Conception du nouveau rôle de la propriété par le législateur Malgache

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Le crédit par une location dénaturée

« Le droit commun du louage étant un droit supplétif » (100) l’obligation du bailleur de faire jouir n’est pas une obligation essentielle, il est ainsi possible d’y déroger. De plus, il est exonéré des obligations de garantie des vices et d’entretien , par le truchement de clauses, incombant au bailleur de droit commun.
Toutefois cet ensemble de dérogations n’entraîne pas irrémédiablement le désengagement du bailleur car une substitution du vendeur à celui –ci s’opère (101), ou plus précisément, on cherche à dégager le financier des obligations incombant normalement au bailleur pour adopter le louage à sa fonction financière .
D’où en se plaçant uniquement au niveau des rapports du crédit – bailleur et du crédit – preneur, le bailleur n’est tenu que d’une obligation, celle de mettre le matériel à la disposition du preneur, et s’exécute ainsi par une seule prestation ,de tout ce qu’il doit. Cette délivrance effectuée, le bailleur est considéré comme s étant acquitté de l’unique obligation nécessaire à l’existence du contrat, les autres étant écartées contractuellement.
M. Goyet ( 102) parle ici de caractère instantané du louage dans le Crédit- Bail, bien que la jurisprudence, conformément au droit positif, prône le caractère successif du Bail (103). Mais selon cet auteur, s’il est obligatoire « de tirer toutes les conséquences juridiques d’une telle qualification, réciproquement, cela autorise l’interprète à rechercher la part de fiction que contient une telle qualification ».
Ainsi , parce que le bailleur joue un rôle passif résultant de sa fonction financière, les tâches techniques étant abandonnées par des stipulations dérogatoires au preneur, le louage en Crédit-Bail est instantané. En effet par sa seule prestation de mettre la chose à la disposition du preneur, le crédit – bailleur met en œuvre le contrat de crédit- bail.
Toujours dans la location instrument de crédit, une autre analyse peut être évoquée, axée sur l’exécution d’une obligation unique et corroborant le caractère instantané du louage précédemment invoqué.
Le bailleur en mettant à la disposition du preneur la chose exécute tout ce qu’il devait. Ainsi ce contrat de Crédit- Bail devient unilatérale, car seul demeure tenu le preneur ; mais unilatéral uniquement à un certain moment de l’existence du contrat à savoir dès l’extinction de l’obligation du bailleur par son exécution. Or ce n’est uniquement que dans un contrat à exécution instantanée que, en fonction du moment où l’on se place, le contrat revêt un caractère synallagmatique ou unilatérale ( 104).
D’une part ce contrat synallagmatique se transformant en contrat unilatéral à un certain moment de son exécution a une incidence sur la charge des risques. L’interdépendance des prestations veut que si l’une des parties à exécuter tout ce qu’elle devait, l’autre doit rester tenue d’exécuter toute la sienne. Ainsi si l’une des parties ne peut exécuter sa prestation du fait d’un cas fortuit, l’autre ne pourra être tenue d’exécuter toute la sienne.

La construction juridique de l’opération

La complexité de l’opération réside dans la conception même de la formule du crédit- bail. Celui- ci a été légalement réduit au crédit- bailleur et au crédit- preneur. La vente qui le précède ne jouant qu’un rôle « accessoire », ou comme on voudra, n’est que le « support et la condition de possibilité du bail » (144)
Pourtant, il se dégage de ces deux rapports bilatéraux, à savoir la vente et le bail, des relations économiques tripartites entre la société de crédit-bail, le vendeur et l’utilisateur. La loi n’ayant pas voulu créer un rapport de droit triangulaire, il est revenu aux parties de lier contractuellement ces deux rapports bilatéraux, et plus exactement de créer un lien entre le preneur et le vendeur. Ce lien n’est que la traduction juridique de ce qui est communément appelé en crédit-bail « contraction » du louage et de la vente ou encore « contraction d’actions », à savoir la possibilité pour le preneur d’agir contre le fournisseur, contrepartie reçue du bailleur pour l’exonération de celui- ci de toutes garanties de droit commun.
Il convient de voir les techniques juridiques retenues par le droit positif et la pratique contractuelle pour réaliser cette contraction.

