La diaspora et son (r)apport à l’État-nation
Alors que, William Safran argumente que la diaspora, plus concrètement « diaspora community », dans les années 1980 commence à être employée comme « ‘as metaphoric designation’ of several categories of people : ‘expatriates, expellees, political refugees, alien residents, immigrants and ethnic and racial minorities tout court’ » (VERTOVEC, COHEN, 1999 : 364). Grâce aux modifications de Cohen le terme désigne désormais un plus vaste groupe de personnes, qui ont choisi eux-mêmes ce terme ou à qui il a été attribué.
Néanmoins, Safran présente dans la conclusion de son article plusieurs questions qui résonnent avec la politique des État-nations de l’époque9 et sont davantage actuelles aujourd’hui : « What are the implications of the diaspora phenomenon for public policy ? More precisely, how should the government of a host country conduct itself vis-a-vis its diaspora communities ? Should it discourage all cultural or organizational expression of diaspora sentiment for the sake of a rigid definition of membership in the ‘nation-state’ ? Or should it encourage such expression as a politically innoucuous-and socially perhaps even useful-manifestation of a subpolitical identity ? Should there be a new approach to citizenship that would distinguish it fom nationality and that would accept as ‘normal’ a diversity of cultural orientations, emotinal identifications, language practices, and extraterritorial interest without these being regarded as proof of political disloayalty ?
Attempts to answer these questions may reveal that diaspora communities pose a more serious challenge to host societies than do other minority communities : they test the efficacy of the process of integration and the outer limits of freedom of consciousness and, finally, the limits of pluralism » (VERTOVEC, COHEN, 1999 : 378).
Dans le contexte de cette recherche, ces questions proposent d’envisager une étude approfondie sur la communauté bretonne en tant qu’une diaspora qui se porte comme une communauté diasporique qui refète la situation d’intégration des minorités en France.
A partir des années 1990, « diaspora » est utilisée dans le contexte des revendications politiques. Comme D. Schnapper l’évoque, certains chercheurs l’ont étendu à la formulation des identités sexuelles. Elle se résume ainsi « d’une manière générale, ces nouveaux emplois du terme révèlent les recompositions en cours des identités qui se construisent en privilégiant la dimension transnationale, dans le cadre d’une globalisation des revendications particulières » (BORDES-BENAYOUN, SCHNAPPER, 2006 : 12).
En somme, le terme diaspora a vécu une réelle évolution de son sens propre pendant les dernières décennies. Cependant, pour mon travail de recherche je vais continuer d’utiliser le sens qui est partagé dans toutes les étapes d’évolution de cette notion. Le dictionnaire de géographie définit la diaspora comme un « ensemble de communautés dispersées, séparées par des distances qui peuvent être considérables, partageant une même identité et liées par des échanges d’informations » (LÉVY, LUSSAULT, 2003 : 256).
Le partage d’une même identité et l’échange d’informations sont les piliers de la diaspora. La révolution technique les a fait évoluer car la situation dans laquelle se trouve notre société actuelle est telle que les frontières entre les États-nation sont en train de s’effacer. Grâce à internet, on a l’impression que les frontières n’existent plus vraiment. Surtout dans le domaine de la communication où il n’existe plus d’obstacle. Ce phénomène peut mener vers une confusion de l’identité. Le concept de l’État-Nation perd son sens premier. Cette évolution de la société apporte des changements dans la mission de la diaspora. Elle peut à la fois renforcer son rôle et à la fois causer une confusion voire une destruction/ dissimulation dans la culture d’accueil. La diaspora perd donc son sens si elle n’arrive plus à accomplir sa mission de base : « préserver la culture de ses membres au sein d’une autre culture » (LÉVY, LUSSAULT, 2003 : 256).
