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Cas des insectes ravageurs
Les plus grands ravageurs parmi les espèces d’insectes, sont les coléoptères, les lépidoptères et les acariens.
Les insectes ravageurs, sont en général classés en deux groupes : le premier groupe, celui des ravageurs primaires, qui englobe les insectes pouvant détériorer le grain sain ; le deuxième groupe, celui des ravageurs secondaires qui ne peuvent atteindre le grain que lorsqu’il est déjà cassé ou percé, suite à une dégradation due au processus de stockage ou à une attaque des ravageurs primaires, leur ouvrant alors une porte d’accès [39]. Ainsi, les ravageurs primaires comme les charançons (du grain et du riz) et le capucin, en plus de leur propre consommation de céréales, donnent accès aux ravageurs secondaires comme le tribolium, afin d’accentuer la détérioration [40], [41].
En France, le charançon est l’insecte le plus présent et causant le plus de dégâts.
Le développement des insectes
Le charançon est un insecte faisant partie de la famille des curculionidés [42]. Son rostre plus ou moins prononcé, (trois fois plus long que la tête) le rend aisément reconnaissable. Comme la plupart des insectes, il est de très petite taille. L’adulte mesure (rostre compris) de 2,5 à 4,5 mm et est d’une couleur marron foncé à noirâtre. La larve est longue de 2,5 à 3 mm, de couleur blanche, de forme subcirculaire. Les larves se développent à l’intérieur de la graine. La femelle a une fécondité de 300 œufs et une longévité de six à sept mois [41]. A l’aide de son rostre, quelques jours après l’accouplement et pendant quatre mois, la femelle fore un trou dans le grain, y dépose un œuf puis rebouche le trou par du mucilage (bouchon gélatineux) qui durcira à l’air. Dès qu’elle apparaît, la larve creuse au travers du grain une galerie qu’elle va élargir au fur et à mesure de sa croissance. Elle se transformera ensuite en nymphe dans la loge qu’elle aura créée, puis deviendra après une dernière mue, un adulte qui sortira alors du grain pour se reproduire (voir Figure 8). Au cours de ce développement qui est totalement invisible, une bonne partie du grain aura été consommée et ce n’est qu’au moment de l’émergence de l’adulte que le dégât devient visible [35], [41]. Il restera alors un grain vidé, présentant le trou de sortie de l’adulte et contenant les déjections du développement larvaire (voir Figure 9)
Les dégâts causés par les insectes
Les céréales ne sont en général récoltées qu’une seule fois dans l’année, leur stockage pour des périodes plus ou moins importantes étant une étape essentielle afin d’assurer leur disponibilité sur le marché. Les insectes afin de survivre, nous disputent les récoltes conservées et font des dégâts très importants dans les denrées entreposées.
La moisson du grain est en général faite en été. Avant d’arriver dans les grands locaux de stockages, le grain, peut être provisoirement stocké dans les fermes puis mis en ensilage. Le grain peut être déjà infecté au champ et, par manque de précautions, de moyens de surveillance ou par manque de compétences et de connaissances, il peut être mal conservé en ferme, favorisant ainsi sa de nouvelles contaminations par les insectes ravageurs. Une fois dans les grands entrepôts, en fonction des conditions climatiques en règle générale favorables au développement des insectes, les larves ou même les insectes adultes, initialement présents dans le grain, vont progressivement se développer, se multiplier et infester tout le stock : ils infligent alors leurs dégâts sur les produits stockés, principalement par leur propre consommation. Certaines espèces se nourrissent de l’endosperme, causant une perte de poids et de qualité, tandis que d’autres espèces se nourrissent du germe, ce qui entraîne une perte germinative dans le produit stocké. Ainsi, en raison des dommages causés par les insectes, les grains perdent de leur valeur dans le marché. Ces ravageurs de stockage sont en mesure de s’accroître considérablement, en nombre dans un temps relativement court. À un stade précoce de développement, la croissance de la population suit une loi « exponentielle » (Figure 10), où la croissance du nombre d’insectes à un instant donné est bien décrite par l’équation : = 0
Où :
₋ représente le nombre d’insectes à l’instant t ;
₋ 0 est le nombre d’insectes initialement présents dans le stock ;
₋ r est la portée (progéniture) de l’insecte.
