Conception centrée sur l’experience-patient d’une interface de santé : Étude d’une application pour le suivi du diabète

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Émergence dans les systèmes de santé

En raison des avantages socio-économiques des services de santé à distance, les politiques du monde ont pris des initiatives favorisant son développement et son intégration dans les systèmes de santé [60]. L’enquête mondiale menée par l’OMS en 2015 et publiée en 2017 [3] démontre une croissance impressionnante des services de e-santé dans la plupart des pays : 58% des pays (sur 125 pays) disposent d’une stratégie politique de e-santé et 90% de ces pays disposent d’un financement spécial pour celle-ci. Le nombre de programmes de télésanté varie selon les régions : la région européenne ayant déclaré le plus grand nombre de programmes et la région africaine le moins. Quant à la m-santé, 83 % des pays répondants ont signalé au moins une initiative de m-santé dans leur pays en 2009 : 77% des pays à faible revenu et 87 % des pays à revenu élevé [12].
En France, la télémédecine a été réglementée pour la première fois avec la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST). Sa mise en œuvre est précisée en 2010 (décret 2010-1229, 19/10/2010). La télémédecine entre dans le droit commun de l’assurance-maladie en 2018 (avenant 6 à la convention médicale, 01/08/2018). La réforme du système de santé, nommé « Ma Santé 2022 », concrétisée par la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé (26/07/2019), favorise l’utilisation des outils numériques. Suite à la crise sanitaire du COVID-19, les règles de réalisation des actes de télémédecine se sont assouplies et toutes les téléconsultations sont dorénavant prises en charge par l’assurance-maladie (loi 2020-290, 23/02/2020). L’assurance-maladie a recensé 28 000 téléconsultations remboursées en décembre 2019 et 4,3 millions en avril 2020, représentant 11% de l’ensemble des consultations [40].
La croissance de la santé à distance passe aussi par les professionnels de santé qui l’intègrent de plus en plus dans leur pratique. L’enquête réalisée par Ipsos et l’ASIP Santé en France en 2017 montre que 63% des professionnels de santé utilisent fréquemment au moins 5 technologies parmi le dossier-patient informatisé, les sites d’information médicaux, les outils d’aides à la décision, la téléconsultation, les applications et les objets connectés. Ils les utilisent principalement pour accéder aux résultats d’analyse d’un patient, pour transmettre les données d’un patient à un autre professionnel de santé et pour communiquer avec leurs confrères [61].
En Chine, la commission nationale de la santé et de la planification familiale publie en 2014 un document nommé « Guide technique pour la construction d’un système d’information de télémédecine », marquant le soutien du gouvernement pour le développement de la télémédecine. Ces directives proposent un cadre de mise en œuvre de la télémédecine, sur l’administration, les remboursements et la confidentialité des données des patients. Elles établissent des plans stratégiques, dont l’unification des plateformes indépendantes pour créer un réseau national de télémédecine. La télémédecine fait aussi partie des objectifs du programme Healthy Chinese Initiative 2030, lancé en 2016, visant à réformer le système de santé. Depuis le début de l’épidémie de COVID-19, le gouvernement a promulgué plusieurs décrets favorisant son développement, comme le remboursement des consultations en ligne et de la vente de médicaments courants [62].
La santé à distance en Chine s’est beaucoup développée pour mettre en relation les centres médicaux entre eux, y compris des centres médicaux étrangers, des hôpitaux locaux ou des centres de santé communautaires chinois [63]. En 2002-2013, le gouvernement a sponsorisé un réseau de télémédecine au sein du West China Hospital of Sichuan University. Cet hôpital est relié à 249 hôpitaux dans 112 villes de l’ouest de la Chine [43]. Le Second Affiliated Hospital Zhejiang University est l’hôpital central du plus grand réseau de télémédecine en Chine.
La politique chinoise vise aussi à développer les hôpitaux Internet. Il s’agit de plateformes en ligne en lien avec des hôpitaux et offrant des services de télésanté directement aux patients. Le service ambulatoire dans la province du Guangdong, en Chine, est le premier hôpital Internet officiellement légalisé le 25 octobre 2014. En 2018, le gouvernement a formulé des réglementations sur la gestion des hôpitaux sur Internet, marquant le début du développement standardisé des hôpitaux Internet [64]. En janvier 2019, le nombre d’hôpitaux Internet enregistrés était d’environ 130 dans 25 provinces [21].

