Concept et contours de l’agriculture urbaine et /ou périurbaine
Compréhensions internationales de cette activité
Les organisations telles que la FAO et le CGIAR différencient l’agriculture urbaine (AU) située dans la ville de l’agriculture périurbaine (AP) située autour de la ville. D’autres en revanche utilisent le terme unique d’agriculture urbaine (CRDI, PNUD) ou d’agriculture périurbaine (CIRAD, CORAF) pour désigner les deux à la fois (Temple et Moustier, 2004). Globalement, cette agriculture comprend à la fois les productions végétales et animales consommables dans l’aire urbaine bâtie (production intra urbaine) et l’aire bâtie et non bâtie autour des villes (production périurbaine) (Tinker, 1995 ; Mougeot, 1995). Pour quelle compréhension trancher ? Faut-il rester en phase avec l’instance africaine de supervision de la recherche agricole au sud du Sahara, pour qui le terme d’AP englobe à la fois l’AU et l’AP ; où faire une distinction pour mieux situer les spécificités ? Nous adopterons le terme d’agriculture ou de production agricole périurbaine, en partant du principe que ce terme regroupe les deux. Toutefois, il n’est pas exclu que les deux termes puissent apparaître dans les mêmes paragraphes pour indiquer des complémentarités ou des spécificités.
Délimitation des aires de l’agriculture périurbaine
Trois approches sont utilisées : (i) l’aire de l’Agriculture Périurbaine (AP) est l’espace agricole dans lequel les systèmes de productions sont polarisés par l’approvisionnement des marchés urbains et ces systèmes mobilisent les ressources de la ville) ; (ii) l’aire de l’AP est également l’espace où s’exprime les effets des concurrences entre usages urbains agricoles et non agricoles de ressources (terre, eau, main d’œuvre, déchets) ; enfin, (iii) l’aire de cette activité peut-être circonscrite au niveau de l’espace politique que gère une collectivité territoriale urbaine telles que la municipalité, la communauté d’agglomérations (Mougeot, 1993 ; Moustier et Abdou Salam, 2004). Appliquées au cas de Yaoundé (Cameroun), Temple et Moustier (2004) ont défini trois aires de production agricoles périurbaines : (i) l’aire intra urbaine circonscrite par la commune urbaine, (ii) l’aire périurbaine où s’expriment les concurrences dans l’usage du foncier et du travail entre les sollicitations de l’urbanisation et de l’agriculture et (iii) l’aire rurbaine au-delà de la seconde où se trouvent des exploitations dont plus de 50% du revenu brut provient des productions écoulées sur le marchés urbains. Les élevages extensifs (bovins, caprins) et intensifs (aviculture, porc, poissons etc.) existant chevauchent ces trois aires, avec une importance notable sur l’aire périurbaine de cette ville. Dans des enquêtes sur l’élevage et l’agriculture urbains et périurbains dans deux villes sahéliennes, Centrès (1996) a considéré le schéma de développement et d’aménagement urbain de Bobo-Dioulasso (Burkina Faso) et le projet urbain de Bamako (Mali) pour définir la zone urbaine. Quant à la zone périurbaine, l’auteur a eu recours aux critères de proximité c’est à dire une auréole de 15 à 30 km autour de l’espace bâti et à ceux plus flous de relation d’attraction, de gravitation se traduisant par l’intensité des flux de travail et des produits entre la ville et son environnement rural. Ces différentes délimitations montrent les limites d’un cadrage géographique précis de cette production. Ainsi, selon les projets, les institutions ou les objectifs de recherche, la définition de cette aire pourra varier afin de mieux appréhender les réalités de cette activité multifonctionnelle (Temple et Moustier, 2004).
