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Le lien entre la vie et l’œuvre pour les biographies d’écrivains

Les biographies d’écrivains sont souvent mises en relation avec les œuvres. On utilise des données biographiques pour expliquer les œuvres : les deux sont imbriquées et étudiées comme telles au XIXe et au début du XXe siècle. L’œuvre était alors expliquée par les données biographiques, et inversement. Les biographies étaient parfois de pâles copies des œuvres (particulièrement pour les auteurs qui ont fourni des livres autobiographiques, comme Rousseau). Cette méthode était appliquée sous l’influence de Sainte-Beuve, pour qui il est difficile de juger une œuvre sans connaître l’homme. L’auteur est le principe d’explication esthétique, il dévoile le sens caché de son œuvre par sa vie. Mais c’est la porte ouverte à tout type de raccourci : Lamartine était décrit par exemple comme très émotif et féminin. De plus, au moment d’une IIIe République en gestation, les biographies d’écrivains fonctionnent comme de grands destins nationaux rassembleurs qu’il faut essayer d’imiter. Certains s’insurgent contre cette méthode et cherchent à protéger leur vie privée. Baudelaire, par exemple, s’exclame : « Mène-t-on la foule dans les ateliers l’habilleuse et du décorateur, dans la loge de la comédienne ? »
Certains veulent s’en éloigner, ramener les études littéraires vers le rapport entre le livre et son lecteur, comme Paul Valéry. Selon Léo Spitzer, c’est même nier ce qu’est un texte littéraire : « Tout grand texte porte en lui-même son origine. Il est son propre commencement, et il ne peut cesser de l’être que si l’on cesse de le traiter comme un texte, et si on le réduit à n’être qu’un document. »
Cette méthode a fini par être délaissée des critiques. Elle est quelques fois utilisée, comme dans la biographie de Balzac par Stefan Zweig. De nombreuses facettes de la vie de Balzac sont visibles dans ses livres. Sa première relation amoureuse est peinte dans le Lys dans la vallée sous les traits de Mme de Mortsauf. C’est sa vie que Balzac écrit dans son immense œuvre. Et sa vie suit les traces de son écriture. Les deux se répondent. Si le fait est avéré, utiliser ce que l’auteur en dit dans son œuvre peut éclairer la manière dont l’auteur l’a vécu.

Un genre riche mais nécessairement aporétique

La biographie, dans ses différentes pratiques et réalisations, se trouve être un genre rassemblant des réalités parfois très diverses. Cependant, elle obéit à un schéma unique, celui de retracer la vie d’une personne, qui impose d’utiliser ce terme de « biographie ». Ce qui permet de mieux caractériser une biographie, c’est la profession du biographe, ou à défaut, le discours d’intention situé en préface ou en quatrième de couverture. Face aux diversités des ambitions, le genre souffre d’un déficit de réflexion.
N’appartenant à aucune discipline en particulier, elle est empruntée par quiconque voulant s’essayer à cet exercice. Quelles sont les motivations des biographes ? Qu’est-ce que ces écrits peuvent-ils apporter aux lecteurs ? Malgré toutes ses qualités, le genre montre des limites qu’il ne peut dépasser.

Un genre tourné vers la vulgarisation des savoirs

Comme texte de vulgarisation historique (B), la biographie rencontre le succès du public mais reste à l’écart du monde savant (A).