Adoption des services et outils par les patients

Les patients semblent adhérer au développement de la santé à distance. Selon l’enquête de Harris Interactive en 2019 [55], 63% des Français sont favorables au développement des téléconsultations. L’enquête « L’e-santé vue par les patients : risque ou opportunité ? », réalisée par Pfizer et le Cercle P en 2018 en France, estime que 76% d’associations de patients sont favorables au développement de l’e-santé, 77% pensent que le numérique facilite la baisse des déserts médicaux et 62% voient l’e-santé comme positif sur la prévention, le suivi et l’adhésion au traitement [65].
La santé à distance s’intègre de plus en plus dans le quotidien des patients. Ils se tournent davantage vers Internet pour s’informer sur leur santé. Selon une enquête réalisée par Google et Kantar en France en 2019 : 46% des patients cherchent des informations sur leurs symptômes, 54% sur les traitements, 46% sur du contenu autour du bien-être, de la nutrition et des médecines alternatives, 36% vérifient l’information du professionnel de santé et 38% font des recherches en ligne avant d’aller chez le médecin [66]. Un point d’attention est néanmoins à porter sur la véracité des informations trouvées sur Internet et sur le risque d’automédication. Le sondage réalisé par Healthcare Data Institute en octobre 2018 montre que 29% des personnes ont déjà parlé de leur santé sur Internet, via des réseaux sociaux, des forums de discussion ou des communautés spécialisées [67]. Les applications de m-santé sont aussi de plus en plus présentes dans la vie quotidienne des individus. Selon un sondage effectué au Etats-Unis fin 2020 [26], elles sont majoritairement utilisées quotidiennement ou plusieurs fois par semaine. Les principales raisons d’engagement sont la gestion de la santé physique, du poids et de la qualité de vie. En Chine, la plupart des patients ont une forte intention d’utiliser des visites virtuelles [68], via les hôpitaux publics, la plateforme du gouvernement et les entreprises de santé numérique.
Les patients semblent satisfaits par ces services. Carrillo et al. (2021) [53] montrent une satisfaction élevée des patients face aux téléconsultations. La télémédecine améliore aussi la satisfaction des patients de par la réduction du temps ou le coût du transport, la diminution des arrêts de travail, l’option à la demande et la réduction du temps passé dans la salle d’attente [45]. Mousa et al. (2019) [56] ont montré que la télémédecine augmente la satisfaction des patients en post-chirurgie vasculaire à l’égard de la qualité des soins, la réhabilitation mentale et physique et la qualité de vie. Les patients ont été plutôt satisfaits des services de télémédecine lors de l’épidémie de COVID-19 [69].
L’adoption des services à distance dépend cependant des caractéristiques des utilisateurs. L’étude [68] a montré que l’intention d’utiliser les visites virtuelles en Chine dépend du genre, de l’éducation, du revenu et du type de consommateur. Aux Etats-Unis, la satisfaction des patients face aux visites virtuelles dépend de l’âge, du genre et du type de visite [69].

Obstacles au déploiement

Même si les chiffres précédents montrent un enthousiasme et une satisfaction des patients pour les services de santé à distance, il reste de nombreux obstacles à franchir pour favoriser son développement. Ces challenges peuvent concerner plusieurs domaines. Baniasadi et al. (2018) [70] ont répertorié les défis auxquels la m-santé devait faire face. Ces défis sont liés à (1) l’utilisateur, concernant l’adoption des services, les compétences informatiques et la relation avec les professionnels de santé, (2) l’infrastructure et à leur intégration dans les systèmes de santé, comme l’accès aux connexions, l’accessibilité des outils, la régulation politique et les remboursements, (3) les processus, comme l’éthique, la sécurité, la confidentialité et la protection des données personnelles, (4) les ressources logicielles et matérielles, et (5) la formation des utilisateurs. L’étude [5] a aussi identifié dix aspects en télésanté qui nécessitent une amélioration : l’implication et la supervision par les structures et professionnels de santé, le système de remboursement des technologies, la mise en place des autorisations, la définition des responsabilités, la recherche en facteurs humains dans la conception des technologies, l’interopérabilité des dispositifs, la sécurité et la confidentialité des données, la performance des outils, l’engagement et la communication patients-médecins, et les méthodes de recherche.
Pour résumer, nous classons les différents freins au développement de la santé à distance en trois catégories : (1) l’utilisateur, notamment concernant l’adoption des technologies et services, (2) les réglementations politiques, notamment concernant le remboursement des technologies et services, les autorisations et la protection des données personnelles des patients, et (3) le développement des technologies, notamment concernant la performance des technologies et services, l’interopérabilité des dispositifs et la conception centrée-utilisateur.
Favoriser la satisfaction des patients est ainsi un challenge majeur au déploiement de la santé à distance. D’après l’enquête de Harris Interactive [55], les Français sont défavorables aux téléconsultations principalement en raison de l’impossibilité de se faire ausculter par le médecin, par le manque de contact direct et de la crainte d’être moins bien pris en charge. Selon l’étude de Pfizer et le Cercle P [65], les associations de patients pensent que l’e-santé peut créer des inégalités, entre autres pour les patients qui ne maîtrisent pas Internet. Elles ont aussi peur que les relations entre les médecins et les patients se dégradent et trouvent que les données ne sont pas suffisamment sécurisées. Ce sondage [26] a identifié les principales raisons pour lesquelles les utilisateurs abandonnent les applications de m-santé : le manque d’intérêt ou la baisse de motivation, l’utilisation une autre application et le manque de fonctionnalités souhaitées. Le fait que l’application ne soit pas amusante et pas facile à utiliser sont aussi des raisons d’abandon.
Pour conclure, l’émergence rapide et mondiale de la santé à distance s’effectue tant sur l’intégration des services et outils dans les systèmes de santé, sur le développement et la multiplication des outils et sur leur utilisation par les patients, soulevant de nouveaux challenges. Même si les patients semblent enthousiastes au développement de la santé à distance, améliorer leur satisfaction est essentiel pour favoriser l’adoption de ces nouvelles technologies et contribuer à un meilleur suivi et une meilleure qualité de vie.

