Histoire du stockage en cavité saline
L’exploitation des gisement salifères pour la production du sel a débuté depuis un millénaire alors que l’utilisation des cavités de dissolution dans le sel remonte seulement à cinq ou six décennies. Le stockage de produits liquides ou gazeux a commencé pendant la deuxième guerre mondiale au début des années 40 au Canada. Le stockage des hydrocarbures légers comme les GPL se développe rapidement dans les années 50 en Amérique du Nord et en Europe. L’élimination des déchets dans les cavités salines a été initialisé en coopération avec les industries qui utilisaient la saumure produite par la création des cavités comme matière première. Bien qu’aujourd’hui un grand nombre de déchets sont éliminés dans des cavités salines, le stockage des déchets de risque comme les déchets radioactifs provoque des oppositions locales.
Principe de création d’une cavité saline
Le principe de création d’une cavité saline est l’injection d’eau douce dans une couche de sel qui se dissout progressivement. Cette opération s’effectue dans un forage de type pétrolier par l’intermédiaire de deux tubes concentriques. Les formations salifères se présentent en couches plus ou moins épaisses, pouvant atteindre ou dépasser le millier de mètres, et en dômes d’extension verticale souvent très importante. Les cavités de stockage sont, en général, creusées dans le sel gemme en raison de :
– son abondance en épaisseur suffisante pour y creuser des cavités de grandes dimensions,
– sa bonne solubilité dans l’eau qui facilite le creusement des cavités par dissolution,nécessitant beaucoup moins de main d’oeuvre et d’équipement lourd par rapport aux techniques classiques de creusement minier,
– sa porosité très petite et sa perméabilité très faible qui garantissent l’étanchéité des cavités de stockage de fluides non mouillants tel que le gaz et les hydrocarbures,
– sa bonne tenue mécanique, résistance à la compression en particulier.
Les cavités réalisées dans le seul but d’extraire du sel par dissolution comportaient souvent deux ou plusieurs puits hydrauliquement reliés au niveau de la couche de sel par fracturation initiale, tandis que celles réalisées dans l’optique de stocker des hydrocarbures sont souvent monopuits, comme les cavités d’extraction du sel les plus récentes. Le forage du puits est réalisé selon la technique pétrolière. A partir de la base ou sabot du dernier cuvelage cimenté situé dans la formation salifère, un trou de quelque centaine de mètres de hauteur est foré dans un processus appelé lessivage. De l’eau est injectée soit par un tube central dont la base est située vers le fond du découvert (lessivage direct), soit par l’espace annulaire compris entre le tube central et une colonne externe (lessivage inverse). Forcé de circuler de bas en haut ou inverse, le long du découvert, l’eau lèche la paroi du trou et se charge en sel pour devenir saumure. Le trou s’élargit petit à petit et il se forme une cavité. Afin d’éviter une dissolution anarchique du sel vers le haut, un fluide (pétrole brut, fioul ou GPL) physico-chimiquement inerte vis-à-vis du sel et plus léger que la saumure est injecté dans l’espace annulaire compris entre le cuvelage de production et la colonne externe. Le développement du toit de la cavité dépend étroitement de la façon dont on fait évoluer la profondeur de l’interface entre ce fluide inerte et la saumure. Ainsi, la géométrie de la cavité creusée dépend éventuellement des positions des points d’injection d’eau et d’extraction de saumure. La durée de lessivage d’une cavité est sensiblement proportionnelle à son volume final et inversement proportionnelle au débit d’injection d’eau. Il faut compter entre six et dix-huit mois par centaine de milliers de mètres cubes creusés
Comportement mécanique du sel gemme
La recherche moderne sur le comportement thermomécanique du sel a commencé au milieu des années 30 et au fur et mesure a été approfondie comme une discipline restreinte » la mécanique du sel » en prenant une dimension technique et un niveau de complexité considérable. La rhéologie du sel gemme est particulièrement complexe car elle est le lieu de rencontre de différents phénomènes, certains liés à la structure polycristalline du sel (mouvements des dislocations, interaction entre cristaux,. . .), d’autres communs à toutes les roches quelle que soit leur structure (fissuration,. . .). Enfin, certains phénomènes sont liés à la grande solubilité du NaCl dans l’eau et confèrent à cette rhéologie des aspects inédits (migration de saumure, transport de matière assisté par fluide,. . .). Le sel gemme présente de ce fait des comportements différents et parfois contradictoires sous diverses conditions de température, contrainte et vitesse de sollicitation. Il se présente, par exemple, comme un solide fragile sous