À une époque où les termes globalisation, développement durable et préoccupations énergétiques prennent tout leur sens, le secteur des procédés et plus particulièrement, celui des procédés discontinus n’est pas épargné. Ces derniers concernent spécifiquement les industries pharmaceutiques, agroalimentaires, biotechnologiques ou électroniques et participent pleinement à la satisfaction des besoins sociaux de notre ère. Le mode de production discontinu, sur lequel repose ces procédés, est particulièrement bien adapté pour les produits à faible demande et à forte valeur ajoutée où une rotation importante du nombre de nouveaux produits existe. Évoluant au sein d’un marché fortement concurrentiel, externalisé et assujetti à des comportements tendant vers des besoins croissants de la société de consommation, de nouvelles stratégies industrielles tant au niveau de la conception que de l’exploitation doivent être adoptées au sein de ces industries. Ces stratégies ont pour vocation d’améliorer la productivité de l’entreprise en corrigeant les sources d’inefficacités identifiées, tout en permettant de répondre efficacement aux sollicitations diverses que l’entreprise est tenue de respecter. Parmi ces sollicitations, on peut citer la réactivité de l’entreprise face aux contraintes du marché (variations de la demande, normes qualités, délais etc.), face au respect des normes liées aux préoccupations environnementales mais encore et surtout celles relatives à l’énergie qui représentent un poste de coûts non négligeable.
Les systèmes industriels considérés
Nous nous intéressons dans cette thèse au cas des systèmes de production de biens et abordons plus spécifiquement le cas des industries du process à travers les procédés discontinus. Par systèmes de production de biens, nous entendons toutes industries dont la finalité est la réalisation de produits physiques (par opposition aux services). Une première classification des procédés industriels peut alors être réalisée en fonction de la manière dont la matière transite au niveau des appareils destinés à transformer la commodité. Dans BARKER et RAWTANI [15] et DOUGLAS [37], on distingue principalement trois types de procédés :
– les procédés continus ;
– les procédés discrets ;
– les procédés discontinus ou batch.
Chacun de ces trois types de fonctionnement est propre à un marché bien défini, néanmoins, il arrive que la réalisation de certains produits, nécessite le traitement successif de la matière sur un ensemble d’appareils fonctionnant en mode mixte (continu-discontinu). Cette dernière catégorie de procédé est appelée procédé semi-continu. La présente section définit plus en détails chacun des fonctionnements cités ci-dessus et mets l’accent sur les procédés batch faisant l’objet de cette thèse.
Modes de fonctionnement des procédés
Comme introduit précédemment, la manière dont transite la matière à travers les appareils du procédé, introduit une classification sur ce dernier. Nous présentons dans cette section les différents modes de fonctionnement des procédés industriels ainsi que leurs domaines d’applications respectives.
Les procédés continus
Ces procédés fonctionnent suivant le mode de production « traditionnel » des procédés industriels, c’est d’ailleurs avec ce mode de fonctionnement que le génie des procédés a acquis ses lettres de noblesse. On le retrouve dans les industries possédant un gros volume de production, de fortes demandes en produits finis et possédant un fonctionnement quasi-ininterrompu au cours de la campagne de production. Chaque appareil du procédé est alors associé à une fonction unique, la séquence opératoire est figée et la matière est simultanément présente dans tous les appareils du procédé. Les phases transitoires de démarrage ou d’interruption de la production étant restreintes, le fonctionnement du procédé est assimilé à un fonctionnement en régime permanent . Les appareils ont donc été conçus pour fonctionner autour d’un point fixe de telle manière que les productions/consommations de matière et d’énergie sont quasiment constantes dans le temps. Du fait de ce fonctionnement continu, les procédés continus sont peu flexibles et les stockages tampons sont quasiment inexistants. Ceux-ci sont uniquement utilisés lors des phases de transition où l’on doit interrompre la production pour une activité de maintenance ou pour le lancement d’une nouvelle campagne. Parmi les procédés fonctionnant en mode continu on retrouve : les procédés pétrochimiques, miniers ou les centrales de production d’énergie. En ce qui nous concerne, les centrales de cogénération font partie de cette catégorie de procédé.