Mépris savant et succès public

Les biographies sont souvent écrites pour le grand public, cultivé, qui a soif de nouvelles connaissances. Les grandes sommes sont achetées autant pour leur jolie couverture en bibliothèque que pour leur lecture. Elles sont destinées à un petit public de passionnées et ont du mal à se renouveler. La plupart des biographies récentes sont des essais plus courts, destinés à un plus large public. Elles permettent d’amener l’histoire chez tout un chacun, par l’intermédiaire d’une écriture dite « vulgarisée ». Ce type d’écriture est tenu à l’écart du monde scientifique, qui affiche souvent ouvertement un certain mépris pour les « vulgarisateurs ». Ce mépris est dû à la place de l’émotion comme élément majeur de la biographie, permettant de toucher le lecteur : « Un mur a longtemps tenu à distance le biographique de l’historique comme élément parasite pouvant venir perturber les objectifs de scientificité. »
Les critiques sont aussi dirigées contre l’utilisation de recettes bien connues pour attirer le public mais qui ne sont pas le reflet d’une réalité historique (le sang, le sexe et les secrets, entre autres détails juteux). Les biographies de vulgarisation sont-elles pour autant toutes de mauvaise qualité en matière de scientificité ? Selon Lucien Febvre, la majorité de ces livres n’ont pas de fondements historiques. Dans un article publié dans les Annales en 1946, le célèbre historien évoque trois livres de vulgarisation, qu’il reprend d’un article d’Émile Henriot, « l’Histoire pour tous » publié dans Le Monde. L’un d’eux est une biographie, celle de Charles VII. Les deux autres traitent de la guerre de cent ans. Le premier, bien que dit « vulgarisé », énonce avec longueur tous les événements, créant un « tableau confus d’une époque confuse » . Le second compare à tout va la situation de l’époque à celle de la Seconde Guerre mondiale, commettant pour Lucien Febvre une erreur impardonnable : l’anachronisme. Quant au dernier, l’auteur de la biographie de Charles VII, écrivain et psychologue, fait un portrait de ce roi en expliquant beaucoup de zones d’ombre par sa relation avec sa belle-mère, dont on ne sait rien. Il extrapole. Finalement, Lucien Febvre se rend compte qu’il est difficile pour le public de se procurer un livre historiquement fiable qui soit aussi lisible pour les profanes.
Le mépris des historiens vis à vis du genre est visible notamment dans les préfaces de leur biographie. Il est dû à la réputation du genre mais aussi aux « modes », sous le nom de courants, ou « écoles », qui imposent une manière de faire de l’histoire. Les années 1960 sont le grand moment de l’histoire quantitative, de l’histoire des masses. Les historiens-biographes de cette période assument d’être à contre-courant. Mais certains d’entre eux rejettent carrément l’étiquette de « biographie ». C’est le cas par exemple de Pierre Sorlin, qui fait une biographie de Waldeck-Rousseau, publiée chez Armand Colin en 1966. Son objectif par ce livre est de restituer une époque plutôt qu’un homme. En 1985, Serge Berstein se défend de la même manière pour sa biographie de Édouard Herriot : « Mon propos n’est pas d’écrire une biographie d’Édouard Herriot […] Sa personnalité me paraît d’un intérêt historique assez limité… Les pages qui suivent constituent un essai biographique […] » . Marc Ferro intitule même un article du Magazine littéraire en 1989 « La biographie, cette handicapée de l’histoire ». Selon lui, le rejet des historiens vient de la frontière entre vie privée et vie publique. De même que les critiques littéraires ne pourraient s’intéresser qu’au Moi écrivain des auteurs, les historiens ne pourraient avoir pour objet que la personnalité publique des hommes et des femmes de l’histoire.
Les biographies n’ont cependant pas arrêté de se vendre, elles restent de bons succès de librairie, malgré la fin de l’histoire politique, de l’histoire des grands hommes. Comme l’assure Daniel Madelénat : « Ce genre, mineur, confus, douteux, jouit depuis deux millénaires, en Occident, d’un succès toujours renouvelé, et témoigne d’une singulière aptitude à survivre en milieu culturel hostile. »
Les années 1980 sont même celles d’une explosion biographique, de la part des auteurs, des éditeurs, mais surtout du public. En 1985 paraît une enquête de Livre Hebdo sur les biographies. Elles commencent à retrouver le chemin de la science grâce à de gros succès éditoriaux. Dans les années 1990, elles occupent les meilleures ventes. Elles se diversifient, se nourrissent des acquis de l’histoire et des sciences humaines et sociales. Leur « inclassabilité », autrefois handicap, est désormais un atout car elles peuvent être utilisées par différents univers d’interprétation. Différentes raisons peuvent être évoquées pour expliquer ce regain, et il apparaît que les biographies deviennent l’objet privilégié d’une vulgarisation historique véritable.

