Composants toxiques de la membrane cellulaire
Morphologie
Corynebacterium pseudotuberculoses est une bactรฉrie qui appartient ร lโordre des Actinomycetales, au sous-ordre des Corynebacterineae et ร la famille des Corynebacteriaceae. Le genre Corynebacterium est composรฉ en 2005 de 66 espรจces diffรฉrentes, 38 dโentre elles (Tableau 1) ayant une implication en pathologie (BERNARD, 2005). Cette bactรฉrie est donc un bacille Gram positif, assez court : 1 ร 3 ฮผm de long pour 0,5 ร 0,6 ฮผm de large. En culture artificielle, elle peut รชtre coccoรฏde. Elle est immobile, aรฉrobie facultative ou anaรฉrobie, non encapsulรฉe et non sporulรฉe. La forme bacillaire prรฉsente des granules mรฉtachromatiques qui sont absents dans les formes coccoรฏdes. C. pseudotuberculosis est un parasite intracellulaire facultatif qui a la capacitรฉ de survivre dans les macrophages (CHIRINO-ZรRRAGA et al., 2006). La structure de sa paroi bactรฉrienne est complexe, et nรฉcessite notamment une synthรจse dโacides gras pour รชtre fonctionnelle en permanence. En rรฉponse ร un changement de tempรฉrature, la composition de la membrane est modifiรฉe, ce qui permet ร la fluiditรฉ membranaire et aux activitรฉs biochimiques au sein de la bicouche dโรชtre maintenues. Ces changements sont permis par la prรฉsence de gรจnes rรฉgulรฉs par la tempรฉrature (S. C. McKEAN et al., 2007a). Les lipides reprรฉsentent en moyenne 6,52% du contenu de la paroi. Il existe des diffรฉrences significatives de composition selon les isolats (MUCKLE et GYLES, 1983). Les colonies bactรฉriennes sont blanches, rรฉguliรจres, et responsables dโune ฮฑ-hรฉmolyse. Le diamรจtre dโune colonie aprรจs 48h dโincubation est de 1 mm en moyenne. La croissance sur gรฉlose au sang produit une odeur de souris (CONNOR et al., 2000).
Culture et identification
La mรฉthode de culture standard a รฉtรฉ dรฉcrite par LENNETTE et al. en 1985. Elle implique lโutilisation dโune gรฉlose au sang sur laquelle on รฉtale le prรฉlรจvement, et quโon maintient ensuite ร 37ยฐC pendant 48h (COSTA et al., 1998). En effet, les colonies sont trรจs petites, voire invisibles aprรจs seulement 24h dโincubation. Lโidentification est basรฉe sur les rรฉsultats au test de Gram, sur lโobservation de la morphologie des colonies et sur des tests faisant appel aux propriรฉtรฉs biochimiques. Aprรจs 48h sur gรฉlose au sang, on peut observer une bande รฉtroite dโhรฉmolyse autour des colonies. De plus, celles-ci sont facilement dรฉcollables de la surface de la gรฉlose, et crรฉpitent sous une flamme, ร cause de leur important contenu en lipides (SMITH et SHERMAN, 2009). On met en รฉvidence en particulier le caractรจre catalase positive et oxydase nรฉgative de la bactรฉrie. En laboratoire, on utilise le plus souvent des tests rapides permettant dโidentifier la bactรฉrie. On peut citer lโexemple du kit APIยฎ Coryne, produit par bioMรฉrieux. Le temps nรฉcessaire ร lโidentification est alors assez court, variant de quelques heures ร deux jours selon le test utilisรฉ. Il faut cependant garder en mรฉmoire que ces tests peuvent manquer de prรฉcision, et doivent parfois รชtre couplรฉs ร dโautres tests, mettant en รฉvidence dโautres propriรฉtรฉs de la bactรฉrie, pour obtenir un rรฉsultat exact (BERNARD, 2005).
Pathogรฉnicitรฉ et facteurs de virulence
Lโadaptabilitรฉ de la bactรฉrie ร lโhรดte est essentielle pour lโexpression de son pouvoir pathogรจne. Celle-ci est facilitรฉe par la plasticitรฉ du gรฉnome, qui peut รชtre augmentรฉe grรขce ร des mรฉcanismes tels que le transfert horizontal de gรจnes. Les รฎlots de pathogรฉnicitรฉ jouent un rรดle important dans ce type de transfert. En effet, ils constituent de larges rรฉgions, acquises par transfert horizontal, qui abritent des ensembles de gรจnes de virulence. Ceux-ci permettent notamment lโadhรฉrence de la bactรฉrie aux cellules de lโhรดte, la colonisation et lโinvasion de lโhรดte, lโรฉchappement au systรจme immunitaire de celui-ci, et confรจrent une toxicitรฉ au germe. Ces รฎlots de pathogรฉnicitรฉ sont repรฉrables grรขce ร un dรฉtournement de la fonction des codons, ร la proportion de paires G+C ou de dinuclรฉotides โ qui diffรจre selon les bactรฉries, ce qui permet de repรฉrer les gรจnes issus de donneurs, et ร la prรฉsence de sรฉquences dโinsertion (Figure 1). Un outil a รฉtรฉ dรฉveloppรฉ dans le but de repรฉrer ces รฎlots, et utilisรฉ sur C. pseudotuberculosis. Sept rรฉgions probables ont ainsi pu รชtre identifiรฉes, qui contiennent en proportion deux fois plus de facteurs de virulence que dans le reste du gรฉnome (SOARES et al., 2012).
