Comprendre une formulation lexicale et syntaxique spécifique : la consigne

Entre élaboration, lecture et compréhension : le traitement de la consigne

Verdelhan-Bourgade (2002) met en évidence que dans le traitement des consignes, il s’agit bien de difficulté au niveau de leurs énoncés, des opérations à effectuer et des attentes qu’elles contiennent. Ainsi, ressort l’idée que la consigne qui vise elle-même à guider l’élève dans la réalisation de la tâche peut être finalement elle-même porteuse d’obstacles. Durand (1998) qui a travaillé à plusieurs reprises avec Verdelhan-Bourgade, axe tout particulièrement ses recherches sur les problèmes linguistiques et psycholinguistiques posés par la lecture et la compréhension des consignes et des énoncés d’exercices. Ainsi, elle met en avant, sur la base d’observations, que « ce type de textes est peut-être insuffisamment pris en compte par les enseignants » et « n’engagent pas les élèves à construire des savoirs à leur propos » ; et parle alors de « nécessaire mobilisation lors des activités mentales ». C’est-à-dire que les consignes nécessitent un traitement spécifique avant même d’accéder à la réalisation de la tâche. Bautier & Rayou (2009), quant à eux, sur la même question, mettent en lumière que les élèves sont engagés dans l’activité par des consignes trop larges qui engendrent un grand nombre d’implicites. Alors la fonction facilitatrice, de liberté, finalement en vient à desservir les élèves. Ils précisent qu’il s’agit d’« enrôler les élèves dans le travail par des consignes très ouvertes, très larges, à partir desquelles chacun peut trouver à dire et à faire mais avec des degrés de pertinences et des effets tout aussi largement différents». Plus largement, Bautier (2009) s’appuie sur des informations recueillies lors d’un travail en collaboration avec Goigoux (2004), et installe le constat que les tâches et les situations sont trop ouvertes. Et donc que les élèves les plus démunis ne sont pas armés pour envisager la secondarisation engagée dans la tâche prescrite. Nous développerons plus loin, l’étroite relation entre la tâche à réaliser et l’objet de notre étude, à savoir la prescription de cette même tâche. Ainsi, la consigne tient alors une place prédominante dans ces situations.
La compréhension de la consigne semble résider partiellement dans la lecture de celleci. Zakhartchouk (2001) constate que l’essentiel de la consigne tient en son adéquation avec l’objectif visé et le temps choisi pour l’énoncer tant dans la séquence d’apprentissage que dans le temps de classe. Ce fait sera d’ailleurs mis en exergue dans notre étude empirique, puisque nous analyserons notamment le temps de consigne au travers de ces deux constats.
Afin d’affiner son propos, il explique que les élèves les plus efficaces parviennent à mettre en lien le passé, c’est-à-dire ce qu’ils savent déjà, le présent grâce à une « analyse méthodique » de la consigne et enfin le futur grâce à « une anticipation sur la consigne réalisée et une interrogation sur les attentes de l’enseignant ». Fait que nous avons largement pu constater dans nos classes respectives où nous rencontrons ce type d’élèves. Il est aussi des élèves plus en difficulté pour qui la lecture et la compréhension de consignes est une réelle difficulté et donc un obstacle aux apprentissages.
D’autre part, Adam (2001) met en avant la différence entre l’énonciation de la consigne et la lecture d’une consigne. En effet, comme Zakhartchouk, il avance la difficulté récurrente de certains élèves à lire et comprendre les textes incitant à l’action. Selon lui, il semblerait plus facile de comprendre une consigne orale car l’énonciateur est identifié, il s’agit le plus souvent de l’enseignant qui est généralement l’auteur de la consigne et le cas échéant se l’approprie comme sienne. Tandis que lors de lecture de consignes dans les manuels scolaires par exemple, « les traces explicites du sujet énonciateur sont absentes ».
Cela est selon Adam (2001), source de difficultés et peut présenter un obstacle à la compréhension des consignes et donc par conséquent aux apprentissages. Néanmoins afin de permettre une identification du lecteur et sa mise en action, il souligne l’intérêt de l’utilisation de la forme pronominale ouverte « vous » permettant à chaque élève de se sentir concerné par la mise en action. Celle-ci s’avère renforcée lors de l’utilisation du pronom « tu », dans ce cas, l’élève se sent comme interpellé directement. L’élève se met alors en action de façon plus rapide mais aussi plus efficace.