Il a été montré dans la littérature qu’un couple d’insectes peut avoir une progéniture de 190 000 insectes sur une durée de six mois [43].
En plus de la consommation du produit stocké, les insectes ravageurs contaminent le grain par leurs cadavres et leur propre existence dans le produit, ce qui n’est commercialement pas acceptable. Les dommages causés par les insectes nuisibles, entraînent l’apparition et de développement de moisissures produisant à leur tour des mycotoxines dangereuses pour la santé humaine et animale. La présence conjointe d’insectes et de moisissures augmente de manière significative la température du grain provoquant des points chauds, stimulant ainsi la détérioration des semences.
Aux prémices de l’agriculture, les hommes ont subis les ravages engendrés par ses nuisibles sans chercher à les contrôler mais ont progressivement appris à protéger leurs cultures contre les ravageurs en utilisant différentes approches basées sur des phénomènes mécaniques, physiques, biologiques ou culturaux. Actuellement, face aux agressions et ravages que nous venons de décrire, les agriculteurs et les scientifiques sont associés dans la recherche de nouvelles méthodes et outils afin de mieux préserver leurs récoltes.
Les différentes approches de la lutte contre les insectes
La lutte physique
La lutte physique contre les insectes ravageurs a commencé simplement par le ramassage des insectes à la main afin de les écraser. Les nouvelles techniques physiques et mécaniques impliquent une participation humaine directe ou indirecte et leur degré de complexité varie du simple ramassage à la main, à l’utilisation de systèmes plus sophistiqués. Dans certaines situations, la technique la plus simple peut s’avérer la plus efficace.
Le séchage
Comme nous l’avons vu précédemment, l’un des facteurs physiologiques le plus critique dans le bon stockage des grains, est l’hygrométrie du produit stocké. Une hygrométrie élevée favorise l’auto-réchauffement du grain et le développement de différents parasites. Les nouvelles récoltes ont souvent une teneur en eau légèrement élevée, qui nécessite une opération de séchage. Plusieurs méthodes de séchage des grains existent, allant du simple séchage sous le soleil [44] aux systèmes avancés de séchoir à flux continu [45]–[47].
Le piégeage
Le piégeage est une technique très répandue : elle est surtout utilisée pour le dépistage d’infestations des entrepôts de grain mais aussi pour réduire les populations d’insectes. Cette technique se révèle plus efficace pour lutter contre les insectes volants. Il existe de multiples types de pièges à insectes qui sont disponibles sur le marché, afin de répondre aux besoins selon la quantité de grain entreposé et l’espèce à surveiller.
Les Pièges passifs
Ils existent sous deux formes ; sous forme tubulaire muni d’une extrémité pointue pour faciliter son insertion dans le grain, composé en général de trois parties et d’un tube principal, le piège à insectes, doté de perforations équidistantes de 2 mm, dans le but d’entraîner la chute des insectes, qui une fois piégés, sont dans l’incapacité d’en réchapper (Figure 11). Cela, est dû à la forme conique détachable du récipient qui constitue la dernière partie du piège. Les pièges doivent être retirés du tas de grains et inspectés de façon régulière dans le but de déterminer le nombre et le type exact d’insectes capturés. L’efficacité de ce genre de pièges, réside dans le fait que les insectes préfèrent les endroits les plus aérés [48]. Le piège est enfoncé verticalement dans le tas de grains jusqu’à ce qu’il ne reste que la partie supérieure en dehors du grain. Sur ce même principe et sous forme conique, les pièges coniques sont aussi utilisés pour la capture des insectes actifs sur la surface du grain.
Les pièges attractifs (phéromones sexuels, attractifs alimentaires)
Sont des pièges tubes qui utilisent un attractif naturel ou de synthèse [49] pour piéger les insectes. L’attractif est généralement imprégné ou enfermé dans un leurre en caoutchouc ou en plastique (polymère) qui libère lentement les composants actifs sur une période de plusieurs jours, voire plusieurs semaines.