La biographie comme écriture de vulgarisation historique

Le regain des biographies doit aussi à l’évolution de l’historiographie. Dans les années 1990, l’acteur individuel retrouve une place importante dans le mouvement général de l’histoire. Bernard Guenée remet d’ailleurs l’individu au centre, dans son ouvrage Entre l’Église et l’État, Quatre vie de prélats à la fin du Moyen Âge (Gallimard, 1987), comme en témoigne son titre. Ce ne sont pas des personnalités politiques majeures, au contraire, l’auteur choisit de montrer ce qu’a pu être la vie de personnes plus communes. Il le justifie dans sa préface : « L’histoire se lasse d’être sans visage et sans saveur […] Et la biographie reprend sa place dans les genres historiques. Elle ne renie pas pour autant les liens qu’elle a toujours eus avec la morale et l’imaginaire. » Se fait donc ressentir le besoin de réincarner l’histoire. Le plus grand rassemblement des historiens de France, le rendez-vous de l’Histoire de Blois, a pour titre en 2011 « L’observatoire de la biographie historique ».
La biographie incarne donc une nouvelle manière d’écrire l’histoire. Elle est réhabilitée par les sciences historiques mais est aussi beaucoup plus accessible en librairie.
Elle donne des clés de compréhension au grand public dans une démarche de vulgarisation.
Celle-ci peut être définie comme la reformulation du discours scientifique, qui lui est cloisonné dans un discours de pair à pair, utilisant un vocabulaire très spécifique, une langue particulière . Donc tout ce qui n’en fait pas partie et qui traite de science est vulgarisation. Cette définition en creux permet d’opposer une pratique pure d’une pratique dérivée. La vulgarisation n’a pas de définition positive, qui dit ce qu’elle est et non ce qu’elle n’est pas.
Elle rassemble des discours qui ont pour but l’explication mais qui peuvent venir d’enseignants, de chercheurs même ou de journalistes. Elle est très diverse et échappe au carcan dans lequel tente de l’enfermer le discours scientifique légitime. Cependant, du point de vue de la langue, il est possible de supposer que les scientifiques utilisent simplement un langage que les non initiés ne peuvent comprendre et que le vulgarisateur leur traduit. Ce qui permet d’inverser la donne : le vulgarisateur amène la science au public que les chercheurs tentent de garder pour eux en utilisant un jargon inutile qui leur est propre. Un telle opinion peut paraître très critique et exagérée mais il s’avère qu’elle est en fait très partagée, et ce parmi les scientifiques eux-mêmes… pour d’autres sciences que la leur, notamment pour ceux qui pratiquent les sciences dures vis à vis des sociologues ou des linguistes. Ainsi, la vulgarisation serait une traduction dans une langue à la portée de tous d’un discours tenu à l’écart du public. C’est la manière dont est pratiquée la biographie dans les années 1990, et dont elle continue de l’être aujourd’hui. Certes il y a toujours des biographies dont les fondements historiques sont douteux, ou d’autres qui ne réussissent pas vraiment à vulgariser leur discours, mais c’est une ambition reconnue.

La reconstitution d’une vie d’une hétérogénéité de faits

L’ensemble des biographies recréent une vie (A) mais elles le font toutes de manière différente (B). C’est donc un genre qui ne cesse de se renouveler (C).

Les richesses de la biographie

La biographie rassemble de nombreuses qualités. À ce titre, la collection de Denis Maraval chez Fayard fait figure d’exemple. Elle rassemble des biographies qui présentent une époque particulière, la manière dont le personnage l’a traversée mais réussissent également à proposer une dimension plus existentielle, un modèle de vie. Outre leurs qualités formelles, c’est leur écriture qui fait leur succès selon François Dosse. Le biographe aurait l’illusion de créer une unité signifiante et cohérente de l’hétérogénéité d’une vie, mais ce serait une illusion nécessaire, sans laquelle il serait impossible de mener cette entreprise à bien. Le biographe doit : « Donner à lire une épure qui puisse transcender l’impur des composants configurés. » Il dispose de très nombreux documents, desquels il déduit des faits, des événements, et doit y mettre de l’ordre. Au delà, il doit surtout y donner du sens, y apporter une cohérence qui échappe à la première lecture. Pour André Maurois, il doit y avoir un travail sur les faits pour qu’il y ait biographie : « Pour que la lumière de la personnalité puisse briller à travers eux, il faut que les faits soient manipulés. » Le biographe tente bien de reconstituer une vie. Sachant qu’elle est toujours fuyante et qu’il lui manque sans doute l’essentiel, il parvient tout de même à créer une unité de sens. Marcel Schwob reprend d’ailleurs cette idée dans sa préface : « L’art du biographe consiste justement dans le choix. Il n’a pas à se préoccuper d’être vrai ; il doit créer dans un chaos de traits humains […]. Au milieu de cette grossière réunion, le biographe trie de quoi composer une forme qui ne ressemble à aucune autre. Il n’est pas utile qu’elle soit pareille à celle qui fut créée jadis par un dieu supérieur, pourvu qu’elle soit unique, comme toute autre création. »
Par cette affirmation, Marcel Schwob se place dans la lignée des biographies « romancées ». Le biographe doit rassembler les faits mais aussi les trier pour créer finalement une œuvre d’art. Selon lui, l’aspect mimétique n’est pas important, ce qui est essentiel est l’unicité de la création. Cette vision de la biographie est tout autant valable puisque la « re »création, la reconstitution totale est impossible.