Les difficultés dans l’opérationnalisation de la tâche

D’après Verdelhan –Bourgade (2002), l’opération mentale nécessite des connaissances pragmatiques associées à la situation de classe et à des références extérieures. Ce qui est dû, selon Bautier & Rayou (2009) au fait que le milieu social joue un rôle d’importance quant à la compréhension du fait que certains élèves se retrouvent davantage démunis en la matière car ils ne sont pas « familiarisés à des modalités de traitement des « objets » qui les transforment en objets de savoir et apprentissages nouveaux ». Pour eux, il s’agit d’une méconnaissance de registres de travail, d’activités cognitives et langagières chez certains élèves. Ils dénoncent en quelque sorte l’Ecole qui ne prend pas suffisamment ces différences en considération et ainsi, contribue à accentuer les inégalités. L’élève appréhende et s’approprie les concepts en fonction de la connaissance qu’il a du monde. Bautier & Rayou (2009) parle alors d’une « pluridifonctionnalité » dans la prescription de la tâche et la compréhension qu’en ont les élèves.
Au niveau des apprentissages, Verdelhan-Bourgade (2002) expose clairement qu’une partie de l’échec dans la résolution des tâches scolaires provient d’une mauvaise compréhension des consignes et ainsi de l’accès à la tâche à réaliser. Bautier & Rayou (2009) nuancent au niveau des acquisitions langagières que « l’accent mis ici sur le langage ne doit pas masquer qu’au-delà des productions langagières, c’est bien de travail cognitif et d’apprentissages dont il s’agit ». La difficulté scolaire peut alors s’inscrire à différents niveaux et la place des implicites au niveau langagier peut y participer et devenir ainsi une des sources génératrices de difficultés. Nous relèverons cette phrase de Bautier & Rayou (2009) afin de ne pas restreindre la difficulté scolaire aux seules compétences langagières. « Si les échanges langagiers peuvent brouiller la visibilité des enjeux cognitifs en ce qu’ils construisent la situation et son interprétation, les dispositifs pédagogiques participent également à l’ambiguïté actuelle, l’ensemble rendant la mobilisation cognitive difficile ».
Toutefois, pour répondre à ce constat, Durand (1998) propose de « donner aux élèves la maîtrise des textes prescriptifs – consignes et énoncés d’exercices – il faut donc développer chez eux la compétence discursive textuelle correspondante ».