Il existe des pièges-sondes développés par [50] qui possèdent une fonction de détection et de comptage. Cette sonde, appelée EGPIC (Piège Electrique Conteur d’Insecte de Grain) [51], utilise une barrière infrarouge intégrée : lorsque le faisceau infrarouge est traversé par un insecte lors de sa chute, il se produit une coupure du faisceau qui est interprétée comme l’enregistrement d’un nouvel insecte piégé. Ces pièges sont disponibles dans le commerce (Treite Inc., Salinds, CA, USA), et sont couramment utilisés pour détecter les insectes adultes dans le grain entreposé [52]. Les Pièges-tubes sont aussi utilisés dans l’évaluation de l’efficacité de la lutte contre les insectes. Cela nécessite d’estimer leur densité à différents niveaux de profondeur des céréales. Pour ce faire, [53] ont élaboré une version empilée de piège-tubes mais cette méthode d’évaluation demande un travail intensif pour peu de données en sortie et ne peut être envisagée que sur des installations adaptées, faciles d’accès.
L’entonnoir de Berles
C’est une technique communément connue au Canada dans le domaine du stockage des céréales. Elle est utilisée par la Commission canadienne des grains et les organismes stockeurs afin de déceler d’éventuelles infestations des grains entreposés [54]. Cette technique s’appuie sur le fait que les insectes ne supportent par les hautes températures et fuient les zones chaudes pour des zones moins chaudes. Une ampoule de 60 watts entourée d’un écran réfléchissant chauffe l’échantillon à analyser. Les insectes se déplacent vers la partie basse, moins chaude, où un récipient se trouvant juste en-dessous d’un entonnoir, sert de collecteur d’insectes [54]. Malgré la lenteur de cette méthode qui nécessite 5-6 h pour capturer tous les insectes adultes et vivants, elle présente un taux d’efficacité allant de 49 à 79 % [55]. Cette variation dans l’efficacité dépend de la taille de l’échantillon analysé et également de l’humidité du grain. La technique de l’entonnoir de Berles n’est pas adaptée à la détection de formes cachées d’infestation [56].
Le piégeage des insectes est une méthode qui a fait ses preuves : il détecte les premiers insectes ce qui détermine le lancement relativement précoce des actions de protections. Les données de piégeage orientent et aident le fermier ou le gestionnaire du silo, à définir les actions les plus adaptées à la bonne gestion des stocks [52].
L’aération
Il ne faut pas confondre aération et séchage du grain. Pour le séchage, l’air est propulsé à travers le grain afin de diminuer la teneur en eau. Le séchage utilise des débits d’air plus élevés que ceux utilisés pour l’aération. Le séchage des céréales se fait à l’aide d’air réchauffé et est souvent effectué, par déplacement du grain à travers un séchoir à grain. Le séchage naturel à l’air libre, pratiqué sans aucune source de chaleur autre que l’énergie solaire, n’est utilisé qu’avec un système de ventilation pour aérer le grain rapidement. Les systèmes conçus pour la seule aération ne sont pas efficaces pour le séchage du grain [57].
L’aération est utilisée pour abaisser la température du stock après récolte. Bien qu’elle nécessite toute une installation, la ventilation est devenue la méthode la moins onéreuse pour lutter contre les insectes [57]. Ghaly [58] rapporte que, suite à une campagne de test menée en Australie sur deux silos de 54 tonnes, de grosses quantités de blé ont pu être stockées pendant 18 mois, uniquement à l’aide de ventilation sans aucun traitement chimique, tout en préservant les qualités physiques et biologiques des grains. Fleurat-Lessard rapporte également [59] que la ventilation peut être considérée à la fois comme une technique efficace de lutte contre la prolifération des insectes mais aussi comme une technique de désinfestation si les conditions météorologiques sont favorables pendant l’hiver. L’expérimentation menée en France durant près de trois mois, a notamment révélé que le charançon de blé est tué si la température est maintenue en-dessous de 7°C. Ce résultat peut être étendu aux autres espèces, comme le charançon de riz mais à une température ne dépassant pas les 10 °C [59].
La température
Depuis longtemps, le froid ainsi que la chaleur ont été utilisés pour la protection des produits stockés contre la dégradation provoquée par les processus physiologiques, les maladies et les insectes. Ils sont également utilisés pour la désinfestation. Pour la lutte contre les insectes ravageurs, les hautes températures comme les basses températures peuvent être efficaces. Le temps d’exposition, la fréquence de changement de la température et le degré de la température sont des facteurs à prendre en compte lorsque l’on cherche à détruire des insectes [60].
