Compréhension en lecture au cycle 3 : créole et français

La place de la lecture au cycle 3

    La lecture est une préoccupation plus aigu de l’Education nationale (enquêtes PISA et PIRLS2). Le cycle 3, cycle de consolidation, relie désormais les deux dernières années de l’école primaire et la première année du collège, dans un souci renforcé de continuité pédagogique et de cohérence des apprentissages. L’enjeu du cycle 3 est de former l’élève lecteur. Dans les programmes de 2016 (B.O.E.N. 2015) l’enseignement de la lecture au cycle 3 vise à permettre aux élèves de « maitriser une lecture orale et silencieuse fluide et suffisamment rapide pour continuer le travail de compréhension et d’interprétation. » L’un des objectifs prioritaires est celui de l’autonomie des élèves en matière de lecture : « Pour que les élèves gagnent en autonomie dans leurs capacités de lecteur, l’apprentissage de la compréhension en lecture se poursuit au cycle 3 et accompagne la complexité croissante des textes et des documents qui leur sont donnés à lire ou à entendre. » Les programmes de 2016 affirment la nécessité d’un enseignement explicite de la compréhension, ce qui implique la mise en place de stratégies identifiées. Au même titre que la lecture, enseignée de façon explicite, la compréhension peut et doit s’enseigner. Ainsi au regard des Instructions officielles, nous serons attentifs aux cinq points développés.
1. La lecture continue à faire l’objet d’un apprentissage systématique :
₋ Automatisation de la reconnaissance des mots, lecture aisée de mots irréguliers et rares, augmentation de la rapidité et de l’efficacité de la lecture silencieuse.
₋ Compréhension de phrases, de textes scolaires, de textes informatifs, de textes littéraires (récits, descriptions, dialogues et poèmes).
2. L’élève apprend à comprendre le sens d’un texte en en reformulant l’essentiel et en répondant à des questions. L’élève assoit sa compréhension :
₋ Sur le repérage des principaux éléments du texte (sujet d’un documentaire, personnages et évènements d’un récit…).
₋ Sur l’analyse précise du texte, l’élève apprend à observer les traits distinctifs qui donnent au texte sa cohérence (titre, organisation en phrases et en paragraphes, rôle de la ponctuation et des mots de liaison, usage des pronoms, temps verbaux, champs lexicaux).
3. Les élèves rendent compte de la lecture des textes issus du répertoire de référence adapté au cycle 3 :
₋ Ils expriment leurs réactions, leurs points de vue.
4. Les interprétations diverses sont toujours rapportées aux éléments du texte qui les autorisent ou au contraire les rendent impossibles.
5. L’étude de la langue française (vocabulaire, grammaire, orthographe) est conduite avec le souci de mettre en évidence ses liens avec la compréhension :
₋ L’acquisition du vocabulaire accroît les capacités à comprendre ce qu’il écoute et ce qu’il lit.
₋ L’enseignement de la grammaire a pour finalité de favoriser la compréhension des textes lus et entendus.

Le rôle des connaissances du lecteur dans la compréhension

     Les connaissances du lecteur jouent un rôle prépondérant dans la compréhension en lecture. Plusieurs recherches ont montré que plus on possédait déjà d’informations sur un sujet et plus on était apte à comprendre, à retenir et à faire des inférences à partir du texte lu. On comprend généralement mieux un texte de sa propre culture que d’une autre où il nous manque des référents. Quand on est spécialiste d’un sujet on acquiert plus facilement des nouvelles connaissances sur ce sujet qu’un novice. Méfions-nous des connaissances erronées : la nature des connaissances affecte l’acquisition de connaissances nouvelles, si nous possédons des connaissances fausses nous avons tendance à tordre le texte que nous lisons de façon à faire correspondre l’information contenue avec nos idées, même si elles sont erronées. Il faut donc ajouter à la lecture du texte des stratégies (notamment la discussion collective) qui nous oblige à comparer nos propres connaissances aux nouvelles informations contenues dans le texte. Ainsi, dans un contexte d’apprentissage, le lecteur doit avoir accès à tout un répertoire de stratégies en bénéficiant d’interventions ciblées lui permettant de découvrir et d’expérimenter ces diverses clés de compréhension et ce, dans de multiples contextes. Dans cette perspective, l’enseignant doit s’assurer d’intégrer à sa planification les stratégies relatives à chacun des processus en lecture. Le rapport de l’Observatoire National de la Lecture (ONL) paru en 2005 va également dans le sens d’un enseignement des stratégies de lecture : Les bons lecteurs confrontés à des textes difficiles procèdent de manière stratégique. Ils passent en revue le texte à lire, lisent sélectivement, résument et reviennent sur les informations à retenir. Les expériences consistant à enseigner des stratégies de lecture – pauses, retours en arrière, résumés de passages déjà traités, etc. – attestent que l’instruction ainsi dispensée améliore les performances des lecteurs, même s’il s’agit d’enfants ayant des troubles de l’apprentissage. Le caractère indispensable de l’enseignement des stratégies d’apprentissage dans le développement de lecteurs efficaces n’est plus à débattre. En Guadeloupe, nous devons tenir compte d’une autre variable celle de la langue créole. Ainsi dans notre deuxième partie, nous présenterons la situation sociolinguistique de la Guadeloupe.

