des importations agricoles, ce qui a un impact sur le fait que le secteur agro-animalier cesse de générer un équilibre net croissant de changes.
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Table des matières
Remerciements
Introduction
Liste d’acronymes et d’abréviations
Introduction Générale
a) Problématique de la recherche
b) Dispositifs méthodologiques
c) Contexte géographique et cas d’étude
e) Organisation de la thèse
Chapitre 1
Contexte et perspectives comparées des modes de production alternative
1. Etat de la littérature concernant les recherches liées
1.1 Découvertes conceptuelles et méthodologiques ayant émergé en Europe
1.2 Un compte-rendu de l’expérience productive et commerciale dans l’agriculture
alternative d’autres pays
1.3 Recherches réalisées sur le secteur de l’agriculture biologique dans les pays étudiés.
1.4 Une révision rapide des systèmes agroalimentaires et de quelques-unes de ses formes productives les plus communes.
1.5 Modèles de développement économique et agropastoral au Nicaragua, au Costa
Rica et au Panama, depuis les années 1980
1.6 Définition d’une matrice comparative pour l’analyse des contextes de l’étude.
Conclusion du Chapitre 1
Chapitre 2
Compréhension des nouvelles dispositions socioéconomiques et spatiales dans
la configuration des systèmes agroalimentaires
2.1 Une approche géographique pour comprendre l’organisation sociale et la structure spatiale des formes d’agriculture alternative
2.2 Processus d’incorporation dans l’agriculture alternative : ruptures, motivations et
pratiques
2.3 L’agriculture alternative comme partie du secteur agroalimentaire : structure et aspects systémiques
2.4 Processus de recomposition spatiale et territoriale dans le système agroalimentaire
2.5. Organisation et spatialisation de l’agriculture alternative : Acteurs sociaux, réseaux et territoire
Conclusion du Chapitre 2
Chapitre 3
Espaces historiques, processus et évolution des formes de production alternatives
3.1 Aspects méthodologiques sur les processus et l’évolution des formes de production alternatives dans les espaces étudiés
3.2 Trajectoire de l’agriculture alternative au Nicaragua, au Costa Rica et au Panama.
3.3 Un processus de genèse, qui se configure avec l’apport de la coopération internationale.
3.4 Intégration de l’agriculture alternative dans le modèle agroalimentaire en vigueur
3.5 Évolution spatiale de la production et de la commercialisation en agriculture
alternative.
Conclusion du Chapitre 3
Conclusion
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