Comme pour tout organisme vivant, on distingue trois niveaux de température : une zone optimale où l’espèce se développe avec un taux de croissance élevé, une zone sous-optimale, où la température permet encore à l’espèce d’accomplir son cycle de vie et une zone létale, où la température est au-dessus ou en-dessous de la zone sous-optimale ce qui empêche la survie de l’espèce [61].
La durée d’exposition nécessaire pour neutraliser les insectes diffère entre le traitement à haute et à basse température des lots de grains infestés. Les températures basses nécessitent généralement un temps d’exposition plus important que les températures élevées [61]. Pour la plupart des insectes, quel que soit leur stade de vie (œuf – adulte), une exposition à une température comprise entre 50 à 60 °C durant quelques minutes est suffisante pour les éliminer. Pour obtenir le même résultat à une température de 0 °C, il faut maintenir le grain exposé pendant quelques jours. En revanche, pour une température comprise entre -16 et -22 °C, un temps d’exposition du grain de moins d’une heure est suffisant pour une élimination totale des insectes [61].
Ces principes d’actions curatives thermiques utilisent une ventilation par air chaud ou par air froid ou des systèmes de lit fluidisé [62], [63]. Des tentatives utilisant le rayonnement électromagnétique existent afin de réchauffer le grain dans des systèmes à rayonnement infrarouge [62] ou dans des systèmes à base d’ondes radios à hautes fréquences [64].
L’irradiation
Les rayonnements les plus utilisés pour irradier et stériliser les céréales sont les rayons gamma et rayons X. L’irradiation provoque des dommages dans l’organisme pénétré par les effets ionisants : rupture des liaisons chimiques et endommagement de la cellule [65]. En cas d’exposition à de fortes doses d’irradiation, ces mécanismes provoquent la destruction de l’organisme. Pour le rayonnement gamma [66], différents travaux ont montré que l’éradication des insectes dans des céréales stockés demande un dosage assez fort (> 200 Gy) et un temps d’exposition très long, de quelques semaines [67]. Une élimination immédiate des insectes ravageurs peut être mise en application par une radiation de l’ordre de 1-3 KGy. Des doses plus faibles de rayonnement ne causent pas la mort immédiate des insectes adultes, en revanche, elles peuvent empêcher l’augmentation des populations de ravageurs dont les conséquences sont les effets létaux sur les stades immatures et la stérilisation des insectes adultes [66]–[68]. Etant donné que l’insecte dans le stade adulte consomme moins de nourriture que dans le stade de maturation, la stérilisation des insectes par irradiation semble de ce fait, être une technique intéressante afin de palier à leur prolifération. Cette technique empêche les insectes adultes d’y déposer leur progéniture, limitant ainsi les dégâts dans les entrepôts destinés au stockage sur le long terme [65].
Le son
Les insectes produisent des bruits dans le tas de grain au moment où ils se déplacent dans la masse ou grignotent les céréales. Ces bruits générés, peuvent servir comme moyen d’avertissement de leur présence dans les entrepôts. Plusieurs recherches ont été menées depuis la deuxième moitié du XXème siècle afin d’étudier et de détecter ces bruits, par contre il n’y a que peu de recherches qui s’intéressent à la lutte contre des ravageurs par le son. Mullen en 1975 [69] a montré que l’exposition des insectes aux infrasons (10 Hz à 90-120 dB) réduit considérablement (> 20%) le taux de développement de ces espèces. Les ultrasons ont également été explorés, notamment par Harvey et Loomis en 1929, qui ont montré leur effet létal sur les microorganismes [70], notamment les insectes. Pradzynska en 1982 a montré qu’une exposition des insectes pendant une durée de 5 minutes à un son de fréquence 1 MHz à 14,5 W/cm2 tue le charançon de blé à tous les stades de développement à une température de 26 ° C dans le blé [71].