Nature des rapports entre les parties

La contraction, dans le crédit-bail, de deux clauses de style : la première stipule que la société de crédit-bail est exonérée de toute garantie envers le preneur, en contrepartie, il est stipulé qu’elle transfère au profit du preneur les garanties qu’elle tient de la vente.
La loi bancaire du 22 février 1996 se cantonne à décrire l’opération comme la juxtaposition de deux rapports bilatéraux indépendants. Toutefois eu égard à l’économie profonde de l’opération, il a fallu unir le crédit –preneur tiers à la vente au vendeur. (Aussi un lien de droit d’origine contractuelle est créée entraînant de ce fait la naissance d’un rapport de droit triangulaire). En fait, dans la pratique, la société Equipbail en aménageant une opération tripartite veut rester seule maîtresse du jeu. En effet par le choix du « mandat » (145), la société Equipbail entend se décharger de toute obligation incombant au bailleur de droit commun et se limiter ainsi à un rôle purement financier, mais elle pense surtout cantonner le vendeur, fournisseur à une relation « accessoire » à celle qui existe entre elle, société bailleresse, et l’utilisateur.
Or l’exonération du bailleur implique d’une part que le preneur, tiers à la vente, doit être investi des pouvoirs conférés au bailleur, par mandat. Ainsi le crédit- preneur est mandataire du crédit- bailleur pour la négociation avec le vendeur, le choix du matériel et la vérification de la conformité (146). Cela suppose qu’on lui a transféré les pouvoirs que le bailleur tient de l’achat contre le vendeur. Se pose alors le problème des limites de ce mandat : le preneur pourrait- il agir en exécution de la vente uniquement ou agir en résolution de celle- ci ?
Le contrat de crédit- bail donne une réponse à ce problème : « en cas de non conformité à la commande (…) le locataire (…) fera jouer immédiatement la clause de garantie avec le fournisseur » (147). Selon cet alinéa le preneur ne pourrait qu’agir en exécution de la vente, en invoquant les garanties de droit commun, par exécution du mandat.
145- art 2 al 2 du contrat de crédit- bail mobilier de la société Equipbail : « (…), le locataire agissant en qualité de mandataire du bailleur et pour son compte en qualité de locataire utilisateur, …. » Qualification écartée d’office par la doctrine (148), le mandat a été cependant retenu par notre pratique : il est concevable que l’établissement de crédit ait limité le mandat de l’utilisateur en lui retirant la possibilité de demander la résolution du contrat de vente. Toutefois en acceptant le jeu de la contraction, le bailleur a nécessairement transféré au profit du preneur les garanties qu’il tient de l’achat. Cependant, souligne M. Goyet (149) l’établissement de crédit peut choisir de transférer uniquement une partie des droits puisqu’il s’agit d’un lien d’origine contractuelle et qu’il a le choix de la technique juridique destinée à traduire se mécanisme. Dès lors une partie de la doctrine française (150) préconise une technique juridique limitant les droits du preneur en lui interdisant de provoquer la résolution de la vente : il s’agit de la stipulation pour autrui (151).
D’autre part, l’exonération du bailleur par convention lui permet de faire assumer au preneur la responsabilité du choix de son fournisseur et du matériel. Cependant même le cas échéant, la doctrine (152) reconnaît au bénéfice du preneur qu’en cas de défaut de conformité du matériel délivré par le fournisseur, par exécution du mandat , celui- ci (le Preneur) a le droit à une action en résolution de la vente.