L’histoire nous prouve que la discontinuité spatiale était souvent un obstacle pour conserver le patrimoine culturel d’un groupe social. Parmi les rares cas des diasporas qui ont réussi garder leur identité unique et ainsi survivre, ce sont ceux qui ont eu à côté du partage de la même culture aussi un fort lien cultuel (cf. la diaspora juive et arménienne). Désormais, la capacité de survivre « s’appuie sur les institutions communautaires et sur l’organisation en réseau. » (LÉVY, LUSSAULT, 2003 : 256) En effet, celles-ci sont conscientes de l’importance de la communication et des échanges entre les communautés. C’est pourquoi elles utilisent les nouveaux moyens des réseaux TIC. Tenant compte de cela, on peut dire que les TIC apportent une réelle révolution dans le cadre de la communication, c’est-à-dire qu’elles jouent un rôle important dans le maintien de ces communautés diasporiques. Une des nombreux avantages est la liberté spatiale des membres de diaspora. Ils n’ont plus besoin de se concentrer autour des grandes villes, ces grands noeuds de circulation qui étaient auparavant leurs seuls carrefours de contact. Les réseaux sociaux sur internet leur permettent de créer des villes virtuelles qui continuent d’accomplir un rôle essentiel pour la survie de leur spécificité culturelle.
Diaspora versus Migration
Comme Anaïde Donabédian (2001 : 7) nous le présente, la problématique des langues de diaspora a été abordée pour la première fois en tant que telle dans un volume de la revue Plurilinguisme n° 7 (1994), dirigé par Marie-Christine Varol. L’introduction de cette revue nous présente une proposition théorique pionnière sur ce sujet. La différenciation entre une migration et une diaspora n’est pas tout à fait évidente. Selon les auteurs de l’Atlas des Diasporas il existe quatre « critères constitutifs du fait diasporique: 1° un désastre (de nature politique), provoquant la dispersion collective et forcée d’un groupe religieux et/ou ethnique; (CHALIAND, RAGEAU, 1991 : 12-16). Néanmoins, pour des raisons de la pertinence sociolinguistique, M.-C. Varol préfère de privilégier le temps en tant qu’un des facteurs le plus important pour distinguer migration et diaspora et elle ne retient que des « cas excédant au moins trois générations » (VAROL, 1994 : 2). Cependant, l’auteur ne cache pas la réalité que l’établissement d’une définition nette de la diaspora n’est pas aussi évident étant donné que les faits migratoires peuvent s’appliquer aux mêmes références. D’autant plus qu’aujourd’hui la ligne entre les deux nous semble d’avantage nébuleuse car il nous est presque impossible de faire la différence entre les motivations économiques et de sauvetage.
Etant donné que les deux raisons de mouvement individuel ou collectif vont fréquemment l’un avec l’autre. Pourtant, pour résoudre ce dilemme typologique M.-C. Varol semble trouver une solution en relevant l’aspect de « la reconnaissance/la perception de l’extérieur », c’est à- dire l’importance d’un regard de l’Autre au groupe en tant qu’un peuple en diaspora. Ainsi, ce n’est plus uniquement les membres de la diaspora qui ont une conscience identitaire d’appartenir à un peuple dispersé mais l’extérieur qui les reconnaît comme tels (VAROL, 1994 : 3). Enfin, le critère de „la mémoire collective“ et „la volonté de transmettre“ sont reliés à l’élément du temps car « c’est la prise en compte de la durée qui caractérisera la diaspora » (1994 : 4).
L’analyse du discours des « Bretons du Monde » nous pourra éclairer dans lequel cas de figure se trouve la communauté bretonne. Pouvons-nous parler d’une diaspora bretonne ? Ou faut-it employer le terme de la migration ?
Langues de/en diaspora
L’affirmation de l’hypothèse qu’un groupe diasporique cherche à transmettre sa culture, son identité et son histoire nous amène à poser la question sur le rôle de la langue en/de diaspora. Les quatre exemples les plus souvent cités des langues de/en diaspora sont présentés par les auteurs de Langue en Diaspora : l’arménien, le grec, le judéo-espagnol et le yiddish. Les deux premiers représentent des langues en diaspora du fait de faire référence à un pays d’origine et une langue d’une ethnie spécifique liée à un certain territoire. Son rôle est donc surtout symbolique puisqu’elle (la langue) fait référence à l’origine de la personne.