Comprendre une formulation lexicale et syntaxique spécifique : la consigne

Si la lecture des consignes recouvre nombre de difficultés, leur formulation, quant à elle, semble également être à interroger. Ainsi, comme tout enseignant peut l’imaginer, il peut y avoir mille et une manières d’énoncer une consigne, de la formuler, de la construire. La consigne nécessite alors d’être réfléchie par l’enseignant tant au niveau du contenu qu’au niveau lexical et syntaxique afin de pouvoir être exécutée au mieux. Pour exemple, Zakhartchouk (2001) distingue clairement parmi les nombreuses injonctions, celles d’expliquer et justifier. Selon lui, la distinction se fait essentiellement dans l’implication ou non de la subjectivité de l’élève. Il est vrai qu’en tant qu’enseignants, nous demandons souvent à nos élèves de manière aléatoire d’expliquer ou de justifier leur réponse. Il nous arrive parfois même à partir d’une préparation en amont dont la consigne initiale était de justifier , de demander aux élèves lors de la reformulation d’expliquer ou inversement. Cette confusion des termes entraine selon l’auteur une imprécision dans les tâches à réaliser. En effet, s’il parait évident, d’un point de vue étymologique, que ces deux mots ne désignent pas la même mise en action, leurs usages confondus peuvent mettre en difficulté les élèves. Selon les pédagogues et les didacticiens, l’explication est la réponse à la question « pourquoi ? » tandis que la justification consiste en une reprise de la démarche suivie par l’élève. Zakhartchouk (2001) précise même que l’explication devrait être réservée à « des tâches où il convient d’écrire un texte, un texte explicatif (…) où on remonte à la cause d’un phénomène » tandis que la justification « pourrait être réservée (…) une fois énoncée la solution, à reprendre pas à pas la démarche suivie ».
Ces précisions mettent en avant l’importance du vocabulaire utilisé lors des propositions et des énoncés des consignes aux élèves, et ce afin de donner du sens à la consigne tant en ce qui concerne la compréhension de celle-ci que les apprentissages visés.
L’importance du vocabulaire et des mots choisis dans les différents types d’injonctions est reprise dans l’article d’Adam (2001) puisqu’il indique que ce lexique est spécifique en fonction de l’apprentissage visé mais aussi du contexte. Selon lui les injonctions relèvent toujours des mêmes termes. Au fil des apprentissages ces termes et leur emploi sont connuspar les élèves. Ainsi l’usage de l’impératif est très rapidement reconnu comme incitation à l’action. Il en est de même pour les « propositions à valeur illocutoire » et les indicateurs de portée « pour, comment … » qui sont primordiaux et apporte des précisions aux consignes.
Verdelahn-Bourgade (2002) pointe la polysémie des mots comme source de difficulté et ainsi le vocabulaire employé dans les consignes. Un même mot (par exemple : relever) peut prendre plusieurs sens, à savoir un sens social (comme : remettre debout) mais dans la consigne passera alors à un sens scolaire (repérer, noter). Or le verbe étant l’élément central de la consigne, l’élève doit ainsi développer des aptitudes dans la réalisation d’opérations mentales afin d’en extraire le message principal et codé et pouvoir effectuer la réalisation de la tâche demandée. Elle donne alors pour exemple, qu’un apprenant en Français Langue deScolarisation (FLS), aura à assimiler la langue française qui va lui permettre notamment de réussir à l’école. Nous préciserons que le FLS assure en effet le passage du Français Langue Etrangère (FLE) au français langue maternelle. Le FLS est donc une phase intermédiaire entre la simple communication et la maîtrise parfaite de la langue et du métalangage. C’est une langue spécifique à l’école qui permet de suivre une scolarité avec une prépondérance de l’écrit. Afin de revenir au propos, la consigne recèle un vocabulaire spécifique qui nécessite son propre apprentissage et le développement de compétences langagières avant même la réalisation de la tâche. Bautier & Rayou (2009) parlent de « langage à apprendre pour comprendre et pour apprendre ». Ils soulignent ici l’idée qu’il existe plusieurs dimensions du langage. Chabanne & Dezutter (2011), pointent une manière de construire des compétences autour de la question de la formulation. Ils donnent un exemple précis de leur étude, à savoir que la reformulation met en évidence le fait que pour faciliter la tâche, l’enseignant guide les élèves vers la présence de VOUS comme indicateur repérable à la place des champs lexicaux.
Ainsi, Ce type de geste professionnel peut être décrit, selon eux, comme un effet Topaze : « à la place de repérer les champs lexicaux, repérer au moins une structure dialogique opposée dans la lettre ». Brousseau (1998) explicite l’effet Topaze, d’après la pièce de Marcel Pagnol du même nom, en soulignant l’idée que le professeur ne peut accepter les erreurs de son élève lors d’une dictée et finit par prendre à sa charge l’essentiel du travail en suggérant l’orthographe correcte. Alors, les connaissances visées ne tiennent plus lieu d’apprentissage pour répondre aux seules attentes du professeur. Chabanne & Dezutter (2011) poursuivent alors le principe selon lequel le concept des opérations langagières complexes (ici énonciation, organisation, champs lexicaux) est transformé en « une procédure de repérage d’indices relativement simples qui donnent à voir certains aspects du texte ». Cette situation se trouve être alors une forme de mode de construction où l’enseignant opère un ajustement entre un discours hautement technique et conceptuel et une tâche à effectuer.

De la prescription à la réalisation : une relation étroite

A ce sujet, certaines études (Leplat & hoc, 1983 ; Clot, 1995 ; Goigoux, 1997) montrent que les consignes jouent un rôle prépondérant dans la tâche, dans le sens où elles la déclenchent mais également traduisent en quelque sorte ce que les élèves doivent faire. Les consignes semblent alors être l’explicitation de la tâche. Selon Chabanne & Dezutter (2011), « c’est pourquoi on peut également affirmer que ce sont elles qui véhiculent les tâches ». Ces chercheurs précisent également que la tâche opérationnalise un contenu d’enseignement, alors que la consigne quant à elle contribue à matérialiser cette tâche sous forme d’énoncé écrit ou oral. Cet apport scientifique confirme alors que la consigne et la tâche sont indissociables ; l’une étant au service de l’autre et la dernière ne pouvant être atteinte que par l’éclairage de la première. Il nous parait alors essentiel de définir la consigne. Si la définition la plus courante de la consigne relève d’un aspect très directif, celle donnée par Zakhartchouk (1999) l’est tout autant. Selon lui, la consigne est « toute injonction donnée à des élèves à l’école pour effectuer telle ou telle tâche ». Qu’il s’agisse de didacticiens, de pédagogues ou de scientifiques, tous s’accordent sur l’aspect injonctif de la consigne. Leplat & Hoc (1983) précisent que lorsqu’un enseignant transmet des consignes, son objectif est toujours de définir au mieux la tâche à exécuter. La phase de réalisation révèle alors un autre chainon à savoir l’activité. D’un point de vue didactique et pédagogique, la tâche est ce qui est à faire par les élèves tandis que l’activité est ce qui est mis en jeu pour l’exécution de cette même tâche.
Toute la complexité du point de vue de l’enseignant est alors de parvenir à mettre en concordance : consigne, tâche et activité.