Les concepts d’interlecte et de macrosystème

     Prudent (1981) ne se conforme ni au concept de diglossie ni à celui du continuum et préfère parler de « zone interlectale ». Il adopte ce terme, en référence à la manière dont les deux langues partagent le même espace : Parti à la recherche de la frontière entre les glossies martiniquaises, nous n’avons rencontré ni ligne de fracture nette, ni système échelonné. Nous refusons donc de reprendre à notre compte et sans précautions adjectivales fermes le vieux concept colonial de diglossie qui masque plus de problèmes qu’il n’en résout, et nous nous en tiendrons pour l’heure à la notion de « zone interlectale ». Les locuteurs martiniquais disposent ainsi d’éléments linguistiques qui ne cessent de se mêler pour construire des discours. Par conséquent des termes relevant en principe du français peuvent être insérés dans une syntaxe créole. Sans nier que demeurent deux pôles de référence de type diglossique qui organisent le champ linguistique, Prudent considère que les versions « pures » de ces langues sont rarement réalisées en cours de discours, et que ce sont surtout des formes de « mélangues » (« mélanges » et « mauvaises langues ») que l’on rencontre. Les locuteurs guadeloupéens fonctionneraient à un degré maximal d’interférences, se fondant en un système linguistique unique, un « macrosystème de communication. » (Prudent, 1993) issu du contact du français et du créole. L’alternance des langues et l’usage du créole en classe aux Antilles françaises, furent longtemps interdits, perçus comme un danger, un manque de maîtrise des langues ou de respect, une lacune à combler ou une erreur à surmonter , que l’éducation avait vocation à corriger.

Bilan des deux séances

     Lors de chaque séance, l’enseignante a explicité les objectifs et les stratégies visés. A chaque fois, un texte a assuré la mise en place des stratégies. La confrontation des points de vue et la prise en compte des erreurs ont joué un rôle très important dans les processus d’apprentissage. Aussi, une des clés de ce travail a reposé sur la mise en commun des réponses et des procédures ainsi que sur les échanges qui se sont installés entre élèves avec ou sans l’enseignant. La pertinence des réponses et celle des moyens mis en œuvre pour les produire a été débattue collectivement. L’enseignante favorisait l’explicitation des démarches ayant conduit à ces réponses. Le travail de raisonnement sur les textes a fait prendre conscience de l’existence des connaissances méta-cognitives (savoir ce que l’on sait, savoir ce que l’on sait faire, savoir quand et pourquoi mettre en œuvre ces savoirs) et de la nécessité de vérifier sa compréhension. Nous avons observé une enseignante attentive à ses élèves qui met tout en œuvre pour stimuler la réflexivité sur la lecture. L’enseignante a une bonne maîtrise du créole. Au cours de la séance de lecture en créole, les élèves étaient rassurés. En effet, ils comprennent la langue créole et l’utilisent régulièrement dans la classe. Les compétences langagières ont atteint le niveau A.2 (intermédiaire ou usuel) requises par le C.E.C.R.L. Par ailleurs, le contexte socio-culturel de l’école, de la communauté, de la famille enrichit les connaissances des élèves. L’environnement rassurant permet la construction progressive de stratégies de lecture. L’enseignante utilise régulièrement la langue dans des disciplines linguistiques et non linguistiques avec passion. Nous pouvons donc confirmer partiellement notre première hypothèse selon laquelle, les pratiques pédagogiques utilisant le créole développent la sécurité face à la tâche. La connaissance de certains faits culturels concourt à améliorer la compréhension en lecture. Toutefois la maîtrise imparfaite des procédures de décodage de la langue créole peut être un obstacle à la compréhension car l’identification des mots devient une opération coûteuse et contraignante. Nous ne sommes pas en mesure de valider la seconde hypothèse. La contextualisation des supports en lecture ne facilite pas nécessairement le développement des compétences littéraires car elle mobilise l’imaginaire des élèves construit lors des séances de créole. En effet, nous avons observé deux séances : l’une en créole et l’une en français au cours desquelles les élèves mettaient en place des stratégies pour comprendre un texte. Ces stratégies sont travaillées en amont par l’enseignante en lecture compréhension français, puis réinvesties en créole.