Transfert des droits de l’achat au profit du preneur est obligatoire

Le problème du caractère de ce transfert a été posé par M. Goyet (161) en ces termes : « faute d’y consentir, l’établissement de crédit ne pourrait valablement s’exonérer des obligations et garanties que le droit commun du louage fait peser sur un bailleur ? »
Il y soutient qu’est acquis au preneur le transfert des droits de l’acheteur mais qu’en contrepartie il conçoive son impossibilité d’agir contre son cocontractant. Toutefois rechercher dans ce transfert une quelconque influence de la vente sur le bail serait discutable poursuit M. Goyet. En effet cela viendrait à admettre une interdépendance de la vente et du bail. Or la contraction ne peut se réaliser que si et seulement si ces deux rapports sont indépendants. De ce fait admettre que les rapports issus de la vente, à savoir le transfert des droits de la société de crédit- bail contre le vendeur au profit du preneur, puissent influer sur la validité du bail serait inconcevable.
De ce transfert de droits il résulte deux points de vue différents : soit le crédit- bail est considéré comme une opération de droit triangulaire. Mais alors la contraction, deviendrait inutile puisque le vendeur et le preneur seraient liés par un lien contractuel, c’est – à dire parties à une même opération. (Et la vente aurait une influence sur le bail). Soit le crédit- bail est la simple juxtaposition d’un bail et d’une vente. Mais ce n’est pas un louage de droit commun, car ici le bailleur cherchera à s’exonérer de la totalité de ses obligations à l’égard du preneur.
On peut dès lors tirer le raisonnement suivant : puisque le bailleur a le choix de la technique pour traduire le lien entre le vendeur et le preneur, et qu’il peut ne transférer qu’une partie des droits qu’il tient de l’achat, est- il encore raisonnable d’exiger un transfert qui n’a d’autre but que de lui permettre de s’exonérer de la totalité des obligations que le droit commun du louage fait peser sur lui. Autrement dit cela traduit une impossibilité d’agir contre le bailleur alors que le preneur peut ne recevoir de celui- ci qu’une partie des droits de la vente uniquement.
Si le but recherché est de ne pas laisser le preneur totalement démuni paradoxalement ce transfert obligatoire permettait au bailleur de s’exonérer légitimement de ses obligations de droit commun. Dans la pratique de la société Equipbail l’accord semble établi pour imposer ce transfert des droits de la vente au bailleur au profit du preneur. Ainsi dans l’article 2 du contrat de crédit- bail mobilier de la société Equipbail, le bailleur met expressément à la charge du preneur la responsabilité des clauses de garanties ainsi que leur mise en œuvre (alinéa 1er in fine et alinéa 3) Autres droits que le bailleur tient de l’achat, le droit de vérifier la conformité du matériel (alinéa 2). Mais c’est dans l’article 5 du contrat de crédit- bail portant sur l’installation, l’entretien et l’utilisation, que ce transfert de droits comme contrepartie de l’exonération du bailleur est le plus flagrant (alinéa 1er) Il y est expressément stipulé que « si pour une raison indépendante de la volonté du bailleur- acheteur le locataire ne pouvait utiliser le matériel dès sa prise en charge, il ne pourrait exercer aucun recours contre le bailleur… ». Par cette clause le bailleur se libère de ses obligations. Mais cela sous-entend qu’en contrepartie le preneur, s’il ne peut agir contre le bailleur, est autorisé par celui-ci à agir contre le fournisseur, et ceci par effet des droits de l’achat transférés par le bailleur au profit du preneur (162). Toutefois le bailleur a tenu à limiter effectivement les droits qu’il transfère en omettant volontairement d’accorder au preneur le pouvoir de mettre un terme prématurément au contrat par une demande de résiliation. Ainsi, en son article 5 alinéa 1 in fine du contrat de crédit- bail mobilier de l’Equipbail, il est stipulé expressément que « si le locataire ne pouvait utiliser ce matériel (…), il ne pourrait (…) demander l’annulation du contrat de crédit- bail ».

Mise en œuvre de la propriété à des fins de garantie :

D’emblée il convient de constater que, comme le précise la doctrine (8), le législateur n’a pas donner de définition précise ni de la garantie, ni du nouveau rôle assigné à la propriété. La pratique ne s’est faite que l’écho de cette complaisance légale. Toutefois le législateur s’est particulièrement préoccupé de la publicité et de l’opposabilité des droits découlant du contrat.

Conception du nouveau rôle de la propriété par le législateur.

L’une des spécificités du crédit – bail est la propriété du bien objet de l’opération, qui est conservée par le crédit – bailleur à titre de garantie.
La législation malgache est clair sur ce point : « … location de biens d’équipement -…. achetés en vue de cette location par des entreprises qui en demeurent propriétaire …. » (9). La loi impose de considérer la propriété comme pouvant être constituée en garantie, sans en préciser la véritable nature. Ainsi donc notre droit positif considère le crédit – bail comme un système où la propriété est conservée par la créancier à des fins de garantie (10).
Et M. Crocq de préciser que « considérer la propriété du bien comme une garantie suppose dans le cas du crédit-bail,… de prendre en considération la réalité économique de donc pas au rapport d’obligation, mais résulte du montage contractuel : vente, louage, promesse unilatérale de vente. De plus, le droit de propriété n’assure pas uniquement, au titulaire de la propriété, le recouvrement de sa créance ou la sanction de la défaillance du débiteur. Il n’est donc pas au service exclusif de la créance mais réalise d’autres fins : l’opération en y voyant non pas seulement une vente suivie d’un louage avec une promesse de vente , mais une forme de prêt assorti d’une garantie particulière, la propriété du bien financé. Or le législateur a doté le crédit- bail d’un régime juridique qui se caractérise par un alignement des règles sur la nature économique de l’opération, opération de crédit, et non sur la nature juridique des contrats employés (….) . C’est là, indirectement, affirmer la qualité de garantie du droit de propriété du crédit – bailleur » (11).
Le projet de loi du 24 février 2000 se contente également de reprendre la même définition de l’opération de crédit- bail ( en article 4 alinéa 1) sans apporter aussi aucune précision sur la terminologie employée : la propriété utilisée ici à des fins de garantie.
Cette carence législative laisse libre champ à la pratique d’aménager par des clauses appropriés les limites de leurs prérogatives :

