L’halitose est un mot d’étymologie mixte dérivant du latin halitus (souffle ou haleine) et du suffixe grec osis (changement pathologique)[92]. Il existe dans la littérature de nombreux synonymes: foetor oris (fétidité de la bouche), foetor ex ore (fétidité par la bouche) et cacostomie (mauvaise odeur de la bouche, quelle qu’en soit la cause) [64]. L’aspect esthétique de la dentition est une réalité importante dans la vie de tous les jours. Cependant l’esthétique ne se limite pas qu’à l’aspect visuel, les patients sont également sensibilisés à l’odeur qui se dégage de leurs cavités buccales [18]. Avoir une mauvaise haleine est perçu comme une « offense » vis-à-vis de l’entourage, des collègues et amis et peut compliquer des relations sociales dites normales [29]. Ce « dictat » de la société se traduit par un important budget (plusieurs milliards de dollars en Amérique du Nord) consacré aux différents produits cosmétiques et publicités vantant les mérites d’une haleine fraîche et avenante [62]. Cependant, ces dépenses dissimulent une réalité bien moins plaisante : ces produits ne font, au mieux, que camoufler le problème et ne le résolvent en aucun cas. L’acteur principalement impliqué dans la prise en charge de l’halitose, est le chirurgien dentiste, car dans 90 % des cas, l’origine est liée à la cavité orale [19]. Elle est la conséquence d’un processus de dégradation bactérienne des matières organiques de la cavité buccale et de la langue [31]. D’autres causes telles que les maladies ORL et respiratoires reviennent dans 8% des cas. Les pathologies gastrointestinales ou rénales et d’autres syndromes métaboliques sont les causes mineures (2%) [19]. La mise en évidence objective de l’odeur buccale se situe au centre des efforts de diagnostic [44,58]. Une telle démarche est particulièrement importante lorsqu’il s’agit de poser un diagnostic d’halitose indépendamment des éléments subjectifs ressortant de l’anamnèse du patient, tout en recherchant à préciser les étiologies de la mauvaise haleine.
ETIOLOGIES DE L’HALITOSE
Bien que la mauvaise haleine soit souvent associée à l’odeur de certains aliments comme l’ail et l’oignon, la principale source d’halitose est la microflore buccale [16]. Les processus de maladies buccales, notamment les caries et les parodontopathies, influencent également la formation de la microflore buccale chez tous les patients. On distingue plusieurs facteurs :
FACTEURS INTRABUCCAUX
Plusieurs causes sont incriminées mais les plus citées sont :
Composés malodorants
Composés sulfurés volatils (CSV)
C’est en 1971 que Tonzetich [91] a démontré que la mauvaise haleine est due essentiellement à des composés volatils sulfurés comme le méthylmercaptan (CH3SH), le sulfure d’hydrogène (H2S) et le sulfure de diméthyle (CH3-S-CH3). Le rôle déterminant des bactéries dans la production de la mauvaise haleine a été mis en évidence par Kleinberg et col. [32] dés 1973. Les CSV sont les produits terminaux de l’activité métabolique des bactéries anaérobies strictes sur des acides aminés soufrés. Ces derniers sont issus de la dégradation de protéines ou de peptides provenant de la salive, du fluide gingival, ou des aliments .
Diamines
Certains patients ont une mauvaise haleine objectivable alors que les niveaux de CSV enregistrés par l’halimétre sont faibles. Cela signifie que d’autres composés modulent la qualité de l’halitose. La cadavérine et la putrescine sont deux amines malodorantes produites par la dégradation bactérienne. La cadavérine est le résultat de la décarboxylation de la lysine et la putrescine est issue de la décarboxylation de l’ornithine ou de la désamination de l’arginine [47]. La cadavérine contribue aux odeurs et ne s’exhale dans l’haleine que lorsque la salive s’assèche sur la surface des muqueuses.
Composés aromatiques
Le métabolisme du tryptophane permet la production de scatole et d’indole qui sont des composés aromatiques. Ils ne seraient pas primordiaux dans l’apparition des mauvaises odeurs buccales [95].
Acides gras volatils
D’après Armstrong [3], de nombreuses espèces bactériennes asaccharolytiques comme Peptostréptococcus, tréponéma, fusobactérium Selenomonas, Eubactérium peuvent donner, à partir de la méthionine ou de la cystéine, de courtes chaînes d’acides gras volatils odorants, comme l’acide butyrique, l’acide valérique, l’acide propionique et l’acide acétique.
Autres composés malodorants
Phillips et al [55], en étudiant l’air buccal de patients atteints d’halitose sévère, ont noté la présence d’une trentaine de composés organiques volatils malodorants dont la plupart (80%) sont des alcanes ou des dérivés d’alcanes. Si on se base sur la composition gazeuse de l’haleine, il est probable qu’il existe autant de mauvaises haleines différentes que de personnes.
