Comprendre l’influence du paysage sur la diversité des communautés d’insectes herbivores

Comprendre l’influence du paysage sur la diversité des communautés d’insectes herbivores 

Généralités

Un paysage (Figure 1-A) est une portion de territoire hétérogène, composée d’ensembles d’écosystèmes en interaction […] (Forman and Godron, 1986; Wiens, 1992). D’après Burel et Baudry (1999) le paysage est le niveau d’organisation des systèmes écologiques supérieur à l’écosystème; il est caractérisé essentiellement par son hétérogénéité et par sa dynamique, gouvernée pour partie par les activités humaines. Cette dernière définition se rapproche de celle de la Convention Européenne du Paysage pour qui le paysage est le reflet des interactions entre l’environnement et les pratiques humaines (Conseil de L’Europe, 2000).

Les paysages sont généralement représentés comme des systèmes ouverts composés d’éléments ou de composantes spatiales (Burel and Baudry, 1999; McGarigal and Cushman, 2002; Venturelli and Galli, 2006). Le modèle le plus courant pour conceptualiser et représenter ces éléments est connu comme étant le modèle patch – corridor – matrice (Forman, 2014) (Figure 1-B). Dans ce modèle, les paysages sont composés d’une mosaïque d’éléments appelés patches ou taches d’habitat, d’éléments linéaires appelés corridors, et d’une matrice, l’élément le plus étendu et le plus courant du paysage qui joue par conséquent le rôle dominant dans leur fonctionnement (Casado, 2007). Ces éléments peuvent être étudiés à différentes échelles spatiales suivant l’objet de l’étude, desquelles dépendent les résultats (Steffan-Dewenter et al., 2002). La quantité et la diversité des éléments du paysage, et la complexité dans l’arrangement spatial de ces éléments sont les paramètres qui caractérisent un paysage (Burel and Baudry, 1999). C’est ainsi qu’on distingue la quantité d’habitat, l’hétérogénéité du paysage et la fragmentation. Ces traits ou caractéristiques du paysage sont considérés comme les plus importants et ayant des effets connus sur la diversité des communautés d’insectes herbivores (Bailey et al., 2010; Corcos et al., 2017; Rossetti et al., 2017).

Les différents traits de paysage et leurs influences sur les communautés d’insectes herbivores 

La quantité d’habitat

La notion d’habitat est utilisée pour décrire l’endroit dans lequel un groupe d’espèces trouve les ressources naturelles suffisantes afin qu’elle puisse vivre et se reproduire normalement. La quantité d’habitat est le nombre de patchs d’habitat présents dans un paysage, qu’une espèce exploite. La quantité d’habitat est directement liée à la biologie de l’espèce étudiée. Par exemple, pour des espèces strictement forestières, la quantité d’habitat sera uniquement les patchs de forêt présents dans le paysage. Tandis que pour des espèces ubiquitaires, la quantité d’habitat prendra en compte l’ensemble des patchs des différents types d’habitat. Dans un paysage, les patchs d’habitat constituent des unités spatiales naturelles permettant d’enregistrer et d’analyser la richesse spécifique, l’abondance et l’apparition d’espèces. Cette assertion implique que les limites ou les bords des patchs contiennent ou délimitent des populations et des communautés, de sorte que chaque patch représente une entité écologique significative (Fahrig, 2013). La quantité d’habitat d’un paysage affecte la biodiversité à travers multiple processus incluant la reproduction, la mortalité, la dispersion, les extinctions locales, et les interactions spécifiques opérant à différentes échelles spatiales et temporelles (Addicott et al., 1987). Les études empiriques ont montré que les effets de la quantité d’habitat sur la biodiversité sont régulièrement forts et positifs à travers les régions et les taxons (Fahrig, 2003; Ewers and Didham, 2006; Smith, Fahrig and Francis, 2011). En effet, Fahrig (2013) a montré à travers l’hypothèse de la quantité d’habitat « The habitat amount hypothesis» (Figure 2) que la richesse spécifique des organismes d’un habitat donné est positivement influencée par le nombre de patchs d’habitat présent dans le paysage. Plus de patchs d’habitat entraîne une meilleure répartition spatiale de la ressource, par conséquent, la compétition pour l’espace vitale est fortement réduit.

