Un nombre important des agressions sexuelles sont perpétrées sur des enfants (66,4%) et dans 22,2% des cas, l’agresseur est une connaissance. Dans 12% des cas, l’agresseur est le parent (Ministère de la sécurité publique, 2013). Les orientations du gouvernement quant aux traitements des agressions sexuelles soulignent l’importance de prendre en considération le type d’agresseur sexuel (âge et type d’agression sexuelle posé) (La Direction des communications du ministère de la Santé et des Services sociaux, 2001). Ainsi, une meilleure compréhension du fonctionnement psychologique des agresseurs sexuels est nécessaire pour l’intervention auprès de ces hommes et la prévention de tels actes. Une certaine hétérogénéité chez les hommes auteurs d’une agression sexuelle sur un enfant est notée par plusieurs auteurs (Ciavaldini, 1999 ; Cornet, 2012 ; Nagayama Hall, Shepherd, & Mudrak, 1992). Dans la littérature consultée, l’instabilité émotionnelle (Egan, Kavanagh, & Blair, 2005 ; Lu & Lung, 2011 ; Oliver, 2004 ; Smith & Saunders, 1995) et les perturbations dans l’histoire familiale (Craissati, McClurg, & Browne, 2002 ; Garrett, 2010 ; Marsa, O’Reilly, Carr, Murphy, O’Sullivan, Cotter & Hevey, 2004) sont étudiées indépendamment du lien unissant l’agresseur à sa victime.
Définitions de l’agression sexuelle
En regard du Code criminel (Ministre de la justice, 1985), une agression sexuelle consiste en un voie de fait. Toutefois, comparativement aux autres voies de fait, l’infraction doit avoir été commise dans un contexte sexuel portant atteinte à l’intégrité sexuelle de la victime. Plusieurs niveaux d’agression sexuelle sont défInis. Ainsi, pour une agression sexuelle simple ou de niveau 1, la victime n’a pas ou très peu de blessures corporelles. Pour une agression sexuelle armée ou de niveau 2 sont rattachés quatre facteurs aggravants, soit le fait de porter, menacer ou d’utiliser une arme, de menacer d’infliger des blessures à une autre personne que la victime directe, de causer des lésions corporelles à la victime ou le fait de participer à l’infraction avec une autre personne. EnfIn, lors d’une agression sexuelle grave ou de niveau 3, la victime est blessée sévèrement, ou bien sa vie est mise en danger. Plus précisément, le Code criminel prévoit la défInition de certains actes de violence sexuelle envers les enfants au sein des infractions d’ordre sexuel. Ainsi, les contacts sexuels qui consistent à toucher directement ou indirectement un enfant de moins de 14 ans avec son corps ou un objet, les incitations à des contacts sexuels, l’exploitation sexuelle qui implique la notion de rapport d’autorité, de confIance ou de dépendance envers un adolescent (âgé entre 14 et 18 ans) et l’inceste sont considérés.
La Direction des communications du ministère de la Santé et des Services sociaux (2001) considère comme étant une agression sexuelle tout geste à connotation sexuelle qui est commis sans le consentement de la victime (pour les enfants, la notion de chantage et de manipulation affective est prise en compte), qu’il y ait contact physique ou non. L’acte consiste à soumettre une personne à ses propres désirs par un abus de pouvoir, par la force, par la contrainte ou par la menace implicite ou explicite.
L’agression sexuelle sur un enfant est considérée comme une conduite pathologique. Dans le DSM-V (2015), il est question du trouble pédophilie classé dans les troubles paraphiliques. Le terme paraphilie renvoie à un intérêt sexuel intense et persistant qui diffère de l’intérêt sexuel pour la stimulation génitale ou les préliminaires avec un partenaire humain phénotypiquement normal, sexuellement mature et consentant. Le trouble cause soit une détresse ou une altération du fonctionnement chez l’individu, soit la satisfaction de la paraphilie entraîne un préjudice personnel ou un risque de préjudices pour d’autres personnes. Les critères diagnostiques sont les suivants: A. Pendant une période d’au moins 6 mois, présence de fantasmes entraînant une excitation sexuelle intense et récurrente, de pulsions sexuelles ou de comportements impliquant une activité sexuelle avec un enfant ou plusieurs enfants prépubères (généralement âgés de 13 ans et moins). B. L’individu a mis en actes soit ces pulsions sexuelles, ou les pulsions sexuelles ou les fantasmes entraînent une détresse importante ou des difficultés relationnelles. c. L’individu est âgé de 16 ans ou plus et a au moins 5 ans de plus que l’enfant ou les enfants mentionnées) au critère A.(DSM-V, 2015, p.822.
Le manuel propose de spécifier le type (exclusif ou non) de relation, l’attirance (garçon, fille ou les deux) et s’il s’agit d’inceste. Les critères diagnostiques peuvent s’appliquer aussi bien à un individu qui reconnait son attirance qu’à celui qui la nie.
