Comportements de santé et diabète chez des personnes précaires

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Présentation et intérêt du score EPICES

Le score EPICES est un outil développé par le CETAF et validé auprès de plus de 500 000 français. Ce score est calculé à partir d’un questionnaire simple de 11 items (voir p 29), dont les réponses sont pondérées pour obtenir un chiffre compris entre 0 pas précaire du tout et 100 le plus précaire.

Création du score EPICES

Des 1999, confrontés à l’évolution de la pauvreté et de ses déterminants, les CES sont amenés à construire de nouveaux critères pour cibler les populations précaires. Ce score EPICES, dit score de précarité, a la vocation d’améliorer ce repérage.
Il a été construit par le CETAF (Centre Technique d’Appui et de Formation des Centres d’examens de Santé (CES)) à l’aide d’un questionnaire socio-économique de 42 questions, ce questionnaire étant celui utilisé pour l’analyse des populations lors des enquêtes de l’INSEE. L’analyse statistique (Analyse ACP, analyse par composante principale) a permis de sélectionner un sous ensemble réduit de 11 questions expliquant 90 % de la variance du facteur « précarité ». Chacune de ces questions a un poids que l’on additionne et donne au niveau individuel un score de 0 à 100 (de 0 non précaire à 100 le plus précaire). Il est important de noter que certaines questions du score EPICES appartiennent clairement au registre sociologique : « Avez-vous été en vacances, au théâtre au cours des 6 derniers mois? » et peuvent être discutées selon le milieu culturel des personnes interrogées.
L’analyse d’un échantillon d’environ 200 000 personnes a permis de comparer le score EPICES au score antérieur utilisant le questionnaire de 42 questions, et ainsi de valider ce score.
Ainsi, le score EPICES est relié à plusieurs indicateurs socio-économiques (travail, niveau d’éducation, niveau d’emploi), aux comportements de santé (tabagisme, utilisation du système de soin), aux pathologies chroniques (perception de l’état de santé, état dentaire, obésité, diabète). Il est associé à l’état de santé indépendamment de la catégorie professionnelle et de la définition de la précarité selon l’administration française (C Sass et al. 2006).
Depuis sa création, quelques travaux ont utilisé le score EPICES dans des domaines médicaux divers, avec la même constatation de simplicité d’utilisation (Tableau 3). Il a été utilisé dans des pathologies psychologiques et psychiatriques, avec le syndrome métabolique, le diabète, la maladie de Crohn.

Définition et conséquences de la précarité

Un continuum

Ce score est un indicateur quantitatif se substituant à la distinction dichotomique : précaire – non précaire vis-à-vis de l’emploi. Il donne une vision plus nuancée de la situation de la personne depuis l’aisance sociale jusqu’à la précarité. Il prend mieux en compte le déterminisme multifactoriel de la précarité.
Au sein d’une population, le score EPICES décrit un processus, un continuum de situations. Au-delà de 40,2, les personnes sont considérées comme « précaires ». Cependant, la distribution du score infirme l’idée d’une société duale, qui ne serait composée que d’un côté « d’exclus » et de l’autre « d’inclus ». Il permet de repérer au sein d’une population tout venant, considérée comme « non précaire » 11 à 15 % des publics fragilisés ayant pourtant un emploi.

Utilisation

Le score EPICES est obtenu par la réponse au questionnaire de 11 questions, chacune étant pondéré. Il faut moins de 10 minutes à une personne pour y répondre, ce qui rend son usage simple. Actuellement, son utilisation est quotidienne pour tous les consultants du Centre d’Examen de Santé de Bobigny. Dans le service de Diabétologie de l’Hôpital Avicenne, son utilisation est plus ponctuelle et l’a été sur plusieurs semaines pour la réalisation de l’étude. Il a fait l’objet de plusieurs publications (cf Annexe 10).