Phospholipase D
Cโest une enzyme spรฉcifique de la sphingomyรฉline, qui catalyse la dissociation de cette molรฉcule en cรฉramide phosphate et choline. Elle est responsable de grands dommages sur les membranes cellulaires chez les Mammifรจres, ce qui permet ร C. pseudotuberculosis de rรฉsister ร la destruction dans les cellules phagocytaires. De plus, elle augmente la permรฉabilitรฉ vasculaire localement, ce qui facilite la dissรฉmination de la bactรฉrie dans lโorganisme. Elle affecte aussi le chimiotactisme permettant aux neutrophiles dโaccรฉder au site dโinfection, ceux-ci sont donc moins nombreux (YOZWIAK et SONGER, 1993). La phospholipase D est le facteur de virulence principal de la bactรฉrie (BAIRD et MALONE, 2010; SIMMONS et al., 1997). Cette protรฉine est aussi produite par C. ulcerans et par Arcanobacterium haemolyticum.
Elle a une fonction similaires pour toutes ces bactรฉries (SKALKA et al., 1998). Toutes les souches connues la produisent ((LITERรK et al., 1999; MOHAN et al., 2008). Les souches bactรฉriennes portant un mutant attรฉnuรฉ du gรจne pld ne sont responsables que de symptรดmes mineurs et peuvent induire une forte protection contre la maladie casรฉeuse. De plus, lโinfection dโovins par une souche phospholipase D-nรฉgative, chez laquelle le gรจne pld a รฉtรฉ inactivรฉ par mutagenรจse sur site spรฉcifique nโentraรฎne aucun symptรดme de lymphadรฉnite casรฉeuse. Cela se vรฉrifie toujours quand les animaux sont infectรฉs avec une dose de bactรฉrie mutante deux fois plus importante que la dose nรฉcessaire ร la souche sauvage pour induire la maladie (HODGSON et al., 1992). Ces donnรฉes indiquent bien le rรดle central de ce gรจne dans la pathogรฉnie. Dans une รฉtude datant de 2007 portant sur 42 souches de C. pseudotuberculosis provenant de diffรฉrents pays, on en a trouvรฉ trois qui ne produisaient pas la PLD. Mais on a pu montrer par PCR que ces souches possรฉdaient en rรฉalitรฉ le gรจne pld. La synthรจse de cette protรฉine รฉtait simplement trop faible pour pouvoir รชtre dรฉtectรฉe par la mรฉthode utilisรฉe (CONNOR et al., 2007).
Dans une autre รฉtude, on a montrรฉ quโune souche, nommรฉe 1002, ne sรฉcrรฉtait pas la phospholipase D en culture. Cโest une souche peu pathogรจne, mais tout de mรชme capable de provoquer la formation dโabcรจs de localisations diverses chez les souris sensibles. On nโa pas encore pu mettre en รฉvidence la prรฉsence ou lโabsence de PLD lors de lโinfection dโun mammifรจre par cette souche. Le mรฉcanisme ร lโorigine de sa faible virulence nโest pas connu (PACHECO et al., 2011). La sรฉquence codant pour la phospholipase D a รฉtรฉ รฉtudiรฉe (McNAMARA et al., 1995). La protรฉine est longue de 306 acides aminรฉs, et inclut une sรฉquence signal supposรฉe de 26 acides aminรฉs. Son poids molรฉculaire est de 31,2 kDa. Les sรฉquences des gรจnes pld de C. pseudotuberculosis biovars equi et ovis, de Corynebacterium ulcerans et de Arcanobacterium haemolyticum qui synthรฉtisent aussi une phospholipase D, sont trรจs homogรจnes. Cette similaritรฉ des sรฉquences (de 64 ร 98% dโhomogรฉnรฉitรฉ) suggรจre que ces enzymes agissent comme des facteurs de virulence dรฉterminants de ces quatre bactรฉries. Il a cependant pu รชtre dรฉmontrรฉ quโil existe au moins une diffรฉrence entre les sรฉquences des gรจnes pld des biovars equi et ovis. En effet, il y a un site de restriction BamHI supplรฉmentaire dans le gรฉnome du biovar equi. Cela pourrait รชtre un moyen de dรฉterminer de maniรจre sรปre lโappartenance dโune souche bactรฉrienne ร lโun de ces deux biovars, le test de rรฉduction de la nitrate nโรฉtant pas toujours valable (SONGER et al., 1990). Une รฉtude a montrรฉ que pld รฉtait un gรจne rรฉgulรฉ par les chocs thermiques. Il est trรจs fortement sous-exprimรฉ quand la tempรฉrature atteint les 43ยฐC. Cette sous-expression est visible rapidement, 10 min aprรจs que les 43ยฐC soient atteints, et le niveau minimal dโexpression est atteint au bout de 20 min (McKEAN et al., 2007a).