Les consignes : des injonctions multiples

La consigne telle que nous pouvons l’entendre au départ, semble finalement revêtir de nombreuses formes. Elle apparait multiple. Nous pourrons sans doute nous appuyer sur la classification des consignes de Zakhartchouk (1999) qui catégorise les différents types de consignes : les consignes-buts, les consignes-procédures, les consignes de guidage et les consignes-critères. Ainsi nous pouvons supposer que cette typologie nous permettra d’éclairer nos observations dans la suite de notre travail.
Pour Adam (2001), la consigne apparait alors comme un incitateur à l’action en demandant de faire quelque chose tout en prédisant un résultat spécifique. Tandis que pour Chabanne & Dezutter (2011), la consigne présente alors un « caractère spécifique » dans les gestes professionnels. Il s’agit de s’intéresser à la manière dont la consigne contribue ou non à construire l’objet d’enseignement. Ces derniers insistent sur le fait que la consigne est bien souvent accompagnée d’une ou plusieurs reformulations. En liant consigne et reformulation, il est important de préciser que, pour eux, « la reformulation n’est convoquée que si [la consigne] existe et si elle apporte un éclairage supplémentaire sur la manière de construire cet objet ». La reformulation semble être un élément à prendre en compte, dans le sens, où l’enseignement relève d’une interaction. L’enseignant est alors souvent amené à revenir sur la formulation de ses consignes. Ainsi, la reformulation peut apporter une « grande richesse d’informations », de « la complémentarité ». La reformulation est alors considérée comme un « geste qui reprend, réajuste ou complète la consigne initiale ». Adam (2001) met en avant de nombreux points communs à toutes les consignes. Selon lui, « les textes d’incitation à l’action présentent des régularités qui relèvent de macro-formes types d’énonciation ou plutôt de macro-actions socio-discursives ». Il rejoint alors largement Zakhartchouk dans son analyse des textes injonctifs, puisqu’il les résume comme étant une volonté de « faire faire quelque chose à quelqu’un ». En ce qui nous concerne, il s’agit évidemment des élèves qui sont sollicités sans cesse tout au long de leurs apprentissages. Les didacticiens et les pédagogues s’accordent sur le fait que tout apprentissage nécessite une phase de mise en action, qui faute de prendre du temps, ancre de manière durable les acquis et les apprentissages. Selon Adam (2001), toute la difficulté de l’enseignant repose en la manipulation adéquate et opportune du conseil et de la consigne. S’il explique que ces deux genres sont différents, il montre aussi que pour une mise en action réussie ils doivent êtreconjoints.

