« Là où l’eau est abondante, la richesse finit par apparaître grâce au travail des hommes. Là où l’eau n’est pas présente ou presque demeure le plus souvent la pauvreté. Gérer économiquement l’eau est synonyme de lutter contre la pauvreté… » .
D’après sa définition la plus pertinente, l’économie est la science de la rareté. Les besoins de l’homme sont illimités et pourtant les ressources pour pouvoir satisfaire ces besoins sont rares. L’économie consiste à répartir avec justice ces biens rares dans le but de maximiser la satisfaction de chaque individu. Depuis quelques décennies, l’humanité commençait à se rendre compte que l’eau figure parmi ces ressources rares. En se référant au rapport mondial des Nations-Unies sur la mise en valeur des ressources en eau, l’eau douce ne représente que 2,53% du volume total d’eau sur la planète terre et seulement un infime pourcentage est accessible à l’homme . Pourtant, à cause de l’évolution démographique, l’industrialisation croissante, le gaspillage et la pollution de l’eau, les réserves d’eau de la planète tend de plus en plus à ne pas suffire pour l’humanité. Koïchiro Matsuura, directeur général de l’UNESCO allait même jusqu’à affirmer que « La pénurie d’eau douce est le plus grand danger pesant sur la planète » . La constatation de ce danger incite les économistes à s’intéresser de plus en plus sur la question de l’eau.
Par ailleurs, l’économie a pour but ultime la maximisation du bien-être de la population. Or, un tiers de la population mondiale n’a pas accès à l’eau potable alors que cela est parmi le minimum de bien-être qu’un homme doit avoir. De fortes disparités se constatent entre les pays : Pour avoir une qualité de vie normale, il faut 80 litres d’eau par jour par personne. Pourtant, un africain ne consomme que 30 litres par jour en moyenne, pour un Européen, c’est 200 litres et pour un Nord américain, la consommation atteint 700 litres . Les inégalités mondiales se reflètent alors notamment sur la consommation d’eau. A ce propos, le cas de Madagascar représente un paradoxe. Chez nous, les ressources en eau sont abondantes, l’Etat est même parvenu à envisager de l’exporter, et pourtant, les Malgaches ont des problèmes sur l’approvisionnement en eau potable et en eau d’irrigation. La JIRAMA qui est la société d’eau et d’électricité de Madagascar présente alors des défaillances. Le cas de la partie sud de Madagascar l’illustre clairement : au sud, on entend toujours le problème de manque d’eau pour l’alimentation et la culture, pourtant, l’eau existe mais dans les nappes aquifères ou dans un cours d’eau mais le problème se trouve au niveau de l’adduction. Si au niveau mondial, le problème réside sur l’insuffisance de la ressource, à Madagascar, le problème se constate au niveau de son exploitation et de sa gestion .
CONCEPTS ET DEFINITIONS AUTOUR DE L’EAU ET DU DEVELOPPEMENT
L’eau est la ressource la plus abondante sur la planète mais elle est également la plus utile voire même indispensable dans la vie des êtres-humains. Pourtant, le danger de la pénurie d’eau douce pèse gravement dans de nombreux pays. Pour mieux comprendre les liens entre les ressources en eau et le développement, des définitions et explications autour de ces termes sont nécessaires.
L’eau
L’eau est une ressource utilisée dans la vie quotidienne de tout être humain. Pourtant, certains concepts qui lui sont liées demeurent flous ou ambigus et nécessitent d’être biens définis. En outre, il est bien utile de connaître les ressources en eau que notre planète possède et de savoir un peu d’histoire sur la gestion de l’eau.
Les ressources en eau de la planète
L’eau peut être une eau de mer ou eau douce mais l’étude va se focaliser sur cette dernière. Pour l’eau douce, on peut distinguer les eaux de surface des eaux souterraines. Le code de l’eau malgache du 1999 les définit clairement en affirmant dans l’article 6 que «Les eaux de surface sont constituées par l’ensemble des eaux pluviales et courantes sur la surface du sol, des plans d’eau ou canaux, les fleuves et rivières, les canaux de navigation et rivières canalisées, certains canaux d’irrigations, les étangs salés reliés à la mer, les lacs, étangs et assimilés, les marais, les zones humides ». Par contre, « les eaux souterraines sont constituées par les eaux contenues dans les nappes aquifères et les sources. » Selon les experts, le volume total de l’eau présente sur la planète est de 1350 milliards de km3 recouvrant 71% de la surface terrestre. 97,5 % de ce volume est constituée par de l’eau de mer et l’eau douce ne représente que 2,5 % . Par définition, l’eau douce est l’eau non salée, telle que l’eau des lacs, des ruisseaux et des rivières, mais pas l’eau des océans. Elle provient toujours de la précipitation de vapeur d’eau atmosphérique. Puis, elle atteint les lacs intérieurs, les rivières et les masses d’eau souterraines, soit directement, soit suite à la fonte de neiges ou de glaces. Sur les 2,5 % d’eau douce restante, plus de trois quart est immobilisée sous forme de calotte glacière et de neige, la quasi-totalité du reste se trouve dans le sol sous forme d’humidité ou à l’intérieur de nappes aquifères profondes. Par conséquent, la ressource en eau douce dans laquelle peut puiser l’humanité ne représente que moins de 0,01% du volume de l’hydrosphère. De plus, ce volume est inégalement réparti entre les pays. Le cas de l’Australie en constitue un exemple flagrant, elle ne représente que moins d’1% de la population mondiale et pourtant, 5% des réserves mondiales en eau douce y sont concentrées. Par contre, au Moyen-Orient, c’est presque le cas inverse.