|
Table des matiรจres
INTRODUCTION
รTIOLOGIE
Morphologie
Culture et identification
Pathogรฉnicitรฉ et facteurs de virulence
Phospholipase D
Fag B
Sรฉrine protรฉase
Composants toxiques de la membrane cellulaire
CP40, une autre toxine sรฉcrรฉtรฉe
Typage de la bactรฉrie et comparaison de diffรฉrents isolats
Techniques de typage
a) RT-PCR
b) ERIC-PCR
c) BOX-PCR
d) RADP
e) ADSRRS-fingerprinting
f) Ribotypage
g) Pulse-field gel electrophoresis (PFGE)
Diversitรฉ des C. pseudotuberculosis
Stabilitรฉ du gรฉnome
รPIDรMIOLOGIE
Rรฉpartition
Prรฉvalences
Afrique
Amรฉrique
Asie
Ocรฉanie
Europe
Cas de la France
Modes de transmission
Par contact
Aรฉrosols
Facteurs de risque
Facteurs intrinsรจques
a) รge
b) Sexe
c) Localisation des lรฉsions
Facteurs extrinsรจques
a) La tonte
b) Le comportement
c) Plaies iatrogรจnes
d) Douches et bains antiparasitaires
e) Mode dโรฉlevage
PHYSIOPATHOLOGIE
Voies dโentrรฉe de la bactรฉrie
Extension de lโinfection
Rรฉponse immunitaire
Mรฉcanismes mis en jeu
รchappement au systรจme immunitaire de lโhรดte
Persistance de Corynebacterium pseudotuberculosis dans lโhรดte
SIGNES CLINIQUES ET LรSIONNELS
Signes cliniques
Lymphadรฉnite casรฉeuse chez les petits ruminants
a) Forme cutanรฉe
(1) Description
(2) Localisation des abcรจs
b) Forme viscรฉrale
(1) Description
(2) Localisation des lรฉsions
c) Complications
d) Association avec le virus de Maedi-Visna
Mammites
Lymphangite ulcรฉrative chez les bovins et les bisons
Dermatite ulcรฉrative et nรฉcrosante du pied chez les bovins
Avortements
Infection localisรฉe au point dโinoculation
Autres
Lรฉsions
Aspect macroscopique des abcรจs casรฉeux
Composition cellulaire des abcรจs casรฉeux
DIAGNOSTIC
Clinique
Portage sain
Forme cutanรฉe
Forme viscรฉrale
Examens complรฉmentaires
Diagnostic de laboratoire
Test ELISA
Microagglutination
Western Blot
Test SHI
PCR
Dรฉtection de lโinterfรฉron-gamma
Spectroscopie par rรฉsonance plasmonique de surface (SPR)
Comptage monocytaire et concentration en haptoglobine sรฉrique
Rรฉactions croisรฉes
Diagnostic diffรฉrentiel
Autres causes dโabcรจs
Adรฉnomรฉgalies consรฉcutives ร des infections
Autres causes de mammites chez les bovins
Kystes
Tumeurs
TRAITEMENTS ET PRรVENTION
Traitements mรฉdical et chirurgical
Antibiothรฉrapie
Parage des abcรจs
Prรฉvention
Mesures sanitaires
a) Lors de la tonte
b) Lors des introductions et sorties dโanimaux dans un troupeau
c) Dans les troupeaux infectรฉs
Prophylaxie mรฉdicale
a) Les diffรฉrents types de vaccins
(1) Vaccins dirigรฉs contre la bactรฉrie
(2) Vaccins dirigรฉs contre une toxine bactรฉrienne : la phospholipase D
(3) Vaccins combinรฉs
(4) Vaccins vivants
(5) Vaccins ADN
b) Les vaccins disponibles
(1) Autovaccins
(2) Vaccins commerciaux
c) Hypothรจses de recherche en terme de nouveaux vaccins
d) Efficacitรฉ de la vaccination
e) Exemple de stratรฉgie vaccinale : lโAustralie
Importance du contrรดle de la maladie
Consรฉquences sanitaires
Consรฉquences รฉconomiques
a) Inspection des carcasses et saisies
b) Dรฉficit de production de laine
c) Syndrome de la brebis maigre
d) Autres
Exemple dโun plan dโรฉradication : les Pays-Bas
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
Tรฉlรฉcharger le rapport complet