Méthode

Le protocole et le recueil de données s’appuient sur nos propres expériences en classe de CE2 et de CM2. Pour cela nous avons enregistré des séances de classe complètes afin de pouvoir observer notre discours, l’énonciation de nos consignes, l’adéquation avec nos fiches de préparation et la mise en activité des élèves.
Nous avons donc oscillé entre deux rôles : celui d’enquêteur et d’enquêté. Nous avons eu conscience qu’en endossant ces deux rôles, notre position était influencée lors de la préparation et de l’enregistrement. Afin d’objectiver notre recueil de données, nous avons décidé de ne pas nous concerter quant à la préparation de nos séances afin d’élargir notre champ d’observation. Ainsi, il s’agissait, dans un premier temps, d’observer la phase de réflexion didactique en utilisant les fiches de préparation sur lesquelles étaient écrites les consignes élaborées en amont ainsi que le cahier journal. Puis, les phases de mise en œuvre pédagogique ont fait l’objet d’une analyse par enregistrement vidéo. Après la séance, un entretien d’explicitation a été réalisé afin de mettre en lumière les écarts dans la chaîne de transmission.
De manière plus détaillée, nous nous sommes intéressées à la consigne écrite en amont de la séance, puis l’enregistrement nous a permis de faire ressortir ou non des écarts quant à la présentation et la verbalisation de ces mêmes consignes. L’enregistrement a donné également lieu à l’observation de la réception de ces consignes par les élèves : les conditions d’écoute, leur disponibilité, le lexique, la formulation. Nous avons également envisagé d’observer les phases de reformulation des consignes par les élèves qui pouvaient apporter des éléments supplémentaires. Enfin, les productions des élèves nous ont donné la possibilité d’observer ce qui se joue en bout de chaîne. Enfin l’auto-confrontation nous a donné l’opportunité de porter un regard sur notre pratique lors de la dite séance.
Néanmoins, nous nous sommes rapidement rendu compte que cette auto-confrontation relevait plus de la description que de l’analyse pure. En effet, si l’étude de la différence entre la fiche de préparation et l’énonciation de la consigne pouvait révéler certains écarts, ceux-ci ne pouvaient constituer à eux seuls un objet d’étude. C’est pourquoi, après l’analyse des documents vidéo nous avons choisis de modifier quelque peu notre protocole. Si le support d’étude restait les séances filmées, nous avons décidé, plutôt que de nous en tenir à l’autoconfrontation, de retranscrire l’ensemble de notre discours tenu au cours de la séance et de l’étudier afin de mettre en avant les éléments remarquables en lien avec notre questionnement initial. Notre recherche se positionnant réellement du côté de l’enseignant nous avons pris le parti de ne pas retranscrire les diverses interventions de nos élèves, nous en tenant exclusivement à notre propre énonciation. La mise en parallèle des entretiens explicatifs et des verbatims ont mis en avant des similitudes et nous ont permis de classer et de regrouper nos consignes. Ainsi, nous espérons que le recoupement de l’ensemble des données pourra alimenter notre axe de réflexion sur les obstacles à la passation de consignes.
Au regard des recherches déjà menées sur le sujet et de notre recueil de données, certaines hypothèses ont émergées. Parmi elles :
 La consigne ne représente qu’une infime partie du discours de l’enseignant ; celui-ci étant essentiellement constitué d’injonctions diverses qui elles représentent une large partie de l’énonciation face à la tâche à réaliser.
 Bien que préparée, la consigne écrite n’est pas toujours textuellement identique à la consigne orale, ainsi le lexique choisit peut interférer la compréhension des consignes.
Notre étude visera donc à analyser ces éléments comme obstacles à la passation de consignes dans la construction des apprentissages. Nous mettrons également en avant divers dispositifs utilisés par l’enseignant afin de remédier à certains de ces obstacles. Comme par exemple, la présence de reformulation ou encore d’exemples et ce quelque soit la forme d’énonciation choisie dans un souci de compréhension.

Résultats

Au regard des données relevées, nous avons observé alors une grande variété de ce que nous appellerons « injonctions » de manière générale. Ainsi ces injonctions ne semblaient pas relever obligatoirement d’une consigne visant la réalisation d’une tâche mais également de formulations injonctives visant la régulation de la classe. En ce sens, il nous a semblé que nous pourrions distinguer d’une part des consignes et d’autre part, des injonctions au service des consignes. Dans cette perspective, nous avons choisi d’opérer une catégorisation afin d’extraire des critères spécifiques à chaque type d’injonctions. Nous avons appuyé notre démarche sur celle d’autres chercheurs tels qu’Adam (2001) et Zakhartchouk (1999) qui procèdent également à une forme de catégorisation lorsqu’ils s’attachent au discours en vue de la réalisation d’une tâche. Adam (2001) distingue clairement, en parlant de l’incitation à l’action, une dominante procédurale et une dominante de conseil dont il souligne la présence conjointe.
 Cette catégorisation nous a permis d’émettre l’hypothèse selon laquelle, bien que peu présentes sur la fiche de préparation, ces diverses injonctions, au travers de la gestion de classe, peuvent à la fois parasiter les séances d’apprentissage mais contribuent également à instaurer un climat favorable à la passation de consignes et ainsi peuvent favoriser la bonne compréhension de ces dernières.
Nous avons alors recoupé nos deux déroulements de séances afin de pouvoir dans un premier temps en observer les similitudes. Ainsi, les similitudes sont apparues de manière flagrante. Nos premiers constats ont donc été :
– Sur une séance complète le discours de l’enseignant consiste essentiellement en l’émission d’injonctions diverses à distinguer de la consigne.
– Les consignes préparées, celles qui sont retranscrites sur la fiche de préparation, sont très réduites tant en terme de temps d’énonciation qu’en terme de lexique,
– Les consignes préparées sont présentes et donc énoncées tardivement dans la séance.
– Quel que soit le domaine, l’enseignant choisit de reformuler (le plus souvent plusieurs fois) sa consigne.
En partant de ces postulats, nous nous sommes accordées à trier, classer et catégoriser ce que nous pensions être des consignes ou formes de consignes. Nous avons alors élaboré la catégorisation suivante en redéfinissant nos soi-disant consignes par le terme plus général d’injonction. Nous avons distingué treize types d’injonctions différentes que nous avons choisi de nommer en fonction de leur rôle dans les séances menées, l’énonciation del’enseignante de CE2 est en rouge, l’enseignante de CM2 en bleue.