Néanmoins, le cas du judéo-espagnol et du yiddish est différent étant donné que ces langues ont été transportées d’une terre d’exil à une autre (d’accueil) et transformé « au moyen de la langue d’origine et des langues co-territoriales » (VAROL, 1994 : 6). Elles sont une forme d’un témoignage de la diaspora en exprimant « une identité diasporique spécifique » (idem). Cela nous amène au questionnement par rapport à la situation de la langue bretonne: s’agit-il d’une langue de diaspora encore nécessaire à l’expression de l’identité ? L’exemple du romani mentionné par M.-C.Varol montre qu’il s’agit d’une langue toujours définitoire.
Comme c’est le cas de l’arménien ou le grec, le breton dispose aussi d’une Région de référence : la Bretagne. Mais dans le cas du breton il faut prendre en compte un autre phénomène. Il s’agit d’une langue qui était pendant plusieurs décennies opprimée par la langue dite nationale, le français, qui est actuellement une langue vernaculaire co-territoriale depuis des siècles (LODGE R.A., 1993).
Au vu de ces spécificités, il nous reste à nous poser une autre question : Occupe-t-elle (la langue bretonne) des fonctions particulières ? Nous espérons pouvoir répondre à cette question suite à l’analyse des enquêtes menées auprès des « Bretons du Monde ». Les résultats pourraient ainsi éclairer la question de base si les « Bretons du Monde » peuvent être considérés comme les membres de la diaspora bretonne. Cette hypothèse nous mène vers le rapport de l’identité de diaspora avec la langue. D’après M.-C.Varol « la langue est investie ou non de la fonction identitaire, elle peut varier selon le groupe et le lieu, de nécessaire et suffisante, à suffisante mais non nécessaire » (VAROL, 1994 : 8). Pourtant, selon d’autres chercheurs comme Paul Wald c’est simplement la langue qui pourrait aussi bien être un « marqueur linguistique de la différence entre migration et diaspora. » Dans ce cas-là, « la diaspora serait une situation dans laquelle la langue n’est pas nécessaire à l’expression de l’identité, alors que la langue essentiellement définirait l’appartenance identitaire dans la migration » (WALD P. cité dans VAROL, 1994 : 9). Comme il a été déjà dit précédemment, l’analyse du contenu des enquêtes auprès des « Bretons du Monde » devrait nous éclairer sur cet aspect. Ainsi, nous pourrions dire si les Bretons ont tendance d’attribuer à la langue bretonne une importance excessive pour qu’elle joue un rôle affirmatif dans la construction de leur identité ou si on pourrait plutôt parler d’une « identité par »rémanence » qui ne s’appuie pas autant sur la langue » (1994 : 10).
Diasporisation langagière
Mon principal intérêt se trouvant être les pratiques sociales et langagières de groupes diasporiques, j’adopterai dorénavant le concept de « diasporisation langagière » qui selon J. Simonin « met davantage en lumière les processus en cours » (2010 : 21). En utilisant ce terme je cherche à décrire un phénomène progressif de changement langagier chez un groupe en situation diasporique. Comme pour la société réunionnaise que J. Simonin et G. Ledegen décrivent dans leur recherche (2010 :107), je présuppose que la diasporisation langagière est un élément croissant grâce aux TIC de la même manière que dans le cas de la diaspora bretonne. Mon stage au sein de l’association « Bretons du Monde » a été un moyen de vérifier cette hypothèse. Selon J. Simonin, Donabédian invoque que les pratiques langagières diasporiques sont caractérisées par ses « rapports symboliques aux langues en présence » (2010 : 20), c’est pourquoi il serait pertinent d’examiner dans mes enquêtes quel symbolique se trouve derrière la pratique langagière du breton chez les « Bretons du Monde ». La connaissance de la langue bretonne est-elle essentielle pour s’identifier en tant que Breton et dans le contexte de ma recherche en tant que membre d’une diaspora bretonne?
Processus d’identification / d’acceptation
Comme il était déjà dit auparavant, la possibilité d’un échange interculturel est renforcée de nos jours par la facilité d’accès sur internet. Les technologies de l’information et de la communication (TIC) créent l’impression que les internautes peuvent avoir des relations interculturelles sans limites, c’est-à-dire sans frontières. Pourtant, si les pratiques des TIC réinterrogent nécessairement la définition des frontières étatiques, les frontières socioculturelles existent toujours. Après un retour réfexif sur ma vision de la rencontre j’ai tendance à vouloir croire qu’une rencontre avec l’étranger devrait mener à l’acceptation mutuelle. Pourtant au cours de mes lectures je me suis rendue compte qu’il fallait nuancer cette opinion iréniste.