L’eau est une ressource renouvelable grâce à sa circulation continue et permanente dans l’atmosphère, à la surface et dans le sous-sol de la terre. Ce phénomène s’appelle le cycle de l’eau. Il peut être décomposé en quatre processus distincts : le stockage, l’évaporation, la précipitation et le ruissellement. On parle d’eau renouvelable lorsqu’elle dispose d’un temps de régénération négligeable par rapport à la durée d’une vie humaine. Toutefois, une fraction de la quantité d’eau dont dispose la planète est non renouvelable. Ce sont celles contenues dans les aquifères très profondes. Il s’agit d’eau fossile.
Prélèvements et utilisations de l’eau
L’eau est souvent un bien collectif, si une personne physique ou morale veut en exploiter, il lui faut ce qu’on appelle Droit d’utilisation de l’eau : c’est un droit légal d’extraire ou de dériver et utiliser l’eau d’une source naturelle donnée; d’endiguer ou stocker une quantité d’eau précise d’une source naturelle derrière un barrage ou au moyen de toute autre structure hydraulique; ou d’utiliser ou maintenir l’eau dans un état naturel (débit réservé dans une rivière; eaux destinées aux loisirs; pratiques religieuses ou spirituelles; eau potable, lavage et baignade; ou abreuvement des animaux) .
Par ailleurs, on doit distinguer les termes Prélèvement et utilisation de l’eau. Un écoulement d’eau d’origine naturelle fourni à une collectivité peut se décrire des deux côtés du flux. Du côté de la nature, on définit « qui extrait l’eau », c’est-à-dire « le prélèvement » alors que du point de vue de la collectivité, on détermine « qui utilise l’eau », ce que l’on appelle « l’utilisation ». Ces deux écoulements diffèrent en raison de fuites et parce que certaines entités qui prélèvent l’eau ne l’utilisent pas elles-mêmes mais la fournissent à d’autres entités. Cette différenciation est compliquée par le fait que l’utilisation de l’eau est également définie comme un terme général, non spécifique recouvrant toute action permettant de fournir un service d’eau. En général, les prélèvements d’eau se partagent entre l’agriculture (incluant l’irrigation, l’élevage et l’aquaculture), les industries et la municipalité et la proportion de chaque secteur varie pour chaque continent.
L’eau potable est de l’eau de qualité acceptable et peut être bu sans danger. Ce terme est similaire à l’eau salubre qui signifie favorable pour la santé. Plus clairement, l’eau potable est définie comme une eau destinée à la consommation humaine qui, par traitement ou naturellement, répond à des normes organoleptiques, physico-chimiques, bactériologiques et biologiques fixées par décret. Pour le ministère de l’eau malgache, c’est de l’eau provenant d’un point d’eau contrôlé, à savoir: branchements particuliers, bornes fontaines, forages munis de pompe à motricité humaine, puits munis de pompe à motricité humaine. L’alimentation en eau potable est l’ensemble des équipements, des services et des actions qui permettent de produire une eau conforme aux normes de potabilité en vigueur à partir d’une eau brute et de les distribuer ensuite aux consommateurs. Cette alimentation comprend 4 étapes distinctes dont: les prélèvements-captages, les traitements pour potabiliser l’eau, l’adduction (transport et stockage) et la distribution aux consommateurs.
L’irrigation nécessite également une définition. C’est une technique d’amélioration de culture consistant à un apport d’eau nécessaire à la croissance de la plante. Elle peut être faite, soit par aspersion, soit par gravitation. A Madagascar, l’irrigation est principalement liée aux cultures rizicoles et au coton.