compression simple dans des conditions habituelles, mais se comporte comme un liquide visqueux à l’échelle des temps géologiques dans les formations salifères. Les besoins de l’ingénieur amènent, dans un premier temps, à étudier phénoménologiquement le comportement du sel gemme par des essais mécaniques réalisés au laboratoire : résistance à la compression, écrouissage, fluage, etc. Les déformations différées du sel gemme sont relativement importantes par rapport à ses déformations élastoplastiques instantanées et jouent de ce fait un rôle essentiel dans les calculs de conception et d’analyse des ouvrages géotechniques. Pour cette raison, le travail exposé consiste à étudier le comportement différé du sel gemme en particulier dans le contexte des cavités souterraines. Le changement de forme irréversible différé d’un corps solide sans fissuration est nommé » fluage « . Le fluage du sel gemme qui est à l’origine du comportement fragile et ductile, comme pour les autres matériaux cristallins, se produit principalement par le mouvement des dislocations (glide, climb et cross-slip). Pour le sel gemme, un accroissement de 10◦C augmente la vitesse de déformation par un facteur deux. On considère généralement que la montée en température augmente la vitesse de déformation suivant des mécanismes micromécaniques thermiquement activés. D’après des essais de laboratoire, la contrainte de confinement n’a pas d’influence apparente sur le fluage, sauf un effet indirect en cas de dilatance. A chaque phase la vitesse de fluage commence par une grande valeur qui diminue progressivement jusqu’à la vitesse stationnaire (steady-state). Après avoir diminué la contrainte déviatorique de 20 à 17 MPa, on observe une déformation transitoire avec une vitesse croissante au départ qui se stabilise ensuite à un nouvel état stationnaire. La vitesse stationnaire pour une température et une contrainte données est généralement unique. En augmentant la contrainte déviatorique, on observe finalement une phase tertiaire pendant laquelle la vitesse de déformation s’accroît jusqu’à la fracturation. Cela peut survenir si l’état de contrainte est dans le domaine de dilatance (voir Cristescu et Hunsche, 1998[1]). Au contraire, le changement de la température ne provoque pas de fluage transitoire. Vogler (1992) [2] explique que le mécanisme de la dislocation est sensible au rapport σG et pas seulement à la contrainte. D’ailleurs le module de cisaillement G n’est pas très sensible à la température. On voit bien que l’expérimentation est une démarche essentielle pour mieux comprendre le comportement complexe du sel, mais pourtant les résultats expérimentaux ne sont pas suffisants pour mieux décrire les caractéristiques mécaniques du sel, parce que l’extrapolation des résultats pour le long terme, ou bien pour les conditions de contrainte qui ne sont pas réalisables au laboratoire est possible seulement si les principes physiques des mécanismes de déformation microscopique sont connus et implantés dans les lois de comportement.
Comportement mécanique des cavités salines
Introduction Le fluage caractéristique du sel gemme évoqué dans les paragraphes précédents illustre l’exigence d’une étude de comportement différé des cavités salines. Une fois une caverne créée par dissolution, la distribution des contraintes dans le massif se modifie, ce qui engendre un déviateur de contrainte assez important au voisinage de la caverne et la caverne perd son volume progressivement. Dans une caverne profonde fermée, utilisée pour stockage souterrain, la réduction du volume contribue à faire monter la pression du fluide stocké jusqu’à la pression géostatique et favoriser la fracturation. D’ailleurs dans une caverne moins profonde, créée pour la production de la saumure, la perte de volume est accompagnée d’une subsidence importante à la surface. L’instabilité et l’effondrement d’une caverne lessivée dans le sel pur et homogène ne se produit pas souvent car, le fluage contribue à reproduire un état de contrainte plus isotrope que dans le cas d’un comportement élastique aux alentours de la caverne. L’étude de l’instabilité d’une caverne saline est primordiale quand elle est peu profonde, l’épaisseur de couche du sel est petite (ce qui augmente le risque du développement de l’instabilité à l’extérieur du sel) et/ou la pression dans la cavité descend à des valeurs plus basses que la pression halmostatique. Donc, en dehors de ce contexte, le problème mécanique lié aux cavités est plutôt l’évolution des déformations et des contraintes dans le massif. Pourtant, dans certaines conditions extrêmes de chargement (pression élevée ou très basse dans la caverne) la perméabilité du sel pourrait augmenter significativement en raison de la dilatance, le sel pourrait se rompre en compression et il pourrait se fracturer à la traction.