L’hétérogénéité du paysage

l’hétérogénéité de composition et l’hétérogénéité de configuration. Chaque grand carré est un paysage et les différentes couleurs représentent différents types de couverture végétal (habitat) dans les paysages. L’hétérogénéité de la composition augmente avec l’augmentation du nombre et / ou de l’uniformité des types de couverture. L’hétérogénéité de configuration augmente avec la complexité croissante du modèle spatial (Fahrig et al., 2011) Pour comprendre l’hétérogénéité paysagère, deux composantes ont été définies : la composition et la configuration. Un paysage plus hétérogène est un paysage qui a une plus grande variété de types de couvert (hétérogénéité de composition) et/ou un arrangement spatial plus complexe de ses couverts (hétérogénéité de configuration) (Fahrig and Nuttle, 2007; Fahrig et al., 2011; Figure 3). Un paysage est dit hétérogène lorsqu’il est composé d’un mélange d’écosystèmes et plusieurs types d’usage des terres (Tscharntke et al., 2012). Cette hétérogénéité est liée à une variation spatiale des conditions environnementales d’origine naturelle (topologie, végétation naturelle), anthropique (usage des terres), ou d’une combinaison des deux (Duflot, 2013). Ces différents facteurs qui créent de l’hétérogénéité agissent à différentes échelles spatiales. On distingue les habitats constitutifs d’un paysage en s’intéressant généralement à leur usage « land use » et à leur végétation « land cover » (Duflot, 2013). Ainsi, on identifie des habitats naturels, tels que les forêts, les prairies permanentes, etc., et des habitats anthropisés, tels que les zones urbanisées, les champs cultivés, etc. Ces différents habitats sont souvent de formes parcellaires, et entre eux se trouvent des éléments linéaires comme les bordures des champs, les haies, les traçages des routes, etc. Les habitats anthropisés tels que les zones cultivées, contrairement à ce que l’on pourrait penser, sont très hétérogènes, du fait de la diversité des types de cultures, des successions culturales (rotations), de la taille et de l’arrangement spatial des parcelles, et de l’allocation d’usage des parcelles par les agriculteurs (Thenail et al., 2009, 2012)  .

Du point de vue fonctionnel, l’hétérogénéité structurelle d’un paysage est généralement associée positivement avec la diversité faunique à différentes échelles spatiales, notamment chez les arthropodes (Hansen, 2000). A mesure que différents types de couvert végétal s’ajoutent à un paysage, la biodiversité augmente grâce à l’accumulation d’espèces associées aux différents types de couvert végétal. D’autres espèces apparaissent également parce qu’elles sont associées à la fois à plusieurs types de couvert végétal (Figure 4, page suivante). Cette augmentation de la richesse spécifique n’est pas nécessairement linéaire, mais dépend des réponses des différentes espèces à la combinaison des ressources fournies par ces types de végétation (Fahrig et al., 2011). Dunning et al. (1992) ont appelé ce phénomène complémentarité du paysage ou « landscape complementation », dans lequel les différents habitats d’un paysage sont nécessaires aux différents moments du cycle de vie d’un organisme, ou fournissent des ressources complémentaires, telles que des sites d’alimentation et de ponte, à un moment donné. Le partage des niches « niche partitioning » entre espèces compétitrices a été largement documenté (McKane et al., 2002; Silvertown, 2004); il s’en suit que les paysages hétérogènes ont plus de ressources, fournissent plus d’opportunités pour un tel partage, et peuvent ainsi supporter une diversité spécifique plus grande que les paysages homogènes (Smith and Lundholm, 2012; Stein and Kreft, 2015). Ainsi, l’hétérogénéité environnementale permet de surmonter les effets négatifs de l’exclusion compétitive sur la richesse de la communauté (Herbertsson et al., 2016).