Bactéries anaérobies
La cavité buccale présente environ 600 espèces bactériennes distinctes aux capacités très diverses à utiliser les nutriments disponibles [33]. Tous les paramètres physico-chimiques influençant la croissance des bactéries anaérobies vont favoriser la production d’odeurs fétides. Plus généralement, toutes les niches propices au développement d’un biofilm (face dorsale de la langue, embrasures interdentaires, malpositions, absence de points de contact…) ou les sites présentant une raréfaction de la pression en oxygène, permettent l’installation des anaérobies. Un pH basique ou voisin de la neutralité optimise la production de gaz malodorants alors qu’un pH acide inhibe la croissance des bactéries parodonto-pathogènes, ce qui diminue la formation des mauvaises odeurs [92].
Facteurs anatomiques
Langue
De par sa localisation et sa fonction, la langue est une des structures anatomiques les plus importantes de la cavité buccale [100]. Le chirurgien dentiste doit se sentir directement concerné par la sémiologie linguale puisque l’ORL s’intéresse aux amygdales et aux pharynx, et que le gastro-entérologue commence à l’œsophage. Plus de 60% des halitoses buccales seraient d’origine linguale [90]. La structure papillaire du dos de la langue représente une niche écologique unique dans la cavité buccale. Elle offre une large surface favorisant l’accumulation de débris et de micro organismes [102]. Le revêtement de la langue héberge des cellules épithéliales détachées de la muqueuse buccale, des micro-organismes et des leucocytes provenant des poches parodontales. La surface dorso-postérieure de la langue est naturellement une zone de rétention et difficilement accessible aux nettoyages mécaniques et physiologiques. Sa rétention est augmentée en cas de langues villeuses, irradiées ou fissurées.
Plus de 100 bactéries sont attachées à une seule cellule épithéliale desquamée de l’enduit lingual, alors que seulement 25 sont attachées à chaque cellule dans les autres sites de la muqueuse orale. La langue est souvent saburrale chez les gros fumeurs, les sujets respirant par la bouche, les patients édentés non appareillés, ou chez les personnes n’absorbant que des aliments ramollis. L’extrémité pointue des papilles filiformes permet l’entassement de débris, de bactéries ou de cellules mortes dans les espaces inter papillaires [7]. La langue constitue donc un site important de fermentation en créant un environnement où les bactéries sont protégées de l’action nettoyante de la salive et où le taux d’oxygène est bas, ce qui favorise le développement des bactéries anaérobies.
Dents
Les malpositions dentaires ou les absences de points de contact favorisent la rétention alimentaire et jouent un rôle dans la production de mauvaises odeurs buccales. Les cingulums profonds des incisives créent un environnement où les bactéries sont protégées de l’action nettoyante de la salive et où le taux d’oxygène est bas, ce qui favorise le développement bactérien. Les espaces inter dentaires, difficiles à nettoyer, peuvent retenir des aliments et engendrer des odeurs.
Prothèses dentaires
Des prothèses mal nettoyées, mal ajustées, mal polies, devenues poreuses ou rugueuses peuvent dégager une odeur. La résine poreuse absorbe l’eau et les substances odoriférantes en solution. Les bridges et les couronnes mal sertis retiennent les aliments si leurs configurations ne sont pas anatomiques.
Appareils ODF
Les appareils d’ODF et les contentions chirurgicales peuvent être rétenteurs d’aliments et parfois irriter la muqueuse.
Poches parodontales
La mauvaise haleine est un signe clinique souvent négligé, et ce, malgré le rôle important qu’il peut apporter dans l’élaboration d’un diagnostic de parodontopathie [60]. L’étude de l’origine et du devenir des CSV contribue largement à la compréhension des relations existantes entre la mauvaise haleine d’origine buccale et les maladies parodontales [101]. De nombreuses études ont montré une corrélation entre la mauvaise haleine, l’hygiène buccale et les maladies parodontales[92]. Une bonne hygiène buccale régulière et des nettoyages professionnels permettent de réduire les CVS. La concentration en CVS a été corrélée avec le nombre de poches saignantes et le degré de gravité de la maladie parodontale [22]. Il a de plus été montré que les CSV avaient une influence néfaste sur le parodonte [93].
Lésions herpétiques
L’homme est le seul réservoir du virus herpétique et la transmission est directe, secondaire à une excrétion virale, le plus souvent asymptomatique. Les infections herpétiques sont les plus fréquentes des infections virales de la bouche. Elles sont majoritairement dues à l’herpès simplex virus de type 1 mais le type 2 peut être responsable d’atteinte buccale. La primo infection est souvent asymptomatique et peut entraîner l’apparition d’anticorps et une immunité. Lorsqu’elle est symptomatique (dans 5% des cas), elle réalise une gingivo-stomatite vésiculoérosive responsable de l’halitose.
