Concept du composite béton et mortier- polymère
Le concept général des composites béton ou mortier-polymère, du point de vue technique, implique un processus par lequel des produits chimiques (polymères), sont introduits dans une matrice cimentière (Ribeiro, 2006). Leurs combinaisons avec ces mélanges, a donné un effet synergique (Benosman, 2010) (Czanecki, 2015).
Les produits chimiques dits polymères utilisés sont des structures ayant une architecture le plus souvent linéaire ou tridimensionnelle constituée par l’enchaînement covalent de plusieurs unités ou motifs unitaires appelés monomères (Elalaoui, 2012). La réaction par laquelle ces monomères sont liés les uns aux autres pour former de longues chaînes polymériques s’appelle la polymérisation. On distingue deux types de polymérisation ; la polymérisation en chaîne ou polyaddition (donnant par exemple le polyéthylène, polystyrène, polypropylène, etc.) et la polymérisation par étapes ou polycondensation (conduisant aux polyesters, polyamides, polyuréthanes, phénoplastes, aminoplastes, etc.). Semblables aux matériaux de ciment classiques, les matériaux composites aux polymères comprennent trois phases: une phase dispersée, constituée par des agrégats et des renforts (si elle est appliquée); une phase continue formée par la matrice de liant (ciment et/ou polymère), et une certaine porosité imposée, soit par la granulométrie du granulat ou par le procédé lui-même (Ribeiro, 2006).
Au regard de cette définition, un nombre infini de mélanges peuvent être réalisés en fonction de la nature chimique des composants, leur contenu et leur procédé de fabrication.
Généralement, ces composites sont issus de la substitution partielle ou totale de la matrice cimentaire, du mortier ou du béton conventionnel par le polymère en vue de les renforcer (Benosman, 2010). Ohama (Ohama, 1997), distingue trois classes de béton ou mortierpolymère : Béton (ou mortier) imprégné par polymère (BIP /MIP); Béton (ou mortier) polymère (BP/MP); Béton (ou mortier) modifié par polymère (BMP/MMP).
Classification des composites-polymère
Béton ou mortier imprégné par polymère BIP/MIP
Les BIP et MIP sont les premiers composites qui sont, depuis la fin des années 1960 aux années 1970, largement connus (Fowler, 1999), (Ohama, 2011). Ce système est un composite formé par injection d’un monomère de faible viscosité (Fowler, 1999) (Knapen, 2007) (Elalaoui, 2012), généralement le méthacrylate de méthyle MMA (Fowler, 1999) (ACI, 1997) sous forme liquide ou gazeuse dans les pores du béton (ou mortier) de ciment Portland après durcissement (Fowler, 1999) (Elalaoui, 2012) ; bien que les monomères de type liquide sont plus facilement adaptables à l’imprégnation du béton durci (ACI, 1997).
En règle générale, presque n’importe quelle forme, taille, configuration, qualité de béton (ou mortier) de ciment Portland peuvent être imprégnées, à condition que le monomère ait accès à l’espace vide à l’intérieur du béton (ou mortier). Une partie importante de cet espace est généralement obtenue par l’élimination de l’eau libre des pores par simple séchage (ACI, 1997). Il est clair que le remplissage de monomères de l’espace disponible dans le réseau poreux du béton (ou du mortier), détermine si ce composite est partiellement ou totalement imprégné. Selon le guide (ACI, 1997), l’imprégnation totale implique qu’environ 85% de l’espace vide disponible après séchage soit rempli.
Après imprégnation, le béton ou le mortier contenant la quantité souhaitée de monomères est soumis à un traitement de conversion du monomère en polymère (la polymérisation). Les deux méthodes les plus couramment utilisées pour la polymérisation dans les systèmes imprégnés sont appelées thermo-catalytique et promu-catalytique. Une troisième méthode, impliquant des rayonnements ionisants, est moins fréquemment utilisée (ACI, 1997) (Fowler, 1999).
Béton ou mortier polymère BP/MP
Il font partie de la catégorie des matériaux à matrice organique d’où sa désignation de béton (ou mortier) à matrice organique (Elalaoui, 2012) (Haidar, 2011). Il est connu aussi sous l’appellation de béton (ou mortier) de résine synthétique ou de béton (ou mortier) de résine plastique ou tout simplement par le béton (ou le mortier) de résine ou de polymère (Ribeiro, 2006) (Haidar, 2011). Ce système est entré en usage à la fin des années 50 et au début des années 1960 (Ohama, 2011), même si les demandes étaient très limitées. Il a d’abord été utilisé dans l’industrie de la construction aux États-Unis, puis en 1958, pour la fabrication innovante de panneaux muraux préfabriqués et marbre artificiel (Fowler, 1999). En Europe, il a été utilisé comme matériau de réparation dès 1961 (Ribeiro, 2006). Cependant, ce n’est que dans la fin des années 60 et le début des années 70, après le développement des BIP, que le BP est rendu plus connu.