Fonctions de l’agriculture et cadrage des productions animales périurbaines
Les productions agricoles périurbaines en général assurent plusieurs fonctions (Diao, 2004 ; Temple et Moustier, 2004) dont celles : (i) alimentaires par l’autoconsommation et la vente des produits frais ; (ii) socio-économiques par l’insertion des praticiens de cette activité sans emploi et la création de revenus ; (iii) environnementales par le recyclage des déchets, le maintien des espaces verts ; (iv) sécuritaires (foncier) par l’utilisation voire le gardiennage des espaces vacants. Les élevages urbains et périurbains constituent une stratégie de survie notable face à une insécurité financière, alimentaire et une paupérisation des citadins dans un contexte d’urbanisation galopante (Armar-Klemesu, 2000 ; Waters-Bayers, 2000 ; Ali et al., 2003 ; Irad, 2004) Le lait, la viande de petits ruminants (PR), de porcs et de lapins, les produits avicoles et aquacoles, productions à cycles courts, sont de plus en plus sollicitées dans l’approvisionnement des villes. Elles sont l’objet des initiatives privées et publiques avec des marges de progrès technique et économique notables et prévisibles. Par importance, les porcs, les poules locales et les chèvres sont les plus gros pourvoyeurs en revenus aux éleveurs urbains et périurbains du sud du Bénin (Aboh et al., 2003). Les élevages de PR visent surtout la spéculation à l’approche des fêtes religieuses. Ils sont appuyés par certaines ONGs dans la gestion de l’approvisionnement et des ventes. Ce qui permet de véhiculer le progrès technique aussi bien pour les éleveurs que les acteurs des projets de professionnalisation surtout en Afrique de l’Ouest. L’aviculture avec un fort potentiel d’amélioration de sa productivité (10 à 30 % suivant les situations) et une augmentation des productions atteignant souvent 5%, est la filière la plus dynamique (Cirad-Emvt, 1999). Ces exemples montrent que ces élevages fonctionnent dans leur ensemble et que leurs fortes dynamiques peuvent utilement contribuer aux transferts de savoir-faire vers les élevages ruraux (Guerin et Faye, 1999).
Enjeux de l’urbanisation, des productions agricoles périurbaines et besoins techniques
Explosion démographique urbaine en Afrique au sud du Sahara (ASS)
L’explosion démographique dans les villes de l’Afrique de l’Ouest et du Centre se remarque à travers la forte progression de la population urbaine. De 4% seulement de la population totale en 1930, 15% en 1960, elle était en 1994 de 36% en Afrique de l’Ouest et de 33% en Afrique centrale. Elle est de 48% en Afrique du Sud et 21% en Afrique de l’Est. Le taux actuel de 40% sera en hypothèse basse (situation économique) de 53% en 2020 ou de 63% en cas de reprise économique (Snrech, 1994 ; Cirad-Emvt, 1999 ; Moustier, 1999 ; Snrech, 2001). On assistera à un développement sans précédent des villes selon les projections. En Afrique de l’Ouest par exemple, il y aura 30 villes millionnaires en 2020-2025 au lieu de 6 en 1990 ; 60 villes d’un demi-millions d’habitants au lieu de 11 en 1990, 300 villes de plus de 100000 habitants au lieu de 90 en 1990 et environ 6 000 centres urbains (Snrech, 1994). Ces éléments montrent bien que dans tous les cas, l’urbanisation va progresser dans les prochaines années. Même s’il existe un ralentissement de l’exode rural freinant la croissance urbaine (de 4% entre 1990 et 2000 par rapport à 7% entre 1960 et 1990), l’accroissement démographique urbain selon Moustier (1993) s’effectuera surtout de façon endogène (naissance) et non exogène (migration) car en 2020, la plupart des urbains seront nés en ville (Moustier, 1999). Ciparisse (1997) met plutôt l’immigration ou l’exode rural au centre de l’urbanisation croissante. Ainsi, la multiplication des grandes agglomérations et l’accélération des phénomènes de peuplement des centres urbanisés ou en formation ne sont pas dues à un accroissement naturel des populations urbanisées mais surtout à l’apport des campagnes, attirées par des commodités de vie, l’espoir d’un travail, le mirage de la grande ville. Dans tous les cas, l’urbanisation croissante d’origine endogène ou exogène est une réalité avec laquelle on devra s’accommoder au cours de ce siècle. C’est donc une tendance lourde et incontournable qui aboutira en Afrique subsaharienne dans les 20 prochaines années, à l’augmentation de la population. Cet accroissement se fera au détriment des campagnes qui auront seulement 2 fois plus de ruraux alors que les citadins seront multipliés par 5 (Moustier, 1999).