Comparaison éprouvette/caverne On peut établir une analogie entre le comportement d’un échantillon sous chargement uniaxial et une cavité dans un milieu infini. Dans ce dernier cas, au lieu de la vitesse de déformation axiale ε˙, on considère plutôt la vitesse de déformation volumique V˙V , et au lieu de la contrainte uniaxiale appliquée sur l’échantillon, on considère la différence P∞ − Pi entre la pression géostatique naturelle P∞ à la profondeur moyenne de la cavité et la pression du fluide Pi à l’intérieur de la caverne. Il faut remarquer certains différences entre le comportement d’une éprouvette et celui d’une caverne : (i) dans une caverne le chargement mécanique est plus sévère quand la pression dans la caverne est basse, (ii) tout changement de pression dans une caverne fermée déclenche plusieurs phénomènes transitoires en plus du fluage, et (iii) dans une caverne le transitoire mécanique peut durer plus longtemps que dans un échantillon de sel, car la distribution des contraintes autour de la caverne se modifie graduellement dans le massif rocheux avant d’atteindre un état stationnaire. Cet effet s’appelle transitoire géométrique, et il ne faut pas le confondre avec l’effet transitoire rhéologique qui vient de la nature de la loi rhéologique et que l’on observe au cours d’un essai de laboratoire sur une éprouvette. Dans le chapitre suivant, l’aspect transitoire du comportement sera étudié plus précisément.
Intérêt de l’étude analytique L’existence de programmes informatiques très puissants facilite largement le calcul des structures souterraines. On en déduirait à tort que les problèmes de mécanique des roches sont virtuellement résolus lorsqu’on dispose :
– d’une description mécanique convenable de l’état naturel du massif,
– d’expériences de laboratoire sur échantillons, convenablement prélevés, permettant de préciser la rhéologie du matériau,
– d’un code de calcul adapté.
L’état naturel du massif est presque toujours mal connu ; les expériences de laboratoire rendent mal compte du comportement à une grande échelle et sur une longue durée. Enfin, les essais sont en général longs et coûteux ; on doit alors se limiter à un petit nombre d’essais. Par ailleurs, des calculs sur ordinateur risquent de faire travailler en aveugle. C’est la raison pour laquelle un géomécanicien doit savoir mettre en évidence la relation entre les résultats bruts et les concepts physiques au moyen de modélisation simples et peu coûteuses. Ainsi il est très utile de disposer d’un jeu de solutions simples des problèmes mécaniques élémentaires ; ces solutions permettent au moins de comprendre clairement une partie des phénomènes. Ce n’est qu’après avoir utilisé ces solutions pour dégrossir le problème posé que le recours à l’ordinateur est précieux ; il permet de préciser quantitativement certains phénomènes, ou d’apprécier certains effets pour lesquels les solutions simples n’offrent pas de secours. Ainsi un tunnel peut-il être, au moins pour certains aspects, modélisé comme une galerie cylindrique de section circulaire ; pour ce dernier problème, on dispose d’un grand nombre de solutions explicites pour des hypothèses variées sur le comportement du massif. De même une cavité de stockage, peut-elle assez souvent être approchée par une forme sphérique qui permet des calculs analytiques. Une forme parfaitement sphérique est en général plus favorable ; elle répartit plus uniformément les contraintes, au voisinage des parois ; dans la réalité les zones qui s’écartent de la forme sphérique, par exemple celle où le rayon de courbure est petit, présenteront des « concentration de contraintes » qui rendront ces zones plus proche de rupture locale. Globalement, la forme sphérique rendra compte de l’ordre de grandeur des phénomènes. Si la géométrie laisse un doute sur le caractère admissible de la simplification, un calcul numérique permettra d’en tester le bien-fondé