Choix et seuil du score EPICES dans notre travail

Le score EPICES a été retenu comme indice de précarité pour plusieurs raisons.
La première est pratique : compte tenu de l’ancienne et étroite collaboration avec le Centre d’Examens de Santé de Bobigny, nous étions informés de l’utilisation de ce score au quotidien et de sa simplicité. Tout consultant répond au questionnaire et est inscrit avec le résultat de son score EPICES.
Deuxièmement, il est intéressant de diffuser ce score dans un milieu hospitalier où l’impact de la précarité sur la prise en charge des patients est non comptabilisé dans les calculs d’efficience des soins.
Remarque : certaines questions du questionnaire s’intéressent aux loisirs (sport, spectacle, vacances), or ces pratiques peuvent être très variables, indépendamment du niveau socio-économique, mais parfois plutôt en rapport avec la culture de la personne. Lorsque le score EPICES a été validé, la population étudiée comportait plus de 60 % des hommes et des femmes d’un faible niveau d’éducation (maximum BEPC, CAP) (Sass et al. 2009).

Précarité et alimentation

Les sujets touchés par la précarité rencontrent des difficultés pour avoir accès à une alimentation saine, notamment la consommation de fruits et légumes, et ont, au contraire, des choix alimentaires orientés vers la consommation d’aliments riches en sucres et en graisses. Le coût des aliments est l’une des principales barrières, mais des facteurs individuels existent aussi. Aux Etats-Unis, le lieu de résidence influerait également sur la qualité alimentaire. Or, une alimentation de moins bonne qualité peut avoir des conséquences médicales, allant du syndrome métabolique à l’obésité avec ses complications cardiovasculaires métaboliques, oncologiques, articulaires et psycho-sociales.
Nous allons décrire de façon générale l’alimentation des personnes précaires, la consommation de fruits et légumes sera traitée dans les parties suivantes. Ces données proviennent d’une analyse de données françaises, diffusées par les organismes d’éducation de la santé ou de veille sanitaire et peuvent être comparées aux données en population générale (Tableau 7).
Dans la littérature médicale, peu d’articles détaillent spécifiquement l’alimentation des populations défavorisées, notamment pour un aperçu des caractéristiques de l’alimentation (Tableau 8). Aux Etats-Unis et au Canada, des auteurs s’intéressent à l’alimentation des personnes pauvre en insistant sur la consommation d’aliments à forte densité énergétique.
(Références du Tableau 8 : Description brève des diverses études alimentaires en population précaire Caillavet et al. 2006, Méjean et al. 2010, Tarasuk, McIntyre, et Jinguang Li 2007, Glanville et McIntyre 2006, Ballew et Sugerman 1995, Champagne et al. 2007, McCabe-Sellers et al. 2007, Townsend et al. 2009).
La précarité touche divers aspects de l’alimentation, à la fois la quantité et la qualité des apports alimentaires, mais également les rythmes alimentaires. Cette description pose la question du coût d’une alimentation équilibrée, et du lien démontré entre alimentation saine et budget. Enfin, nous introduirons la notion d’insécurité alimentaire, notion importante dans le domaine de l’épidémiologie nutritionnelle.

Précarité et conséquences sur l’état de santé

Les personnes appartenant aux milieux les plus défavorisés ont un état de santé moins bon que les personnes de milieux favorisés, et ceci quelque soient les indicateurs utilisés pour mesurer cette état de santé : santé perçue, maladies, handicap, ou risque de décès (Leclerc et Fassin 2000). Le gradient des inégalités sociales se retrouve dans toutes les pathologies (Moulin, Dauphinot, et Dupré 2005). De plus, une plus grande sévérité des pathologies a été décrite chez des personnes précaires (Eachus et al. 1996)
Si l’on s’intéresse à l’espérance de vie, en France, celle des femmes cadres de 35 ans dépassent de 3 ans celle des femmes ouvrières, et pour les hommes au même âge l’écart mesuré est de 7 ans (Monteil et Robert-Bobee 2005). Sur le plan Européen, il existe dans tous les pays, un gradient de mortalité entre les niveaux socioéconomiques les plus élevés, et les plus bas. Les facteurs déterminants de ces inégalités apparaissent être le tabagisme, l’obésité et l’alcoolisme (Mackenbach et al. 2008).
Parmi les explications proposées, les personnes précaires ont un mode de vie plus défavorable (tabagisme, alcoolisme parfois), une alimentation peu favorable, d’autres mécanismes physiopathologiques spécifiques, tel que le stress chronique, une diminution de l’accès aux soins, une moindre observance, et une inertie clinique des médecins les prenant en charge. .
Le tableau 10 résume les comportements et pathologies plus souvent décrits dans la population précaire.