CONCLUSION

     La lecture est un processus interactif de construction de sens entre le lecteur, le texte et le contexte. Dans la mesure où la qualité de cette interaction est tributaire de la capacité du lecteur efficace à exploiter à bon escient son répertoire de stratégies, l’enseignement explicite des stratégies de lecture s’avère indispensable. La dimension socio-linguistique de la Guadeloupe se traduit encore par une langue en position haute (le français) et une langue en position basse (le créole) même si la lecture de Prudent nous a permis de modérer ce point de vue. Les élèves ont implicitement acquis des compétences en réception (ils comprennent la langue créole) ; il s’agit dès lors de les inciter à produire. Les activités de communication langagières comprennent également la lecture. Savoir-lire, c’est bien entendu être un bon « décodeur » mais c’est aussi et surtout comprendre ce que l’on lit. Pour cela, il est essentiel d’activer, un certain nombre de processus de compréhension et de donner à l’élève l’habitude de chercher le sens de ce qu’il lit. L’absence de stratégies de lecture susceptibles de favoriser une construction progressive du sens peut néanmoins laisser les élèves dans un état de blocage total. L’élève peut comprendre le texte en créole en réinvestissant les stratégies acquises pour comprendre un texte. Nous utilisons donc une démarche spiralaire dans laquelle le créole s’est associé au français pour favoriser les stratégies de compréhension : comment fait-on pour comprendre un texte? comment faire pour inférer ? L’utilisation du créole peut s’avérer intéressante dans la mesure où les contenus peuvent évoquer des univers familiers, des situations de la vie quotidienne, des aspects culturels de notre société. Toutefois, la confrontation à des textes en créole ne doit pas mettre les élèves en difficulté au niveau du décodage et plus particulièrement des tournures syntaxiques. Les enjeux de l’intervention pédagogique en lecture sont grands en milieu bilingue. Par l’acquisition d’un répertoire de stratégies en lecture, les élèves deviennent des lecteurs mieux outillés pour comprendre pleinement le sens des textes. Le comportement stratégique qui en résulte sera également mis à profit dans la construction d’un rapport plus positif à soi, à l’autre et à la langue. Il importe donc de construire des activités de lecture qui amènent l’élève à valoriser et apprécier ses habiletés de lecteur mais aussi à discuter, à des fins identitaires, les repères linguistiques et culturels rencontrés. Les expériences pédagogiques isolées puis les classes bilingues ont ouvert le chantier de la contextualisation de l’enseignement. Aujourd’hui, il est nécessaire de former, d’encourager des enseignants qui concilient comme nous le préconise Prudent « culture créole et culture française».

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Table des matières

INTRODUCTION
1. La compréhension en lecture
1.1. Qu’ est – ce que comprendre ?
1.2. La place de la lecture au cycle 3
1.3. Quelques définitions d’auteurs
1.3.1. La compréhension selon Michel Fayol
1.3.2. La compréhension selon Gérard Chauveau
1.4. La compréhension selon Jocelyne Giasson
1.4.1. La variable lecteur
1.4.1.1. Les structures
1.4.1.2. Les processus
1.4.2. La variable texte
1.4.3. La variable contexte
1.4.4. Le rôle des connaissances du lecteur dans la compréhension
2. Situation sociolinguistique de la Guadeloupe
2.1. De la diglossie au macrosytème
2.1.1. La théorie de la diglossie
2.1.2. Le concept du continuum
2.1.3. L’alternance codique
2.1.4. Les concepts d’interlecte et de macrosystème
2.2. Le créole et l’école, un paradoxe : de la stigmatisation à la promotion 
2.2.1. Historique du créole à l’école
2.2.2. Les Textes officiels
2.2.3. La question du créole dans l’Académie de Guadeloupe
2.2.4. Enseigner le créole aujourd’hui
2.3. Problématique et hypothèses de recherche
3. Présentation, analyse, interprétation et discussion des résultats
3.1. Le choix du public
3.2. Méthodologie
3.3. Analyse des évaluations
3.4. Résultats du questionnaire
3.5. Analyse des séances de lecture compréhension
3.5.1. Analyse de la séance en créole
3.5.2. Analyse de la séance de français
3.5.3. Le point de vue de l’enseignante
3.5.4. Bilan des deux séances
CONCLUSION
REFERENCES
ANNEXES

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