INTERPRETATION ET DISCUSSION

Afin de répondre à notre questionnement concernant les obstacles à la passation de consignes lors de la séance de travail, nous nous sommes appuyés sur des enregistrements vidéo et la retranscription du discours enseignant. La mise en parallèle et la comparaison des transcriptions nous ont amenées à répertorier et catégoriser les différentes injonctions émises lors de ces séances.
Pour parvenir aux résultats de notre recherche nous nous sommes axées sur nos fiches de préparation et plus particulièrement sur la consigne propre au savoir mis en jeu. L’observation portait alors sur le lexique, la syntaxe et les écarts pouvant intervenir entre la consigne écrite préparée et la consigne oralisée en classe. Puis la place de la consigne a été pour nous source de questionnement. Nous nous sommes alors attardées sur le moment même de la passation de consigne et les conditions de cette passation en lien à la fois avec l’énonciation de l’enseignant, mais aussi les postures des élèves et le climat de classe. Nous avons également poursuivi notre recherche au-delà de l’énoncé des consignes, avec l’observation du discours tenu après cet énoncé. Pour cela, la présence de reformulation immédiate ou différée, d’explicitations ou encore de compléments de consignes ont été objet d’étude. Nous avons donc tenté de décortiquer l’ensemble du discours de l’enseignant.
Nous remarquons alors qu’une grande part du discours de l’enseignant ne relève pas de la préparation qu’il établit en amont. Nombreuses sont les injonctions qui ne sont à priori pas anticipées. Toutefois, nous suggérons que ces différents types d’injonctions données en classe ne sont pas à écarter mais sans doute à prendre davantage en compte lors de la réflexion didactique et la démarche pédagogique pensées lors de la préparation de la classe. Comme le précise Zakhartchouk (2000), il est nécessaire d’anticiper et de penser la consigne en amont. Il souligne également l’importance d’aborder cette préparation autour d’un questionnement didactique. Ainsi, ces questions doivent prendre en compte la construction du savoir, la compréhension, la précision et le degré d’autonomie mais également l’anticipation des difficultés. En ce sens, notre étude nous montre que si nous prenons bien en considération la question de la construction du savoir dans notre démarche didactique, la précision et la compréhension nécessitent d’être intégrées davantage à la préparation. Zakhartchouk (2000) confirme ce postulat en considérant que la formulation et la passation de consignes relève bien d’un geste didactique majeur faisant partie intégrante de la mission de l’enseignant. La préparation des consignes et de toutes les consignes doit être considérée alors comme un geste professionnel dans la pratique enseignante.
Il est à noter que chaque type d’injonction joue un rôle spécifique indispensable non seulement à la construction des apprentissages mais également à la mise en œuvre pédagogique pour y parvenir. Ainsi, Zakhartchouk (1999) développe une catégorisation des différents types de consignes. Il définit alors les consignes-buts, les consignes-procédures, les consignes de guidage et les consignescritères. Cette typologie, même si elle ne correspond pas exactement à la catégorisation que nous avons choisi, nous permet de recouper nos observations et les siennes. Ce que nous dénommons comme « consigne participant à la construction du savoir » rejoint alors la notion de consigne-but qui prescrit la tâche à réaliser à laquelle s’ajoute également la reformulation, l’explicitation et les compléments de consigne. La consigne-procédure s’apparente plus à ce que nous considérons comme du guidage à la mise en œuvre pédagogique. Ce sont les moyens donnés aux élèves pour accéder à la réalisation de la tâche, la procédure mise en jeu pour effectuer ce qui est demandé.
Toutefois, nous pouvons noter que s’il est possible de recouper ces deux catégories, celle proposée par Zakhartchouk (1999) semble plus riche et complexe. Il installe également les consignes de guidage auxquelles nous associons nos propres injonctions relatives à l’étayage. Il s’agit dans ce cas de baliser la tâche et de centrer l’attention des élèves sur des points particuliers, Le but étant de le mettre en garde contre d’éventuelles erreurs ou encore d’illustrer les propos de l’enseignant.