Perception de l’état de santé et comportements de santé

Le niveau socio-économique est un des déterminants de la perception de son état de santé par un individu. Dans une étude comparative européenne, une des questions posées était « Comment jugez-vous votre état de santé ? » Très bon, Bon, moyen, très mauvais. Il existe une différence très marquée entre les extrêmes des personnes en ce qui concerne leur niveau socioéconomique, les personnes les plus pauvres se déclarant en moins bonne santé que les individus de bon niveau socioéconomique (Mackenbach et al. 2008) ; ce gradient d’inégalités est fort dans les pays nordiques, l’Irlande, le Royaume Uni, et plus faible en France, Allemagne, Portugal. En France, à la même question, 25% des précaires apprécient négativement leur état de santé, 14% pour des personnes précaires potentiels et 11% de la population générale (Poulain et Tibère 2008). Dans une autre enquête, la perception d’une mauvaise santé est rapportée par 24% des hommes et 30% des femmes non précaires, mais 37-39% des chômeurs, et 51-60 % des SDF.
Il est nécessaire d’insister sur un point, celui du recours aux soins. Les patients précaires ont recours aux soins moins fréquemment, et plus tardivement que la population non précaire : le non recours aux soins passe de 5,07 % chez des personnes non précaires (239 236 personnes) à 15,42 % chez des personnes touchant le RMI (Revenu Minimum d’Insertion) (population de 87 571 personnes) (Moulin). En 2002, 11,2 % de la population adulte directement interrogée déclare avoir renoncé au moins une fois à des soins de santé pour des raisons financières (CREDES). Dans l’enquête INCA2, 32,4 % des personnes en insécurité alimentaire pour raisons financières déclaraient renoncer à des soins, et ce pourcentage est de 8,2 % pour les personnes situées dans le quartile inférieur de revenus, mais sans insécurité alimentaire (Darmon et al. 2009) (cf Annexe 13).
Par ailleurs, toujours à partir de l’étude de Saint-Etienne, la prévalence du tabagisme variait de 37% en population non précaire, à 52% des chômeurs, 61% des hommes avec un Contrat Emploi Solidarité et 70% des SDF. Chez les femmes, la prévalence du tabagisme pour les mêmes catégories est respectivement de 28%, 36%, 37% et 36 %.

