Conception, construction et applications d’une bibliothèque de protéines artificielles ayant des propriétés allostériques

La reconnaissance moléculaire 

Les interactions protéine-protéine

Les protéines sont des molécules essentielles du vivant qui interviennent dans une multitude de processus cellulaires tels que la signalisation, la catalyse de réactions chimiques, le transport de molécules, la réplication cellulaire, la migration, etc… Leur fonction est directement liée à leur structure tridimensionnelle, qui dépend de leur séquence en acides aminés et leur permet d’établir des interactions à l’échelle moléculaire. Il existe 20 acides aminés usuels, ce qui donne un nombre de séquences possibles de 20¹⁰⁰ pour une séquence de 100 acides aminés. La longueur médiane d’une séquence protéique se situant entre 240 et 360 acides aminés selon le règne du vivant concerné (Brocchieri, L. & Karlin, S., 2005), l’espace des séquences qui en résulte est si vaste qu’il peut potentiellement fournir une infinité de structures tridimensionnelles, et donc de surfaces d’interaction. Les différents processus cellulaires évoqués précédemment se font en grande partie via des interactions protéine-protéine, qui entraînent la formation de complexes protéiques. Ces interactions se font par une combinaison de liaisons intermoléculaires faibles et non covalentes, comme les liaisons hydrogènes, les forces de Van der Waals, et les interactions électrostatiques, qui visent à stabiliser le complexe. Ces complexes se forment le plus souvent entre deux protéines, mais il existe aussi des complexes qui impliquent plus de deux protéines différentes comme le complexe de réplication de l’ADN par exemple, et de nombreuses autres machineries moléculaires.

Ces complexes protéiques peuvent être décrits à travers la stabilité des monomères qui le composent. Ainsi, un complexe dit obligatoire fera intervenir des protéines qui ne sont pas stables sous leur forme monomérique comme le répresseur P22 Arc, ou d’autres répresseurs transcriptionnels. À l’inverse, un complexe non obligatoire sera composé de protéines stables indépendamment de la formation du complexe, comme le complexe RAF-1/MEK par exemple.

Un autre paramètre permettant la description des complexes protéiques est le temps de demi-vie du complexe. On peut distinguer les complexes permanents, dont l’interaction est très forte et conditionne l’existence du complexe (comme les complexes obligatoires), des complexes transitoires qui font intervenir un équilibre dynamique in vivo (Nooren, I. M. A., 2003). Les interactions impliquées dans les complexes transitoires peuvent être faibles, et le complexe concerné sera alors dans un équilibre dynamique en solution avec les monomères qui le composent, ou fortes, de sorte que le complexe transitoire formé nécessite un déclencheur moléculaire pour se dissocier. C’est le cas par exemple de la protéine G hétérotrimérique, qui se dissocie en deux sous-unités Gα et Gβγ lorsqu’elle est en interaction avec le GTP, mais forme un trimère stable en interaction avec le GDP. Globalement, la plupart des interactions sont transitoires et les complexes protéine protéine sont donc dynamiques en solution.

Les anticorps, un outil de reconnaissance incontournable

Historiquement, les anticorps (IgGs) sont les molécules phares de la reconnaissance moléculaire. En effet, leur fonction biologique nécessite que les anticorps soient à la fois affins et spécifiques pour les cibles qu’ils reconnaissent. Les IgGs ont une structure en forme de Y, dont le bout des « bras » fixe l’antigène et la « tige » déclenche les fonctions effectrices qui servent à éliminer l’antigène. Ils sont constitués de 4 chaînes polypeptidiques, 2 chaînes dites « lourdes » (H) et 2 chaînes dites « légères » (L) . Sur chaque chaîne, lourde ou légère, on peut distinguer au moins un domaine constant et un seul domaine variable, qui tient son nom de l’hypervariabilité de 3 boucles exposées au solvant (également appelées CDRs pour complementary determining region). Une chaîne lourde et une chaîne légère s’assemblent pour former un bras, et 2 bras identiques s’assemblent par le biais de ponts disulfures et d’un packing latéral pour former l’anticorps. L’anticorps possède donc 2 « bras » qui portent chacun un domaine hypervariable identique, constitué par les 3 boucles hypervariables de la chaîne lourde et les 3 boucles hypervariables de la chaîne légère.