Objectifs et approche de recherche

Questions de recherche

De par sa croissance rapide et mondiale, la santé à distance s’intègre de plus en plus dans la vie quotidienne des patients, notamment via une interface numérique de santé d’une application smartphone, d’un site Internet ou d’un dispositif de mesure. Du point de vue du patient, l’interface de santé est centrale dans le suivi de sa santé à distance. Celle-ci se place donc au cœur de notre travail de recherche.
Le contexte de ce travail de recherche est représenté en Figure 1-3. L’interface de santé reçoit des données de santé par le patient lui-même lors d’une entrée manuelle, ou par des dispositifs de mesures, des professionnels et structures de santé, ou des bases de données et algorithmes. Ces données de santé sont ensuite transmissent au patient lors d’une consultation. Nous supposons que le patient est l’utilisateur de l’interface. Nous supposons également que l’interface est consultée par le patient, à domicile, à distance des professionnels et structures de santé.
Nous décomposons l’interface de santé en deux composantes :
• Le contenu : information affichée sur l’interface. Nous fixons le contenu, qui correspond aux données de santé du patient.
• La représentation : façon de représenter le contenu sur l’interface, correspondant ici à la représentation des données de santé, que nous allons optimiser.
En particulier, l’interface permet au patient de consulter ses données de santé à domicile, en tout lieu et à tout moment. Elle peut être utilisée sans accompagnement médical pour soutenir et aider le patient dans l’interprétation des données de santé. La santé à distance est ainsi différente de la médecine traditionnelle et fait donc évoluer la relation que les patients peuvent avoir avec leur santé : ils deviennent davantage acteurs dans la gestion de leur santé et interagissent de plus en plus avec leurs données de santé.
En raison de ces spécificités, notre première hypothèse est que l’interface de santé peut impacter l’expérience-patient et générer de fortes charges émotionnelles chez les patients. Les émotions générées peuvent être de différentes intensités et de différentes natures, soit négatives, comme de la peur, de la frustration, de la tristesse, de l’ennui, ou positives, comme de l’enthousiasme, du soulagement, de la confiance, ou de la sérénité.
Les émotions générées peuvent fortement affecter la santé et la vie des patients par des manifestations psychologiques, comportementales et physiologiques. Les impacts psychologiques peuvent biaiser la façon dont les patients vont interpréter leurs données de santé, entacher le moral des patients, mais aussi impacter leur niveau de satisfaction et l’adoption de ces nouvelles technologies. Les émotions peuvent aussi influencer les comportements dans le mode de vie des patients : les émotions générées peuvent favoriser des comportements sains, comme manger de façon équilibrée et pratiquer une activité physique, ou à risques, comme le tabagisme ou la consommation d’alcool. Les comportements en rapport avec la gestion de la santé (que nous nommons comportements de santé) peuvent aussi être impactés, comme l’engagement et la motivation dans le suivi sa santé, l’adhésion aux traitements, la communication avec les professionnels de santé, la prise de rendez-vous médicaux ou la perception des symptômes. Les émotions peuvent induire des changements physiologiques chez les patients, relatifs aux activités cardiaques ou électrodermales par exemple. Comme représenté sur la Figure 1-3, ces changements physiologiques peuvent modifier les données de santé consultées sur l’interface. Par exemple, du stress, de la peur ou de l’excitation modifient l’activité cardiaque faisant varier les données mesurées par un électrocardiogramme et consultées par le patient. Ces variations peuvent amplifier la charge émotionnelle engendrée et fausser le patient sur son état de santé, qui ne pourrait plus être en mesure d’interpréter ces changements. Sur le long terme et par un usage régulier, l’état de santé mentale et physique des utilisateurs pourrait être affecté.
La méthode de conception de l’interface-patient doit alors différer des méthodes habituellement utilisées : le domaine particulier de la santé et le contexte d’utilisation, à domicile, sans accompagnement médical, la différencie des autres types d’interface-utilisateur. La conception de l’interface de santé demande une attention davantage axée sur l’expérience-patient.
Notre deuxième hypothèse est que la conception centrée-patient des interfaces de santé agit sur les expériences et comportements des patients. Une conception mal établie peut conduire
à une mauvaise expérience, à l’abandon des systèmes et à des comportements à risques pour la santé. En revanche, une bonne conception conduit à de meilleures expériences et peut encourager les patients à utiliser les systèmes et à adopter des comportements sains. La qualité de vie et l’état
de santé des patients pourront alors être améliorés. Par ricochet, la qualité des services de santé à distance pourra également être améliorée, boostant le développement de la santé à distance. L’objectif de cette recherche est de proposer une méthode d’optimisation d’une interface de santé, utilisée par le patient pour la consultation de données de santé à distance, pour améliorer l’expérience-patient.
Nous avons posé trois questions de recherche (1), (2) et (3) représentées sur la Figure 1-3.
Dans un premier temps, nous pensons qu’il est essentiel de mieux comprendre les émotions que peuvent ressentir les patients lors de la consultation de données de santé, nous amenant à la première question de recherche :
(1) Quelles sont émotions générées par la consultation des données de santé sur une interface dans un contexte de domicile ?
Cette problématique vise à estimer l’importance de considérer l’expérience-utilisateur dans la conception des interfaces de santé, nous amenant à la seconde question de recherche :
(2) Comment optimiser une interface de santé, notamment la représentation des données de santé, pour améliorer l’expérience-patient ?
Afin d’étudier l’importance de la personnalisation des interfaces de santé, le rôle de caractéristiques individuelles, notamment celui de la culture, a été questionné :
(3) Quelle est l’influence des caractéristiques individuelles sur l’expérience-patient ?
Cette recherche en thèse a été menée à l’École Centrale de Nantes, au Laboratoire des Sciences du Numérique de Nantes (LS2N), et en collaboration avec le département de Génie Industriel de l’Université Tsinghua, Chine. Elle a été financée avec un contrat doctoral de l’École Centrale de Nantes sur une durée de 3 ans.