mise en œuvre de la propriété à des fins de garanties dans la pratique

Conformément au texte de la loi Bancaire du 22 février 1996, la société de crédit –bail achète le bien d’équipement objet du contrat et le donne en location. Cet achat préalable et nécessaire permet à la société de s’octroyer la qualité de « propriétaire – bailleur » (12).
En adoptant cette qualification, l’établissement de crédit choisit un régime qui lui permet en fait d’apporter des limites à son propre droit sur la chose et de n’en conserver que les prérogatives qui sont à même de lui assurer le remboursement de sa créance.
C’est ainsi qu’on choisissant la location éminemment supplétive , le crédit – bailleur s’exonère de toutes les obligations qui devraient lui incomber , voire mandate le crédit – preneur, afin de se limiter uniquement au crédit, et s ‘aménage différentes garanties, essentiellement par la propriété qu’il retient pour assurer le remboursement de celui – ci (13). Ainsi dans la pratique également, aucune précision d’ordre terminologique n’a été apportée par la société de crédit- bail Equipbail dans le contrat de crédit – bail mobilier. Tout au plus la seule obligation faite au crédit– preneur, en terme de législation, est de « connaître parfaitement et (…) de respecter les lois, décrets et règlements en vigueur » (14).
C’est dans ce sens que le crédit –bailleur a stipulé à la charge du crédit – preneur des obligations visant à assurer son droit de propriété sur la chose objet du contrat (15).

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Table des matières

T itre I : LE CREDIT DANS LE CREDIT- BAIL 
C hapitre I : Une location par détermination de la loi
S ection 1 : Définition légale
a. éléments de la définition légale
1. éléments objectifs
2. éléments subjectifs
b. Mise en oeuvre dans la pratique
S ection 2 : Mise en oeuvre de la location
a. Point de départ de la location
b. Obligations de la location du crédit- bail
Obligations conformes au droit commun
Obligations spécifiques à la formule du crédit- bail
C hapitre II : La complexité du contrat
S ection 1 : Le louage instrument de crédit
a. Le crédit par une location dénaturées
– Instantanée
– Unilatérale
b. Autres aménagements dans la pratique
– Principe de liberté contractuelle (imposé par le droit positif)
– Hypothèse de la résiliation par le preneur
– Conséquence de la résolution
S ection 2 : La construction juridique de l’opération
a. Nécessaire de préciser la nature des rapports créés entre la parties
b. Transfert des droits de l’achat au profit du preneur est obligatoire
T itre II : LA PROPRIETE DANS LE CREDIT BAIL INTRODUCTION
Chapitre I : Une propriété à des fins de garantie
S ection 1 : Conception du nouveau rôle de la propriété par le législateur Malgache
S ection 2 : Mise en oeuvre de la propriété comme garantie dans la pratique
S ection 3 : De la publicité
– Publicité juridique
– Publicité comptable
– Rôle
C hapitre II : Différents aspects résultant de la réalisation de la propriété – garantie.
S ection 1 : Incidents en cours d’exécution de la convention
a. absence de levée d’option
b. défaillance du débiteur
s ection 2 : Particularité de l’utilisation de la propriété garantie
a. Propriété – garantie : principe de la mise en oeuvre dans les procédures collectives.
b. exceptions liées au maintien de l’activité de l’entreprise
s ection 3 : Solutions apportées par la pratique du fait des vides juridiques ou des lacunes des clauses contractuelles pour garantir la bonne fin de l’opération.
a. Solution de la pratique
b. Applicabilité du projet de loi du 24 février 2000

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