L’un des tournants dans l’utilisation des anticorps a probablement eu lieu en 1975, lorsque G. Köhler et C. Milstein ont montré qu’il était possible de fusionner des cellules de myélome avec des lymphocytes B afin de générer des hybridomes capables d’exprimer des anticorps monoclonaux spécifiques d’un épitope particulier sur une cible (Köhler, G. & Milstein, C., 1975). Les anticorps monoclonaux ont alors largement été utilisés dans le monde entier, dans des applications diverses telles que la détection et la quantification de protéines en recherche fondamentale ou dans le domaine de la biologie médicale, comme transporteur de principe actif, etc… Cependant, ces anticorps provenant des souris, leur utilisation dans le domaine thérapeutique et dans le diagnostic in vivo a posé plusieurs problèmes. D’une part, les anticorps monoclonaux issus d’hybridomes peuvent être à l’origine de réponses immunitaires dirigées contre les séquences propres aux anticorps de souris (Courtenay-Luck, N. S. et al., 1986), ce qui n’est pas compatible avec un usage chez le patient. D’autre part, leur production nécessite l’immunisation d’un animal, ce qui est un frein à l’obtention d’anticorps dirigés contre des cibles toxiques, ou très conservées entre les espèces. Une stratégie a été mise en place afin d’obtenir des anticorps dits « chimérisés », qui consiste à mixer entre eux les domaines variables d’anticorps murins, et des fragments constants d’anticorps humains (Neuberger, M. S. et al., 1985). Cela permet d’allier l’obtention des anticorps chez la souris, plus facile que l’obtention d’anticorps humains, avec les propriétés des domaines constants des anticorps humains pour pallier aux problèmes évoqués précédemment (Winter, G. & Milstein, C., 1991). Pour aller plus loin dans l’ingénierie des anticorps, il est possible de greffer directement les boucles des anticorps murins spécifiques d’une cible sur l’architecture d’un anticorps humain pour obtenir des anticorps dits « humanisés » (Jones, P. T. et al., 1986).

D’autres méthodes que la technologie des hybridomes ont été développées, notamment pour faire face aux problèmes liés à l’immunisation des animaux. Ces techniques reposent sur l’exposition de bibliothèques de fragments d’anticorps et leur sélection grâce à des méthodes de display in vitro, permettant de sélectionner des interacteurs sans forcément passer par l’immunisation d’un animal. Le principe consiste à créer une bibliothèque de fragments d’anticorps qui comporte un très grand nombre de variants, et de présenter chacun de ces variants sur une plateforme de présentation. Ces plateformes de présentation, également appelées méthodes de display sont le phage display, le yeast display, ou le ribosome et mRNA display (Boder, E. T. & Wittrup, K. D., 1997; Feldhaus, M. J. et al., 2003; McCafferty, J. et al., 1990), et consistent à exposer les protéines que l’on souhaite cribler respectivement à la surface d’un phage, d’une levure, d’un ribosome ou d’un ARN messager. Les protéines les plus affines pour une cible spécifique sont alors capturées par l’intermédiaire de cette cible. L’avantage de ces techniques est qu’il existe un lien physique direct entre la protéine sélectionnée et son ADN, ce qui permet de récupérer facilement l’ADN codant pour les protéines les plus affines pour la cible. Cela facilite l’ingénierie des interacteurs, puisqu’il est par exemple possible dans le cas des anticorps de recombiner entre elles les séquences codants pour les CDRs dans le but de faire de la maturation d’affinité (Yang, W.-P. et al., 1995). Un autre avantage de ces techniques est qu’il est possible d’obtenir des interacteurs de protéines homologues entre l’Homme et la souris, ou des cibles toxiques qui ne pourraient pas être administrées à l’animal dans un processus d’immunisation classique. En 2018, George Smith et Gregory Winter ont été récompensés pour leurs travaux sur le phage display par le prix Nobel de chimie, ce qui témoigne des avancées réalisées grâce à ces méthodes de display, en particulier dans la présentation de bibliothèques de fragments d’anticorps à la surface des phages.