Ces composites sont généralement formés par un squelette granulaire et un liant polymère (Haidar, 2011). Ils ne contiennent pas de phase de ciment hydraté (Salbin, 1996) (Czarnecki, 2007) (Kardon, 1997) (Zabihi, 2015), bien que le ciment Portland peut être utilisé comme une charge « sans l’eau » (Ribeiro, 2006). Lorsque les renforts sont formés par des sables ou des inclusions de dimensions plus petites, le composite est dit mortier de résine ou de polymère (Elalaoui, 2012) (Haidar, 2011).
Béton ou mortier modifié par polymère BMP/MMP
Ce matériau dont la teneur en polymère, par rapport au ciment, est supérieure à 5%, a été mis en usage au début des années 1950, et dans les années 1970. Il est devenu l’un des matériaux de construction dominants dans les pays avancés (Ohama, 2011). Il est défini comme un mélange de liant (ciment Portland) et agrégat combiné au moment du mélange à un polymère organique usuellement comme adjuvant (Czarneck, 2013) (ACI, 2003) (Kardon, 1997).
Lorsque les hydrates de ciment et la coalescence du polymère se produisent, une co-matrice est entraînée à travers le béton (ou le mortier). En conséquence, une matrice hybride est obtenue, formée par cette co-matrice, ce qui entraîne une amélioration du produit final.
D’après Ohama (Ohama, 1995 ), les mortiers modifiés sont plus utilisés que le béton du point de vue de l’équilibre entre les performances et le coût, ce qui justifie le choix que nous avons fait de les valoriser dans le cadre de nos travaux.
Plusieurs types de polymères sont utilisés pour fabriquer un béton ou un mortier modifié par polymères. Les plus utilisés, se présentent sous forme de dispersion aqueuse que l’on désigne sous le nom de latex (Haidar, 2011) (Kardon, 1997). Aussi, il existe les polymères redispersables, les polymères solubles dans l’eau, et aussi les résines liquides (Knapen, 2007) (Zabihi, 2015).
Les mortiers modifiés par les résines liquides
Sont des mortiers modifiés par des polymères visqueux tels qu’une résine époxy, une résine de polyester insaturé ou une résine de polyuréthane (Ohama, 1998).
Le mélange de ce type de composites est semblable à celui des systèmes modifiés au latex (Ohama, 1995 ) (Ohama, 1998) ; seulement ces résines réagissent, avec des durcisseurs ou des agents de durcissement pour former une structure en réseau (polymères à deux composants).
Usuellement, les mortiers modifiés par les résines liquides sont obtenus en mélangeant d’abord : le ciment, les granulats et la moitié de l’eau de gâchage, puis le durcisseur prémélangé avec la résine et le reste de l’eau de gâchage. La teneur en « résine, durcisseur » est pratiquement la même ou supérieure à celui des systèmes de latex modifiés ; les plus pratiquées varient entre 15 à 20% (Ohama, 1995 ) (Ohama, 1998). Néanmoins en Allemagne, selon (Ohama, 1995 ), on remarque que le durcissement de la résine époxy peut se produire dans le milieu alcalin des mortiers de ciment sans durcisseur. Ces auteurs ont mené une étude sur des mortiers modifiés par des résines époxydes sans durcisseur. Ils ont observé que les mortiers sont réalisés avec succès, et ont des propriétés supérieures par rapport aux mortiers modifiés par les résines époxydiques classiques (avec durcisseur). De plus, ils ont conclu qu’un rapport polymère-ciment variant de 5 à 10%, est considéré comme optimal pour la préparation de ces nouveaux mortiers.
Pour le durcissement, ces systèmes ont l’avantage d’être durcis dans des conditions humides ou mouillées.
Les propriétés des mortiers modifiés par les polymères solubles dans l’eau
D’après Ohama et col. (Ohama, 1995 ) les systèmes modifiés par les polymères solubles présentent une rétention d’eau, un entraînement d’air et un effet plastifiant remarquable. Et cela peut grandement contribuer à une amélioration de la maniabilité et à la prévention du phénomène de «séchage» (Ohama, 1995 ) (Knapen, 2007). De plus, la capacité de rétention d’eau de ces polymères peut contribuer également à une adhérence supérieure aux différents supports poreux tels que les carreaux de céramique, et les matériaux cimentaires (Knapen, 2007) (Jenni, 2005). En outre, la capacité de rétention d’eau se traduit souvent par une viscosité accrue ; cela tend à diminuer l’eau libre et la tendance à la ségrégation dans la pâte de ciment (Knapen, 2007). De plus, une homogénéité et une meilleure dispersion des fibres de carbone et d’acier sont obtenues dans la pâte de ciment modifié (Knapen, 2007).
D’autre part, les polymères solubles dans l’eau tendent à diminuer la résistance à la compression en raison de l’augmentation de l’air entraîné (Ohama, 1995) (Fu, 1996a) ; tandis qu’une augmentation de la résistance à la traction est trouvée pour certaines applications (Fu, 1996a). En revanche, la force de liaison entre la pâte de ciment et les granulats (Knapen, 2015), entre la pâte de ciment et des fibres d’acier (Knapen, 2015), et entre la pâte de ciment et les fibres de carbone (Fu, 1996c), est améliorée. Dans leurs travaux, (Fu, 1996a) ont étudié l’effet de l’incorporation du méthylcellulose dans les mortiers. Ils ont trouvés que la résistance à la traction a été augmentée jusqu’à 72%, la ductilité à la rupture jusqu’à 62%, tandis que la résistance à la compression a été diminuée jusqu’à 30% et la ductilité à la compression jusqu’à 34%. D’autre part, les mêmes auteurs dans une autre étude (Fu, 1996b) ont trouvés que l’addition de 0,4 % de méthylcellulose et 20% de latex dans la pâte de ciment a donné une augmentation similaire et significative de l’adhérence entre les fibres d’acier inoxydable et la pâte de ciment.
