Cette partie vise à présenter les différents types d’émissions polluantes produits par les turbines à gaz aéronautiques ainsi que l’origine et le principe de leur formation. Une attention particulière sera portée à l’architecture de la chambre de combustion, des modules postchambre (turbines et tuyère) et leurs interactions avec la formation des polluants.
Préambule : architecture d’une turbine à gaz aéronautique
La plupart des systèmes de propulsion aéronautiques actuels (turboréacteur, turbopropulseur, turboréacteur à double flux…) fonctionnent selon le principe de la turbine à gaz. Celle-ci est composée dans sa configuration minimale de trois éléments que sont le compresseur, la chambre de combustion et la turbine. Son fonctionnement repose selon le principe suivant :
1) L’air est aspiré puis comprimé à travers le compresseur. Sa température s’élève en même temps que sa pression.
2) Cet air comprimé et chaud débouche dans la chambre de combustion, où il est mélangé avec du carburant puis enflammé. La combustion du mélange produit ainsi une masse de gaz avec une énergie thermique élevée (plusieurs dizaines de mégajoules pour les plus grandes turbines à gaz).
3) Les gaz de combustion produits vont par la suite se détendre au travers de la turbine et l’entrainer ainsi en mouvement. L’énergie mécanique de rotation produite sur l’arbre de la turbine servira à son tour à l’entraînement du compresseur.
Dans le cas spécifique des turbines à gaz employées en aéronautique, des éléments additionnels s’ajoutent aux trois modules évoqués. Dans la configuration de moteur dite de « turbofan » qui est à l’heure actuelle la plus répandue en propulsion aéronautique , on ajoute à l’entrée du moteur une soufflante qui créé l’essentiel de la force de poussée (via éjection d’un débit massique d’air élevé), puis on intègre en sortie de moteur une tuyère d’éjection qui permet de développer une force de poussée résiduelle (la tuyère transforme l’énergie thermique des gaz en énergie cinétique).
Au sein de ces turbines à gaz, la formation des espèces polluantes (COX, NOX, SOX, particules de suie, etc.) dues à la combustion du mélange air-carburant se produit principalement dans la chambre de combustion et la partie postchambre du moteur, à savoir les turbines et la tuyère. Il convient donc de s’intéresser plus en détail à ces éléments.
Composition et formation des émissions polluantes
Les produits de combustion émis par une turbine à gaz sont composés en général de : dioxyde de carbone (CO2), vapeur d’eau (H2O), hydrocarbures imbrûlés (UHC), monoxyde de carbone (CO), oxydes d’azotes (NOX), oxydes de soufre (SOx), particules (suies) ainsi que l’oxygène (O2) et l’azote atmosphérique (N2) qui sont eux présents en excès.
Le CO2 et H2O sont une conséquence naturelle de la combustion de tout hydrocarbure. Les UHC, le CO et les particules de suie prennent leur origine dans les régions où la combustion est incomplète. Il s’agit des zones où la richesse locale du mélange est trop élevée ou trop faible pour une combustion complète, par exemple en proche paroi de la chambre de combustion ou dans certaines régions de la zone primaire . Dans le cas spécifique des suies, celles-ci apparaissent généralement pour des valeurs de richesses supérieures à 1.5 (Kiameh, 2003 ; Martini, 2008). Elles peuvent aussi être produites par pyrolyse du carburant liquide ou de fractions d’hydrocarbures gazeux (Shakariyants, 2008). Après leur formation, le CO, les UHC et les suies sont essentiellement oxydés dans les régions à haute température de la zone secondaire et de dilution. Les NOX (majoritairement NO, NO2 et N2O) suivent pour leur part deux voies principales de formation : la voie des « NOX rapides », dans les régions riches (φ > 1) où les fractions d’hydrocarbures issues de la décomposition du carburant réagissent avec l’azote atmosphérique ; la voie des « NOX thermiques ».
En sortie de chambre, les réactions chimiques associées au processus de combustion et à la formation des émissions polluantes sont pour l’ensemble figées. Ceci tient à l’abaissement en température des gaz brûlés causé par les dilutions successives avec l’air frais en amont. Toutefois, pour les régimes moteur de forte puissance tel que le décollage, la température des gaz brûlés en sortie de chambre est suffisamment élevée pour que l’oxydation des COX, NOX, SOX et des dérivés de ces espèces se poursuive dans les premiers étages de turbines (Lukachko et al., 2008 ; Starik et al., 2002). Parallèlement aux réactions d’ordre chimique, l’abaissement de la température et de la pression des gaz brûlés au travers des modules postchambre (turbines et tuyère) donne lieu à des phénomènes d’ordre physique tels que la condensation de la vapeur d’eau, qui combinée aux émissions de SOX et NOX donnent naissance à des précurseurs d’aérosols (principalement de l’acide sulfurique H2SO4 et de l’acide nitrique HNO3, Lukachko et al., 2008).