Néanmoins, j’aimerais pointer qu’un processus d’acceptation est fonctionnel et réussi si les deux côtés reconnaissent avoir des points communs malgré leurs différences.
Autrement dit, les acteurs reconnaissent que tous les deux sont d’une manière ou l’autre les étrangers (KRISTEVA, 1991). Cette idée renvoie à mon hypothèse de travail dans laquelle les Bretons en mobilité ayant fait l’expérience de la rencontre de l’autre sont plus à même d’être dans l’acceptation de l’autre. La rencontre de l’autre mène aussi vers la redéfinition de « soi ». Cependant, comme je vais essayer montrer dans ma recherche nous ne pouvons pas parler d’une identité fixe, étant donné que l’humain est un être dynamique. Les acteurs sociaux sont toujours en développement et en construction permanente de leur « esprit ».
C’est-à-dire ils demeurent dans un processus d’identification infini en tant qu’individu et en tant que membre d’un groupe social.
L’affirmation d’appartenance
Avant de progresser dans la conceptualisation du processus d’identification, j’aimerais pointer ce que de nombreux chercheurs des sciences humaines ont déjà reconnu auparavant. Avec la psychologie sociale, Alex Mucchielli propose la définition d’une identité plurielle : « les identités sociales sont un ensemble d’identités attribuées par un ou plusieurs acteurs à un autre acteur » (1986 : 19). L’appartenance à un groupe identitaire inclut donc nécessairement l’acceptation/reconnaissance de la part des autres membres du groupe.
Philippe Blanchet et Michel Francard le confirment en soulignant qu’un individu ne peut appartenir à un groupe social qu’en se ressentant comme l’un de ses membres. Il lui faut l’affirmation d’appartenance d’un autre membre ainsi que la reconnaissance comme tel de la part d’une autre personne hors du groupe identitaire. Dans le cas contraire, l’individu se retrouve dans une position d’insécurité vis à vis à son identification avec le groupe. (BLANCHET, FRANCARD, 2003 : 156)
Mucchielli souligne que nous pouvons avoir de multiples référents identitaires imaginables. C’est-à-dire, l’individu ne s’identifie non pas par un seul critère mais par divers « concepts plus ou moins étendus qui font appel au vécu, aux représentations, aux conduites » (MUCCHIELLI, 1986 : 39). Prenant cela en compte, nous devons parler d’une « identité plurielle » qui est « une affaire de significations données en fonction de leurs [les acteurs] propres identités et de leurs engagements dans des projets, par l’acteur lui-même et/ou d’autres acteurs » (1986 : 19). D’ailleurs, c’est l’engagement qui est souvent sollicité de la part d’un groupe, d’une diaspora vis à vis à ses membres-acteurs. C’est la raison pour laquelle un questionnement sur le lien entre l’engagement et le sentiment d’appartenance identitaire va resurgir dans le contexte de ma recherche au sein de « Bretons du Monde ».
Néanmoins, il ne faut pas non plus oublier que l’acteur lui-même contribue à la définition de sa/ses identité-s. Comme il était déjà évoqué au-dessus, selon A.Mucchielli celui-ci est dans son discours identitaire fortement infuencé par plusieurs biais. Ainsi, l’acteur social « peut intimement croire en lui-même, à ce qu’il est (identité subjective) ; il peut éprouver ce qu’il est (identité ressentie) ; il peut énoncer son identité devant les autres (identité affirmée) ; il peut présenter à autrui ce qu’il veut être (identité présentée) » ou bien évidemment « il peut présenter seulement certaines parties de ce qu’il est (identité de façade) », et il peut également « faire un certain nombre de choses qui correspondent à ce qu’il croit devoir faire,… » (1986 : 19) Tout cela doit être pris en compte dans l’analyse proposée sachant qu’on ne pourra pas distinguer lequel de ces phénomènes infuencent le
plus les enquêtés. Pour observer lesquelles de ces stratégies identitaires les Bretons enquêtés adoptent pour définir leur « soi » j’ai élaboré un questionnaire qui sera analysé par la suite. Par conséquent, il s’agit d’une réalité significative de la recherche dont les objets sont des interactions et représentations humaines.