Compréhension des auteurs d’une agression sexuelle sur un enfant
Nous abordons le volet compréhension en deux temps. D’abord, une partie sur le passage à l’acte et les éléments clés associés est développée, avant de poursuivre avec une partie davantage axée sur le fonctionnement psychologique des hommes ayant commis une agression sexuelle sur un enfant. Cette dernière partie aborde les typologies développées par les auteurs puis les études portant sur les variables suivantes : les caractéristiques psychologiques, la gestion des émotions et les relations d’objet (figures parentales intériorisées). Par après, une section portant sur les travaux des auteurs ayant considéré le lien à la victime est présentée. Enfin, une synthèse des études est effectuée.
Le passage à l’acte
La notion de passage à l’acte englobe différents types d’agir et apparaît comme étant un concept clinique complexe. Toutefois, certains auteurs s’entendent qu’il est en fait question d’agir contre autrui (Millaud, 2009). Laplance et Pontalis (1988) mentionnent qu’en contexte psychiatrique, ce concept est utilisé pour désigner des actes impulsifs, violents et agressifs. Pour sa part, Millaud (2009) souligne l’importance de distinguer le passage à l’acte de l’acting out. La dimension relationnelle est l’élément distinctif. Ainsi, dans le registre du passage à l’acte, il y a absence de recherche relationnelle alors que dans celui de l’acting out, il s’agit d’une tentative de demande d’aide face à l’autre. Néanmoins, Millaud (2009) spécifie que dans l’un comme dans l’autre, la parole est manquante. En ce sens, le passage à l’acte serait la manifestation d’une rupture de l’équilibre entre les pôles de la parole et de l’action. Il existe plusieurs types de passage à l’acte et il sera question dans le présent travail de celui de nature sexuelle.
De ce fait, la mentalisation apparaît comme un élément important dans la compréhension du passage à l’acte. En effet, celle-ci est identifiée comme étant l’agent unificateur entre la parole et l’action (Millaud, 2009). La mentalisation consiste à lier un affect à une représentation afin d’amenuiser le niveau de tension intrapsychique engendré par un conflit interne. Selon Van Gijseghem (1988), l’organisme bénéficie de trois modes principaux de décharge de l’énergie psychique: la somatisation, le passage à l’acte et la mentalisation. Les deux premiers consistent en l’évacuation plus ou moins directe et rapide de la tension, soit par le corps ou l’agir. Par ailleurs, pour la mentalisation, la tension est pensée et symbolisée afin de réduire le niveau d’excitation interne. De cette façon, les individus ayant une carence au niveau de la mentalisation ont tendance à se tourner vers l’agir ou la somatisation lors d’un débordement affectif, ce qui serait le cas pour les agresseurs sexuels. En effet, les auteurs (Tardif, 1993 ; Van Gijseghem, 1988) qualifient leur fonctionnement mental comme étant pauvre de fantasmes, de rêves ou d’imagination. Certains auteurs associent la mentalisation à l’alexithymie, terme introduit par Sifneos en 1972 (Corcos & Pirlot, 2011 ; Millaud, 2009). De plus, la mentalisation est souvent associée à une pensée dite opératoire, laquelle est factuelle et concrète. En ce sens, l’ alexithymie consiste en une composante de la pensée opératoire qui concerne la difficulté voire même l’incapacité à mettre en mots ses émotions et une inhabilité à reconnaître celles d’autrui (Corcos & Pirlot, 2011).
Typologies des agresseurs sexuels d’enfants
Alors que les carences au niveau des capacités de mentalisation offrent une explication générale des passages à l’acte, une certaine hétérogénéité est perceptible au sein du groupe des agresseurs sexuels d’enfants. Ainsi, plusieurs auteurs se sont intéressés à développer des typologies afm d’expliquer et de comprendre les différentes caractéristiques des agresseurs sexuels (Blatier, 2011). Les classifications peuvent prendre trois formes: descriptive, d’inspiration clinique et hybride (à la fois descriptives et d’inspiration clinique) (Guay, Proulx & Ouimet, 2001).
Dans la catégorie descriptive, le modèle de Gebhard, Gagnon, Pomerey et Christensen (1965) se base sur 5 critères: l’âge de la victime, le sexe de celle-ci, la présence ou non d’un lien incestueux (qu’il soit biologique ou non), la présence ou non d’un contact physique entre l’agresseur et sa victime puis le niveau de force utilisé pour commettre le délit. Toutefois, certains agresseurs commettent plus d’un type de délit, celui-ci doit alors appartenir à plusieurs classes.