Le contrôle de l’atmosphère
Jusqu’au XIX siècle, les silos souterrains constituaient le moyen le plus répandu pour le stockage des céréales en vrac à travers le monde. Dans son article sur l’histoire des entrepôts souterrains [72], François SIGAUT précise que cette technique est bien adaptée pour préserver les entrepôts contre les insectes du fait que la concentration de l’oxygène baisse au fur et à mesure du stockage. Il souligne notamment comme autre alternative, l’emploi d’une atmosphère contrôlée (Figure 12). A partir de la deuxième moitié du siècle dernier, la lutte contre les insectes s’appuyant sur une atmosphère contrôlée, a reçu davantage d’attention de la part de la communauté scientifique. Nous pouvons notamment citer les travaux de [73]–[75].
Une atmosphère pauvre en oxygène peut être mise en place par un rinçage du stock avec de l’azote. On peut utiliser comme source de gaz, un réservoir d’azote liquide [76]. Des générateurs d’atmosphères exothermiques inertes, consommant l’oxygène et ne laissant principalement que de l’azote dans l’espace de stockage ont été testés, et semblent prometteurs pour le contrôle des insectes [77]. Ces générateurs brûlent le propane ou un autre combustible hydrocarboné afin d’obtenir une atmosphère avec moins de 1 % d’oxygène, 10 % de dioxyde de carbone et 89 % d’azote. L’oxygène peut aussi être retiré par l’activité métabolique des micro-organismes et des insectes dans des entrepôts hermétiques, produisant ainsi une atmosphère dans laquelle les insectes ne peuvent pas survivre [78].
Les insectes sont en général tués plus rapidement par une forte concentration en dioxyde de carbone qu’ils ne le sont par manque d’oxygène. Une concentration de 60 % de dioxyde de carbone donnera plus de 95 % de contrôle des insectes, après une exposition de quatre jours à 27 ° C ou plus [79]. Toutefois, des périodes plus longues sont nécessaires pour une élimination totale. Banks dans [80] a suggéré qu’à un niveau initial supérieur à 70 % de dioxyde de carbone, maintenu au-dessus de 35 % pendant dix jours, cette approche est appropriée pour une désinfestation complète à des températures supérieures à 20 ° C.
La lutte chimique
L’utilisation de produits chimiques (pesticides) pour lutter contre les ravageurs des cultures, n’est pas une pratique nouvelle. En 1200 avant JC, des plantes toxiques telles que la ciguë et l’aconit, furent utilisées pour la lutte antiparasitaire par les égyptiens. Homer (1000 avant JC) décrit comment Ulysse « fumigeait la salle, la maison et la cour à la combustion de soufre pour lutter contre les ravageurs » [66], [81]. De même, dès le XVIème siècle, les chinois utilisaient le sulfure d’arsenic pour les mêmes raisons [65]. Au début du XXème siècle, les produits chimiques inorganiques, comme l’arséniate de plomb et de cuivre acétoarsénite, étaient d’usage courant pour contrôler les insectes ravageurs [66].
Ce n’est que vers la fin des années trente, que l’ère des pesticides chimiques de synthèse a véritablement vu le jour, lorsque les organochlorés et organophosphorés insecticides furent découverts. Le DDT (dichlorodiphényltrichloroéthane) dont les propriétés insecticides furent trouvées par Paul Muller, fut l’insecticide le plus répandu et utilisé avec succès durant la Deuxième Guerre Mondiale, bien qu’il fût synthétisé une soixantaine d’années auparavant (en 1874 par O. Zeidler) [82]. Après la Deuxième Guerre Mondiale, le DDT est devenu la solution insecticide numéro un. Depuis, l’industrie des insecticides ou plus généralement des pesticides a commencé à prendre de l’ampleur et plusieurs travaux de recherche ont été engagés pour le développement de nouveaux insecticides.
Aujourd’hui, plusieurs types de traitements chimiques existent :
₋ La pulvérisation consiste à épandre un bouilli préalablement préparé, par dilution d’insecticide dans l’eau, sur le grain en mouvement. La pulvérisation se fait en général grâce à une pompe mettant sous pression le bouilli, afin de le disperser en petites gouttelettes sur le grain.
₋ La nébulisation repose sur le principe d’enveloppement des grains par un brouillard de produits insecticides. La nébulisation assure une meilleure répartition de la matière active dans le grain [40].