L’identification : un processus de construction identitaire
Parlant de l’identité nous devons tenir compte des limites considérables de cette notion. La construction identitaire perçu par P. Grandjean est une forme de renoncement aux interprétations précédentes qui « considèrent l’identité comme un acquis, un attribut immuable des individus et des collectivités » (GRANDJEAN, 2009 : 11). Or, contrairement à cela, il s’agit plutôt d’un « processus, d’une construction dynamique, sans cesse remaniée dans le jeu changeant des interactions entre individus et les groupes » (MUCCHIELLI, 1986:19). Ainsi, il est difficile de parler d’une identité en tant qu’un donné figé. Nous voyons à travers les interactions des acteurs et des groupes d’appartenance que ceux-ci sont sous le dynamisme de la construction identitaire. Camilleri confirme cette théorie en soulignant que « pour tous les théoriciens actuels, l’identité n’est pas une donnée, mais une dynamique, une incessante série d’opérations pour maintenir ou corriger un moi où l’on accepte de se situer et que l’on valorise » (CAMILLERI, 1998 :253 ). Pour cela, nous proposons de comprendre la notion « identité » plutôt comme un concept d’« identification » qui s’inscrit dans une approche constructiviste. Il nous semble plus adapté de verbaliser l’identité comme un processus dynamique car il l’est par sa nature (BLANCHET, FRANCARD, 2003 : 155).
Le sentiments d’appartenance et l’assimilation
Dans la définition de l’identité présentée plus haut nous avons vu apparaître également la notion de sentiment d’appartenance qui est lié à l’assimilation. Selon A. Mucchielli le sentiment d’appartenance collectif ressemble à celui d’un nourrisson qui ne se distingue autre de sa mère. Ainsi, un sentiment d’appartenance d’un individu à un ou plusieurs groupes s’enracine « la vie communautaire de toute société, là où le groupe a plus de réalité que l’individu. » (MUCCHIELLI, 1986 : 26) De ce point de vue, il sera intéressant d’analyser le discours des membres de l’association « Bretons du Monde » pour identifier ce (ces) sentiment(s) d’appartenance. Il est probable que ce sentiment d’appartenance relève d’un vécu spécifique pour ce groupe et celui-ci ainsi caractérise leur identification en tant que Bretons.
« Le sentiment d’appartenance est en partie le résultat de processus d’intégration et d’assimilation des valeurs sociales, car tout être humain vit dans un milieu social qui l’imprègne de son ambiance, de ses normes et de ses modèles. Ces imprégnations culturelle identique pour les individus d’un même groupe fondent la possibilité de compréhension et de communication avec autrui » (Idem). Dans le contexte de ma recherche, je vais analyser le discours des « Bretons du Monde » pour déterminer si ce groupe manifeste son appartenance par l’assimilation des valeurs sociales. De même, il serait pertinent d’observer à travers la fréquence des énoncés qui évoquent ces valeurs sociales si les Bretons demandent une assimilation des valeurs sociales pour accepter les autres individus dans leur groupe d’appartenance.
Lorsque « l’assimilation correspond à l’élimination des valeurs de sa culture pour se fondre dans celle de l’autre », l’intégration consiste plutôt à « susciter la participation active à la société tout entière de l’ensemble des femmes et des hommes appelés à vivre durablement sur leur sol en acceptant, sans arrière-pensées que subsistent des spécificités notamment culturelles tout en mettant l’accent sur les ressemblances, afin d’assurer la cohésion à leur tissu social. Elle montre que l’intégration ne doit pas être un mouvement à sens unique, c’est-à-dire que les étrangers ne doivent pas faire seuls tout le chemin » (SCHNAPPER, 1992 : 91).
Dans cette optique, un des objectifs de cette étude est l’observation de rapport des « Bretons du Monde » à l’intégration de l’autrui dans leur groupe d’appartenance et leur compréhension de l’assimilation.
