Genèse d’un médicament
En France, un médicament est défini par l’article L5111-1 du Code de la santé publique : « On entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’homme ou chez l’animal ou pouvant leur être administrée, en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique. Sont notamment considérés comme des médicaments les produits diététiques qui renferment dans leur composition des substances chimiques ou biologiques ne constituant pas elles-mêmes des aliments, mais dont la présence confère à ces produits, soit des propriétés spéciales recherchées en thérapeutique diététique, soit des propriétés de repas d’épreuve. Les produits utilisés pour la désinfection des locaux et pour la prothèse dentaire ne sont pas considérés comme des médicaments.
Lorsque, eu égard à l’ensemble de ses caractéristiques, un produit est susceptible de répondre à la fois à la définition du médicament prévue au premier alinéa et à celle d’autres catégories de produits régies par le droit communautaire ou national, il est, en cas de doute, considéré comme un médicament. ». Le processus de recherche et développement d’un médicament, aussi appelé le « Drug Discovery », est constitué d’un ensemble d’étapes règlementées et dure en moyenne de 8 à 15 ans . Le but de ces différentes étapes est d’arriver à caractériser le plus précisément possible le profil pharmacologique du futur médicament et d’éliminer les molécules présentant des risques pour la santé. Il s’agit d’un procédé très onéreux : on estime souvent à environ un milliard d’euros la mise sur le marché d’un médicament . En réalité, ce coût serait plutôt de l’ordre de deux milliards de nos jours, notamment en prenant en compte les molécules ayant échoué à devenir un médicament . En effet, pour amener un nouveau médicament sur le marché, il y a peu d’élus pour beaucoup d’appelés. Classiquement, au début du projet de recherche, on peut tester plusieurs dizaines de milliers de molécules dont la grande majorité vont être écartées au fur et à mesure des différentes phases de l’avancée du processus. Ces phases se comptent généralement au nombre de quatre : recherche, développement clinique, mise sur le marché et enfin pharmacovigilance.
La recherche, le point de départ
À l’origine d’un médicament, il faut commencer par rechercher et trouver une cible potentiellement intéressante pour une maladie donnée. Pour cela, plusieurs paramètres peuvent guider le choix final des chercheurs en fonction des stratégies de la structure (publique ou privée) de recherche et/ou des besoins médicaux. Pour caractériser la cible, on peut s’appuyer sur les avancées en recherche fondamentale et les connaissances sur la maladie. Une fois cette cible choisie et caractérisée, le but est de trouver des composés qui vont influencer son mode d’action. On parle alors d’inhibiteur, ou antagoniste, si la molécule empêche la cible de réaliser son action initiale, ou au contraire d’activateur, ou agoniste, si la molécule permet d’activer ou de stimuler l’action de la cible. Par exemple, l’aspirine est un inhibiteur des cyclooxygénases (COX) 1 et 2, cette action amène à la réduction de la production de prostaglandines et de thromboxanes lui conférant ainsi ses propriétés antalgiques, antipyrétiques et antiinflammatoires .
Il existe plusieurs méthodes pour trouver des composés actifs. Une des plus utilisées dans l’industrie pharmaceutique est le criblage à haut débit (HTS) d’une chimiothèque de plusieurs dizaines de milliers, voire de million(s) de molécules. Ce criblage est effectué par des robots qui vont tester l’affinité de chaque composé directement sur la cible, en regardant plus particulièrement sa capacité à se lier avec elle. Les composés sélectionnés, appelés touches (ou « hits ») vont alors être analysés plus en détail et confirmés par des tests d’activité plus poussés. Une fois les touches validées, celles-ci vont alors passer en phase d’optimisation.
