Conception et réalisation d’un bio-microsystème basé sur la diélectrophorèse

Antigènes tumoraux ?

   Dans l’annexe II, nous avons vu que la cellule cancéreuse se distingue d’une cellule saine par l’apparition de mutations dans son génome. Ces mutations vont donc entraîner un changement dans la synthèse des protéines. Deux phénomènes peuvent alors se produire. Soit, la protéine est mutée, dans ce cas, elle pourra être vue comme un antigène par le système immunitaire. Ce type d’antigène est appelé antigène spécifique de la tumeur (AST). Ces antigènes seront propres à chacun des patients, car ils dépendent des mutations apportées à leur génome. Sinon, la protéine peut être anormalement exprimée, entrainant du coup une présentation antigénique particulière. Ces antigènes sont du soi, et de ce fait ne devraient pas induire de réaction immunitaire. Pourtant, dans certains cas, ces antigènes n’ont aucun rapport avec la cellule dont est issue la tumeur. On peut ainsi retrouver des antigènes testiculaires ou embryonnaires. C’est l’expression aberrante de ces antigènes qui permettra d’enclencher une réaction immunitaire. Ces antigènes ne sont donc pas exclusifs à la cellule cancéreuse, c’est pourquoi on les appelle des antigènes associés à la tumeur (AAT). Enfin, pour les tumeurs induites par un virus oncogène (comme papillomavirus), des antigènes viraux pourront être exprimés. Ces antigènes ne sont pas, à proprement dit, des marqueurs tumoraux, mais ils leurs sont fortement liés. Tous ces antigènes sont présentés via le complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de classe I. Cette présentation pourra entrainer une reconnaissance des antigènes par les lymphocytes T (voir Figure I-1).

Échappement des tumeurs à la surveillance du système immunitaire

     Pour échapper au système immunitaire, la cellule cancéreuse va développer plusieurs parades. La première tactique va consister à se cacher. Pour cela, les cellules cancéreuses auront tendance à limiter drastiquement l’expression de leurs antigènes. Si les antigènes ne sont pas présents, l’activation des lymphocytes est impossible. Dans le même esprit, la cellule cancéreuse peut bloquer l’expression de la molécule de classe I du CMH, entrainant les mêmes conséquences que précédemment. Mais en contre partie, elle peut s’exposer à la réaction des cellules NK (Natural Killer) qui détruisent toutes les cellules ne présentant pas ou peu leur CMH de classe I [68]. Pour compliquer encore la lutte antitumorale, les antigènes tumoraux sont principalement du type AAT (Antigène Associé à la Tumeur), donc assimilés à du soi et peu immunogènes [18]. Le problème ne s’arrête pas là. En effet, pour protéger notre corps d’une attaque de notre système immunitaire contre le soi (nous-mêmes), des cellules du système immunitaire se chargent de supprimer toutes les réactions auto-immunes (contre le soi). Ces cellules sont appelées T régulateurs (Treg) [69]. Ainsi, si une réaction immune cible les AAT, elle sera très probablement annihilée par les Treg. Les cellules cancéreuses ne se contentent pas de se dissimuler, elles attaquent aussi directement le système immunitaire en sécrétant des immunosuppresseurs [70]. L’immunosuppresseur le plus retrouvé dans les tumeurs est la protéine VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor). Cette protéine est surtout connue pour son effet angiogénique mais elle inhibe aussi les cellules dendritiques en bloquant leur maturation [71], empêchant ainsi la présentation des antigènes aux lymphocytes T. Le VEGF va aussi recruter des macrophages sur le site tumoral. Cela peut paraître surprenant de recruter des cellules du système immunitaire qui pourraient dans ce cas participer à l’élimination de la tumeur. En fait, la tumeur va utiliser ces macrophages en leur faisant sécréter de puissants immunosuppresseurs comme l’IL-10 ou le TGF-β. Ces immunosuppresseurs vont en plus inhiber les lymphocytes T, en les transformant en Treg [72]. Le piège se referme alors sur le système immunitaire. En conclusion, la cellule tumorale est donc capable de se dissimuler parmi les cellules saines, lui permettant ainsi de se développer paisiblement en une tumeur de plus en plus importante. En même temps qu’elle se développe, elle va secréter des poisons visant à bloquer ou tuer le système immunitaire. Elle va aussi recruter de nombreuses cellules : macrophages, granulocytes, cellules dendritiques… Ce ne sera pas pour les détruire, mais pour les faire combattre contre leur propre camp. De cette façon, la tumeur va créer un microenvironnement propice à son développement grâce à l’angiogénèse, et en parallèle, un territoire entièrement hostile au système immunitaire.

