Le pli comme matière
Fasciné par les possibilités qu’offre le papier, l’artiste Li Hongbo dit avoir découvert la nature flexible de cette matière grâce aux traditionnelles lanternes chinoises. L’artiste Chinois réalise des sculptures mobiles, qui semblent être, à première vue, moulées en plâtre. En réalité, celles-ci sont constituées de centaines de couches de papier empilées les unes sur les autres et collées ensemble pour former des structures modulables et dépliables à l’infini, comme de très longues guirlandes à déplier. L’artiste sculpte ensuite dans le bloc de papier à l’aide d’une scie circulaire et de petites meules. C’est donc la manipulation de l’artiste et du spectateur qui révèle la nature extraordinaire de la sculpture, réalisée dans un style, qui semble à première vue, très classique. Le dépliage révèle ensuite un caractère presque trivial, fragile, amusant, mais aussi dérangeant car on allonge le visage, on l’étire à l’infini, comme on écartèlerait une personne. Puis elle reprend sa place et sa forme élaborée et d’un réalisme bluffant. Cloud, imaginé par les designers Ronan et Erwan Bouroullec, est un ensemble de tuiles textiles assemblables et modulables à l’infini. Elles sont combinées à l’aide d’élastiques. Grâce au pli présent sur chaque tuile, un jeu tridimensionnel permet de former une architecture à la fois fluide et désordonnée, mais aussi extensible. L’utilisateur devient aussi acteur, les notions de modularité, de combinatoire et de flexibilité questionnent ces usages quotidiens. « Nos objets doivent pouvoir se reconfigurer dans un contexte » (les frères Bouroullec, 2012). On pourrait presque ainsi parler d’œuvre in situ. (Une oeuvre « in situ » est exécutée en fonction du lieu où elle est montrée, pour y jouer un rôle actif, souvent jouant avec l’espace). Les modules pliés produisent un effet tridimensionnel qui structure l’espace en étant soit posés au sol, soit fixés au mur ou suspendus au plafond, tout en donnant une impression de légèreté, aussi mobile et éphémère qu’un nuage.
L’origami
Le terme « ORIGAMI » vient du verbe japonais « ORU » qui veut dire « plier », et du nom « KAMI » qui veut dire « papier ». L’origami est l’art du pliage de papier, permettant de réaliser, à l’aide d’une simple feuille de papier, généralement de forme carrée, une succession de pliages ingénieux, pour arriver, sans opérer de découpage ou de collage, à la représentation figurative ou non, de toutes sortes de modèles. “L’origami se tient en équilibre entre l’art et le jeu. C’est un art régi par des règles strictes et simples comme celles d’un jeu ; ou bien c’est un jeu qui peut produire un travail d’art. L’origami ressemble à un problème d’échecs d’une part et à une composition musicale de l’autre. Parce qu’il possède des règles et parce que le champ d’action est limité dès le départ, l’origami est une activité dans laquelle la perfection peut être obtenue.” Samuel Randlett, 1971 L’origami est une forme de langage qui doit respecter de nombreuses règles mathématiques et géométriques. La construction d’un système plié doit suivre un ordre séquentiel, appelé algorithme. Joel Lamere (assistant professeur en géométrie architecturale, conception et représentation au Massachusetts Institute of Technology et cofondateur de l’agence d’architecture GLD), envisage le pli comme un langage qui s’apprend dans un premier temps par la lecture des algorithmes et des codes graphiques servant à décrire l’origami. Avec une certaine expérience, il est possible de parler ce langage, c’est-à-dire être capable de plier avec précision le matériau, soit en réalisant un origami de mémoire à force de le faire, soit de plier d’autres modèle ou d’autres matières en anticipant un résultat. Mais il faudra une grande maîtrise pour écrire de nouveaux motifs de pli et être suffisamment à l’aise pour se corriger. Mademoiselle Maurice est une artiste plasticienne qui donne naissance à des œuvres en prise directe avec son quotidien. Mêlant origami et Street Art, elle tend à rompre la monotonie et la grisailles des villes. L’œuvre de Mademoiselle Maurice interroge et soulève des questions sur les interactions que l’homme entretient avec son Untitled, 2014 Spectre, 2012 environnement. Pour cela, l’artiste fait le choix d’utiliser un domaine éloigné, qui est celui de l’origami, afin de contaminer positivement un espace. Cela est accentué aussi par le choix du matériau papier qui s’impose pour son aspect réutilisable, discret et éphémère. Le travail de cette artiste est très inspirant pour aborder la relation entre le pliage et l’espace avec les élèves. On peut alors introduire les termes d’œuvres in situ, mais aussi de Land art (Tendance de l’art contemporain apparue aux États-Unis vers 1967 et caractérisée par un travail dans et sur la nature, Larousse). Ainsi, à partir de ces œuvres, nous pouvons amener les élèves à se questionner et à agir sur leur environnement proche. Comment agir sur l’espace afin de produire l’effet recherché (contamination/ accumulation, anamorphose, monochromie/ polychromie …) ? L’artiste Suisse Sipho Mabona, repousse les limites de l’art de l’origami en créant des origamis géants avec une seule et unique feuille de papier. Les œuvres sont des pliages réalisés à plat, avant de devenir de véritables sculptures. L’artiste part d’une surface immense de papier à fort grammage pour obtenir, finalement, un objet dont la surface de papier semble réduite, recroquevillée. Cette feuille de papier est pliée grâce à l’action de plusieurs personnes, puis l’œuvre est soutenue par une structure en bois afin de solidifier et rigidifier la structure volumique. Pour le musée de Beromünster, il réalise un éléphant en grandeur nature en utilisant une feuille de quinze mètre par quinze. Il multiplie donc par 100 la taille d’une feuille de base, tout en gardant les proportions initialement utilisées. D’une certaine manière, Mabona annule la miniaturisation de l’origami qui en fait un art délicat. . Il redonne à la réalisation la taille grandeur nature de son modèle posant alors des questionnements autour de proportion et de disproportion. Le travail de Sipho Malbona permet donc d’appréhender la notion d’échelle avec les élèves. On peut ainsi proposer aux élèves de réaliser un même modèle, mais en utilisant des surfaces de papier différentes (Ex : 5×5 cm, 20×20 cm, 80×80 cm). On peut amener aussi les élèves à réfléchir sur les notions d’espace et de volume. Comment peut-on mettre en scène ces différents éléments volumiques ? Ainsi, le pli est un sujet à part entière offrant relief et architecture. Il est une articulation charnière permettant un déplacement spatial, qui entraine la modification de la forme. Qui dit pli, dit profondeur, volume, jeux d’ombre et de lumière. Certains artistes utilisent le pli comme un outil plastique à part entière, d’autres détournent le papier de sa fonction de support, pour lui donner une fonction « matériau ». Freidrich Froebel (1789-1882) fut l’un des premiers pédagogues à introduire le pliage du papier à l’école. Il pensait que le pliage pouvait avoir un rôle très important dans le développement de l’enfant et dans la coordination entre l’esprit et la main.