Le développement d’un candidat
La préparation du composé principal ou lead
La phase d’optimisation commence par l’amélioration des touches issues de la phase de recherche afin d’obtenir une ou plusieurs tête(s) de série, ou « lead(s) ». Cette amélioration est nécessaire car il est rare que les molécules initialement identifiées soient d’emblées adaptées à l’organisme, que ce soit au niveau de leur absorption, de leur métabolisme ou de leur toxicité. C’est le travail des chimistes médicinaux de transformer ces touches en composés assimilables et non directement dégradés par l’organisme ou toxiques pour lui. En plus de l’optimisation de leurs propriétés ADME-Tox (Absorption, Distribution, Métabolisme, Excrétion et Toxicité), il faut aussi penser à la brevetabilité et à la future synthèse en quantité industrielle des composés sélectionnés. Ainsi, une molécule présentant des très bons résultats d’inhibition sur la cible mais que l’on ne peut breveter ou que l’on ne peut créer à l’échelle commerciale (kg ou tonnes) ne sera pas forcément intéressante pour une entreprise pharmaceutique car le retour sur investissement ne sera pas acceptable. Une fois tous ces paramètres pris en compte et les têtes de série améliorées pour obtenir un bon profil pharmacologique, on parle alors de molécules candidates, ou « lead avancé », le développement se poursuit en phase préclinique.
La phase préclinique
Il s’agit de la phase avant les essais sur l’homme. A ce stade, il reste une dizaine, voire une centaine de composés, qu’il faut donc caractériser afin de connaitre leurs effets potentiels in vivo. Il faut particulièrement veiller à ce que le candidat médicament ne présente aucun signe de carcinogénicité, ne soit pas un perturbateur endocrinien et n’entraine aucune modification génétique chez le patient. Pour cela, les investigations continuent in vitro, avec dans un premier temps, des tests sur des cellules puis sur des tissus cellulaires mimant le comportement physiologique de la cible dans son environnement. Enfin, les composés prometteurs vont être testés in vivo chez l’animal. Cette phase est essentielle avant de passer chez l’humain car elle va permettre de dresser un «passeport » complet de chaque composé restant et notamment les prérequis pharmacologiques nécessaires aux essais cliniques. A l’issue des tests précliniques, pour chaque molécule sélectionnée, on dispose de la toxicité aigüe ou chronique, de la dose maximale tolérée, des potentiels d’interaction avec d’autres protéines, des propriétés ADMETox, pharmacocinétiques, etc. Toutes ces recherches ne se font pas à l’appréciation personnelle de chacun mais sont codifiées internationalement par les directives de l’ICH (« International Council for Harmonisation of Technical Requirements for Pharmaceuticals for Human Use »). Sans cette base, impossible de poursuivre les expérimentations chez l’homme. Toutes les données collectées seront présentées dans le futur dossier d’autorisation de mise sur le marché (AMM). Cette phase dure en moyenne 2 à 5 ans et seulement une dizaine ou moins de molécules seront envoyées en phase clinique. Tous les résultats de la phase préclinique vont servir à élaborer la dose de départ et la marge posologique pour la suite en phase clinique. Elle suggère également les signes cliniques à rechercher afin de détecter tout effet indésirable lors des essais.
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Table des matières
CHAPITRE 1 : INTRODUCTION
1.1 GENESE D’UN MEDICAMENT
1.1.1 La recherche, le point de départ
1.1.2 Le développement d’un candidat
1.1.2.1 La préparation du composé principal ou lead
1.1.2.2 La phase préclinique