Précarité et obésité

Dans les pays développés, la prévalence de l’obésité est inversement corrélée au niveau socioéconomique (McLaren 2007), mais ce gradient social de l’obésité est maintenant aussi observé en Chine, en Russie. La relation faible niveau socioéconomique et obésité est très bien démontrée chez les femmes, mais les liens sont moins nets pour les hommes, en France et surtout aux Etats-Unis (Caillavet et al. 2006). Jusqu’à plus récemment, où chez l’homme un bas niveau d’éducation apparait aussi comme un facteur de risque d’obésité (Drewnowski et Specter 2004, Molarius 2000).
Aux Etats-Unis, dans le quartile de plus bas revenus, 22 % des hommes et 28% des femmes environ sont obèses (IMC > 30), alors que ces pourcentages sont de 17% et 14% parmi des personnes de plus haut revenus. L’analyse selon le niveau d’éducation retrouve 22% d’hommes obèses, 27% de femmes obèses parmi les personnes de moins de 12 années d’éducation (niveau secondaire) contre 12% et 10,5% pour les personnes de plus de 16 années d’études (Drewnowski 2009).
Les données françaises proviennent de plusieurs études : Obépi sur plusieurs années, INVS 2010 et autres. D’après Obépi 2003, l’obésité touchait 20 %, 10 %, et 5,7 % des personnes ayant un niveau d’études primaire, baccalauréat ou supérieur du 3ème cycle. La prévalence de l’obésité est deux fois plus élevée (17,0 % vs 8,1%) chez les adultes issus dont le foyer gagne moins de 900 Euros par mois par rapport à ceux de plus de 5300 Euros.
Les données Obépi 2007, concernant plus de 25 000 personnes de plus de 15 ans, retrouve une prévalence de l’obésité beaucoup plus forte chez les ouvriers par rapport aux cadres et professions libérales, avec 8,4 et 11,5 % (hommes et femmes respectivement) et 6,3 % et 8,4 % des cadres (Charles, Eschwège, et Basdevant 2000).
Des données plus régionales à l’Est et en région parisienne : à l’Est, les bénéficiaires du RMI souffraient d’obésité pour 10 % des hommes et 26 % des femmes, contre 8,9 % des hommes, 11,2 % des femmes de la population témoin (Ziegler, Quilliot, et Guerci 2000). En Seine-Saint-Denis, 17,5 % des femmes de faible niveau socioéconomique sont obèses contre 11,5% des femmes de plus haut niveau socioéconomique ; le risque relatif d’obésité est de 1,45 chez les personnes dont les revenus sont inférieurs à 838,47 Euros, et de 1,67 pour les personnes de faible niveau d’éducation (Emilio La Rosa 2003).
Plus récemment, l’étude de l’INVS de 2010 (Fagot-Campagna 2010) apporte une prévalence de l’obésité parmi les ouvriers de presque trois fois celle des cadres, avec respectivement chez les hommes et les femmes 8,3 et 6,8 % de cadres obèses et 19,3 et 20,8% des ouvriers obèses.
La fréquence de l’obésité dans une enquête de Spyckerelle varie de 4,5 % chez des sujets non précaires, à 11 % chez les bénéficiaires du RMI et à 7 % chez les jeunes de 16-25 ans en difficulté sociale (Spyckerelle, Giordanella, et Poisson 2001).
Ainsi, même si les chiffres diffèrent légèrement selon les études, le gradient reste bien visible.

Précarité et diabète

Compte tenu des éléments précédents, à savoir, le risque de déséquilibre alimentaire, avec une alimentation appauvrie en fruits et légumes et riche en aliments denses en énergie chez les personnes précaires et de certains comportements de santé, la précarité apparaît comme un facteur de risque de diabète. Beaucoup d’études épidémiologiques mettent ainsi en évidence un gradient socio-économique dans la prévalence du diabète.
Aux Etats-Unis, les études s’intéressent à la prévalence du diabète dans divers groupes ethniques, les minorités ethniques ayant par ailleurs encore souvent un niveau socioéconomique plus faible. Ainsi, le risque de diabète est augmenté chez des femmes afro-américaines comparées à des femmes blanches (OR à 1,76 (1,21-2,57)), avec un risque qui reste significatif après ajustement sur le niveau d’éducation (OR à 1,59 (1,09-2,31)). Dans cette même étude, pour les hommes afro-américains, il n’y a pas de différence de prévalence si l’on ajuste sur le niveau d’éducation (Robbins 2000).
En Europe, l’étude espagnole auprès de 2985 patients diabétiques, montre un net gradient entre le niveau socioéconomique le plus bas et le plus haut (Risque de diabète 0R= 2,17 (1,77-2,28)) (Larrañaga 2005). Dans une population anglaise de 4313 habitants, la prévalence du diabète variait de 17,2 pour 1000 habitants pour les hommes et 18,9 pour les femmes dans le quintile le plus pauvre à 12,4 et 15,3 dans le quintile le plus aisé (Connolly 2000).
En France, les dernières données d’ENTRED 2001 ont retrouvé une surreprésentation des femmes de bas niveaux d’éducation parmi les enquêtés. De plus, la prévalence du diabète passe de 1,8% des femmes cadres à 9,7% pour les ouvrières et 12,2 % pour les femmes qui n’ont jamais travaillé. Ce même gradient socio-économique est retrouvé chez l’homme (Figure 2).
Une autre étude menée auprès de 32 435 personnes dans un centre IPC (Investigations Préventives et Cliniques, Paris-Ile de France), sur la période 2003-2006 retrouve chez les personnes précaires (quintiles supérieurs du score EPICES) une prévalence de 6% des hommes et 7% des femmes de 35 à 80 ans et de 18% et 15 % entre 60 et 80 ans (Guize 2008). Cette prévalence est 3 à 8 fois supérieure à celle des non précaires (premiers quintiles du score EPICES). Ainsi, le risque (Odds ratio) d’être diabétique chez les sujets en situation de précarité est de 4,2 chez les hommes et 5,2 chez les femmes de 35-59 ans, et de 3,5 et 2,2 pour les 60-80 ans, ceci après prise en compte de l’âge, de l’indice de masse corporelle, du périmètre abdominal, des scores de stress anxiété et de dépression.
Plus en amont, une étude mexicaine montre une forte prévalence de comportements alimentaires et de style de vie à risque chez des enfants déjà très prédisposés au diabète (Treviño 1999).