Historique sur l’utilisation et la gestion de l’eau
L’histoire de l’eau évolue parallèlement avec l’histoire de l’humanité. Dans les civilisations antiques, l’eau jouait d’abord un rôle relativement simple. Elle ne servait qu’à la boisson, au transport et à la pêche. Plus tard, l’utilisation de l’eau a pris une nouvelle forme avec l’établissement des sociétés agricoles sédentaires qui habitaient à proximité des lacs et des rivières pour abreuver les bétails et favoriser la culture. Peu à peu, ils ont élaboré des technologies permettant de dériver de l’eau pour l’irrigation et pour des usages domestiques. Les systèmes d’irrigation étaient déjà connus depuis plus de 3000 ans où les souverains de Babylone et d’Egypte antique avaient construit des barrages et des canaux pour prélever et contrôler les eaux de crues du Nil et de l’Euphrate. Vers 600 avant Jésus-Christ, les lois sur l’eau figuraient déjà dans la constitution athénienne. Attique n’avait ni fleuve, ni rivière et les fontaines étaient rares. Les habitants se procuraient d’eau dans des puits publics. Solon instaura des lois autorisant de puiser dans un puits ceux qui habitent à une distance inférieure à 4 stades de ce puits. D’autres lois régissent aussi ceux qui en sont éloignés et il existe aussi des lois sur les distances qu’il faudrait observer dans les plantations. Plus tard, vers 400 avant Jésus-Christ, ils comprirent que tout comme le soleil, la terre et l’air, l’eau est un élément indispensable à la vie et que pourtant, il est aisé de la corrompre. Platon proposa alors une loi que « quiconque aura corrompu l’eau d’autrui, eau de source ou eau de pluie ramassée, en y jetant certaines drogues, ou l’aura détournée en creusant, ou enfin dérobée, le propriétaire portera sa plainte devant les astronomes… » et une sanction est instaurée. Plus tard encore, durant l’ère romaine, la région de Rome est dotée d’un réseau complexe d’approvisionnement en eau par aqueducs. Ensuite, en 960 fut créé le tribunal de l’eau à Valence. Les cultivateurs de Valence s’adressaient à ce tribunal pour garantir une distribution équitable des eaux de la rivière de Turia, à l’Est de l’Espagne. Tout de même, jusqu’au milieu de XXème siècle, la plupart des sociétés ont pu satisfaire leur besoin croissant en eau.
Auparavant, la plupart de la population mondiale ne se souciait pas trop de la question de l’eau. Mais à la fin des années 60, avec notamment la proclamation de la Charte européenne de l’eau, les mentalités commencent à changer et on commence à considérer l’eau comme élément indispensable à la vie. Ensuite, c’est en 1977 avec la conférence de « Mar del Plata » que s’amorce le tournant au niveau international. Bien que dans les années 80, des conférences internationales soient liées à l’eau, il faudra cependant attendre 1992 avec l’adoption des principes de Dublin, pour que la communauté internationale prenne conscience de la situation alarmante des ressources en eau. En 1996, la création du Global Partnership for Water (GPW) et du World Water Concil (WWC) permettra de développer les connaissances relatives à l’eau et d’intégrer cette ressource au développement durable à un niveau mondial. Néanmoins, en 2011 le droit à l’eau reste un droit non-contraignant ; bien que les Etats reconnaissent indéniablement que sans eau il n’y a pas de vie, les débats sur ce sujet sont loin d’être réglés.
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I : APPROCHE THEORIQUE SUR LA GESTION DE L’EAU ET LES ENJEUX DES RESSOURCES EN EAU SUR L’ECONOMIE
Chapitre 1 : CONCEPTS ET DEFINITIONS AUTOUR DE L’EAU ET DU DEVELOPPEMENT
Section 1 : L’eau
Section 2 : Concepts relatifs à la gestion des ressources en eau
Section 3 : La croissance et le développement
Chapitre 2 : THEORIES SUR LA VALEUR ET LA GESTION DE L’EAU
Section 1 : La valeur de l’eau
Section 2 : L’eau, la croissance et le développement durable
Section 3 : La gestion et la commercialisation de l’eau
PARTIE II : APPROCHE ANALYTIQUE : CAS DE LA GESTION DE L’EAU ET DU DEVELOPPEMENT A MADAGASCAR
Chapitre 3 : LE SECTEUR DE L’EAU A MADAGASCAR
Section 1 : Contexte économique de Madagascar
Section 2 : Etat des lieux du secteur eau à Madagascar
Section 3 : La gestion actuelle des ressources en eau
Chapitre 4 : ENJEUX DU SECTEUR DE L’EAU SUR L’ECONOMIE DE MADAGASCAR
Section 1 : Analyses des problèmes liés à l’eau
Section 2 : Potentiel de développement représenté par le secteur eau
Section 3 : Perspectives et recommandation sur la mise en valeur de l’eau et l’amélioration de sa gestion
CONCLUSION