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Table des matières
Introduction
Première partie: Contexte bibliographique
I. Etiologies de l’halitose
1.1 Facteurs intra buccaux
1.1.1 Composés malodorants
1.1.1.1 Composés sulfurés volatils (csv)
1.1.1.2 Diamines
1.1.1.3 Composés aromatiques
1.1.1.4 Acides gras volatils
1.1.1.5 Autres composés malodorants
1.1.2 Bactéries anaérobies
1.1.3 Facteurs anatomiques
1.1.3.1 Langue
1.1.3.2 Dents
1.1.4 Prothèses dentaires
1.1.5 Appareils ODF
1.1.6 Poches parodontales
1.1.7 Lésions herpétiques
1.1.8 Habitudes de vie
1.2 Facteurs extra buccaux
1.2.1 Maladies en oto-rhino-laryngologie
1.2.1.1 Sinusite chronique
1.2.1.2 Tonsillite chronique
1.2.1.3 Angine de Plaut-Vincent
1.2.2 Maladies gastriques
1.2.3 Diabète
1.2.4 Insuffisance rénale
1.2.5 Maladies du foie
1.2.6 Triméthylaminurie
1.2.7 Médicaments
II. Classification et évaluation de l’halitose
2.1 Classification de l’halitose
2.2 Evaluation de l’halitose
2.2.1 Méthodes organoleptiques
2.2.2 Méthodes professionnelles
2.2.2.1 Appareils de chromatographie gazeuse
2.2.2.2 Nez électroniques
2.2.2.3 Moniteurs des composés volatils sulfurés
III. Conduite à tenir
3.1 Interrogatoire
3.2 Examen clinique proprement dit
3.2.1 Examen exobuccal
3.2.2 Examen endobuccal
3.3 Examens paracliniques
3.3.1 Examen radiologique
3.3.2 Examens complémentaires
3.4 Traitement
3.4.1 Traitements préventifs
3.4.1.1 Hygiène bucco-dentaire
3.4.1.1.1 Brossage des dents
3.4.1.1.2 Les compléments au brossage
3.4.1.2 Hygiène alimentaire
3.4.1.3 Hygiène de vie
3.4.2 Traitements curatifs
3.4.2.1 Traitement restaurateur
3.4.2.2 Traitement parodontal
3.4.2.3 Traitement chirurgical
3.4.2.4 Traitement prothétique
3.4.2.5 Traitement orthodontique
3.4.2.6 Prescription médicamenteuse
3.4.2.6.1 Traitement des pathologies sources d’halitose
3.4.2.6.2 Traitement direct d’halitose
3.4.3 Traitements palliatifs
3.4.3.1 Homéopathie
3.4.3.2 Phytothérapie
3.4.3.3 Aromathérapie
3.4.3.4 Autres
Deuxième partie : Niveau de connaissance et prise en charge de l’halitose par 100 dentistes marocains
I. Présentation de l’étude
1.1 Justification
1.2 Objectifs
1.3 Type et cadre de l’étude
1.4 Matériels et méthodes
1.4.1 Population d’étude
1.4.1.1 Critères d’inclusion
1.4.1.2 Critères de non inclusion
1.4.2 Recueil des données
1.4.3 Analyse statistique des données
II. Résultats
2.1 Caractéristiques des praticiens
2.1.1 Age
2.1.2 Sexe
2.1.3 Secteur d’activité
2.1.4 Ancienneté du diplôme
2.2 Résultats spécifiques
2.2.1 Niveau de connaissance et méthodes d’évaluation
2.2.1.1 Fréquence de l’halitose
2.2.1.2 Origine de l’halitose
2.2.1.3 Autres causes de l’halitose
2.2.1.4 Méthodes d’évaluation
2.2.1.4.1 Tests organoleptiques
2.2.1.4.2 Tests électroniques
2.2.2 Prise en charge
2.2.2.1 Traitement symptomatique
2.2.2.2 Traitement local
2.2.3 Prévention
2.2.3.1 Hygiène de vie
2.2.3.1.1 Stress
2.2.3.1.2 Tabac
2.2.3.2 Hygiène bucco-dentaire
2.2.3.2.1 Brossage
2.2.3.2.2 Nettoyage de la langue
2.2.3.2.3 Rinçage par utilisation de bain de bouche
2.3 Recherche de valeurs pronostiques entre les caractéristiques initiales (âge, sexe, secteur d’activité et ancienneté du diplôme) et les résultats spécifiques (test utilisé, traitement préconisé et prévention)
III. Discussion
3.1 Caractéristiques des praticiens
3.2 Résultats spécifiques
3.2.1 Fréquence
3.2.2 Origine
3.2.3 Tests organoleptiques
3.2.4 Tests éléctroniques
3.2.5 Traitement
3.2.6 Prévention
3.2.6.1 Hygiène de vie
3.2.6.1.1 Stress
3.2.6.1.2 Tabac
3.2.6.2 Hygiène bucco-dentaire
3.2.6.2.1 Nettoyage lingual
3.2.6.2.2 Utilisation de bain de bouche
Conclusion