₋ Le poudrage est une pratique en voie de disparition, utilisée dans certains cas de stockage pour de petites quantités [40].
₋ La fumigation est une technique de désinfestation au moyen d’un insecticide gazeux appelé fumigant. La fumigation permet de traiter de gros volumes de grains sans le besoin de les déplacer. C’est la seule méthode chimique qui donne un résultat de désinfestation de manière relativement immédiate [5], [40].
La lutte biologique
La lutte biologique est une méthode exploitant des mécanismes de régulation naturelle des ravageurs. DeBach [83] définit la lutte biologique comme « l’utilisation des parasites, des prédateurs et des agents pathogènes afin de maintenir la densité des populations d’insectes en dessous d’un niveau pouvant provoquer des dommages économiques ». Une autre définition donnée plus tard par Van Driesche et Bellows [84] ajoute à cette dernière « l’utilisation des espèces antagonistes et concurrentes aux insectes ravageurs » [85].
Les interactions entre les insectes et leurs ennemis naturels constituent des processus écologiques essentiels qui contribuent à la régulation des populations d’insectes ravageurs. Dans le cas où cette interaction est perturbée, les populations de ravageurs peuvent connaître un développement sans contrainte, excessif et pouvant provoquer l’invasion de ces parasites.
Les ennemis naturels utilisés dans la lutte biologique contre les insectes ravageurs, comprennent : les agents pathogènes, des prédateurs, des parasites et des parasitoïdes. Les insectes parasitoïdes tuent habituellement leurs insectes hôtes, ce qui les différencie des insectes parasites qui ne le font pas. Flinn et Hagstrum [86] ont montré l’efficacité des guêpes parasitoïdes dans la réduction des dégâts causés par les insectes. Dans une expérience menée dans six cellules de stockage de 27 tonnes chacune, sur une durée de deux ans, ces derniers ont montré que les dommages causés par les insectes dans les cellules dans lesquelles ont été introduites des guêpes parasitoïdes sont significativement inférieurs (réduction < 61%) à ceux causés dans les cellules témoins [86]. Les nématodes entomopathogènes sont des endoparasites létaux des insectes. Ils pénètrent dans l’hôte par les orifices naturels, s’introduisant dans l’hémocèle pour libérer des bactéries qui tuent l’hôte en un temps allant de 24 à 48 heures. Ramos-Rodriguez et al ont montré dans cette expérience, l’effet létal des nématodes entomopathogènes sur certains insectes ravageurs présents dans les grains entreposés comme le tribolium rouge [87].
La lutte intégrée
La lutte intégrée se définit par l’emploi d’un panel de techniques et de technologies accessibles : détection, suivi et surveillance des ravageurs, associés à la lutte biologique, physique et même chimique. Les exigences sont d’améliorer la qualité et les rendements, tout en apportant des avantages écologiques en utilisant le minimum de pesticides nécessaires. La lutte intégrée (IPM) représente une approche nouvelle, efficace pour faire face aux différents ravageurs et minimiser le développement de la résistance des ravageurs aux pesticides. En lutte intégrée, on ne cherche pas à éradiquer systématiquement les ennemis, mais à maintenir le niveau de leurs populations en-dessous du seuil de nuisibilité économique [88]. Sa mise en œuvre nécessite une bonne connaissance des ravageurs et de leurs caractéristiques pour définir les moyens adéquats afin d’empêcher leurs prolifération, et la détection de leur présence le plus tôt possible [89]. Le suivi de la santé du grain et le suivi du niveau d’infestation, sont des indicateurs essentiels pour le pilotage des entrepôts. Un système de détection précoce de la présence des insectes dans le grain, permet aux opérateurs d’optimiser le traitement de l’infestation et offre également plus de temps pour une meilleure gestion de la vente des lots de grains, avant que l’infestation ne cause une dépréciation de la valeur de ces lots.
La détection de présence des insectes peut être faite selon deux méthodes : les méthodes directes qui utilisent le tamisage, la flottation des grains ou l’entonnoir de Berlese, etc. Les méthodes indirectes qui se basent sur des phénomènes produits par les insectes, telles que la production de dioxyde de carbone ou la détection de leur bruit au moment où ils se nourrissent ou lors de leur déplacement [90]. En France, les méthodes intégrées de lutte contre les insectes ne sont pas bien connues par les opérateurs du stockage et la méthode de lutte demeurant la plus utilisée, est essentiellement l’utilisation d’insecticide de contact [89].
