D’après les chiffres de l’INSEE , avec près de 99,5% des effectifs d’entreprises sur le territoire français en 2002, les PME occupent près de 63% de la population active, contribuent à hauteur de 45% au chiffre d’affaires national et sont à l’origine de 53% de la valeur ajoutée créée. Des valeurs comparables peuvent être constatées sur l’ensemble des pays industrialisés et ce sur une longue période . Les petites et moyennes structures forment ainsi une composante essentielle de nos systèmes économiques modernes. Cependant, malgré leur rôle central à la fois dans les processus de production et de répartition, elles semblent être les grandes laissées pour compte des innovations financières issues du mouvement de libéralisation des marchés financiers enclenché en Europe durant les années 80. En effet, leur taille, trop petite, leur interdit l’accès à la majorité des innovations issues de ce processus, si ce n’est sur des segments très particuliers et restreints tels que celui des Start-up.
Le financement externe des PME reste en fait majoritairement tributaire des banques. Or, si la théorie financière fait une large place à l’étude des mécanismes de marché proposant une allocation directe ou quasi-directe de l’épargne, elle reste largement en retrait vis-à-vis des mécanismes d’intermédiation alternatifs tels que ceux assurés par les banques. Le cadre de l’économie de l’information offre, néanmoins, un environnement analytique propice à la compréhension de ce type d’institutions. Deux contributions ouvrent la voie à d’une application des concepts portés par ce courrant au financement bancaire. Elles permettent, par extension de leurs résultats, une meilleure compréhension du financement de la PME. Ainsi, Fama (1985) montre que les banques jouent un rôle fondamental au sein du système financier, en tant que certificateurs vis-à-vis de l’extérieur de la qualité d’emprunteur de leurs clients. Ce faisant, elles réduisent les problèmes d’asymétries d’information qui peuvent grever le financement des structures les plus petites et les plus jeunes. Mayers (1988), de son côté, souligne l’importance de la capacité des banques à fournir des financements flexibles sur le long terme, dans le cadre de relations contractuelles implicites, basées sur des éléments non directement observables. En effet, au-delà de la fourniture simple d’un volume de fonds pouvant être important, il apparaît primordial pour l’investissement et a fortiori le développement des entreprises de disposer d’apports réguliers, adaptés et évolutifs, que les marchés ne peuvent que très difficilement fournir pour des raisons procédurales.
Dans son analyse, Fama (1985) revient sur l’étude de l’obligation qu’ont les banques de détenir un montant de fonds propres proportionnel aux dépôts qu’elles collectent. En immobilisant des fonds, cette obligation limite la quantité de crédit que les établissements de crédit peuvent conférer et donc provoque chez eux un manque à gagner qualifié de taxe sur les dépôts. Dans un contexte concurrentiel globalement demandeur de services bancaires, les banques répercutent cette taxe sur leurs clients. La vision classique du phénomène veut que cela se produise au détriment des déposants qui souffrent alors d’une faible rémunération de leurs apports et d’une surfacturation de certaines prestations. Les déposants acceptent de supporter ce coût supplémentaire en contrepartie de services de particuliers, de transaction et de liquidité, qu’ils ne peuvent trouver ailleurs. Fama (1985) relève alors que ce raisonnement présente une faille importante, révélée par l’existence d’émissions de certificats de dépôts. Ces produits de collecte de fond sont à la fois dépourvus de services complémentaires et en concurrence directe avec d’autres produits aux caractéristiques comparables sur le marché des titres de créances négociables : Billets de trésorerie et Bons du trésor. Leurs rendements devraient donc, s’ils reflètent la taxe sur les dépôts, être, à risque et durée égaux, inférieurs à ceux des billets de trésorerie. Or, les statistiques montrent que ceux-ci offrent une rémunération équivalente. La taxe sur les dépôts n’y est donc pas imputée. Fama (1985) propose alors une vision alternative du phénomène postulant que la répercussion de la taxe s’effectue sur les taux des prêts accordés, et non sur les rendements des produits de collecte de fonds. Les emprunteurs en contexte d’asymétries d’information acceptent cette surprime, et donc n’optent pas pour les financements concurrents ne subissant pas ce coût supplémentaire, afin de bénéficier d’une certification de leur qualité vis-à-vis des investisseurs externes. Ils cherchent à se signaler. En effet, la banque en tant que prêteur régulier et impliqué dans la vie de l’entreprise accède à une information privilégiée et donc s’engage en connaissance de cause. Les tiers observent alors cette marque de confiance qu’ils interprètent comme un signal positif de solvabilité prévisionnelle. Celui-ci est d’autant plus crédible que l’engagement du patrimoine de la banque est réel, que le financement accordé et la taxe sur les dépôts engagée sont importants. Les banques bénéficient ainsi d’avantages organisationnels et contractuels dans le traitement de l’information sur leurs clients emprunteurs leur permettant de compenser le handicap de leurs réserves obligatoires.
