Le développement des capteurs de gaz présente plusieurs intérêts dont le plus important est la sécurité. Pouvoir éviter le contact avec une espèce nocive ou explosive est bien le mot d’ordre des premières manifestations pour détecter les gaz. Les premières créations de l’homme pour se protéger de ce danger concernent le domaine des mines avec la lampe de Davy. Créée en 1816 par Humphry Davy, elle servait à protéger les mineurs contre les coups de grisou et les coups de poussières.
Plus tard, le développement des bouteilles de gaz domestiques ou les réseaux de gazoducs a été à l’origine de beaucoup d’accidents (surtout explosion). Ainsi l’apparition des premiers détecteurs de gaz dans les années 1970 au Japon ont permis de faire chuter de plus de 60% le nombre d’accidents dus aux bouteilles de gaz domestiques sur 10 ans. Depuis les années 1990, les nez électroniques [1] représentent un autre intérêt pour les capteurs de gaz. Il s’agit d’imiter le système olfactif humain en utilisant un capteur ou bien souvent un ou des réseaux de plusieurs capteurs. C’est un système « intelligent » capable de détecter et d’analyser des compositions gazeuses plus ou moins complexes et variées. Les intérêts sont multiples surtout en agro-alimentaire pour l’identification de la composition d’un produit alimentaire, cosmétique,… ou encore pour le contrôle de la qualité des aliments (viandes ou poissons). Dans toutes ces applications, les systèmes de capteur utilisés étaient hétérogènes, donc difficilement miniaturisables. La tendance actuelle, compte-tenu des nouvelles applications qui émergent, est de miniaturiser à l’extrême les capteurs et les rendre compatibles avec les systèmes de traitement du signal afin d’obtenir des systèmes totalement intégrés.
Ainsi, parmi ces multiples applications, nous pouvons citer :
– Les industries qui ont besoin de se sécuriser contre les fuites des produits volatiles qu’elles utilisent ou encore contre les incendies.
– Le développement de systèmes de contrôle de procédés.
– Le domaine militaire ou de sécurité intérieure qui s’intéresse particulièrement à la présence ou non de gaz explosifs, d’armes chimiques comme le sarin, ….
– Enfin, le domaine automobile souhaite intégrer ce type de capteurs pour :
o Protéger l’habitacle contre les gaz extérieurs nuisibles (échappement, COV) ou simplement désagréables.
o Contrôler le moteur avec une optimisation du mélange gazeux dans la chambre de combustion.
o Contrôler la qualité des carburants, soumis à des normes de plus en plus restrictives.
Il existe aussi des applications de confort comme le détecteur de mauvaise haleine ou de mauvaise odeur. Les objectifs environnementaux et la lutte contre la pollution, avec la protection de la couche d’ozone et la surveillance de l’émission des gaz à effet de serre représentent les applications les plus visées de nos jours. Les listes des applications (sécurité, contrôle, analyse, confort, …) et domaines d’applications (pharmacie, cosmétique, chimie, pétrochimie, environnement, sécurité, militaire, médical, automobile, domotique, …) sont donc très longues traduisant le grand intérêt pour le développement des capteurs de gaz. Pour satisfaire ces applications, il va exister deux voies différentes :
– Le « détecteur » ; il s’agit de surveiller si la concentration d’un gaz ne dépasse pas un seuil de concentration. Il n’y a pas besoin de beaucoup de précision, ni d’un grand développement de la partie « intelligente » du système.
– L’« analyseur » ; il permet de déterminer avec précision la composition et la concentration des gaz de l’échantillon à analyser.
Conception utilisation et voies de recherche des capteurs de gaz à oxyde métallique
Conception
Comme nous l’avons vu, pour favoriser les phénomènes d’adsorption et les échanges d’électrons entre le gaz et le matériau sensible (oxyde métallique), il est nécessaire de chauffer la surface à des températures élevées (entre 300 et 500°C). Les capteurs de gaz à base d’oxydes métalliques sont donc composés de :
‐ Une couche sensible, constituant la partie qui va interagir avec l’ambiance gazeuse.
‐ Des électrodes pour la mesure électrique de cette couche sensible.
‐ Une partie chauffante pour amener la couche sensible en température. Cette partie doit bien entendu être isolée électriquement des électrodes de mesures.
Electrodes
Les électrodes permettent d’établir un contact électrique avec la couche afin de mesurer sa conductivité (ou sa résistivité). Elles permettent la conduction des charges du matériau vers le circuit qui récupère le signal. Des électrodes sont optimales si elles établissent un bon contact ohmique avec la couche sensible et si elles favorisent le transfert du maximum de charges du matériau vers le circuit. Les paramètres qui entrent en jeu dans leur conception sont le matériau et la géométrie utilisés.
Matériau pour les électrodes
Les matériaux recherchés doivent être de bons conducteurs et rester stables au cours du temps et surtout en fonction de la température de fonctionnement très élevée. L’optimisation du contact électrode/couche sensible au niveau de la réponse (en terme de résistance, capacité, …) entraîne l’utilisation de contacts métalliques [54]. Les choix se portent sur des métaux comme l’Aluminium (Al, simple), l’Or (Au, noble), le Platine (Pt, noble), le Tungstène (W, réfractaire), le Tantale (Ta, noble) ou le Chrome (Cr, noble). Ces électrodes peuvent être une superposition de ces matériaux pour obtenir les caractéristiques visées. Il a été démontré que les électrodes en Platine étaient les mieux adaptées pour un capteur de gaz avec une couche en SnO2 [10], ce qui en fait le matériau le plus utilisé de nos jours. En effet, généralement associé à une « couche d’accroche » en Titane, le Platine voit ses caractéristiques très stables en températures et dans le temps (il ne s’oxyde pas en dessous de 650°C). Il permet également de jouer un effet catalyseur pour certains gaz comme le CO. Par contre, pour la détection de gaz oxydants, il a été montré que l’ajout d’une couche d’or améliorait les performances.
