La fiabilité des structures, la sécurité des installations et la qualité des produits constituent des enjeux importants dans de nombreux secteurs industriels, par exemple l’aéronautique ou le nucléaire. La détection d’un composant défectueux ou susceptible de le devenir lors de sa fabrication ou pendant des inspections en service est cruciale. Les industries subissent aujourd’hui une forte pression pour renforcer la fiabilité et la sécurité de leurs produits, tout en améliorant leur rentabilité et productivité. Pour relever ce défi, la technique de contrôle non destructif (CND) qui regroupe des procédés aptes à fournir des informations sur la santé d’une pièce est indispensable. Parmi les techniques existantes, le contrôle par courants de Foucault (CF) occupe une place importante. Cette méthode consiste à exciter la pièce à inspecter avec un champ électromagnétique et à recueillir avec un capteur la réponse du milieu à cette excitation.
Le contrôle industriel nécessite aujourd’hui de détecter de défauts de plus en plus petits et de plus en plus profonds dans la matière, tout en diminuant le temps de contrôle afin d’améliorer la fiabilité des inspections. En CND par CF, la détection utilisée actuellement est majoritairement inductive sous forme d’un bobinage. Néanmoins cette technologie présente des limites de performance dans les basses fréquences d’excitation. Dans ce contexte et afin de repousser les limites actuelles du CND par CF, de nouvelles technologies de capteurs de champ magnétique sont investiguées pour être adaptées aux contraintes du CND. Ces technologies de type magnéto-résistance ou magnéto-impédance, issues de filières de fabrication collective, présentent une haute sensibilité et résolution spatiale et laissent envisager des perspectives intéressantes en termes de performances de détection et de réalisation multi-éléments. Avec ces technologies, des fissures plus petites et/ou situées dans des zones difficiles d’accès pour le contrôle pourront être détectées.
Etat de l’art de la technique de contrôle non destructif et des capteurs à effet de magnéto-impédance
La capacité à détecter des petits défauts dans les matériaux métalliques en utilisant la technique de contrôle non destructif (CND) implique une haute résolution spatiale et une grande sensibilité des capteurs à employer. A cet effet, nous avons réalisé une étude et un développement de capteurs basés sur le phénomène physique de magnéto-impédance (MI) dédiés à cette application. Dans ce chapitre, nous présenterons tout d’abord les techniques de CND, notamment par courants de Foucault puis les différents types de capteur magnétique en comparant leurs caractéristiques techniques. Par la suite, nous décrivons le principe physique impliqué dans le fonctionnement de capteur MI. Un état de l’art sera présenté sur les recherches relatives à ce sujet effectuées en France et à l’international. Enfin nous analyserons les facteurs permettant d’optimiser l’effet de MI, c’est-à-dire, la géométrie des capteurs, le traitement thermique des couches magnétiques, l’anisotropie et les effets magnétostrictifs.
Contrôle non destructif par courants de Foucault
Les industries subissent aujourd’hui une forte pression pour renforcer la fiabilité et la sécurité des produits, tout en améliorant leur rentabilité et la productivité. Ainsi le contrôle non destructif (CND) est une nécessité dans tous les secteurs où la sécurité et la qualité des produits sont primordiales : aéronautique, nucléaire, construction automobile, domaine ferroviaire, installations de raffinerie…
Le CND et techniques employées
Le contrôle non destructif est un ensemble de techniques qui permettent de caractériser l’état d’une pièce ou d’un matériau sans les dégrader, les modifier ou les détruire pendant la production ou l’utilisation. Dans le cadre de cette étude, cela consiste à contrôler une pièce industrielle pour détecter la présence de défauts pouvant remettre en question la conformité de la pièce à la fonction qui lui est dévolue. Ces défauts peuvent être, par exemple, des fissures, des porosités, des inclusions ou de la fatigue mécanique etc. Il existe plusieurs techniques pour le CND (ultrasons, courants de Foucault, rayonnements ionisants etc.) .
Configuration de test CND par courants de Foucault
La technique du CND par courants de Foucault implique l’induction de courants de Foucault dans le matériau conducteur à inspecter par l’application d’un champ magnétique alternatif et la mesure simultanée de la déformation du champ magnétique liée à la présence de défauts dans la pièce contrôlée. La profondeur d’analyse dépend de la fréquence des courants, par l’intermédiaire de l’épaisseur de peau dans la pièce à contrôler (de l’ordre de 100 kHz à 1 MHz pour les défauts surfaciques et de 100 Hz à 10 kHz pour les défauts enterrés).