Les procédés discrets
Ces types de procédés sont plus communément rencontrés dans le domaine manufacturier. Dans un procédé discret, les produits sont acheminés unes par unes ou en quantités discrètes d’un appareil à l’autre. Ces quantités transférées sont appelées lots de fabrication et l’utilisation de la ressource dépend dorénavant de la quantité de lot traitée et de la disponibilité temporelle de la matière. Les appareils sont dimensionnés pour fonctionner sur une plage de valeurs bornée par la capacité de la ressource et l’utilisation de stockages intermédiaires devient fréquent car ils permettent d’améliorer la flexibilité de l’unité de production. Les phases transitoires sont nombreuses et correspondent le plus souvent aux changements de série. Des exemples de procédés discrets peuvent être retrouvés dans le secteur de la production automobile, dans l’aéronautique ou dans la mécanique de précision.
Les procédés discontinus ou batch
Le mode de fonctionnement discontinu représente un mixte du fonctionnement continu et discret. Un procédé discontinu n’est ni un procédé continu ni un procédé discret, mais il présente simultanément les caractéristiques de ces derniers. Tout comme les procédés discrets, la matière est traitée par lots de fabrication ou batch et chaque lot est transféré d’un appareil à un autre jusqu’à l’obtention du ou des produits finis. Mais contrairement aux procédés discrets, la matière est une mixture liquide qui subit une succession de transformations continues entrainant des consommations différentes en matière et en énergie. Ce mode de fonctionnement est utilisé dans les industries agroalimentaires et pharmaceutiques, dans la fabrication de semi-conducteurs ou dans tout autre domaine incorporant les caractéristiques précédents (chauffage urbain, systèmes continus incorporant des séries de démarrage/arrêt ou présentant différents états de fonctionnement etc.). Du fait du comportement hérité des procédés discrets, le fonctionnement discontinu permet une meilleure flexibilité comparée aux procédés continus. En effet, il est courant dans ces types de procédé, de réaliser des produits différents en utilisant le même jeu d’appareils. Dans KOROVESSI et LINNINGER [87], les auteurs recommandent l’utilisation d’une production en mode discontinu lorsque les conditions suivantes sont regroupées :
– un faible tonnage (inférieur à 500 tonnes/an) en produits ayant une forte valeur ajoutée, associé à une courte durée de vie des produits ;
– une saisonnalité de la demande en produits finis ;
– un besoin de réutilisation des équipements se manifeste, c’est le cas lorsque plusieurs opérations peuvent être réalisées sur le même appareil ;
– une rotation importante sur le nombre de produit ;
– un besoin de réajustement rapide des paramètres opérationnels du procédé impliquant une réactivité élevée face à une demande incertaine ;
– une traçabilité des lots de fabrication est requise.
Le principal fait qu’un nombre élevé de produits différents puissent être traités au niveau des procédés discontinus, entraine une augmentation du nombre de changement de série, incluant les opérations de nettoyage. Des cuves de stockage intermédiaires sont donc habituellement utilisées afin de permettre la création d’en cours de production. Ces stockages autorisent un découplage entre la production et la consommation de la matière, ce qui engendre une augmentation du nombre de lancement des appareils ou à l’inverse, une augmentation des temps d’arrêt .
De plus, la production de petits lots de fabrication entraîne l’augmentation des phases transitoires. Sachant que ces phases correspondent souvent à des étapes de mises en conditions de la matière (chauffe, refroidissement etc.), on assiste à une sollicitation de la centrale d’énergie plus importante que dans le cas des procédés continus. En effet, dans les procédés continus, la consommation énergétique est quasi-constante pendant la campagne de production. Ce n’est pas le cas des procédés discontinus où divers niveaux d’énergie sont requis, entraînant un fonctionnement plus contraignant de la centrale fournissant l’énergie. Selon l’objectif visé, il existe donc un fort potentiel d’amélioration à travers la conduite de ces procédés, notamment, par l’établissement d’ordonnancements minimisant les temps d’attente, la durée d’exécution ou la gestion de l’aspect énergétique.