Plan de thèse

Ce rapport comprend 5 grandes parties. Ce plan est représentatif de la procédure qui a été menée lors de cette recherche en thèse pour répondre aux questions de recherche.
• Le Chapitre 2 fournit un état de l’art de la littérature scientifique sur le domaine des émotions et celui de la conception centrée-utilisateur. Cette partie permet de positionner notre recherche et sa contribution dans le paysage scientifique.
• Le Chapitre 3 présente l’expérimentation qui a été menée afin de répondre à la question de recherche (1). Cette expérimentation évalue les réponses émotionnelles face à la consultation de données de santé sur une interface dans un contexte de domicile.
• Le Chapitre 4 décrit une méthode de conception centrée sur l’expérience-patient d’une interface de santé afin de répondre à la question de recherche (2). Comme un cas d’étude, cette partie se concentre sur la représentation des données de glycémie sur une application pour le suivi du diabète sur une application. L’influence de la culture est étudiée en comparant les réponses de populations européennes et chinoises. Cette partie comprend : [1] Une comparaison culturelle des applications existantes européennes et chinoises pour le suivi du diabète. [2] Les résultats majeurs d’un sondage en ligne, pour comprendre les expériences, habitudes et préférences des potentiels utilisateurs d’applications pour le suivi du diabète. [3] Une expérimentation basée sur un algorithme génétique interactif pour optimiser la représentation des données de santé afin d’améliorer la satisfaction utilisateur.
• Le Chapitre 5 synthétise les travaux menés, met en évidence les contributions et propose des perspectives sur l’utilisation des résultats.

ÉTAT DE L’ART

Introduction

Deux domaines émergent des questions de recherche : celui des émotions et celui de la conception centrée-utilisateur (centrée-patient dans notre cas). Nous proposerons, dans un premier temps, un état de l’art sur les émotions afin de les comprendre par les différentes théories et méthodes de mesures existantes. Nous étudierons les émotions ressenties par les patients et leur rôle dans la santé. Nous présenterons ensuite l’état de l’art sur la conception centrée-utilisateur. Nous étudierons la conception d’interface basée sur l’expérience émotionnelle et la conception des systèmes de santé. Nous présenterons en conclusion le positionnement de notre recherche et de sa contribution dans le paysage scientifique.