Précarité et activité physique

Dans l’étude de Saint-Etienne, il ne ressortait pas de différence de niveau d’activité physique entre les personnes, qu’elles travaillent, soient au RMI ou SDF (Moulin 2005).
Cependant, d’une façon plus générale, un lien a été retrouvé par plusieurs études entre un faible niveau socioéconomique et une plus faible pratique d’activités sportives. Les cadres et professions libérales font plus de sport que les employés et ouvriers. Les individus les plus diplômés pensent plus que le sport est un facteur positif dans le maintien du poids et dans la lutte contre la prise de poids, par rapport aux personnes de classes plus populaires (F Reignier dans (Caillavet 2006)). Dans une étude anglaise, l’activité physique déclarée par des sujets vivant en zone défavorisée est faible, inférieure aux recommandations, avec une corrélation avec le niveau d’éducation, et de travail. Un foyer sans travail ou dans un logement est plus à risque de ne pas pratiquer d’activité physique, de même pour les personnes de faible niveau d’éducation (Ellis et al. 2007). Chez des personnes précaires, l’absence d’accès à la voiture induit une augmentation de l’activité de marche, cependant il s’agit d’une activité physique non choisie, dans un environnement parfois déprimant, et facteur de stress au niveau familial (Bostock 2001). Or, la perception de son environnement (stressant ou agréable) est un facteur déterminant de l’activité physique, et dans le cas des personnes vivant en zone défavorisées, plutôt un facteur limitant.
Pour des étrangers sans papiers, l’activité physique peut être limitée par la crainte des contrôles de police.

La consommation de fruits et légumes en population générale et chez les personnes précaires

Consommation de fruit et légumes en population générale

Les recommandations nationales et internationales préconisent un apport quotidien de 400 à 800 grammes de fruits et légumes par jour, soit au moins 5 portions par jour (Figure 3). Le ratio entre les apports de fruits et ceux en légumes n’étant pas précisé.
Au niveau international, environ 50 % de la population ne connaît pas ces recommandations. Aux Etats-Unis, de 1989 à 2000, les consommations moyennes sont stables autour de 4,5 fruits et légumes par jour de 1989 à 1991, 4,9 portions par jours de 1994-1996 et 4,7 portions de 1999 à 2000 (National Cancer Institute). Au Royaume-Uni, la consommation est de 290 g par jour (Ministère de l’Agriculture, Pêche, 1997) puis 3 portions par jour (Foods Standards Agency, London, 2002).
A titre de repère, dans la population générale, les recommandations sont loin d’être suivies par tous les individus. Dans la population française, 4,2 à 22,5% des hommes et 4,4 à 27,5% des femmes consomment au moins 5 fruits et légumes par jour (Tableaux 11 Consommation de fruits et légumes, rapportées par diverses enquêtes en population générale, en France). Les résultats sont à peu près identiques aux Etats-Unis.