Compréhension des relations spatiales (entre 3 et 5 ans)
L’enfant comprend les liens qui existent entre plusieurs représentations spatiales :
– L’ajout ou la suppression d’éléments
– La symétrie
– La rotation
– La progression de grandeurs (ex : ordre croissant et décroissant)
L’apprentissage se base dans l’expérience du vécu corporel. Chaque expérience corporelle apporte des perceptions internes et externes qui s’inscrivent dans la mémoire perceptive, affective et intellectuelle de l’enfant. Ainsi, à chaque instant, l’enfant s’exprime avec son corps dans un espace. Le développement psychomoteur correspond au développement de la motricité, de la prise de conscience de soi et de son corps et de la prise de conscience de son environnement spatial et des possibilités de s’y adapter.
Conclusion
La construction de la notion d’espace chez l’enfant s’opère tout au long du développement. Celui-ci construit l’espace qui l’entoure, en le vivant et en le percevant. Ainsi, l’acquisition de ce concept est un réel objectif d’éducation : dans le travail scolaire, l’espace est objet d’activités. L’enfant travaille dans et sur l’espace. Les diverses explorations qui lui sont proposées lui permettent de développer la finesse de perception, la précision, ainsi que l’aptitude à représenter et à se représenter l’espace. Les principales difficultés à dépasser étaient :
– L’enfant ne peut percevoir qu’un espace à ses propres dimensions : il tend donc à limiter l’espace pour le ramener à des dimensions qui lui sont adaptées et accessibles.
– L’enfant perçoit l’espace tel qu’il le pense et non tel qu’il le voit. Cela peut se traduire dans les dessins ou croquis réalisés, qui montrent parfois de multiples points de vue ou angle de vision, mais surtout l’absence ou la déformation de la perceptive, les disproportions, la confusion dans l’estimation des distances, des dimensions.
– Lorsqu’il perçoit l’espace, l’enfant ne peut dissocier l’objet de l’espace occupé par cet objet.
Pour lui, l’espace et l’objet sont associés l’un à l’autre pour former qu’une seule chose. Tout l’enjeu du travail mené s’est donc porté à la fois sur la relation entre l’enfant et l’espace, mais aussi sur la relation entre l’objet et l’espace. En l’occurrence, comment déployer des objets pliés pour faire passer une idée, une émotion, un point de vue sur la notion d’espace ? Il a donc fallu amener les élèves à se questionner sur des mises en scène, sur des intentions et des procédés liés à l’espace, à l’objet plié et surtout à l’interaction entre les deux. Le pliage en lui-même amène déjà l’élève à se questionner sur la notion d’espace. En effet, la surface du papier se transforme en un objet tridimensionnel, et les plis matérialisent ce passage d’un espace en deux dimensions vers un espace en trois dimensions. Le pli prend alors la fonction de générateur d’espace. La difficulté de ce projet reposait aussi sur les différents rôles attribués aux élèves. D’une part, ils ont dû appréhender la notion de pli, de pliage, et développer un langage propre à l’origami, respectant un nombre important de règles géométriques. D’autre part, il leur était demandé d’endosser un rôle de scénographe en créant une exposition, abordant ainsi les notions d’œuvre in situ et d’installation. Pour terminer, les élèves se sont improvisés auteurs, dans le but de produire des haïkus illustrant l’installation créée. Cette multiplicité des domaines étudiés et la polyvalence des élèves a permis de donner du sens à la pédagogie de projet, en valorisant le travail des élèves et en y intégrant un aspect culturel important. Les élèves ont ainsi pu développer des compétences sociales, mais aussi langagières, scientifiques/mathématiques et artistiques.
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Table des matières
Première partie Recherches théoriques
1. Le pli
1.1 Le pli comme matière
1.2 Le pli comme procédé
1.3 Le pli comme méthode
2. L’enfant et l’espace
2.1 La construction progressive de la notion d’espace
2.2 Les stades de construction de la notion d’espace
3. Agir dans l’espace
3.1 L’occupation de l’espace
3.2 La connaissance des notions spatiales
3.3 L’orientation spatiale
3.4 L’organisation spatiale
3.5 Compréhension des relations spatiales
Deuxième partie Cadre expérimental
Troisième partie Analyse
Conclusion
Bibliographie
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