Les techniques de détection de la présence d’insectes
Durant ces dernières décennies, plusieurs dispositifs ont été développés en ce sens, en adoptant la logique IPM précédemment décrite. La plupart de ces systèmes se veulent préventifs et se basent sur un objectif de détection précoce des infestations.
La détection acoustique
La détection du bruit acoustique produit par l’insecte dans le grain au moment où il se déplace dans la masse ou grignotent les céréales, a fait l’objet de recherches depuis plus de 30 ans [90]–[92]. Les recherches réalisées ont abouti au développement de plusieurs systèmes commerciaux pour la détection d’infestation par des insectes (adultes ou sous formes cachées) dans les céréales stockées en vrac ; ces systèmes bénéficient de mises à jour régulières suivant le progrès dans l’identification informatisée des signatures acoustiques des insectes [93], [94]. Les inconvénients majeurs connus par les premiers dispositifs acoustiques conçus pour le monitoring des populations d’insectes dans le grain en vrac, sont leur faible portée et une sensibilité limitée, qui permet de détecter uniquement des densités de population supérieures à un insecte par kg [92], [95]. Cette limite est comparable aux méthodes classiques de détection d’insectes par analyse des échantillons de grain prélevés. Le traitement numérique des signatures acoustiques est utilisé pour la reconnaissance automatique du spectre du bruit produit par l’insecte parmi différentes sources de bruits de fond [95]. Le grain étant un bon isolant acoustique, la sonde acoustique donne des enregistrements clairs du bruit d’insectes lorsqu’elle est insérée dans la masse de grain sans qu’ils ne soient altérés par le bruit de l’environnement. Ce qui est le plus important, est la détection des formes cachées, c’est-à-dire, la détection de la présence de l’insecte au sein même du grain avant qu’il ne sorte de son milieu de développement. Cette détection précoce, permet aux responsables des stocks d’avoir davantage de temps pour prendre des mesures de désinfestation, et d’éviter ainsi la prolifération des insectes. La sonde acoustique EWD pour (Early Warning Detector) [95], développée par l’entreprise Systelia revendique la détection de la présence des insectes dès leur stade larvaire. Une version commercialisable est disponible aujourd’hui [96].
La détection par rayons X
La technique de détection par des rayons X, est considérée comme une méthode officielle aux Etats-Unis (AACC1995). Elle a été développée en 1950 afin de permettre la détection d’infestations [97]. Cette méthode est capable de détecter les dommages physiques du grain, les insectes vivants mais aussi les insectes morts. Les performances d’un tel dispositif sont de l’ordre de 97 % de résultats positifs par analyse des images des scans en rayons X (détection des insectes adultes) [56]. Cependant, les œufs et les premiers stades larvaires restent difficiles à distinguer des parties denses du grain. De plus, la mise en œuvre d’une telle technique nécessite une installation coûteuse [98]. Cette technique, identifiant les dommages physiques, peut toutefois être très utile dans la sélection des graines destinées aux semences.
La détection par la mesure du dioxyde de carbone
Dans le document [99], Semple et al ont établi une relation entre la concentration du dioxyde de carbone et le niveau de l’infestation ou de la moisissure du grain entreposé. Il est connu que les larves de charançon dans leur stade avancé, produisent plus de dioxyde de carbone que les charançons adultes et que l’accumulation de dioxyde de carbone dans un kg d’échantillon de grain infesté pendant 24 h, est facilement mesurable par des analyseurs de gaz de dioxyde de carbone [100]. Il y a deux principaux facteurs qui interfèrent avec la libération de dioxyde de carbone dans le grain : le taux d’humidité et la température. Si la teneur en eau est supérieure à 14,5 %, la production de dioxyde de carbone produite par les moisissures est beaucoup plus importante que la production faite par les insectes. Aujourd’hui, l’utilisation des dernières générations de capteurs de dioxyde de carbone, avec une concentration détectable très faible à 380 ppm (concentration naturelle de dioxyde de carbone dans l’air), une faible sensibilité aux changements de la température et de l’humidité relative, permet d’effectuer avec précision une surveillance d’infestation dans le grain entreposé [101]. L’utilisation de ces nouveaux capteurs de dioxyde de carbone aujourd’hui disponibles en Amérique du Nord va probablement s’étendre dans tous les pays désireux d’améliorer la prédiction des risques de leurs programmes de lutte intégrée (IPM) [90].
