Hypothèse centrale
Pour répondre à notre question de recherche et élaborer les guides d’entretien, nous avons formulé une hypothèse centrale basée sur trois aspects, didactique, social et pédagogique, qui nous ont amenées à établir trois sous-hypothèses afin d’affiner notre recherche. « L’enseignant-e met en place à la rentrée scolaire des pratiques sur les plans didactique, social et pédagogique pour favoriser le développement du sentiment d’appartenance des élèves au groupe classe et au collège. » Nous avons choisi d’étudier la construction du sentiment d’appartenance sur trois plans, car il s’agit d’une notion relativement abstraite et complexe nécessitant divers points de vue. Pour Calin (1999), la construction du sentiment d’appartenance est un processus complexe pluridimensionnel. Nous avons divisé notre recherche en trois plans distincts : le plan didactique (Marchive, 2003) où toutes les pratiques seraient mises en oeuvre dans le but que les élèves intègrent les savoirs prescrits par le plan d’études, le plan social qui concerne l’ensemble des relations élève-élève et enseignant-e-élève, et enfin le plan pédagogique, qui implique l’organisation et le déroulement des activités scolaires.
Le plan didactique Hypothèse 1 : sur le plan didactique, l’enseignant-e utilise la différenciation pédagogique pour favoriser le développement du sentiment d’appartenance au groupe classe et au collège. Le plan didactique – au sens large – regroupe toutes les pratiques mises en oeuvre dans le but que les élèves intègrent les savoirs prescrits par le plan d’études romand. Afin que les apprentissages soient fructueux, il est nécessaire que l’élève se sente bien dans la classe, sur le plan didactique, ce qui « …constitue le principal enjeu des premiers jours de classe » (Marchive, 2003, p. 30). Marchive n’établit pas de lien direct entre pratiques didactiques et sentiment d’appartenance. Toutefois, ses propos expriment le lien étroit présent entre l’affiliation à la « communauté classe » et l’enjeu didactique : Cette capacité à interpréter la règle n’est pas seulement un enjeu social (devenir membre affilié à la « communauté classe » et être reconnu comme tel par ses pairs), c’est un enjeu didactique de premier plan, comme capacité à anticiper et à répondre de manière idoine aux réquisits des situations d’enseignement. (p. 27) Marchive explique la complexité des liens entre l’aspect social et didactique de la classe.
En effet, l’acquisition d’une culture scolaire commune mènera à une meilleure anticipation des enjeux didactiques et donc à des apprentissages fructueux. Dans notre travail, nous nous centrons sur une pratique du plan didactique : la différenciation (ou pédagogie différenciée). Dans leur dictionnaire des concepts clés en pédagogie, Raynal et Rieunier (2010) la définissent de la manière suivante : Les adeptes de la pédagogie différenciée savent que chaque élève apprend à sa manière, selon des « styles d’apprentissage » différents, et que chacun présente tout à la fois des compétences et des difficultés spécifiques. Pour réguler et optimiser l’activité d’apprentissage, ils estiment donc indispensable de tenter de connaître les difficultés individuelles afin de différencier les traitements pédagogiques en fonction des caractéristiques de chacun. (p. 372)
Selon nous, ce concept entre en ligne dans le développement du sentiment d’appartenance des élèves. Il n’existe pas de classe homogène, c’est pourquoi l’enseignant-e se doit d’adapter ses pratiques en variant au maximum les contenus, les formes de travail et les outils présents dans son enseignement afin que chaque élève soit sollicité dans sa zone proximale de développement (Vygotski, Piaget, Sève, 2013) et que les apprentissages puissent être fructueux. Comme le dit Tardif (2005), il ne s’agit pas de créer un enseignement individualisé pour chaque élève – ce qui serait irréalisable – mais bien d’utiliser toutes les ressources à notre disposition afin de rendre son enseignement universel et de le rendre accessible à un maximum d’élèves. Pour Janosz, Georges et Parent (1998), le sentiment d’appartenance est une composante d’un climat scolaire positif. Il permet aux élèves d’entrer dans les apprentissages. En effet, selon Debarbieux et al. (2012), les apprentissages des élèves sont plus fructueux lorsque ces derniers se sentent valorisés et que leurs enseignant-e-s se sentent fortement lié-e-s à la communauté scolaire. La différenciation, comme expliqué précédemment, permet de tenir compte des besoins de chaque élève, et par conséquent de les faire se sentir écoutés, compris et valorisés. En effet, un élève qui se sent accepté et compris par l’enseignant-e avec ses compétences mais également ses difficultés, et qui sent que l’on tient compte de ses spécificités, devrait voir son sentiment d’appartenance se renforcer.