Bien que l’humanisation des anticorps et les techniques de sélection in vitro aient permis de s’affranchir du problème de l’immunogénicité chez l’Homme, leur utilisation de plus en plus répandue a soulevé plusieurs problèmes inhérents à leur structure. D’une part, leur taille (environ 150 kDa) rend difficile leur utilisation dans l’imagerie in vivo. Leur taille explique également une élimination rénale lente, favorable à une action thérapeutique. Le récepteur aux Fc néonatal (FcRn) participe également à la longue demi-vie des anticorps puisqu’il inhibe la dégradation lysosomale de l’albumine et des IgGs dans les cellules endothéliales. Cette élimination lente est cependant défavorable aux applications d’imagerie, et nécessite de réaliser la prise d’image plusieurs jours après l’administration du produit pour minimiser le bruit de fond. D’autre part, les IgGs sont composés de 4 chaînes polypeptidiques, qui comportent toutes au moins un pont disulfure essentiel, et dont les chaînes lourdes sont glycosylées. Leur production doit donc être réalisée dans un organisme eucaryote, et l’optimisation de la production est à la fois laborieuse et coûteuse. Pour toutes ces raisons, des alternatives aux IgGs classiques ont été développées, basées soit sur l’ingénierie des immunoglobulines elles-mêmes, soit sur le développement d’ossatures protéiques alternatives.

En 1959, G. M. Edelman a montré que les anticorps étaient composés de plusieurs sous-unités reliées entre elles notamment par des ponts disulfures, et qu’il était possible d’isoler ces domaines (Edelman, G. M., 1959). La même année, R. R. Porter observe que la digestion de la γ globuline du lapin donne 3 fragments distincts, dont 2 portent encore la capacité de liaison à l’antigène (Porter, R. R., 1959.). Ces travaux vont donner naissance aux Fab (antigen binding fragment), des fragments d’environ 50 kDa qui sont constitués du domaine variable des chaînes lourdes et légères ainsi que du domaine CH1 et du domaine CL. Les Fabs portent donc le site de reconnaissance de l’antigène mais ne possèdent pas le domaine Fc et n’ont donc pas les fonctions effectrices qui lui sont associées. Plus tard, le développement de l’ingénierie protéique via l’évolution des techniques de biologie moléculaire a permis d’obtenir des fragments encore plus petits (~27 kDa) qu’on appelle scFv (single chain variable fragment) et qui ne contiennent que les domaines variables des chaînes lourdes et légères, reliés entre eux par un linker flexible.

Ces fragments d’anticorps présentent plusieurs avantages par rapport aux IgGs entières, notamment dans le domaine thérapeutique. Tout d’abord, leur petite taille leur permet de mieux pénétrer les tumeurs et les tissus, et leur permet d’avoir accès à des épitopes plus enfouis (épitopes cryptiques) que ceux classiquement reconnus par les IgGs entières (Bates, A. & Power, C. A., 2019). D’autre part, la plupart d’entre eux peuvent être produits dans le périplasme d’organismes procaryotes, ce qui diminue grandement leur coût de production et améliore les rendements. Enfin, l’absence de domaine Fc permet d’éviter l’activation accidentelle de cellules de l’immunité. Les fragments d’anticorps ont également permis le développement des méthodes de sélection d’interacteurs in vitro qui ont été discutées précédemment (Geyer, C. R. et al., 2012). C’est d’ailleurs dans cette optique que des efforts ont été faits pour créer des bibliothèques de fragments d’anticorps naïves, dont certaines ont même été optimisées pour exprimer des scFvs fonctionnels dans le cytoplasme de bactéries (Philibert, P. et al., 2007).

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Table des matières

Introduction
I. La reconnaissance moléculaire
II. Ingénierie modulaire
III. La purification cellulaire
IV. Stratégie générale
Bibliographie
Résultats et discussion
Partie 1 : Conception et construction de la bibliothèque de biP5H
I. Identification du scaffold de départ
II. Production des P5H et caractérisation de leurs propriétés de stabilité
II. Ingénierie des bi-domaines P5H
IV. Stratégie d’assemblage de la bibliothèque
Partie 2 : Conception du modulateur allostérique
I. Sélections par phage display d’αReps reconnaissant les P5H
II. Caractérisation des αReps reconnaissant les P5H
III. Conception du modulateur
IV. Caractérisation des modulateurs
Partie 3 : Applications de la bibliothèque de bi-P5H
I. Evaluation de la bibliothèque de bi-P5H sur l’eGFP
II. Evaluation de la bibliothèque de bi-P5H sur des protéines membranaires
V. Bilan et perspectives
Bibliographie
Conclusion
Bibliographie
Matériels et méthodes

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