Le financement relationnel bancaire dans la littérature
L’analyse économique de la banque s’est longtemps limitée à des considérations purement descriptives ou au seul rôle qu’elle assume dans la transmission des politiques monétaires mises en œuvre par les pouvoirs publics au travers de l’institut d’émission. Il faut attendre Gurley et Shaw (1960) pour voir se dégager les bases d’une étude indépendante de la firme bancaire en temps qu’intermédiaire financier. Dans leur contribution, ces auteurs prennent en considération l’existence au sein de l’économie de deux modes d’interaction destinés à assurer la jonction entre agents économiques ayant besoin de financement et ceux qui ont les capacités de leur fournir : la finance directe et la finance indirecte ou intermédiée. Dans le premier cas, les détenteurs d’un excédent de ressources achètent sur le marché des titres primaires émis par les agents à besoin de financement de manière à pouvoir décaler dans le temps leur consommation. Ces titres présentent cependant un certain risque. Leurs acquéreurs peuvent ainsi, lorsqu’ils en éprouvent le besoin, ne pas parvenir à récupérer le pouvoir d’achat immobilisé dans ces titres faute de conditions de marché favorables. La finance indirecte permet de surmonter cette difficulté. Des intermédiaires, au premier rang desquelles se trouvent les banques, vont s’interposer afin de porter le risque de liquidité associé aux titres primaires. Pour cela, ils émettent leurs propres titres puis à l’aide des fonds levés souscrivent aux émissions primaires classiques des agents à besoin de financement. Par ce mécanisme, ils assurent une transformation qualitative des créances au sein du système financier et assurent la péréquation entre offreurs et demandeurs de ressources aux attentes autrement difficilement conciliables.
Une littérature plus récente et de plus en plus importante s’intéresse à la manière dont se répartissent, au sein des différentes économies, les opérations effectuées par le biais de la finance directe et celles réalisées par celui de la finance intermédiée. Schématiquement, cette littérature oppose les systèmes financiers dans lesquels les marchés priment, ceux des pays anglo-saxons, et les systèmes centrés sur les banques, ceux d’Europe continentale et du Japon (De Bondt, 1998 ; Allen et Gale, 2000). Néanmoins, elle ne tranche guère quant à leur efficacité respective en terme d’allocation de l’épargne (Allen et Gale, 1995 ; Beck et Levine, 2002 ; Deidda et Fattouh, 2008). Son principal apport concerne l’identification des facteurs conduisant à la mise en place de l’un ou l’autre de ces systèmes. Ainsi, on y trouve à la fois des explications de nature historique (Goldsmith, 1987) et des analyses institutionnelles, telles que celles mettant en lumière des divergences de systèmes juridiques qui apparaissent plus ou moins protecteurs des créanciers (La Porta, Lopez de Silanes, Shleifer et Vishny, 1997 et 1998 ; Modigliani et Perotti, 2000). Dans l’ensemble, ces recherches s’accordent sur le rôle central joué par les banques en terme de gestion des risques associés à la position d’asymétrie d’information dans laquelle se trouvent les investisseurs.
Le financement relationnel bancaire : vers une définition
De nombreux auteurs se sont attachés à définir le concept de financement relationnel bancaire. Dans leur majorité, ces contributions battissent leur énoncé à partir de l’opposition existant entre cette formule et la simple transaction encore appelé financement à l’acte (ou transactionnel). Ongena et Smith (2000) définissent ainsi le financement relationnel bancaire comme : « la connexion entre une banque et un client qui va au-delà de la simple exécution de transactions financières anonymes ». De son coté, Boot (2000) l’appréhende comme la fourniture de services financiers par un intermédiaire qui :
• Investit afin d’obtenir des informations spécifiques sur son client, le plus souvent de manière prioritaire ;
• Evalue la rentabilité de cet investissement à la fois au travers de multiples interactions étalées dans le temps avec le même client et par le biais de plusieurs produits. Berger (1999) pose lui trois conditions à remplir pour la mise en place d’un financement relationnel :
• Que l’intermédiaire financier recueille des informations qui ne sont a priori pas disponibles au public ;
• Que les informations recueillies s’inscrivent dans le temps au travers de multiples interactions avec l’emprunteur, le plus souvent au travers de la fourniture de différents services financiers ;
• Que l’information reste confidentielle (elle n’est pas publique et peut donc être considérée en quelque sorte comme la propriété du financeur).
|
Table des matières
Introduction générale
Chapitre introductif
Le financement relationnel bancaire dans la littérature
Chapitre 1
Financement relationnel bancaire et rationnement du crédit
Chapitre 2
Choix de la banque principale de la PME, la capacité à fournir un financement relationnel compte t-elle ?
Chapitre 3
Financement relationnel bancaire et conditions de financement de la PME : une étude sur données de contrats
Conclusion générale
Bibliographie
Annexes
Télécharger le rapport complet