La détection par spectroscopie dans le proche infrarouge (NIRS)
C’est une technique analytique non destructive, qui a pour principe, l’absorption des ondes électromagnétiques de la gamme 780-2500 nm par la matière. Ainsi, elle fournit des signaux sur la base des propriétés de réflexions différentes des matières présentes dans le produit. A l’aide de méthodes de traitement de signal, on peut déterminer la concentration de substances constituantes telle que l’eau, les protéines, les lipides, et les glucides [56]. La spectroscopie NIR s’est progressivement révélée être une technique rapide, fiable, précise, économique mais aussi utilisable pour l’analyse de la composition des grains [102], aussi bien sur l’aspect qualitatif que quantitatif. Cette technique n’est cependant pas exempte de défauts, elle se montre en effet très sensible à l’humidité du grain analysé et nécessite une re-calibration des instruments de façon fréquente. DOWELL et al. ont réussi à détecter et classifier 11 espèces d’insectes en couplant cette technique avec des méthodes de traitement de signal avec un taux de détection de 95 % [103].
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Table des matières
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Chapitre I : Problématique de la surveillance du stockage de grain
1. Introduction
2. Les céréales dans l’économie mondiale et française
3. Les problèmes relatifs au stockage des céréales
3.1. L’altération de la qualité des grains stockés
3.2. Les problèmes de conservation des grains posés par les infestations d’insectes
4. Les différentes approches de la lutte contre les insectes
4.1. La lutte physique
4.2. La lutte chimique
4.3. La lutte biologique
4.4. La lutte intégrée
5. Les techniques de détection de la présence d’insectes
5.1. La détection acoustique
5.2. La détection par rayons X
5.3. La détection par la mesure du dioxyde de carbone
5.4. La détection par spectroscopie dans le proche infrarouge (NIRS)
5.5. La détection par conductance électrique
6. Vers un système complet de surveillance des grains stockés dans les silos
7. Contexte et présentations des objectifs généraux d’ECOSILO
8. Problématique de la thèse
9. Conclusion
Chapitre II : Conception d’un système de surveillance des stockages de grains en silos
1. Introduction
2. Démarche générale de conception : analyse des besoins et choix des solutions
3. La conception d’un système complet SILOCARE
3.1. L’architecture du système SILOCARE
4. La prévention
4.1. Les modèles biologiques de croissance
4.2. Les exigences de représentation thermique du silo
5. Les choix du système de détection de la présence d’insectes
5.1. Détection de présence par la détection de CO2
5.2. Détection de la présence d’insectes par sonde acoustique
6. Conclusion
Chapitre III : Les technologies de mise en œuvre
1. Introduction
2. Les propositions SILOTEST et leurs axes d’applications
3. Les exigences générales technologiques et industrielles
4. Le dispositif de contrôle à l’entrée du Silo : SILOTEST 2
5. Le dispositif de surveillance en surface du tas de grains SILOTEST 1
6. La surveillance de toute la cellule de stockage : SILOTEST 3
7. Le logiciel SILOSOFT pour la conduite du système SILOCARE
7.1. Les couches logicielles
7.2. L’interfaçage utilisateur
8. Conclusion
Chapitre IV : Évaluation et validation des solutions ECOSILO
1. Introduction
2. Les étapes de validations fonctionnelles des modules capteurs
3. Les résultats obtenus dans les essais de laboratoire
3.1. Les performances de l’analyse de la température et de la concentration en CO2
3.2. La mise au point et les performances en détection de la sonde acoustique
3.3. Analyse comparative des résultats sur les capteurs
4. L’expérimentation du système complet SILOCARE sur site réel
4.1. Présentation du système installé
4.2. Déploiement de la sonde SILOTEST 3
4.3. Résultats de l’expérimentation
4.4. Insuffisances du système constatées
5. Discussion
6. Conclusion
CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE
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