Les essais cliniques ?

     Les hybridomes formés d’une cellule dendritique et d’une cellule cancéreuse ont montré leur intérêt thérapeutique. Quatre ans après ces premières expérimentations, un premier essai clinique est lancé. Il est rare de trouver un principe thérapeutique qui passe aussi rapidement à l’expérimentation clinique. Malheureusement, les essais cliniques basés sur les vaccins constitués d’hybridomes restent décevants pour l’instant. Toutefois, les connaissances engrangées par les différents essais cliniques permettent d’affiner la recherche dans ce domaine. Il y a eu à peu près une dizaine d’essais cliniques à base d’hybridomes résultant de la fusion entre une CD et une cellule cancéreuse. On peut citer quatre essais utilisant le PEG [90-93] et trois essais basés sur l’électrofusion [94-96]. Le protocole suivi est assez similaire. La plupart administrent le vaccin en sous-cutané au plus près d’un ganglion et de la tumeur. Les patients reçoivent environ quatre doses de vaccin avec un mois d’intervalle en moyenne. Lors de ces essais, l’une des principales craintes dans cette thérapie était d’entraîner une réaction auto-immune en favorisant la présentation d’antigènes du soi sur le CMH de classe partielle ou exceptionnellement totale a été observée. Lors des essais cliniques, de nombreuses équipes ont manqué de CDs pour vacciner leurs patients. C’est pourquoi elles se sont tournées vers l’utilisation de CDs allogéniques facilement disponibles chez des donneurs sains. Ce choix n’a en rien changé les conclusions faites précédemment. Pour essayer d’améliorer la réponse antitumorale, les dernières études tendent à ajouter des adjuvants à leurs vaccins en particulier en injectant après celui-ci de l’IL-2. Ceci n’a pas pour autant amélioré le pronostic. Comment expliquer une si faible réponse antitumorale ? Comme rappelé précédemment, la tumeur sait habilement mettre le système immunitaire en défaut en étant peu antigénique et fortement immunosuppressive. Mais ce n’est pas le seul problème, les patients traités dans ces essais cliniques sont aussi très immunodéprimés suite aux multiples radiothérapies et chimiothérapies. D’autre part, une étude a révélé que très peu de CDs (~1%) injectées migrent dans les tissus lymphatiques [97]. Si en plus, l’hybridome est irradié, on peut facilement penser qu’il aura encore plus de mal à migrer. Tous ces éléments peuvent expliquer en partie le faible impact thérapeutique de la vaccination contre la tumeur. Tout au long des différentes expérimentations, les deux techniques de fusion PEG et électrofusion semblent aussi efficaces [98].