Émotions

Théories des émotions

L’émotion représente une notion difficile à définir [71]. La définition d’une émotion semble reposer sur le principe d’une réaction individuelle intervenant lors d’une interaction entre l’individu et des éléments de son environnement. Scherer (2001) décrit une émotion comme « un ensemble de variations épisodiques dans plusieurs composantes de l’organisme en réponse à des événements évalués comme importants pour l’organisme » [72]. La conceptualisation d’une émotion constitue une vraie problématique de recherche et a fait naître de nombreux débats dans la littérature notamment dans les années 1980-1990. Plusieurs théories, parfois complémentaires ou divergentes, et touchant à la caractérisation des émotions et à leur génération, ont émergé dans la littérature. Même si certaines sont utilisées aujourd’hui comme une référence, il n’existe toujours pas de consensus universel. Aujourd’hui, l’émotion est un concept majeur pour toute recherche concernant l’humain et possède un rôle explicatif du comportement humain. L’émotion est souvent associée à d’autres concepts affectifs, comme l’humeur, l’affect noyau ou le stress, montrant les nuances de ce domaine. Plusieurs domaines d’application, comme la philosophie, la psychologie, la sociologie, le marketing, ou la biologie, s’appuient sur l’étude des émotions. Avant d’étudier les phénomènes affectifs, il est important d’en déterminer les objectifs spécifiques et de définir les concepts et théories utilisés.
Deux approches coexistent dans la littérature pour caractériser les émotions : l’approche des émotions de base, qui considère les émotions comme des états distincts, et l’approche dimensionnelle, qui considère que les émotions sont un continuum.
La caractérisation basale des émotions a d’abord été abordée par Darwin en 1872 dans son ouvrage : The expression of the Emotions in Man and Animals [73]. Darwin propose une approche évolutionniste de l’expression des émotions chez l’Homme et l’animal : l’expression des émotions joue un rôle dans la sélection naturelle et permet aux individus de s’adapter à leur environnement pour leur survie. Il attribue principalement aux émotions une fonction communicative basée sur des expressions faciales. Il suggère aussi qu’elles sont innées et universelles. Ces travaux de Darwin ont influencé les futurs chercheurs sur les émotions et serviront de support à la théorie des émotions de base. Cette théorie suggère qu’il existe un nombre limité d’émotions de base, aussi dites universelles ou fondamentales. Principalement, trois chercheurs ont proposé des théories incluant des émotions de base : Ekman (1982) [74] (Figure 2-1, a), Izard (1977) [75] et Tomkins (1984) [76]. Des divergences existent entre eux, notamment sur la liste des émotions de base. Seules 5 émotions sont communes aux 4 théories : la peur, la joie, la tristesse, le dégoût et la colère. Les émotions plus complexes sont un mélange des émotions de bases. Les émotions répondent à des tâches fondamentales et ont donc des conditions spécifiques d’émergence. Elles sont rapidement déclenchées, de courte durée, automatique et spontanées. Chaque émotion de base a des caractéristiques spécifiques, notamment en terme de réactions physiologiques de par l’activation du système nerveux autonome et d’expressions faciales [77, 78]. En particulier, Ekman et Friesen (1971) ont étudié l’universalité de l’expression des émotions. Ils ont montré qu’une tribu de Papouasie-Nouvelle-Guinée, isolée de la culture occidentale, reconnaissait les six émotions représentées par des expressions faciales de personnes occidentales sur des images [79].
À la frontière entre les approches basales et dimensionnelles de la caractérisation des émotions, Plunkik (1980) [80] propose un modèle comprenant 8 émotions de bases, dans lequel intervient une dimension d’intensité. Ce modèle représente les émotions sur une roue colorée, la Roue des émotions de Plutchik (1980) (Figure 2-1, b), reliant les émotions les unes aux autres. Cette représentation affiche les émotions de bases avec différents niveaux d’intensité et les mots pour les décrire. Il suggère que les émotions ont des degrés de similarité : plus les émotions sont proches sur la roue, plus elles sont similaires. Il oppose aussi les émotions deux à deux : les émotions se faisant face. La roue des émotions affiche également des mélanges d’émotions de bases. Il est également possible de mêler plus d’émotions de différents niveaux d’intensité afin de créer des centaines de termes, formant le langage des émotions [81] .
a) Les émotions de base de la théorie d’Ekman (photos utilisées par Ekman, 1999 [78] )
b) La roue des émotions de Plutchik (1980) (extrait de [80], traduit en français)
c) Représentation du modèle Circumplex de Russell (1980) (extrait de [82])
Les théories multidimensionnelles considèrent les émotions comme des points dans un espace continu. Ces théories répondent aux critiques qui ont émergé dans la littérature sur l’existence de catégories discrètes pour décrire les émotions [83, 84]. Le modèle le plus connu est le modèle Circumplex, de Russell (1980). Il considère l’espace des émotions par deux dimensions et le représente par un cercle dont les deux axes désignent les dimensions de valence, en abscisse, et d’activation, en ordonnée (Figure 2-1, c) [82]. Le concept de valence réfère au niveau de plaisir/déplaisir et l’activation réfère au niveau de relaxation/excitation ou en d’autres termes de sommeil/éveil. Ces deux dimensions sont suffisantes pour décrire toutes les émotions.
Plus deux émotions sont proches sur le cercle, plus elles ont des caractéristiques similaires. Ce modèle suggère que les émotions ne sont pas des paramètres distincts les uns des autres, mais sont des paramètres continus pouvant évoluer selon deux dimensions. D’autres modèles ajoutent plus de dimensions pour décrire l’ensemble des émotions. Par exemple, Mehrabian and Russell (1974) ajoute la dimension de dominance pour former le modèle PAD (Pleasure-Arousal-Dominance) [85]. Le modèle de Scherer [86] ajoute deux dimensions, le contrôle et l’imprévisibilité, pour qu’il soit utilisable dans plusieurs langues. Cependant, il semble y avoir un consensus dans la recherche sur l’utilisation du modèle Circumplex de Russell [87]. Ce modèle sert aussi de moyen pour mesurer l’expérience émotionnelle subjective des individus et il s’agit d’un des outils les plus utilisés [88].