Facteurs déterminants de la consommation de fruits et légumes

Que ce soit en population générale, et plus encore chez les personnes défavorisées, la consommation moyenne de fruits et légumes est très inférieure aux recommandations de l’OMS. Les facteurs explicatifs ont été étudiés, via des enquêtes directes (focus group : entretiens de groupe) ou par l’analyse de cohortes, dans lesquelles la consommation de fruits et légumes a pu être reliée à différentes caractéristiques sociodémographiques, économiques, autres.
Ces facteurs étudiés, et impliqués, peuvent être séparés de la façon suivante :
• Facteurs d’accessibilité, disponibilité, coût,
• Facteurs sociaux ;
O taille du foyer, statut de la personne, support familial, de l’entourage, support de la famille/amis/collègues de travail,
• Facteurs matériels : revenus, possibilités de stocker, cuisiner les denrées alimentaires, pauvreté du quartier
• Facteurs culturels : autres personnes lors des repas, orientation de la famille
• Facteurs individuels :
O Niveau d’étude
O Connaissance nutritionnelle
O Préoccupations pour sa santé
O Efficacité personnelle (« self-efficacy »)
O Stade du changement
O Le Goût et les habitudes
Les études citées ci-dessous permettent d’illustrer chacun de ces facteurs.
Facteurs d’accessibilité – Existe- t- il des déserts alimentaires ?
La notion de désert alimentaire est très utilisée dans la littérature nord-américaine. Initialement, le terme de désert alimentaire avait été utilisé en Ecosse dans les années 1990 pour décrire une zone urbaine où les habitants n’ont pas accès à une alimentation abordable (en terme de coût), ni saine. Dans la littérature américaine, les notions d’accessibilité, disponibilité et possibilité d’achat sont souvent analysées dans les zones de plus grande pauvreté.
– Le terme d’accessibilité (accessibility) fait référence aux facilités de transport pour faire les courses. Les études s’intéressent à la distance parcourable à pied, ou la présence de transport en commun pour aller jusqu’aux grandes surfaces. Pour cela, les chercheurs s’appuient sur les GIS (geographic information système), système permettant l’étude des relations spatiales qui peuvent influencer des problèmes de santé.
– Le terme de disponibilité (availability) évoque plutôt l’approvisionnement des magasins, soit le nombre et la qualité des produits vendus, ce qui pour les fruits et légumes se traduit par la présence de diverses variétés, et pas uniquement des fruits et légumes de saisons ou de mauvaise qualité.
– Le terme possibilité d’achat (affordability) rajoute la notion de coût, soit l’accessibilité financière des produits alimentaires proposés.

Accessibilité physique

Ainsi, sur 21 villes américaines, les personnes bénéficiant d’aides nationales ont accès à moins de grandes surfaces, alors que ce sont les grandes surfaces qui offrent le plus de choix de F&L (Cotteril cité par Zenk (Zenk et al. 2005)).
Dans un quartier pauvre de Los angeles (Ponoma), à forte communauté d’origine hispanique (65%), 3985 personnes bénéficiaires d’aides alimentaires (panier sans F&L frais) ont relaté des problèmes approvisionnement en denrées alimentaires saines : seuls 41 % vivent à une distance parcourable à pied d’un magasin (0,8 km soit 15 min) offrant une variété de produits, alors que 13% ne sont proches à pied d’aucun magasin (Algert, Agrawal, et Lewis 2006).