Utilisation de la force mécanique

   L’utilisation de la force hydrodynamique repose sur des structures de bases simples. A l’inverse, les microsystèmes basés sur l’emploi de la force mécanique sont plus complexes et font appel par exemple à la microrobotique. Dans ce cas, il s’agit de réaliser une micropince dirigeable de l’extérieur pour manipuler des cellules. Ce concept, n’est pas sans nous rappeler, le rêve de Feynman de fabriquer une micromain outil. Mais sa conception se révèle à bien des égards très difficile. En effet, son élaboration nécessite non pas une seule bonne idée, mais tout un ensemble qui repose sur de nombreux savoirs, dans des domaines aussi variés que la microtechnologie, la chimie ou la physique. Il faut attendre l’année 2000 et les travaux de Jager pour voir apparaitre un mini bras robotisé de seulement 670µm et opérationnel en milieu aqueux [34] (Figure II-7). Celui-ci est constitué d’un microactionneur servant à la fois de micromuscles et de microarticulations. Ces microactionneurs sont formés d’un polymère actif (polypyrrole) et d’une couche d’or. Lorsqu’un champ électrique est appliqué sur les électrodes d’or, le polymère va se déformer à la suite d’une réaction chimique (oxydation ou réduction selon que le potentiel est positif ou négatif). Cette déformation entraînera alors une expansion ou contraction du polymère. La couche d’or n’étant pas déformable, elle va se courber dans un sens ou dans l’autre, suivant les déformations du polymère. La courbure étant dépendante de l’intensité du champ, il est donc possible de contrôler l’amplitude des mouvements induits par ce micromuscle. Le microbras est un assemblage de ces différents microactionneurs reliés entre eux à l’aide d’une structure rigide en BCB (benzocyclobutene). Grâce à ce microbras robotisé, une bille de verre a pu être déplacée sur une distance supérieure à 100 µm et déposée en différents endroits plus ou moins éloignés de la base du bras (voir Figure II-7). Tout aussi spectaculaire, nous pouvons citer la micropince développée par l’équipe de Gracias [37](Figure II-8). L’ensemble est constitué d’un empilement de plusieurs matériaux : chrome, cuivre et nickel. Pour rendre mobiles les phalanges des doigts, une couche de polymère est ajoutée entre les jointures. Ce polymère, sous l’effet de la chaleur ou d’un agent chimique, se dilatera et provoquera la fermeture des doigts. Un des éléments métalliques utilisés est le chrome, or celui-ci est un ferromagnétique, ce qui permet dès lors, l’utilisation d’un champ magnétique pour diriger la micropince à distance. En utilisant ce principe, ils arrivent à l’aide d’un aimant, à déplacer leur micropince en milieu aqueux dans n’importe quelle direction. En combinant les deux techniques (aimant et chauffage) ils parviennent tout d’abord à introduire leur micropince dans un tube à essai (préalablement immergé) contenant des cellules. Puis en chauffant à 40°C, la micropince se referme sur elle-même capturant ainsi tout un amas de cellules. Il ne reste plus qu’à sortir la micropince du tube à essai et la mission de prélèvement est achevée. Ces deux micromains outils, bien que très impressionnantes, restent pour l’instant encore trop grandes pour manipuler efficacement une cellule. De plus, leur manipulation se révèle bien trop fastidieuse pour permettre de placer avec efficacité un très grand nombre de cellules. Néanmoins, nous pouvons espérer que dans un futur proche le développement de ces microrobots nous ouvrira de nouvelles perspectives.