Le principe des courants de Foucault nécessite l’emploi de deux fonctions : l’excitation (émetteur) et la réception (récepteur). L’ensemble de ces deux fonctions constitue la sonde. Elle peut être à fonction double (le même dispositif, généralement une seule bobine, réalise les deux fonctions) ou à fonctions séparées (deux dispositifs assurent séparément les deux fonctions). Pour la sonde à fonctions séparées, l’émetteur, typiquement une bobine, génère un champ électromagnétique pénétrant à l’intérieur de la pièce contrôlée en créant des courants induits (courants de Foucault) au sein de cette pièce à l’image des spires. Ils engendrent à leur tour un champ magnétique de réaction qui s’oppose au champ d’excitation. Ce champ présente une déformation en présence de défauts dans la pièce contrôlée, ce qui est détectée par le récepteur.
La technique de CND par courants de Foucault connaît aujourd’hui une profonde mutation pour répondre aux industries très demandeuses d’un accroissement des performances des contrôles. L’enjeu réside dans la détection de défauts de plus en plus petits (< 100 µm) et de plus en plus profonds (enterrés sous plusieurs mm), tout en diminuant le temps de contrôle afin d’améliorer la rentabilité des inspections. Typiquement, des bobines sont utilisées pour la détection. Elles ne sont cependant pas adaptées à la détection de défauts profonds, car les fréquences d’inspection doivent être faibles (du fait de l’effet de peau) et le champ à détecter extrêmement faible (de 10 nT à 1 µT). Les bobines présentent deslimites de performances du fait de la diminution de leur sensibilité avec la fréquence d’excitation et la taille du bobinage. Elles sont par ailleurs majoritairement mono élément, ce qui impose des inspections coûteuses en temps liées au balayage de la surface de la pièce contrôlée. Par conséquent, de nouvelles technologies de capteurs innovants de champ magnétique (capteurs de magnétorésistance géante (GMR), à magnétorésistance tunnel (TMR) et à l’effet de magnéto-impédance (MI)) sont investiguées. Ces technologies, présentent une haute sensibilité et une grande résolution spatiale, et offrent des perspectives intéressantes en termes de performances en détection et de réalisation multiéléments grâce à la fabrication collective. Ces dispositifs permettront de repousser les limites actuelles du CND par courants de Foucault. Ainsi des fissures plus petites et/ou situées dans des zones difficiles d’accès pour le contrôle pourront être détectées.
Capteurs magnétiques
Le récepteur de la sonde à mesurer un champ magnétique alternatif le plus commun est des capteurs magnétiques. Une grande gamme de capteurs magnétiques est maintenant disponible sur le marché. Leurs applications sont très variables non seulement en fonction de leur coût mais dépendant aussi de leur sensibilité, résolution, plage de mesure … Nous présentons ici quelques exemples de capteurs magnétiques pour comparer leurs caractéristiques principales.
➤ Capteur à effet Hall : L’effet de Hall concerne l’apparition d’une différence de potentiel aux bornes d’un matériau conducteur ou semi-conducteur lorsqu’un courant traverse ce matériau et qu’un champ magnétique est appliqué perpendiculairement. Cette tension est proportionnelle au champ d’induction magnétique. A cet effet, le capteur à effet de Hall permet de détecter le champ magnétique en mesurant la tension créée dansle matériau [POPO 04].
➤ Capteur inductif : Le capteur inductif permet de détecter un champ magnétique par la mesure d’une différence de potentiel aux bornes d’un bobinage, générée par la variation de flux magnétique grâce au phénomène d’induction par la loi de Lenz Faraday [PERE 01]. Il est largement utilisé, du fait de son faible coût et de la simplicité de mise en œuvre.
➤ Capteur à magnétorésistance anisotrope (AMR) : La magnétorésistance anisotrope est caractéristique d’un film ferromagnétique mono-domaine (à anisotropie uniaxiale) très mince (quelques dizaines de nm) déposé sur un matériau conducteur. Cela permet de détecter un champ magnétique orienté dans le plan grâce à la variation de la résistance du matériau avec l’angle entre l’aimantation et le champ appliqué [TUMA 01].
➤ Capteur à magnétorésistance géante (GMR) : La magnétorésistance géante a été découverte à la fin des années 80 par les deux récents prix Nobel A. Fert et P. Grünberg [BAIB 88, GRUN 86]. Elle est observée dans des structures multicouches constituées d’un matériau conducteur entre deux couches ferromagnétiques avec des aimantations antiparallèles, une couche piégée dont l’aimantation a une direction fixe et une couche libre dont l’aimantation peut fluctuer. Cet effet présente une forte variation de la résistance lorsque la configuration des deux aimantations est modifiée (les aimantations dans les deux couches ferromagnétiques s’alignent) par l’application d’un champ magnétique. Les capteurs à GMR sont largement utilisés dans le domaine de l’enregistrement magnétique (ex. tête de lecture de disque dur).