Disponibilité (ou « Availability »)

Toujours aux Etats-Unis, à Rhodes-Island, une enquête a comparé la possibilité et le coût d’un panier du marché dans 21 magasins alimentaires. Dans cette région, les habitants sont d’origine Hispanique, et à faibles revenus. Le terme « panier du marché » fait allusion à une liste d’aliments recommandés par le département de l’Agriculture (USDA, notamment dans le 30ème plan alimentaire (Thirty Food Plan TFP) en cours aux Etats-Unis. Ainsi, seuls 2 des 21 magasins vendaient tous les produits recommandés. Les aliments le plus souvent manquant étaient le riz brun, brocolis, laitues, et viandes fraîches (Sheldon et al. 2010).

Accessibilité économique (ou « Affordability »)

Dans l’étude précédente à Rhodes Island, dans les 2 magasins permettant l’achat du panier du marché, le prix de celui-ci était 40% plus cher que la moyenne nationale, alors que dans magasin discount le plus proche, le même panier coûtait 18% moins cher (Sheldon et al. 2010). Latham et al ont comparé le prix d’un panier de denrées alimentaires dans divers magasins afin de démontrer des différences de prix défavorables (Latham et Moffat 2007) (Tableau 13) : en définitive, à l’exception de Londres, il n’apparait pas de différence significative.
Que retenir du détail de ses trois termes ? Certes, ces données ne sont probablement pas généralisables à d’autres régions que celles où se déroulaient les études (Tableau 14), néanmoins, aux Etats-Unis, être pauvre, et vivre dans une zone pauvre diminue les chances d’avoir accès facilement à une alimentation saine, et avec un bon rapport qualité-prix. Alors qu’à l’inverse, dans ces zones défavorisées, les magasins de type fast-food continuent à fleurir, offrant une alimentation peu coûteuse, très dense en calories. Ce type d’étude n’a pas encore été développée en France, ni en Europe.

Facteurs sociaux et matériels

Facteurs sociaux :

Etre en couple, surtout pour les hommes (Billson, Pryer, et Nichols 1999), ou avoir des enfants sont deux facteurs associés à une consommation plus importante de fruits et légumes. Le nombre de personnes dans un foyer est également associé positivement à une plus grande consommation de fruits et légumes (Kamphuis et al. 2006). Les femmes consomment globalement plus de fruits et légumes. Dans une enquête auprès de femmes, la présence d’un enfant n’avait pas d’impact (l’Odds Ratio était à 1,09 (0,98-1,21) de consommation entre une femme avec enfant vs celle sans enfant), par contre la femme mariée consomme plus qu’une femme célibataire (OR à 1,62 (1,38-1,91)) (Kamphuis et al. 2006).

Facteurs matériels

Il s’agit surtout de l’étude de l’impact des revenus sur la consommation de fruits et légumes. Le risque d’être un petit consommateur ou de ne pas consommer de fruits et légumes chaque jour est multiplié environ par 1,4-1,5 pour une personne de faible revenu par rapport à celle de revenus élevés (Giskes et al. 2006). Le lieu de résidence est aussi important avec plus de risque d’être un petit consommateur lorsque la personne vit dans une zone défavorisée.