1.1.2.3 Le parcours clinique
1.1.3 La commercialisation
1.2 VUE D’ENSEMBLE SUR LES MEDICAMENTS ET LES CIBLES THERAPEUTIQUES
1.3 LE FUTUR DE L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE
1.4 L’ESSOR DE LA CHEMOINFORMATIQUE
1.4.1 Historique et domaine d’application
1.4.2 La représentation d’une molécule
1.4.3 Les descripteurs moléculaires
1.4.4 Les bases de données en chimie
1.5 L’EMERGENCE DES PROTEINES KINASES
1.5.1 Historique et rôle physiologique
1.5.2 La classification des kinases
1.5.3 La structure des kinases
1.6 LES INHIBITEURS DE KINASE
1.6.1 Historique et premiers succès
1.6.2 Les différentes catégories d’inhibiteurs de kinase
1.6.3 Bilan et perspectives
1.7 ETUDE SUR LES SQUELETTES MOLECULAIRES DES INHIBITEURS DE KINASE
CHAPITRE 2 : DEVELOPPEMENT D’UNE METHODE DE CRIBLAGE VIRTUEL APPLIQUEE A LA COSMETIQUE
2.1 INTRODUCTION ET GENERALITES SUR LE CRIBLAGE VIRTUEL
2.1.1 Les différentes stratégies
2.1.2 La création d’une structure protéique tridimensionnelle
2.2 PARAMETRAGE DU CRIBLAGE VIRTUEL
2.2.1 Préparation de la structure 3D
2.2.2 Caractérisation du site actif
2.3 PHASE DE VALIDATION
2.3.1 L’amarrage du ligand initial
2.3.2 La discrimination des molécules
2.3.3 Le facteur d’enrichissement
2.3.4 La courbe ROC
2.4 POST-TRAITEMENT DES RESULTATS
2.5 PRESENTATION DU PROJET
2.5.1 Contexte et but
2.5.2 Le logiciel de docking GOLD
2.6 ETUDE D’UN CRIBLAGE VIRTUEL SUR LA PROTEINE KINASE SIK2
2.7 BILAN ET CONCLUSION
CHAPITRE 3 : L’APPROCHE PAR FRAGMENTS DANS LA CONCEPTION DE MEDICAMENTS
3.1 PRESENTATION GENERALE
3.1.1 Apparition et essor
3.1.2 Les caractéristique des fragments
3.2 AVANTAGES DE L’APPROCHE PAR FRAGMENTS
3.3 METHODES EXPERIMENTALES
3.4 REVUE SUR LES DIFFERENTS OUTILS DISPONIBLES POUR LE FBDD IN SILICO
CHAPITRE 4 : DEVELOPPEMENT D’UN LOGICIEL DE CREATION DE MOLECULES VIA L’APPROCHE PAR FRAGMENTS (FRAGS2DRUGS)
4.1 PRESENTATION DE FRAGS2DRUGS
4.1.1 Intérêt d’un nouveau logiciel
4.1.2 Introduction du projet
4.1.2.1 Environnement de travail
4.1.2.2 Création de la librairie de fragments
4.1.2.3 Création des molécules
4.1.3 Description des différents modules de F2D
4.1.3.1 Lecture des paramètres
4.1.3.2 Standardisation des fragments
4.1.3.3 Sélection sur critères
4.1.3.4 Regroupement des doublons
4.1.3.5 Cartographie des fragments
4.1.3.6 Projection dans le site actif
4.1.3.7 Recherche de combinaisons et construction des molécules
4.2 REPRISE DU PROJET
4.2.1 Premières améliorations
4.2.2 Introduction aux graphes
4.2.2.1 Historique
4.2.2.2 Les différentes catégories
4.2.2.3 Le parcours d’un graphe
4.2.2.4 Les bases de données orientées graphes
4.2.3 Développement d’une nouvelle architecture
4.2.3.1 Nouvelle forme de stockage des fragments
4.2.3.2 Nouvel algorithme de construction des molécules
4.2.3.3 Nouvelle méthode de fragmentation
4.3 VALIDATION DE F2D
4.3.1 Cas des distance inter-atomiques
4.3.2 Cas de la distorsion des angles
4.3.3 Cas des valences atomiques
4.3.4 Cas de la fragmentation
4.3.5 Cas de la structure 3D
4.4 SELECTIVITE DES MOLECULES CONSTRUITES
4.4.1 Analyse de la reconstruction de l’imatinib
4.4.2 Recherche d’un modèle de sélectivité
4.5 TRAITEMENT POST-RESULTATS
4.5.1 Filtrage physico-chimique
4.5.2 Filtre par sous-structures
4.5.3 Amarrage moléculaire
4.5.4 Calcul du SA_Score
4.5.5 Projections ACP et PMI
4.5.6 Couplage avec la ChEMBL
4.6 DERNIERES AMELIORATIONS
4.7 EXEMPLES D’APPLICATIONS ET DE RESULTATS
4.7.1 Création de macrocycles
4.7.2 Application sur ABL1
4.7.2.1 Introduction du projet
4.7.2.2 Analyse des résultats
4.7.2.3 Synthèse de molécules construites par F2D
4.7.2.4 Tests expérimentaux
4.7.2.5 Perspectives du projet
4.8 BILAN ET PERSPECTIVES
CHAPITRE 5 : CONCLUSION GENERALE