Les procédés semi-continus
Les procédés semi-continus sont une combinaison de procédés continus et de procédés discontinus, c’est à dire, qu’une section du procédé semi-continu regroupant un certain nombre d’appareils fonctionnent en mode discontinu. Les produits intermédiaires obtenus à travers cette première phase sont ensuite traités à nouveau mais cette fois ci dans une section fonctionnant en mode continu. Ce processus peut alors se répéter plusieurs fois avant l’obtention des produits finaux. Dans ces types de procédés, une des principales problématiques réside dans la gestion des transitions à l’interface entre ces deux types de fonctionnement. Il est alors commun de retrouver des stockages dans des cuves intermédiaires au niveau de ces interfaces. Il est donc nécessaire de bien dimensionner ces cuves afin de permettre à la partie continue de fonctionner en permanence suivant sa cadence nominale. Parmi les procédés fonctionnant en mode semicontinus on peut citer la production du Chlorure de Polyvinyle (PVC). Après avoir brièvement définit les différents mode de fonctionnement des procédés, nous aborderons dans la section suivante les différentes étapes nécessaires à l’obtention d’un produit.
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Table des matières
INTRODUCTION GÉNÉRALE
1 CADRE DE L’ÉTUDE
1.1 Les systèmes industriels considérés
1.1.1 Modes de fonctionnement des procédés
1.1.2 Étapes d’obtention d’un produit
1.1.3 Notion de recette
1.1.4 Cycle de vie d’un procédé discontinu
1.1.5 Enjeux futurs : les procédés durables
1.2 Contexte général de l’étude
1.2.1 Contexte énergétique du secteur industriel
1.2.2 Initiatives pour la maîtrise de l’énergie
1.2.3 Intégration énergétique des procédés
1.2.4 Pilotage des systèmes de production
1.2.5 Simulation des procédés
1.3 État de l’art et analyse bibliographique
1.3.1 Intégration énergétique des procédés discontinus
1.3.2 Ordonnancement des procédés discontinus
1.3.3 Simulation des procédés discontinus
1.4 Objectifs de la thèse
2 ORDONNANCEMENT DES PROCÉDÉS DISCONTINUS
2.1 Modèle de programmation linéaire
2.1.1 Introduction
2.1.2 Les contraintes du modèle d’ordonnancement
2.1.3 Contraintes résultant de l’analyse de la recette
2.1.4 La fonction objectif
2.1.5 Conduite du modèle d’ordonnancement
2.2 Modèle hybride de PLVM / PPC
2.2.1 Introduction
2.2.2 Principe de décomposition
2.2.3 Modélisation du problème-maître [MP]
2.2.4 Modélisation du sous-problème [SP]
2.2.5 Coupes de Benders
2.2.6 Conduite du modèle hybride
2.3 Conclusion
3 ORDONNANCEMENT ET INTÉGRATION ÉNERGÉTIQUE
3.1 Notions de base
3.2 Intégration énergétique directe
3.2.1 Modélisation des tâches au niveau l’atelier de production
3.2.2 Modélisation des tâches au niveau du réseau d’échangeur
3.2.3 Modélisation des tâches au niveau de la centrale d’utilité
3.3 Intégration énergétique indirecte
3.4 Modélisation des opérations multi-modales
3.4.1 Modélisation des opérations de nettoyage
3.4.2 Modélisation des tâches de démarrage et d’arrêt
3.4.3 Modélisation des phases de maintien en conditions
3.5 Exemples d’applications
3.5.1 Intégration énergétique directe (Exemple 1)
3.5.2 Intégration énergétique indirecte (Exemple 2)
3.5.3 Prise en compte des opérations multi-modales (Exemples 3 à 5)
3.6 Conclusion
4 SIMULATION ORIENTÉ ORDONNANCEMENT D’UN PROCÉDÉ DISCONTINU
4.1 Le procédé étudié
4.2 Modélisation du procédé
4.2.1 Modélisation du réacteur discontinu
4.2.2 Modélisation des cuves de stockage
4.2.3 Modélisation de l’échangeur de chaleur
4.2.4 Modélisation du système de stockage thermique
4.2.5 Modélisation de la chaudière à vapeur
4.2.6 Modélisation de l’ensemble turbine-alternateur
4.3 Modélisation de la supervision du procédé
4.4 Couplage optimisation-simulation : Études de cas
4.4.1 Cas d’application I : Cogénération
4.4.2 Cas d’application II : Récupération directe d’énergie
4.4.3 Cas d’application III : Récupération indirecte d’énergie
4.5 Conclusion
CONCLUSION GÉNÉRALE