Sur la biodiversité. La biodiversité animale augmente avec le nombre de types de couvertures dans le paysage, car un sous-ensemble d’espèces présentes dans chaque type de couvert se trouve uniquement ou préférentiellement dans ce type de couvert. Les paysages qui contiennent plusieurs types de couvertures pourraient avoir une biodiversité globale plus élevée que ce que l’on pourrait prévoir en ajoutant simplement les espèces associées à chaque type de couvert individuellement. L’augmentation de la biodiversité serait due à la présence d’espèces nécessitant la présence de deux ou plusieurs types de couvertures dans un paysage (Fahrig et al., 2011) .

La fragmentation

Contrairement à la quantité d’habitat et l’hétérogénéité du paysage, la fragmentation est le trait de paysage le plus controversé concernant ses prédictions sur la biodiversité. La controverse de la fragmentation se repose d’abord sur sa définition. Il existe deux conceptualisations majeures de la fragmentation des paysages qui prédisent des effets contradictoires sur la biodiversité. La première conceptualisation définit la fragmentation comme étant la dégradation ou la détérioration graduelle des paysages qui conduit inévitablement à la perte des habitats, en passant par le morcellement de ces habitats en fragments ou patchs plus petits et plus isolés, séparés par une matrice de couverture terrestre transformée par l’Homme (Figure 5). Cette définition est soutenue par de nombreux auteurs comme Haddad et al. (2015) et Fletcher et al. (2018). Cette approche classique considère la fragmentation comme étant corrélée à la perte d’habitats avec des effets écologiques négatifs (Haddad et al., 2015). Cette fragmentation conduit à l’isolement des communautés. Les communautés d’insectes herbivores isolées géographiquement sont plus vulnérables et, soumises à l’impact de la stochasticité environnementale, sont menacées d’extinction (Rossetti et al., 2017). En effet, la théorie de la biogéographie insulaire ou « The Theory of Island biogeography » prédit que les communautés persistent majoritairement dans les habitats plus grands et interconnectés capables de soutenir une plus grande diversité que dans les habitats petits et isolés (MacArthur and Wilson, 1967; Figure 5) .

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Table des matières

Introduction générale
Contexte de la thèse et présentation de l’introduction générale
1ere Partie : Effets de variables environnementales sur la diversité des communautés des insectes herbivores
A. Comprendre l’influence du paysage sur la diversité des communautés d’insectes herbivores
1. Généralités
2. Les différents traits de paysage et leurs influences sur les communautés d’insectes herbivores
a. La quantité d’habitat
b. L’hétérogénéité du paysage
c. La fragmentation
B. Etudier les gradients d’altitude et leurs effets sur la diversité des communautés d’insectes herbivores
1. Généralités
2. Patterns de diversité des communautés d’insectes herbivores sous l’influence des gradients d’altitude
2e Partie : Le contrôle top-down dans la dynamique des communautés d’insectes herbivores
A. Le contrôle top-down : définition et rôle
B. Plus de prédateurs, forte prédation ?
1. Effets additifs de multiples prédateurs
2. Effets synergiques de multiples prédateurs
C. La prédation intraguilde et son influence dans la suppression des communautés d’insectes herbivores
1. Les effets négatifs de la prédation intraguilde dans la suppression des insectes herbivores
2. Les effets positifs de la prédation intraguilde dans la suppression des insectes herbivores
3e Partie : Implications des concepts écologiques étudiés dans la recherche agronomique
A. Introduction
B. La diversité des ennemis naturels au service de la lutte biologique
C. La prédation intraguilde en lutte biologique
D. L’écologie du paysage au service de la lutte biologique
E. L’étude des gradients d’altitude au service de la lutte biologique
4e Partie : Modèle biologique : Les thrips
A. Généralités et classification
B. Reproduction et cycle de développement
C. Régime alimentaire et gamme d’hôtes
D. Les thrips comme ravageurs des cultures
E. Les ennemis naturels des thrips
5e Partie : Problématique et enjeux de la thèse
A. Contexte paysager de La Réunion
B. Les thrips à La Réunion
C. Questions et hypothèses de recherche
Conclusion générale
Références bibliographiques

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