Caractérisation des émissions de particules de suie
Les suies constituent la principale source d’émissions en masse de particules dans un panache d’avion. La notion de suie se réfère à un agrégat de particules généralement sphériques à haute teneur en carbone (ratio Carbone/Hydrogène ≥ 8, Wang et Cadman, 1998). Elles sont constituées principalement de carbone graphite et de composés organiques tels que certains aromatiques présents dans le carburant ou produits lors la combustion (Frenklach et Wang, 1991). Leurs dimensions peuvent varier du nanomètre à quelques centaines de nanomètres dans le cas des suies d’origine aéronautique et ont généralement une distribution de taille du type log-normale, avec une majorité de particules située dans la gamme 20-30nm (Kinsey, 2009). Les concentrations moyennes en particules pour des avions commerciaux actuels, mesurées en proche sortie du moteur (à moins de 10 m de la sortie) oscillent généralement entre 10¹⁴-10¹⁶ particules (#) de suies par kg de carburant consommé (kg-fuel) (Schumann et al., 2002 ; Timko et al., 2010 ; Wey et al., 2007). Ces concentrations tendent à diminuer avec des moteurs plus récents (par exemple du type CFM56-7) et peuvent atteindre des seuils allant de 10¹³ – 10¹⁴ #/kg-fuel (Timko et al., 2010). En ce qui concerne les indices d’émissions massiques (masse de particules produites par kg de carburant), leurs valeurs varient de quelques mg/kg-fuel à faible puissance moteur jusqu’à plusieurs centaines de mg/kg fuel au décollage. Toutefois, ces valeurs ne sont pas universelles et dépendent du moteur étudié.
|
Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 REVUE DE LITTÉRATURE
1.1 Composition et formation des émissions polluantes dans une turbine à gaz.
1.1.1 Préambule : architecture d’une turbine à gaz aéronautique
1.1.2 Composition et formation des émissions polluantes
1.1.3 Caractérisation des émissions de particules de suie
1.2 Théories sur la formation des particules de suie et modélisation
1.2.1 Processus global de formation
1.2.2 État de l’art sur les mécanismes de formation des suies
1.3 Modèles 0D/1D de prédiction des émissions polluantes dans les turbines à gaz
1.3.1 Concept de réseau de réacteurs chimiques (CRN)
1.3.2 CRN avec zone primaire mono- ou biréacteurs
1.3.3 CRN avec zone primaire multiréacteurs
1.3.4 Modèles 0D/1D avec postcombustion
1.3.5 Bilan
1.4 Objectifs du mémoire
CHAPITRE 2 MODÈLE DE COMBUSTION ET DE POSTCOMBUSTION DANS LES TURBINES À GAZ AÉRONAUTIQUES PAR RÉSEAU DE RÉACTEURS CHIMIQUES
2.1 Théorie sur les modèles de réacteurs chimiques PSR et PFR
2.1.1 Réacteur 0D : le PSR (Perfectly Stirred Reactor)
2.1.2 Réacteur 1D : le PFR (Plug Flow Reactor)
2.2 Conception du CRN pour turbines à gaz aéronautiques
2.2.1 CRN pour la chambre de combustion
2.2.2 CRN pour les modules postchambre (turbines et tuyère)
2.2.3 Hypothèses relatives au paramétrage du CRN
2.3 Détails sur l’initialisation et l’exécution des calculs dans le CRN
CHAPITRE 3 MÉCANISMES DE COMBUSTION DU KÉROSÈNE ET DE FORMATION DES PARTICULES DE SUIE
3.1 Préambule
3.2 Mécanisme de combustion du kérosène et de formation des précurseurs de suie
3.3 Modèle de formation des particules de suie
3.3.1 Cinétique de croissance en surface des particules
3.3.2 Modèle de coagulation et méthodes de détermination des propriétés des particules
3.3.3 Validation du mécanisme de formation des particules de suie
CHAPITRE 4 CALIBRATION ET VALIDATION DU RÉSEAU DE RÉACTEURS CHIMIQUES
4.1 Préambule
4.2 Configurations expérimentales de référence
4.2.1 Chambre de combustion
4.2.2 Modules turbines et tuyère
4.3 Calibration du CRN
4.3.1 Calibration du nombre de PSRs pour la zone primaire
4.3.2 Calibration du paramètre de mélange « S »
4.4 Validation du CRN
4.4.1 Évolutions d’EINOX et d’EICO en fonction du paramètre « S »
4.4.2 Produits de combustion caractéristiques en sortie de moteur
4.4.3 Thermodynamique du CRN
4.5 Conclusion partielle
CHAPITRE 5 EXPLOITATION DU RÉSEAU DE RÉACTEURS CHIMIQUES POUR LA PRÉDICTION DES ÉMISSIONS DE PARTICULES DE SUIE
5.1 Paramètrage du module « Particle Tracking Feature » de CHEMKIN-PRO
5.2 Prédiction des émissions de particules de suie par le CRN
5.2.1 Données expérimentales de comparaison
5.2.2 Résultats associés aux valeurs calibrées du paramètre de mélange « S »
5.3 Analyse d’EIm-num, EIn-num et Dp en fonction de « S »
5.4 Analyse de sensibilité sur la calibration du paramètre de mélange « S »
5.5 Évolution des particules de suie et des espèces précurseurs le long du CRN
5.5.1 Analyse des propriétés de la population de particules le long du CRN
5.5.2 Analyse des concentrations en espèces précurseurs le long du CRN
5.6 Conclusion partielle
CONCLUSION
Télécharger le rapport complet