Un style atypique

Au niveau du style, le fait d’allier un énoncé factuel avec un récit narratif romancé crée des variations de rythmes. Le style de la biographie se situe entre la fluidité du roman et la discontinuité de l’essai. De plus, pour éviter de donner un récit trop banal et renouveler les biographies écrites toujours sur les mêmes personnes, il arrive de plus en plus que les biographes s’éloignent de l’ordre chronologique. Ils traitent en général de tout l’espace de temps, de la naissance à la mort, mais en prenant des libertés vis à vis de l’ordre. Ils opèrent en général une alternance entre chapitres diachroniques et chapitre thématiques. Cela permet de montrer la cohérence du temps et celle du personnage. Il est possible de consacrer un chapitre à la pratique d’un instrument de musique par exemple, même s’il se retrouve tout au long de la vie. Le biographe ne fait donc pas que traduire des documents, les présenter, il compose et reconstitue. Un bon outil pour attester de la réalité des faits présentés, voire des idées, peut être l’introduction, lorsqu’ils existent, de passages autobiographiques. Il ne faut pas tomber dans la reformulation d’une autobiographie mais cela renforce l’illusion du vrai, l’effet de réel. L’écriture de la biographie se fait de plus en plus par la recherche du détail significatif, de petites preuves tangibles qui permettraient de donner le fil directeur. C’est une pratique qui s’observe dans l’écriture des romans également, par exemple avec Les Vies minuscules de Pierre Michon . Mais également dans la pratique de l’histoire. Le grand fait la place au petit, comme dans Le Fromage et les vers de Carlo Ginzburg , qui se sert de différents indices pour retrouver la vie et le mode de pensée d’un paysan au Moyen Âge. Cela peut être interprété comme une influence de la biographie sur les autres genres.

Le renouveau biographique

Il peut sembler qu’après la quinzième biographie de Napoléon, il n’y ait plus rien à dire sur le sujet. Pour autant, les biographies se renouvellent sans arrêt et continuent de trouver un public. Les questions posées se renouvellent, de même que les approches, les angles d’attaque pour aborder la figure. C’est aussi souvent par la découverte de nouvelles sources qui nécessitent de les exposer et les intégrer à une démonstration plus large. Mais chaque biographe amène aussi sa propre vision, son imagination, son inventivité. La biographie permet aussi, plus que d’autres genres, d’amener une interrogation sur le comportement humain, sur le sens de la vie, qui suscite toujours l’intérêt du public. La quête d’un modèle de vie n’est sans doute pas non plus à négliger. La biographie est un genre privilégié de l’identification du lecteur au personnage. Selon Daniel Madelénat : « [la biographie] joue un rôle moral : […] elle propose des modèles qui suscitent la projection et l’introjection formatrices. »
Cela signifie que le lecteur se projette dans la figure proposée et intègre un autre mode de pensée et même de nouvelles expériences. L’enrichissement personnel de la lecture d’une biographie est un aspect à prendre en considération.

Problèmes épistémologiques

Malgré ses richesses, la biographie doit faire face à de nombreuses réticences, car il reste impossible de retrouver et de rendre la vie passée d’un individu (A). De plus, même si la marque du biographe tend à rester diffuse, son approche donne un résultat subjectif (B).

Une écriture aux multiples obstacles

Les biographes disent surtout l’inaccessible vérité. C’est ce qui fait la particularité du biographique. Malgré tous les efforts, retrouver une personnalité dans sa totalité et sa complexité est impossible. Même si le biographe y parvenait, il faudrait encore qu’il l’écrive et que ses mots le transmettent au lecteur. La position du biographe affirme qu’il ne dit que la vérité mais aussi qu’il ne la sait pas, ce qui n’est pas le cas dans un roman, ni dans un livre d’histoire. Il donne sa vérité, qui est différente de celle des autres biographes et, certainement aussi, différente de celle du lecteur. Dominique Viart signifie bien cette position du biographequi offre un récit personnel, montrant l’ambigüité entre des faits et un récit narratif : « D’où cette ambigüité où “biographie” désigne à la fois un contenu et une forme, une matière énoncée et une manière énonciatrice. Le sens ultime du mot se trouve bien sûr à la croisée de ces deux acceptions, si bien que “biographique” désigne moins un “genre littéraire”, au demeurant disparate et complexe, que l’alliance paradoxale d’un référent particulier (factuel, personnel, et susceptible d’être attesté) offert à la menée du récit et d’une modalité énonciatrice du narratif à effet biographique. »