Méthodes d’enquête utilisées
La démarche adoptée
L’entretien/l’interview « relève de la catégorie de l’interaction verbale…c’est-à-dire que les interlocuteurs A et B participent activement à la construction de l’énoncé » (BRES, 1999:62). Par conséquent, le rôle d’intervieweur n’est pas passif mais au contraire actif. C’est à l’intervieweur de « choisir l’interaction au lieu de tenter (en vain) de la contourner » (1999:68). Autrement dit, le meneur de l’entretien interactif devient volontairement l’interlocuteur. Je tiens à préciser que ce dernier demeure néanmoins meneur car c’est lui qui pose les questions. Cependant, il ne s’agit pas d’une simple conversation car l’intervieweur a préparé d’avance une grille de questions. Dès lors, nous pouvons même parler d’un entretien semi-directif, étant donné que le rôle principal d’intervieweur est de « faire parler, subordonner sa parole à la parole de l’autre » et écouter l’interviewé. (Idem)
Ce type d’entretien me semble le plus approprié lorsque nous appliquons une analyse d’un point du vue sociolinguistique. Or, « la sociolinguistique traite des pratiques et des représentations (socio)linguistique et a, plus que tout autre science sociale, affaire à du matériau verbal, à de la matière discursive. » (BRES, 1999:61)
Le choix des informateurs
Dans un premier temps, il faut cibler les informateurs qui s’inscrivent par leurs caractéristiques dans mon objet de recherche. Le projet MigOr déjà en cours depuis 2010, à l’initiative de la Maison Internationale de Rennes, se situe dans la même optique que mon étude. En effet, il porte sur le rôle des migrants dans les organisations et dans les collectivités publics bretonnes.
Dans le cadre de ma recherche, il m’a semblé pertinent de répondre à la demande de ce projet en effectuant un stage auprès d’un des organismes participants au projet. Mon choix s’est porté sur l’association Bretons du Monde dont la situation pourrait semblé différente des autres membres du MigOr, mais qui s’inscrit d’autant plus à mon objet de recherche. En effet, les membres de l’association Bretons du Monde sont majoritairement des Bretons qui vivent dans l’un des cas de figure suivant.
Les méthodes employées
L’objectif de ces entretiens est de permettre aux sujets de s’exprimer sur leur approche personnelle de la diaspora et d’encourager la mise en mots de leur opinion sur le rapport de l’appartenance à une diaspora et de la construction identitaire. Pour cela j’ai effectué des pré-enquêtes semi-directives constituées de questions ouvertes auxquelles les informateurs peuvent répondre en toute liberté.
Ensuite, j’ai étudié les expressions revendiquant l’appartenance à l’identité bretonne chez les adhérents à travers un questionnaire que j’ai envoyé spécifiquement aux adhérents du site.10 Au départ, j’ai envisagé de cibler surtout ceux qui résident hors de territoire de la Bretagne. Mais, il s’est montré difficile de distinguer les membres selon l’endroit de leur résidence actuelle. Après une analyse du site-web, j’ai constaté que certaines informations au sujet des membres de l’association ne sont pas actualisées. C’est pourquoi j’ai décidé d’envoyer le même questionnaire à tous les inscrits du site (plus de 2000 contacts). Cette base de données mise en ma disposition par la direction de l’association « Bretons du Monde » m’a permis d’avoir environ 223 réponses au questionnaire.
A travers le questionnaire proposé, j’ai combiné les deux façons de mener une enquête. En posant à la fois des questions ouvertes et fermées, j’ai effectué un entretien semi-directif et directif. En outre, j’ai décidé de recueillir « des informations préalables sur les caractéristiques ethno-sociolinguistiques des informateurs (âge, sexe, langues connues, etc.) qui permettront d’établir un échantillonnage statistique » (BLANCHET, 20122 : 45).
Ma méthode de recherche est empirico-inductive parce qu’elle permet d’intégrer la complexité des divers facteurs imprévisibles intervenants dans les phénomènes humains.
C’est une méthode typique pour une approche ethno-sociolinguistique et elle s’appuie souvent sur une observation participative. C’est pourquoi j’ai contacté Xavier Bellanger, l’initiateur de la coopération au sein de « Bretons du Monde » dans le projet MIGOR pour consulter avec lui la possibilité d’une observation participante. Mes intentions étaient de participer activement aux activités de l’association afin de recueillir les informations nécessaires à ma recherche. Ainsi, j’ai voulu connaître davantage le terrain de recherche en le pratiquant en dehors de mon statut d’enquêtrice afin de sortir de la situation formelle que celle-ci implique. Néanmoins, j’ai rencontré quelques difficultés à pratiquer de la sorte mon terrain de recherche.