Géométrie des électrodes
La géométrie des électrodes détermine les lignes de courant (les chemins possibles pour les porteurs) dans le matériau. Les paramètres de conception sont la surface, la forme, l’espacement inter-électrode et la position. A partir des études existantes sur la simulation numérique de la forme et de la position des électrodes sur la réponse d’un capteur de gaz [55], nous constatons que la géométrie des électrodes a une influence sur la sensibilité et la sélectivité du capteur. De mauvaises électrodes peuvent faire un mauvais capteur même si le matériau sensible est bien adapté. De même, plus la surface de contact électrode/couche sensible est grande, plus la résistance mesurée est faible. Il existe plusieurs géométries adaptées pour des mesures à 2 électrodes (mesure en 2 points parallèles, perpendiculaires, contacts interdigités, …), des mesures 4 pointes, les lignes à transmission ou encore le micro contact [24, 54].
Elément chauffant (Heater)
L’élément chauffant est d’une grande importance pour nos capteurs. Il va permettre de porter la couche sensible à des hautes températures (400°C, 500°C) ce qui permettra, suivant la nature de la couche, la réaction entre le gaz et la surface. Par exemple, le CO réagit de façon otpimale avec le SnO2 pour des températures entre 200 et 400°C. Pour un gaz différent ou un matériau différent, la température optimale de détection sera différente.
Matériau utilisé
Les principales caractéristiques de la conception de la résistance chauffante sont tout d’abord la possibilité de monter à des températures suffisamment hautes pour l’adsorption des molécules mais aussi leur désorption pour rendre le capteur réversible. Plus la plage de températures sera élevée et plus le nombre d’espèces adsorbées et désorbées sera important. La température maximale de chauffage dépend beaucoup du matériau utilisé.
Il existe le poly silicium, facile à intégrer, avec une valeur de résistance ajustable par dopage, mais ses propriétés dérivent à long terme. Sa valeur de résistance se modifie petit à petit et la température fournie par l’élément chauffant diffère avec le temps [59]. Pour le faire fonctionner dans des conditions de températures identiques, il faut alors compenser ces défauts par un étalonnage régulier ou encore faire une régulation en Puissance, ce qui accélère dans les deux cas le vieillissement de la résistance chauffante. Par ailleurs, les capteurs en polysilicium ont une température limite de fonctionnement de 450°C. L’utilisation de métaux comme le platine (ou Mo, Ti, Cr, TiN, …) permet d’atteindre des températures beaucoup plus élevées (600°C ou plus) et offre une meilleure stabilité des performances (moins de dérive dans le temps).
Géométrie utilisée
L’homogénéité de la température est très importante. En effet il est préférable que la couche sensible soit chauffée uniformément. Les points chauds sont à éviter afin d’uniformiser les réactions de surface. En effet, des écarts de température importants donnent la possibilité d’avoir beaucoup d’espèces différentes tout le long de la surface et de plus d’augmenter la possibilité de réactions différentes. Un travail sur la forme de la résistance chauffante permet de minimiser ces problèmes [60].
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Table des matières
INTRODUCTION
Chapitre I : Cadre de l’étude
I Généralités
I.1.Les capteurs chimiques
I.2.Connaissances de l’interaction gaz/oxyde métallique
II Conception utilisation et voies de recherche des capteurs de gaz à oxyde métallique
II.1.Conception
II.2.Utilisation
II.3.Voies de recherche autour des capteurs de gaz à base d’oxyde métallique
III Problématique de l’étude
III.1.Le capteur utilisé
III.2.Problématique
Conclusions du Chapitre I
BIBLIOGRAPHIE
Chapitre II : Caractérisation
I Mise en place d’un nouveau banc de test
I.1.Rappels sur les besoins existants
I.2.Mise en place du banc de test
II Protocole de mesure
II.1.Etude isotherme
II.2.Transition entre mode isotherme et mode dynamique
II.3.Choix d’un profil dynamique pour les capteurs du LAAS
III Caractérisation des capteurs avec le profil optimisé
III.1.Temps de stabilisation et de recouvrement
III.2.Reproductibilité sous gaz « à moyen terme »
III.3.Comparaison des performances en fonction de la morphologie des couches sensibles
Conclusions du Chapitre II
BIBLIOGRAPHIE
Chapitre III : Modélisation physique
I. Présentation de la méthode
II. Calculs ab‐initio
II.1. Définition de la surface
II.2. Les réactions chimiques et les énergies d’activation du modèle
II.3. Les transferts de charges
II.4. Conclusions sur les calculs ab‐initio
III.Cinétique de réaction
III.1. Les constantes de vitesse
III.2. L’écriture des équations différentielles de cinétique
IV.Utilisation du modèle
IV.1.Initialisation des variables du modèle
IV.2.Cinétique d’un capteur de gaz à température constante
IV.3.Comparaisons avec des résultats expérimentaux
V. Perspectives de notre modèle physique
V.1. Amélioration du modèle
V.2. Vers un modèle comportemental
Conclusions du Chapitre III
BIBLIOGRAPHIE
Chapitre IV : Modélisation comportementale
I. Interpolation des courbes de réponse
I.1. Modèles mathématiques
I.2. Modèle fractionnaire
II. Utilisation d’un système décisionnel
II.1. Généralités
II.2. Définition du descripteur
II.3. Analyse factorielle Discriminante
Conclusions du Chapitre IV
BIBLIOGRAPHIE
CONCLUSION
ANNEXES