La génération des émotions peut être décrite par la théorie de l’évaluation (the appraisal theory), pour laquelle un consensus semble exister dans la littérature. Cette théorie a dans un premier temps été proposée par Arnold (1960) [89] et Lazarus (1966) [90]. Elle considère que les émotions sont des réactions directes à un stimulus en conséquence d’une évaluation cognitive du stimulus [91–93]. Les individus évaluent constamment leur environnement et différents stimuli, internes ou externes, tels que des objets, des tâches, des personnes ou des pensées, peuvent immédiatement générer des réactions émotionnelles. L’évaluation est un processus cognitif, concentré sur le stimulus, rapide, automatique, intense, le plus souvent inconscient et qui s’effectue sur la base de critères [93]. L’évaluation de ces critères est subjective et propre aux préoccupations individuelles. Des mêmes événements peuvent conduire à différentes réactions chez différents individus. Lazarus [94] fait la distinction entre l’évaluation primaire, qui évalue l’importance du stimulus pour le bien-être de l’individu, et l’évaluation secondaire, qui évalue la capacité de l’individu à faire face aux conséquences du stimulus. Scherer (1984) [93, 95] propose une liste de critères permettant aux individus d’évaluer un stimulus, appelée Stimulus Evaluation Checks. Cette liste comprend les critères suivants : le caractère nouveau du stimulus, le caractère agréable ou désagréable du stimulus, l’importance du stimulus par rapport à un objectif, la capacité de l’individu à réagir au stimulus et les conséquences du stimulus par rapport aux convictions de l’individu et aux normes sociales. Dans le modèle des processus-composants, il définit aussi l’émotion comme une séquence de changements d’état intervenant dans cinq systèmes organiques en réponse à l’évaluation du stimulus : (1) l’évaluation cognitive du stimulus, (2) les changements neuro-physiologiques, (3) les expressions motrices, que ce soit faciales, vocales ou gestuelles, (4) les tendances à l’action (motivation, intentions), et (5) l’expérience (perception subjective de l’émotion). Les changements physiologiques, les expressions motrices, les tendances à l’action et l’expérience subjective des émotions peuvent être interprétés comme des manifestations de l’évaluation cognitive du stimulus (Figure 2-2) [87]. Dans la littérature, les expressions motrices et les tendances à l’action sont souvent regroupées sous un même composant lié au changement de comportement de l’individu.
L’émotion est souvent associée, ou parfois même substituée, au concept de l’humeur et de l’affect noyau (core affect) [87, 88].
L’humeur peut être définie comme des : « états d’affect diffus, caractérisés par une prédominance relative et durable de certains types de sentiments subjectifs qui affectent l’expérience et le comportement d’une personne » ([93], p. 705). Contrairement à l’émotion qui est une réaction générée immédiatement suite à un stimulus spécifique, l’humeur n’a pas de cause particulière ou celle-ci est difficilement identifiable. La cause de l’humeur est plutôt liée à une situation générale et peut être éloignée dans le temps. L’humeur diffère aussi de l’émotion de par sa durée : la durée d’une émotion est courte, de l’ordre de la minute, tandis que la durée d’une humeur est plus longue, de l’ordre d’heures ou même de jours. L’intensité d’une émotion est aussi plus élevée que l’intensité d’une humeur. Cependant, l’émotion et l’humeur sont fortement liées : les émotions peuvent agir sur l’humeur et sont influencées par l’humeur [96]. L’humeur peut également être évaluée par une approche dimensionnelle, notamment par les dimensions de valence et d’activation [88].
L’affect noyau est défini dans la littérature comme « un état neurophysiologique accessible consciemment comme un sentiment simple, non-réflexif, et qui est un mélange de valeurs hédonistes (plaisir – déplaisir) et d’activation (endormi – activé) » ([87], p. 147). En d’autres termes, l’affect noyau est un phénomène mental, non-réfléchi, présent dans tout état conscient et dont la nature et l’intensité peuvent varier. Il est la base cognitive de tous les phénomènes affectifs. Il permet la prise de conscience et l’expérience subjective, entre autres des émotions et de l’humeur. C’est donc un composant de l’émotion et de l’humeur, mais peut aussi en être éloigné [88].
Les émotions sont aussi souvent associées au stress. Plusieurs types de stress existent : notamment le stress psychologique et le stress clinique. Le stress clinique réfère au stress associé
à la santé mentale, qui peut être une conséquence d’un événement traumatisant. Dans cette recherche, nous nous concentrons sur le stress psychologique, qui est, comme l’émotion, le résultat d’une évaluation cognitive d’un stimulus. Le concept de stress psychologique est principalement étudié par Lazarus et Folkman (1984) [97]. Ils le définissent comme : « une relation particulière entre la personne et l’environnement, relation qui est évaluée par l’individu comme dépassant ses ressources et menaçant son bien-etre » ([97], p. 19). Le stress peut être vu comme un état fortement déplaisant (niveau de valence très faible) et fortement intense (niveau d’activation élevé). Lazarus (1991) intègre le stress dans sa théorie sur l’évaluation primaire et secondaire des stimuli [94]. Le stress est déclenché lorsque pendant l’évaluation primaire, l’individu perçoit le stimulus comme négativement important pour son bien-être (c’est-à-dire comme une menace), et lorsque pendant l’évaluation secondaire, l’individu évalue le fait qu’il ne puisse pas faire face à la situation. Ces évaluations peuvent conduire à trois types de stress : le préjudice/la perte (harm/loss), la menace (threat) et le défi (challenge). Le stress peut se déclencher lors d’une situation particulière du processus d’évaluation qui s’accompagne toujours de réactions émotionnelles. Ainsi, le stress implique toujours une émotion, mais une émotion n’implique pas toujours du stress [98]. Les différents types de stress peuvent aussi induire des manifestations subjectives, physiologiques et comportementales.