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Table des matières

Introduction générale
I. Chapitre I : L’immunothérapie du cancer
A. Introduction 
B. Cancer et système immunitaire, une histoire compliquée
1. Antigènes tumoraux ?
2. Le système immunitaire contre les tumeurs
3. Échappement des tumeurs à la surveillance du système immunitaire
C. Reprogrammer le système immunitaire pour lutter contre le cancer
1. Stratégie immunitaire pour la lutte antitumorale
2. Les cellules dendritiques : une grande famille
3. La voie in-vivo
4. La voie ex-vivo
5. Considérations sur le choix de la technique pour mener au mieux la présentation des antigènes tumoraux
6. Les essais cliniques ?
7. PEG ou Electrofusion ?
D. Conclusion
II. Chapitre II : Microsystèmes
A. Introduction
B. Intérêts et enjeux des bio-microsystèmes
1. Introduction
2. Un monde microscopique
3. Opportunités de la miniaturisation et de la parallélisation
4. Conclusion
C. Micromanipulation : déplacer et placer des cellules
1. Introduction
2. Utilisation de la microfluidique (forces hydrodynamiques)
3. Utilisation de la force mécanique
4. Utilisation de pince optique
5. Utilisation des Anticorps
a) Fonctionnalisation de surface via des anticorps pour immobiliser des cellules
b) Anticorps greffés à des particules magnétiques
6. Utilisation de l’électroosmose
a) Théorie
b) Pratique
7. Conclusion
D. Micromanipulation de cellules par la force électrique
1. Introduction
2. Comportement d’une cellule soumise à un champ électrique
a) Cas d’un champ électrique continu ou de très basses fréquences (f<1kHz)
b) Cas d’un champ électrique alternatif
c) La force de diélectrophorèse
d) Électrorotation et Diélectrophorèse à onde progressive
3. Rapport de force à l’échelle microscopique
4. Application au déplacement et au placement cellulaire
a) Déplacer des cellules par DEP
b) Placer des cellules par DEP à l’aide d’électrodes interdigitées
c) Placer des cellules à l’aide de réseaux d’électrodes en 3D
d) Placer des cellules via des structures isolantes
5. Conclusion
E. Électrofusion
1. Introduction
2. Une vision simplifié de l’électrofusion
3. Une vision de l’électrofusion un peu plus proche de la réalité
4. Dispositif macroscopique pour l’électrofusion
a) Appareillage et protocole expérimental
b) Choix du milieu d’électrofusion
5. Dispositif microscopique pour l’électrofusion
a) Dispositif à électrodes interdigitées
b) Dispositif à base de structures isolantes
c) Dispositif basé sur la fonctionnalisation de surface par anticorps
d) Dispositif microfluidique
6. Conclusion
F. Microtechnologies pour la microfluidique
1. Introduction
2. Microtechnologie PDMS
3. Micromoulage par injection ou compression
4. Microtechnologie SU-8
5. Conclusion
G. Conclusion
III. Chapitre III, Conception et Réalisation
A. Introduction
B. Conception : une idée, des simulations, un design
1. Introduction
2. Structure Washizu : cas d’école et premières optimisations
a) La structure Washizu
b) Modification des structures isolantes
c) Simulation avec une cellule
d) Parallélisation de la structure
3. Une architecture à trois canaux
4. Électrodes épaisses
5. Interaction sur le flux hydrodynamique
6. Conclusion
C. Fabrication
1. Introduction
2. La salle blanche : univers épuré
3. Les masques
a) Dessin et fabrication
b) Bien utiliser des masques
4. Les électrodes
a) Les électrodes fines
b) Les électrodes épaisses
5. Parois des canaux et isolation des électrodes
6. Collage de substrats souples et durs pour sceller les canaux
a) Collage de film SU-8 (Soft bonding)
b) Collage de substrats durs (hard bonding)
7. Connectique et tests hydrauliques
8. Conclusion
D. Conclusion
IV. Chapitre IV, Expérimentation biologique
A. Introduction
B. Matériels et Méthodes
1. Introduction
2. Cellules et milieu
3. Microsystèmes
4. Électronique et microscope
5. Conclusion
C. Résultats expérimentaux sur la diélectrophorèse
1. Introduction
2. Placement des cellules par DEP
3. Étude du comportement diélectrophorétique des cellules
4. Étude de la variation de la largeur des parois centrales sur la force de DEP
5. Conclusion
D. Résultats expérimentaux sur l’électrofusion
1. Introduction
2. L’électroperméabilisation
3. L’électrofusion
4. Amplitude des impulsions et électrofusion
5. Étude de la fluorescence durant l’électrofusion
6. Conclusion
E. Tests microfluidique et observations
1. Introduction
2. Diélectrophorèse et microfluidique
3. Observation de la fluorescence dans les canaux
F. Conclusion
V. Conclusion générale
VI. Annexe I, Le Système Immunitaire
A. Introduction
B. Stratégies de défense
C. Immunité acquise ou naturelle 
D. Immunité adaptative 
E. La réaction immunitaire 
1. La médiation humorale : Lymphocyte B
2. La médiation cellulaire : Lymphocyte T
F. Conclusion
VII. Annexe II, Le cancer ou les cancers
A. Introduction
B. Courte histoire du cancer
C. Le cancer, une maladie génétique
1. Du gène au cancer
2. Gènes suppresseurs de tumeur et proto-oncogènes
3. De la perte d’un gène à la métastase : le Cancer colorectal
4. La cause de la cause
D. Etudes épidémiologiques
1. Grandes études épidémiologique et nouvelle législation européenne
2. Étude de la mortalité par cancer
3. Tabac et cancer
4. Facteurs de risque et décès par cancer
E. Dépister, trouver, diagnostiquer
1. Trouver ?
2. L’imagerie médicale
3. Diagnostiquer pour mieux guérir
4. Dépister
F. Guérir ou vivre dans de bonnes conditions avec son cancer
1. La chirurgie
2. La radiothérapie
3. La chimiothérapie
4. Nouvelles molécules, grands espoirs, mais localisés
G. Conclusion
VIII. Annexe III, Projet Aiguilles
IX. Bibliographie

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