De plus, l’amélioration de l’interface entre les granulats et la pâte de ciment peut entraîner aussi une diminution à la fois de la perméabilité et la formation de fissures (Knapen, 2015).
Ces polymères même si on les ajoute à de petites quantités, ils ont la capacité de former un film polymère dans le mélange cimentier, comme nous l’avons mentionné auparavant. Cette tendance est citée par quelques auteurs dans la littérature (Knapen, 2015). Ces derniers ont étudié la présence du film polymère dans la structure durcie des mortiers de ciment modifiés par l’acétate d’alcool polyvinyle, la méthylcellulose et l’hydroxyéthylcellulose. Les résultats trouvés ont prouvé la présence de films polymères dans les mortiers modifiés avec 1% d’alcool de polyvinyle-acétate et de méthylcellulose. Les mêmes tendances ont été signalée par (Jenni, 2005).
Interactions ciments – polymères
Lorsqu’un polymère de type latex est ajouté à un mélange cimentaire, des interactions peuvent avoir lieu au cours de l’hydratation du ciment (Ngassam, 2013). Les mécanismes réels de ces interactions ne sont pas complètement compris (Salbin, 1996) (Soufi, 2015).
Certaines recherches estiment que seules des interactions physiques existent entre les deux phases avec la formation du film polymère responsable de l’amélioration de certaines propriétés physiques et mécaniques (Soufi, 2013). D’autres, pensent qu’il y a en plus des interactions physiques, des interactions chimiques entre les polymères et les hydrates de ciment responsables du changement de la microstructure des mortiers modifiés (Soufi, 2013) (Ngassam, 2013) (Soufi, 2015).
Dans une étude très récente, Wang et col. (Wang, 2016) ont étudié le mécanisme de modification des polymères latex sur les pâtes de ciment. Les auteurs ont utilisé deux types de latex l’un est à base de Butyl benzène, ce type a été utilisé pour représenter le groupe des polymères sans groupes actifs dans leurs chaînes de polymère. Le deuxième est un latex de type carboxylique de styrène-butadiène qui contient des groupes actifs capables de réagir avec les produits d’hydratation afin de produire une structure de réseau 3D dans les systèmes modifiés. Ils ont pu constater que, concernant le premier latex sans groupe actif, le mécanisme responsable de l’interaction est un mécanisme physique. Le film de latex ayant couvert les surfaces des cristaux d’hydratation et remplit les fissures et les pores du ciment, est en mesure de donner une meilleure performance aux systèmes modifiés. Tandis que, pour l’autre polymère utilisé, ils ont démontré que le mécanisme responsable comprend à la fois des mécanismes physiques et chimiques.
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Table des matières
Introduction générale
Organisation générale du mémoire
Chapitre 1. Description générale des bétons et mortiers de polymères
1.1. Introduction
1.2. Concept du composite béton et mortier- polymère
1.3. Classification des composites-polymère
1.3.1. Béton ou mortier imprégné par polymère BIP/MIP
1.3.2. Béton ou mortier polymère BP/MP
1.3.3. Béton ou mortier modifié par polymère BMP/MMP
1.4. Conclusions
Chapitre 2. Propriétés des mortiers modifiés au latex
2.1. Introduction
2.2. Propriétés des mortiers modifiés
2.2.1. Les propriétés à l’état frais
2.2.2. Propriétés à l’état durci
2.3. Les applications typiques des mortiers modifiés au latex
2.4. Conclusions
Chapitre 3. Matériaux et méthodes
3.1. Introduction
3.2. Choix des matériaux
3.2.1. Le ciment
3.2.2. Les caractéristiques physico-mécaniques des ciments
3.2.3. Les granulats
3.2.4. Les latex utilisés
3.3. Mélange et cure des mortiers
3.4. Procédure des essais effectués
3.4.1. À l’état frais
3.4.2. À l’état durci
3.5. Conclusions
Chapitre 4. Analyses et discussions des résultats
4.1. Introduction
4.2. Propriétés des mortiers à l’état frais
4.2.1. La fluidité
4.3. Propriétés des mortiers à l’état durci
4.3.1. Effet des conditions de cure sur la résistance à la compression des mortiers
4.3.2. Effet des conditions de cure sur la résistance à la traction par flexion des mortiers
4.3.3. La ténacité
4.3.4. L’adhérence des mortiers
4.3.5. Modes de rupture
4.3.6. La porosité accessible à l’eau
4.3.7. L’absorption d’eau
4.4. Conclusions
Conclusion générale et perspectives
Références bibliographiques
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