L’implication des biographes

En lisant une biographie, le lecteur peut avoir tendance à oublier l’auteur pour laisser le sujet de la biographie comme autonome. Or le biographe reste capital. C’est lui qui donne les hypothèses, qui emmène le lecteur à travers une énigme que lui-même ne peut résoudre. Il donne des clés de compréhension. Ainsi, deux biographies de la même personne peuvent se révéler très différentes. De plus, une biographie est le résultat d’un travail immense, qui nécessite des années d’implication, des années durant lesquelles l’auteur s’est immergé dans la vie de quelqu’un d’autre. De cette expérience, il ne peut sortir que profondément transformé. La réflexion sur le sens de la vie qu’il mène pour quelqu’un a forcément des conséquences sur lui-même. Cette double expérience est expliquée par Dominique Viart notamment : « Le geste biographique est double : d’une part il correspond à une fiction que le biographe élabore sur l’autre. De l’autre, en creux, il est l’autoportrait d’un biographe altéré par sa rencontre avec l’autre. »
Pour donner un nom à ce phénomène, Dominique Viart parle d’« altro-biographie ». Il dit que le « soi » s’invente en même temps que l’autre. De plus, selon Daniel Madelénat, l’explication du comportement d’autrui nécessite de faire appel à la connaissance qu’on a de soi : « La connaissance de soi fournit l’évidente source de celle d’autrui (non sans quelques cercles pervers : le biographe doit se connaître avant de connaître les autres ; or il connaît les autres pour se connaître lui-même). »
Comme l’angle d’approche du biographe est finalement presque aussi important que la figure choisie en elle-même, il y a un rite quasi obligé d’explication des objectifs de la méthode utilisée par l’auteur. Pourquoi l’auteur a-t-il choisi d’écrire une biographie sur cette personne ? Quelles sont les différences avec les autres biographies sur le même personnage ?
Le biographe doit expliquer pourquoi cette vie vaut le détour. Il le fait tout au long de son texte, mais cela peut être explicité dans une préface. Cela fait partie des topoï de la biographie. L’auteur explique ce qui l’a amené à écrire cette biographie, et à se rapprocher de ce personnage en particulier. Les raisons évoquées sont souvent la réhabilitation (l’auteur trouve que la postérité ne le reconnaît pas assez, voire a construit à tort une légende noire), la découverte archivistique ou encore la mise à l’épreuve de la réputation face à la vérité historique. Le biographe s’implique dans une préface où il montre quel chemin personnel l’a conduit vers telle ou telle personne. C’est un topos non obligatoire, plutôt un rite habituel.
L’implication des biographes fait partie des deux paradoxes soulevés par Philippe Lejeune . Le premier est que connaître toute la vie d’une personne, sous toutes ses époques est impossible, c’est pourtant le résultat affiché par l’auteur. Le deuxième est une posture d’objectivité. Ce n’est pas sans raison que le lecteur oublie le biographe derrière la biographie. Celui-ci s’efface pour laisser parler les faits. Or le biographe ne peut être que partial car aucun auteur n’a jamais écrit la vie d’un autre simplement dans un objectif de connaissance. Ils ont tous quelque chose à dire, à montrer, leur propre vision du personnage.

La renaissance du genre

Les biographies sont nombreuses et se vendent bien pendant tout le XXe siècle (A).
Cependant, le lectorat se modifie et appelle à un renouvellement du genre (B) qui pousse à une puissante reconquête.