Pour ce qui est des modèles cliniques, Groth et Burgess (1977) ont développé l’un des premiers modèles typologiques d’agresseurs sexuels. Celui-ci intègre les motivations et l’acte en soi ainsi que les relations à la victime. Les auteurs divisent leur modèle en deux parties. D’une part, l’attentat à la pudeur concerne les cas de séduction et de jeu, laquelle est subdivisée en deux: les pédophiles fixés (attirance depuis l’adolescence pour les jeunes) et les pédophiles régressés (fascination apparaissant à l’âge adulte et sous l’effet d’un stress). Le viol constitue la deuxième catégorie, qui elle est divisée selon les types de motivations : colère, désir de puissance et sadisme. Groth a par la suite établi une autre typologie avec Hobson et Gary (1982), en considérant la motivation sous-jacente à l’agression, le niveau de coercition utilisé et le type de relation entretenue avec la victime (Guay et al., 2001). Également, Nagayama Hall et Hirschman (1992) proposent un modèle à partir des facteurs suivants: préférence sexuelle pour des activités sexuelles impliquant des enfants, distorsions cognitives qui justifient les activités sexuelles, désordres affectifs (colère, anxiété, dépression) et un trouble de la personnalité.
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Table des matières
Introduction
Contexte théorique
Définitions de l’agression sexuelle
Compréhension des auteurs d’une agression sexuelle
Le passage à l’acte
Compréhension du fonctionnement psychologique des hommes auteurs d’une
agression sexuelle sur un enfant
Typologies des agresseurs sexuels d’enfants
Caractéristiques psychologiques des agresseurs sexuels d’enfants
La gestion des émotions
Les relations d’objet
Caractéristiques psychologiques des agresseurs sexuels d’enfants selon le lien
à la victime
Synthèse des études
Objectif de l’étude
Méthode
Participants
Instruments de mesure
Déroulement
Résultats
Participant 1
Passage à l’acte
Gestion des émotions
Entrevue
TAS-20
Rorschach
TAT
Histoire à la planche 1
Analyse de l’histoire
Analyse portant sur la gestion des émotions
Analyse portant sur les relations d’objet
Histoire à la planche 3 BM
Analyse de l’histoire
Analyse portant sur la gestion des émotions
Analyse portant sur les relations d’objet
Histoire à la planche 6 BM
Analyse de l’histoire
Analyse portant sur la gestion des émotions
Analyse portant sur les relations d’objet
Histoire à la planche 7 BM
Analyse de l’histoire
Analyse portant sur la gestion des émotions
Analyse portant sur les relations d’objet
Histoire à la planche 13 MF
Analyse de l’histoire
Analyse portant sur la gestion des émotions
Analyse portant sur les relations d’objet
Synthèse de l’analyse de la gestion des émotions
Synthèse de l’analyse des relations d’objet.
Relations d’objet
Entrevue
PBI
Rorschach
Participant 2
Passage à l’acte
Gestion des émotions
Entrevue
TAS-20
Rorschach
TAT
Histoire à la planche 1
Analyse de l’histoire
Analyse portant sur la gestion des émotions
Analyse portant sur les relations d’objet.
Histoire à la planche 3 BM
Analyse de l’histoire
Analyse portant sur la gestion des émotions
Analyse portant sur les relations d’objets
Histoire à la planche 6 BM .
Analyse de l’histoire
Analyse portant sur la gestion des émotions
Analyse portant sur les relations d’objet.
Histoire à la planche7 BM
Analyse de l’histoire
Analyse portant sur la gestion des émotions
Analyse portant sur les relations d’objet.
Histoire à la planche 13 MF
Analyse de l’histoire
Analyse portant sur la gestion des émotions
Analyse portant sur les relations d’objet
Synthèse de l’analyse de la gestion des émotions
Synthèse de l’analyse des relations d’objet
Relation d’objet
Entrevue
PBI
Rorschach
Participant 3
Passage à l’acte
Gestion des émotions
Entrevue
TAS-20
Rorschach
TAT
Histoire à la planche 1
Analyse de l’histoire
Analyse portant sur la gestion des émotions
Analyse portant sur les relations d’objets
Histoire à la planche 3 BM
Analyse de l’histoire
Analyse portant sur la gestion des émotions .
Analyse portant sur les relations d’objet.
Histoire à la planche 6 BM
Analyse de l’histoire
Analyse portant sur la gestion des émotions
Analyse portant sur les relations d’objet.
Histoire à la planche 7 BM
Analyse de l’histoire
Analyse portant sur la gestion des émotions
Analyse portant sur les relations d’objet
Histoire à la planche 13 MF
Analyse de l’histoire
Analyse portant sur la gestion des émotions
Analyse portant sur les relations d’objet
Synthèse de l’analyse de la gestion des émotions
Synthèse de l’analyse des relations d’objet
Relations d’objet
Entrevue
PBI
Rorschach
Similitudes et différences quant à la gestion des émotions et les relations d’objet des
hommes
Similitudes
Gestion des émotions
Relations d’objet
Participant 1 (victime extrafamiliale) et participant 2 (victime intrafamiliale)
Gestion des émotions
Relations d’objet .
Participant 1 (victime extrafamiliale) et participant 3 (victime intrafamiliale)
Gestion des émotions
Relations d’objet
Synthèse générale des résultats quant aux similitudes et aux différences
Gestion des émotions
Relations d’objet
Discussion
Retour sur les résultats de chaque participant
Similitudes et différences entre les participants
Liens entre nos résultats et la littérature
Forces et limites de l’étude
Pistes de recherches pour des travaux futurs
Impacts cliniques
Conclusion
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