Mesures des émotions

À partir des années 1990, l’étude des émotions a pris un nouveau tournant visant à mesurer et à étudier empiriquement les émotions. L’émotion et le stress comportent plusieurs composantes : cognitive, comportementale et neurophysiologique [93, 99]. Ces composantes peuvent être évaluées par différentes méthodes afin d’y associer des valeurs qualitatives et de pouvoir les analyser [100, 101]. Ces méthodes permettent de quantifier différents composants d’un état émotionnel et ne sont pas nécessairement corrélées. Une combinaison de ces trois méthodes peut fournir une approche efficace pour évaluer l’état affectif global d’un individu.
Les mesures subjectives consistent à évaluer la composante cognitive, aussi dite psychologique ou perceptive de l’émotion. Elles sont basées sur la conscience de l’individu de son propre état émotionnel. L’individu évalue et rapporte sa perception de son état au cours d’une période donnée. Il existe plusieurs instruments de mesure tels que des questionnaires à choix multiples, des questionnaires à réponses ouvertes ou des entretiens verbaux. La méthode la plus utilisée dans la littérature est le questionnaire à choix multiple, évalué par l’échelle de notation de Likert. La validité et la fiabilité de nombreux questionnaires ont été testées et ils sont grandement utilisés dans la littérature [88, 102, 103].
En raison des nuances sur les différents concepts liés aux états affectifs, les questionnaires sur les états affectifs peuvent en évaluer différents aspects (émotion, humeur, affect noyau). Ekkekakis (2013) [88] a développé une procédure en trois étapes pour choisir un questionnaire approprié dans une étude. La première étape consiste à clarifier le concept à mesurer parmi les trois principaux états affectifs de l’affect noyau, de l’humeur ou de l’émotion. Boyle et al., (2015) [102] souligne qu’il est important d’identifier la durée de l’état affectif considéré : s’agit-il d’un état émotionnel momentané, d’un état d’humeur passagère, d’un état d’humeur plus durable, d’un trait dynamique ou d’un trait de personnalité durable ? La seconde étape vise à choisir une théorie pour caractériser le concept choisi. En utilisant une mesure basée sur une théorie, le chercheur accepte implicitement cette théorie. Pour les émotions, il existe principalement deux théories : celles basées sur une approche discrète et celles basées sur une approche dimensionnelle [103]. Si l’objectif est d’étudier une émotion spécifique ou un groupe d’émotions, il sera plus approprié de se baser sur une approche discrète. Au contraire, si l’objectif est d’étudier le domaine global des émotions, on utilisera une approche dimensionnelle. La littérature tend à soutenir les approches dimensionnelles, en particulier lorsque plusieurs méthodes sont utilisées en parallèle. L’approche discrète suggère que chaque émotion a des réponses subjectives, comportementales et physiologiques corrélées, ce qui peut être difficile à démontrer [100]. Ces deux premières étapes vont permettre d’établir une liste restreinte de questionnaires. La dernière étape consiste à examiner les informations psychométriques des questionnaires, tel que le coefficient alpha de Cronbach, afin d’en évaluer la validité et la fiabilité.