Une tradition ancienne en perte de vitesse

L’écriture biographique occupe une grande place dans le panorama éditorial français.
Elle s’est fortement accrue durant la IIIe République, pour donner aux citoyens de grands modèles à suivre. En France, la biographie a une fonction éducative, plus qu’en Angleterre.
L’objectif est de populariser les génies, comme le font les très anciennes collections « Les grands écrivains français », chez Hachette depuis 1887 (60 volumes), et les « Vies des hommes illustres », dirigée un temps par Romain Rolland, chez Gallimard.
De nombreux auteurs font de très grosses ventes de librairie, et ce pendant toute la deuxième moitié du XX e siècle, malgré une pratique historique à l’opposé. Le public répond toujours présent face aux biographies de vulgarisation, fondées sur l’anecdote. C’est ce qui fait le succès d’un éditeur comme Perrin par exemple. Les très nombreuses biographies d’Alain Decaux et André Castelot touchent un très large public de la fin des années 1940 aux années 1990. Ceux-ci sont relayés par d’autres médias. Alain Decaux anime une émission de télévision dans les années 1980, et participe souvent à des émissions radiophoniques. De plus,leurs publications sont aussi relayées par la revue Historia.
D’autres auteurs et d’autres biographies trouvent aussi un public. Le cas de Jean Lacouture est le plus exemplaire. Il a contribué sans doute plus que tout autre à rendre ses lettres de noblesse au genre. Journaliste et historien, il a écrit quinze biographies, dont une trilogie sur le général de Gaulle. Sa méthode est de plus en plus historique mais il se détourne volontairement de certains aspects, notamment psychanalytiques. Bien plus rigoureux du point de vue historique que les ouvrages publiés chez Perrin, il montre que la biographie n’est pas encore morte et peut encore apporter beaucoup aux historiens, mais aussi au public. Il offre une vision du sujet, portée par l’intuition et une écriture. Sa méthode est enrichie par le suspense d’une enquête journalistique et une écriture de romancier. Il publie ses nombreux ouvrages des années 1960 aux années 2000.

Un besoin de renouveau

La biographie, celle fondée sur l’anecdote comme l’immense somme, est en vogue jusque dans les années 2000, mais son public vieillit . Il est majoritairement constitué d’hommes, plutôt aisés et âgés. Le genre ne parvient pas à trouver un public plus jeune, le but est donc bien de retrouver un public pour continuer à vendre les livres. Les biographies comme celles de Perrin ne sont plus considérées, elles sont dévalorisées par les historiens, tandis que les autres sont vues comme ennuyeuses, elles ne correspondent pas aux nouvelles attentes. Parmi ce constat figure une exception : les livres de Max Gallo se vendent toujours beaucoup. Historien et auteur de romans, son premier livre est publiée en 1964 chez Perrin (L’Italie de Mussolini) et il continue de vendre aujourd’hui. Insatisfait par le monde universitaire car il n’accorde pas de place pour l’émotivité dans les textes, Max Gallo se tourne vers la publication à destination du grand public. Il écrit des livres d’histoire mais conjugués au présent et accorde une grande place à l’effet de surprise. Son intention majeure est de « retrouver et faire vivre le climat de l’époque » . Sa première biographie est consacrée à Robespierre et n’inclut pas d’appareil critique. Il en écrit une pour Fayard (Garibaldi, la force d’un destin, 1982) puis est publié par son éditeur principal, Robert Laffont et plus récemment par XO Éditions. Il écrit des livres d’histoire et des biographies, en utilisant une méthode historique dont il s’éloigne en prenant la plume en intégrant des hypothèses personnelles et des faits inventés. Il qualifie ses livres de « romans biographiques » ou de « biographies subjectives ». Ses sujets sont de grandes figures, il se documente sur le personnage, son intimité, autant que sur son environnement. En 1969, il prend en charge la collection de livre d’Histoire de Robert Laffont. Il crée avec George Liébert et Emmanuel Todd la collection « Les Hommes et l’Histoire », essentiellement biographique. Il a écrit notamment une biographie en quatre tomes de Napoléon. Cette œuvre ne fait pas l’unanimité.
Selon le spécialiste de Napoléon, Jean Tulard, ses livres sont bons en tant que romans, mais ils ne constituent pas un apport historiographique.

 

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Table des matières
Introduction
Première partie : Le genre hybride de la biographie 
Chapitre 1 : La biographie : un roman vrai
Chapitre 2 : Un genre riche mais nécessairement aporétique
Chapitre 3 : Petit panorama éditorial du genre
Deuxième partie : Une collection unique mais hétérogène
Chapitre 1 : Une collection à part dans la production éditoriale du Diable vauvert
Chapitre 2 : Un fort potentiel
Chapitre 3 : Des réalisations diverses
Chapitre 4 : Les difficultés rencontrées dans la visibilité et la vente de la collection
Troisième partie : Concevoir un plan de promotion et de communication stratégique et adapté
Chapitre 1 : De possibles améliorations préalables
Chapitre 2 : Des mesures de promotion adaptées
Chapitre 3 : Développer la communication
Conclusion 
Bibliographie
ANNEXES (volume 2)

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