|
Table des matières
INTRODUCTION
1. DEFINITION DU MILIEU URBAIN ET PERIURBAIN CONCERNE
2. CONTEXTE DE L’ETUDE
2.1. Monde et Afrique
2.2. Tchad
3. ENJEUX DE RECHERCHE-DEVELOPPEMENT
4. OBJECTIFS, HYPOTHESES ET QUESTIONS DE RECHERCHE
4.1. Objectifs
4.1.1 Objectif général
4.1.1. Objectifs spécifiques
4. 2. Hypothèses et questions de recherche
PREMIERE PARTIE : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
CHAPITRE I : CONCEPTS ET NOTIONS D’AGRICULTURE URBAINE ET PERIURBAINE, D’URBANISATION ET DE FILIERE
1. CONCEPT ET CONTOURS DE L’AGRICULTURE URBAINE ET /OU PERIURBAINE
1.1. Compréhensions internationales de cette activité
1.2. Délimitation des aires de l’agriculture périurbaine
1.3. Fonctions de l’agriculture et cadrage des productions animales périurbaines
2. ENJEUX DE L’URBANISATION, DES PRODUCTIONS AGRICOLES PERIURBAINES ET BESOINS TECHNIQUES
2.1. Explosion démographique urbaine en Afrique au sud du Sahara (ASS)
2.2. Productions agricoles périurbaines
2.3. Besoins d’encadrement, d’organisation et de recherche-développement
3. CONCEPT DE FILIERE, NOTION DE COMMERCE ET DE TRANSFORMATION
3.1. Origine, définition, étendue et limite du concept
3.2. Notion de filière en productions animales
3.3. Notion de commercialisation et de transformation des produits
ENSEIGNEMENTS A TIRER DES AGRO-SYSTEMES PERIURBAINS
CHAPITRE II : PRODUCTION DANS LE MONDE, EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE, ALIMENTATION,
CONTRAINTES SANITAIRES ET PERFORMANCES DES ELEVAGES
1. PRODUCTION DANS LE MONDE ET EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE (ASS)
1.1. Production dans le monde
1.2. Production en Afrique subsaharienne
1.2.1. Effectifs, races, zones et systèmes de production
1.2.2. Effectifs et systèmes de production périurbains de quelques villes
2. ALIMENTATION, CONTRAINTES SANITAIRES ET PERFORMANCES DES ELEVAGES
2.1. Ressources alimentaires
2.2. Contraintes sanitaires
2.3. Performances des élevages porcins
DEUXIEME PARTIE : MATERIEL ET METHODE
CHAPITRE III : MILIEU ET METHODOLOGIE DE L’ETUDE
1. MILIEU D’ETUDE
1.1. APERÇU DU SECTEUR AGRICOLE AU TCHAD
1.1.1. Situation, population et activités agricoles
1.1.2. Zones agro-écologiques en rapport avec les activités agricoles et pastorales
1.1.3. Effectif du cheptel et importance de l’élevage dans l’économie nationale
1.2. CARACTERISTIQUES DU MILIEU D’ETUDE (N’DJAMENA) ET IMPACT SUR LA PRODUCTION
1.2.1. Caractéristiques physiques
1.2.1.1. Position, fonctions et évolution de la ville
1.2.1.2. Relief, nature des sols et climat
1.2.2. Caractéristiques démographiques
1.2.3. Caractéristiques économiques
1.2.4. Impact du milieu sur les élevages porcins urbains
2. METHODOLOGIE DE L’ETUDE
TROISIEME PARTIE : RESULTATS ET DISCUSSION
SECTION 1 : PASSE, DYNAMIQUE ET POTENTIEL ACTUEL DE PRODUCTION
CHAPITRE IV : L’ELEVAGE PORCIN AU TCHAD : BILAN DE L’INTRODUCTION, DE L’AMELIORATION ET DE LA DIFFUSION DES RACES EXOTIQUES
RESUME
1. INTRODUCTION
2. RESULTATS ET ANALYSE
2.1. Introduction du porc dans la colonie du Tchad
2.2. Evolution des essais d’amélioration et de diffusion des races porcines
CHAPITRE V : CARACTERISTIQUES DE LA PRODUCTION PORCINE A N’DJAMENA ET SA PERIPHERIE
V.1 : DYNAMIQUE DES ELEVAGES PORCINS URBAINS : ACCROISSEMENT, CARACTERISTIQUES DES
PRODUCTEURS ET DES EFFECTIFS A N’DJAMENA (TCHAD)
RESUME
1. INTRODUCTION
2. MATERIEL ET METHODES
2.1. Echantillonnage, méthodes d’enquête et d’observations
2.2. Analyse des données
3. RESULTATS
3.1. Caractéristiques des éleveurs
3.2. Effectifs porcins
4. DISCUSSION
V.2 : DYNAMIQUE DES ELEVAGES PORCINS : PRATIQUES, STRUCTURE DES TROUPEAUX, CONTRAINTES ET PERFORMANCES DANS LA ZONE DE N’DJAMENA (TCHAD)
RESUME
1. INTRODUCTION
2. MATERIEL ET METHODES
3. RESULTATS
3.1. Pratiques de production
3.2 Structure des troupeaux enquêtés
3.3. Contraintes à la production
3.4. Performances techniques de production
4. DISCUSSION
CONCLUSION
Télécharger le rapport complet