Le plan social Hypothèse 2 : sur le plan social, l’enseignant-e utilise divers types de jeux, dont des jeux coopératifs, pour favoriser le développement du sentiment d’appartenance au groupe classe et au collège. Le plan social concerne toutes les relations existantes entre l’enseignant-e et les élèves et les élèves entre eux. Selon Duclos et Laporte (1995), l’école permet le développement de la socialisation afin de construire un sentiment d’appartenance à ce milieu scolaire. Ce devoir de l’école est aussi important que celui de transmettre des savoirs. Nous avons choisi de nous concentrer sur les relations entre les élèves et de focaliser notre attention sur le jeu, qui représente une partie importante des interactions entre les élèves en classe. Nous avons souhaité aborder cette pratique car elle nous paraît essentielle dans l’intégration des enfants au sein d’une classe : Le jeu c’est la « vie en miniature »… comme une préparation à la vie …Quand il joue, l’enfant découvre le monde et intègre dans celui-ci ses expériences les plus précoces. L’enfant apprend à connaître les choses, il teste ce qu’il peut ou ne peut pas en faire. En jouant avec d’autres enfants, il découvre leurs différences ; il ressent les réactions des autres, ses propres qualités et ses propres difficultés. (De Graeve, 2006, p. 16) En effet, de nombreux éléments présents dans le jeu le sont également dans la vie courante, et donc dans la vie de la classe. Par exemple, il y a des règles à respecter, des choix à établir, de la coopération avec ses équipiers, de la concurrence avec ses adversaires, etc. Dans ces situations ludiques, l’enfant vit de nombreuses expériences qui sollicitent ses potentialités mentales, perceptives, motrices et sociales (De Graeve, 2006).
Le jeu permet donc aux élèves de développer des compétences cognitives, socio-affectives, coopératives, et permet d’apprendre à gérer ses émotions ainsi qu’à respecter des règles. Il remplit également une fonction de transition, qui conduit petit à petit l’enfant aux apprentissages scolaires. Selon De Graeve (2006), l’enfant va pouvoir structurer ses comportements sociaux grâce aux jeux de rôle, par exemple. Il mobilise également des opérations mentales qui vont lui permettre de progresser dans l’apprentissage. En jouant, les élèves développent de multiples compétences qui vont contribuer à construire et développer leur sentiment d’appartenance à la classe. Les jeux en équipes permettent notamment de tisser des liens entre les différents participants et par conséquent de renforcer la cohésion de groupe et le sentiment d’appartenance. Dans cette hypothèse, nous parlons de jeux coopératifs. Lontie (2012), parle globalement de jeux éthiques ; selon lui, ils développent des compétences « personnelles et sociales » et mettent la compétition de côté au profit de l’ouverture à soi, aux autres et au monde.
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Table des matières
1 Introduction
1.1 Sentiment d’appartenance
1.2 Pratiques dans la classe
1.3 Rentrée scolaire
1.4 Guide de lecture
2 Problématique
2.1 Question de recherche
2.2 Hypothèse centrale
2.3 Hypothèses secondaires
2.3.1 Le plan didactique
2.3.2 Le plan social
2.3.3 Le plan pédagogique
3 Cadre théorique
3.1 Composantes du sentiment d’appartenance
3.2 Différenciation pédagogique
3.3 Jeu
3.3.1 Jeux coopératifs
3.4 Rituels
4 Méthodologie
4.1 Echantillon
4.2 Etude de cas
4.3 Trois types de récolte de données
4.3.1 Observations en classe : fondement et présentation de l’outil
4.3.2 Entretiens avec les enseignantes : fondements et présentation de l’outil
4.3.3 Entretiens avec les élèves : fondements et présentation de l’outil
5 Présentation des résultats
5.1 Plan didactique
5.1.1 Classe A (3-4H)
5.1.2 Classe B (7H)
5.1.3 Comparaison des deux classes
5.2 Plan social
5.2.1 Classe A (3-4H)
5.2.2 Classe B (7H)
5.2.3 Comparaison des deux classes
5.3 Plan pédagogique
5.3.1 Classe A (3-4H)
5.3.2 Classe B (7H)
5.3.3 Comparaison des deux classes
5.4 Synthèse
6 Conclusion
6.1 Réponses à nos questions
6.2 En tant que chercheuses
6.3 En tant qu’enseignantes
7 Références bibliographiques
8 Annexes
8.1 Grille d’observation
8.2 Canevas d’entretien avec les enseignantes
8.3 Canevas d’entretien individuel avec élèves
8.4 Cartes d’émotions
8.5 Retranscription entretien élève 1 (4H)
8.6 Retranscription entretien élève 2 (4H)
8.7 Retranscription entretien élève 3 (3H)
8.8 Retranscription entretien praticienne formatrice 3-4H
8.9 Retranscription entretien élève 4 (7H)
8.10 Retranscription entretien élève 5 (7H)
8.11 Retranscription entretien élève 6 (7H)
8.12 Retranscription entretien praticienne formatrice 7H
9 Résumé
10 Mots-clés
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