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Table des matières
INTRODUCTION GÉNÉRALE
1 MÉCANIQUE DU SEL ET DES CAVITÉS SALINES
1.1 Introduction
1.2 Comportement mécanique du sel gemme
1.2.1 Etude bibliographique des lois viscoplastiques pour le sel
1.2.2 Fluage à long terme
1.2.3 Fluage transitoire
1.2.4 Une version modifiée du modèle de Munson-Dawson
1.2.5 Etude bibliographique des critères de rupture et d’endommagement du sel gemme
1.3 Comportement mécanique des cavités salines
1.3.1 Introduction
1.3.2 Comparaison éprouvette/caverne
1.3.3 Intérêt de l’étude analytique
1.3.4 Cas d’une cavité sphérique
1.3.5 Endommagement du sel autour d’une caverne
1.3.6 Stabilité d’une cavité de stockage
2 COMPORTEMENT MÉCANIQUE TRANSITOIRE DES CAVITÉS
2.1 Introduction
2.1.1 Transitoire géometrique et rhéologique
2.1.2 Fluage transitoire inverse
2.1.3 Comportement transitoire et rupture
2.2 Existence d’un régime permanent
2.3 Transitoire géométrique et rhéologique
2.4 Expansion différée d’une caverne (fluage inverse)
2.4.1 Les preuves au laboratoire
2.4.2 Les preuves in situ
2.5 Etude numérique du transitoire
2.5.1 Transitoire géométrique
2.5.2 Transitoire rhéologique
2.6 Fracturation hydraulique et transitoire géométrique
2.6.1 Introduction
2.6.2 Etat de contrainte autour d’un puits
2.6.3 Effet du fluage sur la fracturation
3 PHÉNOMÈNES TRANSITOIRES DANS LES CAVITÉS SALINES
3.1 Description des phénomènes
3.1.1 Comportement Mécanique
3.1.2 Comportement thermique
3.1.3 Comportement hydraulique
3.1.4 Comportement physico-chimique
3.2 Couplage des phénomènes
3.2.1 Introduction
3.2.2 Essai d’étanchéité
3.2.3 Modélisation de l’essai d’étanchéité
4 ABANDON DES CAVITÉS SALINES
4.1 Evolution d’une cavité pleine de saumure
4.1.1 Introduction
4.1.2 Phénomènes contribuant au changement de pression
4.1.3 Evolution de la pression dans une caverne fermée
4.2 Evolution d’une cavité contenant du gaz
4.2.1 Introduction
4.2.2 Evolution de la pression dans une cavité fermée
4.3 L’essai d’abandon sur la caverne SPR2
4.3.1 Introduction
4.3.2 Les cavités de Carresse
4.3.3 Caractéristiques de la cavité SPR2
4.3.4 Evolution de la pression pendant l’essai
4.3.5 Evolution de la temperature
4.3.6 Convergence viscoplastique
4.3.7 Fuite
4.3.8 Perméation dans le sel
4.3.9 Evolution de la pression
4.3.10 Les effets atmosphériques
4.3.11 Simulation numérique
4.4 Essai d’abandon sur la caverne EZ53
4.4.1 Introduction
4.4.2 Expansion thermique de la saumure
4.4.3 Fluage du sel
4.4.4 Perméation de la saumure
4.4.5 Fuite
4.4.6 Résultats de l’essai
– ANNEXES –
A TRAITEMENT NUMÉRIQUE DU COMPORTEMENT DES CAVITÉS SALINES
A.1 Formulation numérique des équations du comportement
A.1.1 Introduction
A.1.2 Comportement élastique couplé du massif
A.1.3 Convergence viscoplastique de la caverne
A.1.4 Expansion thermique de la saumure dans la caverne
A.1.5 Compression adiabatique
A.1.6 Perméation de la saumure vers le massif
A.1.7 Dissolution complémentaire du sel dans la saumure
A.1.8 Fuite réelle
A.2 Topologie du domaine
A.3 Validation du code de calcul
A.3.1 Validation du modèle mécanique
A.3.2 Validation du modèle thermique
A.3.3 Validation du modèle hydraulique
A.3.4 Validation du modèle physico-chimique
B La méthode d’optimisation GBNM
B.1 Introduction
B.2 Ré-initialisation probabilisée d’une recherche locale
B.3 Algorithme de Nelder-Mead amélioré
B.3.1 Détection et traitement des dégénérescences
B.3.2 Prise en compte des bornes
B.4 Assemblage des améliorations : GBNM
C Calculs de la convection
C.1 Introduction
C.2 Cavité pleine de saumure
C.2.1 Cas n◦1
C.2.2 Cas n◦2
C.2.3 Cas n◦3
C.2.4 Cas n◦4
C.2.5 Conclusion
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
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