En effet, « Bretons du Monde » devient aujourd’hui plutôt un réseau virtuel qui permet de mettre en contact des Bretons expatriés avec ceux qui résident en Bretagne. Il s’agit d’une communication via l’échange de courriers électroniques, voire par d’autres outils les TIC modernes (Skype, Facebook,…). Pour ces raisons, je considère que mon observation n’a pas bénéficié d’une totale exhaustivité ni des détails attendus. Malgré cela, j’ai cherché à appliquer tous les autres caractéristiques d’une approche empirico-inductive.
Pour effectuer une recherche qualitative, j’ai cherché à :
1° « développer une compréhension des phénomènes à partir d’un tissu de données » (BLANCHET, 20122 : 30), c’est-à-dire d’abord observer les divers thèmes de discours sur le site-web11 et ensuite développer mon hypothèse,
2° tenir compte du « contexte » présent et passé dans lequel évoluent les personnes,
3° prendre en considération l’infuence que nous avons en tant que chercheurs sur les personnes concernées par notre étude.
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Table des matières
Introduction
0. La construction de l’identité des personnes de/en diaspora
0.1 L’Observation de l’échange interculturel basée sur mon expérience
0.2 Le rôle des TIC dans la construction identitaire des personnes en diaspora
1. Terrain de recherche : Bretons du Monde
1.1 Maison Internationale de Rennes et le projet Migrants dans les Organisations
1.2 L’historique de l’association « Bretons du Monde »
1.3 Le développement des objectifs et des objets d’enquêtes
1.4 Etat des travaux effectués sur le sujet
1.4.1 L’histoire de la migration bretonne
1.4.2 Diaspora bretonne à Paris
1.4.3 L’émigration bretonne en France Métropole et dans le monde
1.4.4 L’immigration récente en Bretagne
1.4.5 Les Bretons un peuple d’accueil ad hoc ?
2. Concepts utilisés dans l’étude de la construction identitaire en situations diasporique
2.1 La Diaspora
2.1.1 L’évolution du concept diaspora
2.1.2 La diaspora et son (r)apport à l’État-nation
2.2 Diaspora versus Migration
2.3 Langues de/en diaspora
2.4 Diasporisation langagière
2.5 Processus d’identification / d’acceptation
2.6 L’affirmation d’appartenance
2.7 L’identification : un processus de construction identitaire
2.8 Le sentiments d’appartenance et l’assimilation
3. Méthodes d’enquête utilisées
3.1 La démarche adoptée
3.2 Le choix des informateurs
3.3 Les méthodes employées
3.4 Pré-enquête par l’entretien compréhensif pour explorer le terrain
3.4.1 Empathie dans l’entretien
3.5 Trame d’entretien des pré-enquêtes
3.5.1 Présentation de la grille des questions
3.6 Trame des enquêtes-questionnaire
3.6.1 Questionnaire semi-directif à l’intention des membres de l’association « Bretons du Monde »
4.Méthode d’analyse
4.1 Analyse du discours
4.1.1 Le système symbolique de transcription
4.2 Identification des embrayeurs dans le corpus
4.2.1 Embrayeur « On »
4.2.2 Embrayeur « Je »
4.3 Breton et identité bretonne dans l’entretien-test
4.4 Analyse de corpus : l’enquête-questionnaire
4.4.1 Spécificités des données de l’enquête-questionnaire
4.4.2 Occurrence de l’embrayeur « je » et des embrayeurs possessifs « ma », « mes » dans les
données de l’enquête-questionnaire
4.5 Analyse de corpus : les représentations identitaires d’un Breton
4.5.1 Concordances et mises synonymiques du nominatif « Breton »
4.5.2 Tableau récapitulatif des concordances selon leurs thématiques
4.5.3 Négations dans les concordances d’attribution et d’action
4.6 Interprétation des données
4.7 Analyse finale : Comparaisons Breton et Bretons de coeur
4.8 Synthèse des analyses
Conclusion
Bibliographie
Sitographie
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