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Table des matières

Chapitre 1 : Contexte de recherche
1.1 Émergence des services de santé à distance
1.1.1 Définitions : e-santé, télémédecine/télésanté et m-santé
1.1.2 Développement des outils pour le patient
1.1.3 Opportunités pour les systèmes de santé, les patients et la médecine
1.1.4 Émergence dans les systèmes de santé
1.1.5 Adoption des services et outils par les patients
1.1.6 Obstacles au déploiement
1.2 Objectifs et approche de recherche
1.2.1 Questions de recherche
1.2.2 Plan de thèse
Chapitre 2 : État de l’art
2.1 Introduction
2.2 Émotions
2.2.1 Théories des émotions
2.2.2 Mesures des émotions
2.2.3 Influence des caractéristiques individuelles
2.2.4 Émotions et santé
2.3 Conception centrée-utilisateur
2.3.1 Conception centrée sur l’expérience-utilisateur (UX)
2.3.2 La conception UX d’interfaces
2.3.3 La conception UX des services de santé
2.3.4 Influence des caractéristiques individuelles
2.3.5 Algorithme génétique interactif pour la conception d’interface
2.4 Conclusion : positionnement de la recherche et contributions
Chapitre 3 : Réponses émotionnelles à la consultation de données de santé
3.1 Introduction
3.2 Méthode expérimentale
3.2.1 Procédure expérimentale
3.2.2 Mesures
3.2.3 Participants
3.2.4 Traitement des données physiologiques
3.2.5 Analyse statistique
3.3 Résultats
3.3.1 Les réponses collectées
3.3.2 Les réponses subjectives
3.3.3 Les réponses comportementales
3.3.4 Les réponses physiologiques
3.3.5 Corrélation entre les réponses subjectives, comportementales et physiologiques
3.3.6 Influence des caractéristiques individuelles
3.4 Discussion et conclusion
3.4.1 Analyse des résultats
3.4.2 Limites et perspectives
3.4.3 Conclusion
Chapitre 4 : Conception centrée sur l’experience-patient d’une interface de santé : Étude d’une application pour le suivi du diabète
4.1 Introduction
4.2 Comparaison culturelle des interfaces de santé existantes
4.2.1 Méthode
4.2.2 Résultats
4.2.3 Discussion
4.2.4 Conclusion
4.3 Enquête : expériences, habitudes et préférences dans les interfaces de santé
4.3.1 Questionnaire de l’enquête
4.3.2 Diffusion et participants
4.3.3 Quelques résultats
4.3.4 Discussion et conclusion
4.4 Optimisation de l’interface de santé améliorant la satisfaction-patient
4.4.1 Objectif du problème d’optimisation
4.4.2 Variables d’interface
4.4.3 L’algorithme génétique interactif
4.4.4 Procédure expérimentale et mesures
4.4.5 Déroulement et participants
4.4.6 Résultats
4.4.7 Discussion et conclusion
Chapitre 5 : Conclusion générale
5.1 Conclusion des travaux réalisés
5.2 Contributions
5.3 Approfondissement et perspectives
Bibliographie
Annexes
A Réponses émotionnelles à la consultation de données de santé
A.1 Installation et équipements de l’expérimentation
A.2 Questionnaires sur les caractéristiques individuelles
A.3 Tutoriels fournis aux participants sur l’explication des données
A.4 Résultats de l’analyse statistique sur les réponses physiologiques
B Comparaison culturelle des interfaces de santé
B.1 Applications européennes et chinoises sélectionnées
B.2 Variables des applications existantes et résultats de l’analyse statistique
B.3 Réprésentation des données de santé sur les applications sélectionnées
C Enquête : expériences, habitudes et préférences dans les interfaces de santé : questionnaire et résultats
D Optimisation de l’interface de santé améliorant la satisfaction-patient : site Internet de l’expérimentation

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