Zakhartchouk (1999) relève que pour ce type de consignes l’élève a rarement une tâche matérielle à exécuter , il est le plus souvent en situation d’observation accrue. Zakhartchouk (1999) met également en avant les consignes-critères, qui sont pour lui, des critères de réussite de travail. Pour cela, la tâche est décomposée et décrite. Ce type de consignes se retrouve à nouveau dans nos injonctions de guidage et d’étayage.
Il semble alors nécessaire de ne pas seulement considérer la consigne comme seule prescription d’une tâche mais également de développer un discours accompagnant cette consigne en vue de permettre aux élèves d’accéder à la réalisation de la tâche dans les meilleures conditions.
Néanmoins, la plupart de ces injonctions sont difficiles à anticiper mais nécessitent malgré tout d’être prises en compte et réfléchies lors du questionnement didactique. Nous supposons qu’elles puissent l’être puisque la majeure partie de ces injonctions relève de la forme affirmative, sous-entendant qu’elles interviennent toujours à la suite d’une interaction. Même si Chabanne & Dezutter (2011) précisent que l’enseignement relève d’une interaction, chaque injonction n’est pas toujours convoquée dans cette situation. Ainsi, la difficulté de l’enseignant réside dans la sensation de ne pouvoir les anticiper mais il est à préciser qu’il ne peut s’en passer.
D’autre part, il reste à prendre en compte la fonction et les objectifs que visent ces différentes injonctions afin d’en réfléchir leur construction et leur présence dans la séance d’apprentissage. Si ces injonctions ont bien des objectifs comme nous l’avons souligné dans notre classement et jouent un rôle indispensable, ces dernières semblent devoir tenir une place dans la démarche didactique que met en œuvre l’enseignant. De cette manière, Chabanne & Dezutter (2011) mettent en évidence l’importance de prendre en compte comment la consigne contribue ou non à construire l’objet d’enseignement. C’est donc dans cette perspective qu’il nous semble nécessaire de considérer les objectifs de chaque consigne et injonction. Ainsi comme Chabanne & Dezutter (2011) le pensent, la reformulation n’existe que si la consigne même existe, et si elle reprend, réajuste ou complète la consigne initiale. La reformulation qui comme l’explicitation est indissociable de la consigne, et présente l’intérêt de revenir sur la formulation des consignes afin d’en assurer la compréhension par tous les élèves.
Il est primordial pour chaque enseignant de veiller à ce que tous les élèves accèdent à la compréhension de la consigne. Par conséquent, bien que l’enseignant semble prendre en compte l’accès à la compréhension des élèves dans sa passation de consignes, il reste qu’il ne semble pas toujours en anticiper les tenants et aboutissants pour y parvenir. Nous avons pu observer que l’enseignant s’attache à reformuler, à expliciter mais sans toujours s’assurer au préalable de ce que chacun des élèves a pu en comprendre. Alors la question de la pertinence de certaines injonctions peut être dans certains cas remise en cause si elle ne sert finalement à aucun élève ; ou bien que la seule reformulation ne permette pas à un élève d’avoir forcément compris de quoi il était question.
Cela reviendrait à dire que si les injonctions et consignes qui participent à l’accès à la tâche à réaliser et par là, à la construction du savoir nécessitent d’être interrogées quant aux difficultés qu’elles peuvent présenter. Ce sont donc bien ces difficultés au niveau didactique, pédagogique ou langagier qui peuvent être anticipées. Une fois les difficultés pensées, il reste peut être à l’enseignant d’adapter son discours afin d’aider les élèves à être plus autonomes face à la tâche, en considérant l’ensemble des compétences requises pour construire de nouveaux apprentissages.
Rappelons que Zakhartchouk (2000), à ce sujet, pointe la volonté des enseignants à vouloir simplifier et clarifier les consignes afin que les élèves accèdent plus facilement à leur compréhension. Il précise tout de même, et c’est bien ce que nous mettons nous aussi en avant, que s’il peut être intéressant de supprimer « les difficultés inutiles et les ambiguïtés intempestives », les apprentissages des élèves ont eux aussi leur rôle à tenir essentiellement dans la lecture de ces consignes. Il s’agit donc bien d’accompagner mais également d’engager les élèves dans la construction des savoirs, en leur apportant néanmoins les outils suffisants pour qu’ils puissent y parvenir.