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Table des matières

Introduction
Première partie Précarité : définition et conséquences
Chapitre 1 – Définir la précarité
Définir la précarité
Evolution du concept d’inégalités socio-économiques
Mesurer la précarité
Dimensions sociologiques
Informations sur l’importance de la précarité en France
Chapitre 2 – Présentation et intérêt du score EPICES
Création du score EPICES
Un continuum
Utilisation
Choix et seuil du score EPICES dans notre travail
Chapitre 3 : Données sociodémographiques de la Seine-Saint-Denis
Données démographiques
Formation et emploi dans le département
Santé en Seine-Saint-Denis
Grandes surfaces et commerces
Chapitre 4 – Précarité et alimentation
Apports alimentaires chez les populations défavorisées
Rythmes alimentaires
Budget alimentaire et coût d’une alimentation saine
Définition de l’insécurité alimentaire
Chapitre 5 – Précarité et conséquences sur l’état de santé
Perception de l’état de santé et comportements de santé
Précarité et obésité
Précarité et diabète
Précarité et activité physique
Précarité et la notion de temporalité
Deuxième partie Facteurs déterminants de la consommation de fruits et légumes chez les personnes précaires
Chapitre 1 – Bénéfices de la consommation de fruits et légumes
Pathologies cardio-vasculaires
Facteurs de risque cardiovasculaire
Hypertension :
Dyslipidémie
Obésité
Diabète
Cancers
Autres pathologies
Conclusion
Chapitre 2 – La consommation de fruits et légumes en population générale et chez les personnes précaires
Consommation de fruit et légumes en population générale
Consommation de fruits et légumes chez les personnes précaires
Chapitre 3 – Facteurs déterminants de la consommation de fruits et légumes
Facteurs d’accessibilité – Existe- t- il des déserts alimentaires ?
Accessibilité physique
Disponibilité (ou « Availability »)
Accessibilité économique (ou « Affordability »)
Facteurs sociaux et matériels
Facteurs sociaux :
Facteurs matériels
Facteurs culturels et individuels
Facteurs culturels
Facteurs Individuels
Autres facteurs
Chapitre 4 – Méthodes (1): Etude d’intervention « Chèques Fruits et Légumes »
Déroulement de l’étude
Questionnaires « Mode de vie-alimentation »
Enquêtes alimentaires
Chapitre 5 – Publication N° 1
Chapitre 6 – Résultats additionnels
Facteurs environnementaux
Troisième partie Comment augmenter la consommation de fruits et légumes chez les personnes précaires
Chapitre 1 – Les interventions pour augmenter la consommation de fruits et légumes Information, éducation
Divers supports
Une efficacité modérée
Interventions avec aide financière
Chapitre 2 – Les programmes américains visant à améliorer les apports nutritionnels (dont Fruits et Légumes)
Chapitre 3 – Méthodes (2): Etude d’intervention Chèques Fruits et Légumes
Les Chèques fruits et légumes
Discussions autour des chèques
Mesures anthropométriques, paramètres biologiques
Dosages vitaminiques
Chapitre 4 – Publication N° 2
Chapitre 5 – Résultats additionnels de l’étude Chèques fruits et légumes
Analyse des raisons des perdus de vue
Chapitre 6 – Commentaires à la suite du second article
Ce chapitre comporte des aspects de discussion des résultats qui n’ont pas été abordés dans la version actuelle de l’article, modifié pour répondre aux contingences éditoriales
Discussion autour des chèques
Acceptation des chèques par les grandes surfaces
Utilisation des chèques par les volontaires
Efficacité des chèques
Impact de la consommation de fruits et légumes sur les taux sanguins vitaminiques
Quatrième partie Précarité et diabète : des relations complexes
Chapitre 1 : Comportements de santé et diabète chez des personnes précaires
Connaissances, croyances
Alimentation des patients diabétiques précaires
Exercice physique
Autocontrôles glycémiques
Le temps du « self-management »
Adhérence médicamenteuse
Chapitre 2 : Précarité et accès aux soins pour le patient diabétique
Utilisation du système de santé
Réalisation des examens de dépistage
Chapitre 3 : Complications du diabète chez des personnes précaires Equilibre glycémique
(Niveau I professionnel le plus faible, V le plus élevé)
Risque de complications du diabète
Risque de mortalité
Chapitre 3: Publication N° 3
Chapitre 4 : Publication N° 4 (soumise)
Chapitre 5 : Publication N° 5 (soumise)
Chapitre 6 : Interventions chez les patients diabétiques précaires
La couverture sociale
Insécurité alimentaire
Des messages éducatifs simples – Health Litteracy
Personnes éducatrices relais
Prendre en compte les barrières culturelles
Discussion
Accessibilité et disponibilité des fruits et légumes en Seine-Saint-Denis
Consommation de fruits et légumes et vitamines
Limites
Une question éthique
Education et/ou chèques pour augmenter la consommation de fruits et légumes : question politique
Importance de l’éducation
Conclusions et Perspectives
Bibliographie

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