➤ Capteur « fluxgate » : Le capteur de type « fluxgate » est constitué d’un noyau magnétique avec deux bobinages montés sur ce noyau [RIPK 03]. Le premier bobinage est alimenté par un courant alternatif permettant de saturer périodiquement le matériau. Lorsqu’un champ magnétique externe s’ajoute à ce champ d’excitation, la saturation d’aimantation n’est plus symétrique et la tension induite est déformée et mesurée par le deuxième bobinage.
➤ SQUID : Le SQUID (Superconducting Quantum Interference Device) est le capteur le plus sensible pour la mesure de champ magnétique mais les conditions d’utilisation sont sévères [KLEI 04]. Ce capteur utilise des composants supraconducteurs à température cryogénique (quelques K). Un SQUID est constitué de deux branches formant un anneau supraconducteur, comprenant chacune une mince barrière isolante (jonction Josephson). La tension mesurée aux bornes des branches est fonction du flux magnétique traversant l’anneau et qui doit être détecté.
➤ GMI : Le capteur à l’effet de magnéto-impédance géante (GMI) permet de mesurer des champs magnétiques faibles sur une large bande passante. Il a pour origine d’une variation de l’épaisseur de peau dans le matériau avec un champ magnétique appliqué tandis que le matériau est excité par un courant alternatif à haute fréquence, ce qui entraine une variation de l’impédance du capteur.
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1: Etat de l’art de la technique de contrôle non destructif et des capteurs à effet de magnéto-impédance
1.1 Introduction
1.2 Contrôle non destructif par courants de Foucault
1.2.1 Le CND et techniques employées
1.2.2 Configuration de test CND par courants de Foucault
1.3 Capteurs magnétiques
1.4 Capteur basé sur l’effet de magnéto-impédance
1.4.1 Introduction à l’effet de magnéto-impédance
1.4.2 Structure d’un capteur à magnéto-impédance
1.5 Etude historique de la magnéto-impédance
1.6 Paramètres importants pour la magnéto-impédance
1.6.1 Influence du traitement thermique
1.6.2 Influence de l’anisotropie induite
1.6.3 Influence de la géométrie de la couche magnétique
1.6.4 Influence de la couche conductrice pour une structure tri-couche
1.6.5 Influence de magnétostriction
1.7 Conclusion
Chapitre 2: Développement technologique de micro-capteurs à magnéto-impédance par pulvérisation/lift-off
2.1 Introduction
2.2 Développement du dépôt par la pulvérisation cathodique
2.2.1 Principe de la pulvérisation cathodique
2.2.2 Optimisation des conditions du dépôt de Finemet
2.3 Pulvérisation cathodique et lift-off bicouche
2.4 Influence du traitement thermique
2.5 Procédé de fabrication par lift-off bicouche
2.6 Caractérisation dimensionnelle du micro-capteur
2.7 Conclusion
Chapitre 3: Caractérisation électrique des micro-capteurs à magnéto-impédance
3.1 Introduction
3.2 Mesure d’impédance en champ continu (mode DC)
3.2.1 Utilisation d’un circuit résonant
3.2.2 Méthode de mesure de l’impédance du capteur MI en champ magnétique continu
3.2.3 Influence du recuit et de la géométrie sur les performances des capteurs MI réalisés
3.3 Caractérisation du capteur MI en champ magnétique alternatif (mode AC)
3.3.1 Méthode de mesure en champ alternatif
3.3.2 Sensibilité du capteur en champ alternatif
3.3.3 Linéarité du capteur
3.3.4 Directivité du capteur
3.4 Caractérisation de la bande passante du capteur MI
3.5 Conclusion
Chapitre 4: Fabrication et intégration de microsolénoïdes 3D pour les capteurs à magnéto-impédance
4.1 Introduction
4.2 Procédé global d’un capteur MI bobiné
4.3 Travaux relatifs à la fabrication de microsolénoïdes
4.4 Conception et réalisation de microsolénoïdes 3D
4.4.1 Conception et dimensionnement du microsolénoïde
4.4.2 Elaboration d’un moule en résine épaisse
4.4.3 Croissance électrolytique de cuivre
4.4.4 Procédé de fabrication d’un microsolénoïde en 3D
4.5 Elaboration du capteur MI sur substrat à adhérence contrôlée
4.5.1 Couche fluorocarbonée
4.5.2 Influence de traitement thermique sur la couche fluorocarbonée
4.5.3 Influence de traitement par plasma sur la couche fluorocarbonée
4.5.4 Couche de carbone
4.6 Assemblage des substrats et libération
4.7 Conclusion
Conclusion