Parallèlement, nous nous sommes intéressées aux moments où intervenaient les consignes, les injonctions, et la pertinence de ces temps. Ainsi, nos observations mettent en évidence que chaque type d’injonction intervient à un moment relativement précis dans la séance. Pour exemple, la reformulation comme l’explicitation suivent toujours la passation de la consigne. Tandis que certaines injonctions préalables aux consignes participent à la mise en place de conditions pour le travail à suivre. Ainsi, ce constat nous amène à nous interroger sur la place et la fonction de ces diverses injonctions dans notre préparation. En ce sens, si elles ne sont pas totalement prévisibles, les temps auxquels elles sont associées peuvent l’être. Zakhartchouk (2000) soulève la question de ce qui se passe en classe en se demandant en tant qu’enseignant s’il l’on a selon son expression « prévu l’imprévisible ». D’après lui, le temps et la communication des consignes sont des points essentiels, comme nous le soulignons également. Ainsi, il propose de détacher la distribution des consignes du reste du cours afin d’inciter les élèves à porter leur attention sur ces consignes. Il appuie son propos sur une étude menée par le GRAF de la MAFPEN d’Amiens en 1998 reprenant la parole des élèves. Ces derniers déclarent qu’il faut être attentif « tout le temps » et ont donc des difficultés à s’extraire selon les termes de l’étude d’une « vision stéréotypée et quasi-moralisatrice du cours ». Les dires des élèves confortent alors notre hypothèse selon laquelle la consigne se trouverait noyée dans un discours de l’enseignant beaucoup plus vaste dont les élèves ne pourraient pas toujours différencier les objectifs et les intentions.
Au regard des résultats, nous nous sommes également interrogées sur la question de l’implicite dans la consigne préparée. Si cet axe n’est pas le principal auquel nous nous sommes attachés, nous relevons tout de même que cette situation peut participer à une certaine difficulté dans la passation des consignes. Pour exemple, le verbe d’action « surligner » implique l’utilisation d’un matériel spécifique à savoir un feutre fluorescent dont les élèves ne sont pas toujours en possession. Ainsi, le fait de demander aux élèves de surligner dans une consigne préparée ne prenait pas en compte l’implicite qui résidait dans cette consigne. La consigne, elle-même, implique alors nécessairement des injonctions et des actions induites et pourtant non écrites dans la fiche de préparation. Il s’agissait ici de demander aux élèves s’ils avaient bien tous un feutre, le cas échéant de lever la main afin que l’enseignante puisse leur en distribuer un. Nous remarquons alors que cette situation anodine et largement courante dans les classes parasite la passation de la consigne qui vise à prescrire la tâche à réaliser puisque ces actions décrites ci-dessus interviennent en cours de transmission de la consigne. Les élèves se focalisent alors sur le verbe action et la micro-tâche qui y est associée sans forcément prendre la mesure de l’ensemble de la tâche à réaliser. Précisons que Zakhartchouk (2000) confirme cette idée en proposant de ne pas mêler le temps de passation des consignes à d’autres occupations telles que la distribution simultanée de feuilles ou encore lasurcharge d’informations orales.

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Table des matières
Introduction 
I. Revue de litterature 
a) La consigne : un geste professionnel qui s’inscrit dans un questionnement didactique
b) Entre élaboration, lecture et compréhension : le traitement de la consigne
c) Les difficultés dans l’opérationnalisation de la tâche
d) Comprendre une formulation lexicale et syntaxique spécifique : la consigne
e) De la prescription à la réalisation : une relation étroite
f) Les consignes : des injonctions multiples
g) La passation de consignes : une question pédagogique
II. Etude empirique
a) Méthode
b) Résultats
c) Conclusion
III) Interprétation et discussion
Conclusion
Références bibliographiques 
Annexes

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