LES FORMULATIONS DE L’ETUDE
Depuis sa commercialisation au milieu du vingtième siècle, une grande variété d’homopolymères, de copolymères et de mélanges à base de polypropylène a été produite pour correspondre à différentes applications. A l’instar de tout polymère, les propriétés d’emploi d’un polypropylène dépendent fortement de la nature chimique de sa formulation et des conditions de sa mise en forme.
STRUCTURE MOLECULAIRE DU POLYPROPYLENE
Le polypropylène (PP) est une polyoléfine linéaire obtenue par catalyse stéréospécifique du propène. Ce type de catalyse autorise la synthèse de polypropylène isotactique (plus récemment syndiotactique) qui, seul, présente les propriétés requises à un usage structural. Lors de la synthèse, l’encombrement stérique du groupe méthyle favorise l’enchaînement tête-queue, ce qui donne une grande régularité chimique à la chaîne de polypropylène. Ainsi le polypropylène isotactique peut adopter quatre conformations hélicoïdales stables d’égale énergie dites de type 31 ou encore 2 × 3/1 (trois motifs monomères de deux atomes de carbone par pas d’hélice). La position des groupes méthyle par rapport à l’axe de la macromolécule permet de distinguer des hélices isoclines ou anticlines suivant le sens « montant » ou « descendant » des hélices.
STRUCTURES CRISTALLINES DU POLYPROPYLENE
La régularité de la chaîne du polypropylène permet à ce matériau d’être semi cristallin à l’état solide. Il présente toutefois un polymorphisme cristallin. Aujourd’hui, quatre structures cristallines sont identifiées [2] : α monoclinique, β hexagonale, γ triclinique et smectique. Une cinquième phase cristalline δ existe dans le polypropylène à grande proportion de phase amorphe et serait liée à la phase non isotactique du PP [3]. Ces formes étudiées par diffraction des rayons X présentent des diffractogrammes très différents et peuvent être discernées .
Le polymorphisme du polypropylène isotactique est étroitement lié aux conditions de température et de pression au cours de la cristallisation mais est également affecté par les défauts introduits le long de la chaîne. Les formes α , et dans une moindre mesure β , sont largement prédominantes dans les polymères industriels. Varga [4] a montré que l’apparition de la structure β est inhibée par des conditions de cristallisation isotherme et de vitesse de refroidissement importante. Par contre, des vitesses de refroidissement très lentes et la présence de contraintes internes [5] favorisent la formation de structures β .
MORPHOLOGIE SEMI CRISTALLINE DU POLYPROPYLENE – STRUCTURE DES PIECES INJECTEES
Un polypropylène semi cristallin possède localement un arrangement périodique dont l’unité de base est une lamelle cristalline d’épaisseur environ 100 Ǻ [5,6,18,19,20,21]. La phase amorphe est constituée de parties mobiles des extrémités de chaînes, de boucles de repliement et de molécules indépendantes. Au cours de la cristallisation, les lamelles cristallines s’organisent selon un arrangement radial pour former des sphérolites dont la taille varie de quelques microns à quelques centaines de microns de diamètre [5,6,18,19,20,21]. Les sphérolites de la phase α et β ne sont pas topologiquement identiques. Les premiers contiennent des quadrites qui sont un entrecroisement quasi orthogonal de lamelles radiales et tangentielles. Le taux de lamelles tangentielles diminue avec la température de cristallisation. Nos matériaux sont mis en œuvre par le procédé d’injection qui est susceptible de perturber ces arrangements [18,22,23,24], et donc de modifier les comportements locaux des pièces injectées. De façon schématique, il est possible de distinguer trois catégories de sollicitations pouvant profondément modifier la morphologie cristalline du polypropylène :
➻ Les conditions mécaniques
Lors d’un écoulement, les chaînes macromoléculaires s’orientent entraînant la formation de morphologies particulières [25,26]. Le premier effet de l’orientation moléculaire sera d’augmenter le nombre de germes, voire de les aligner. Il résulte de l’augmentation de leur nombre, une diminution de la taille moyenne de sphérolites. Dans la phase de croissance et selon la nature et l’intensité de l’écoulement, la cristallisation du polymère fait apparaître une morphologie de sphérolites (en particulier à cœur), sphérolites aplatis en ellipsoïdes, disques en gerbe ou cylindrites . Une morphologie fibrillaire et lamellaire est également observée et est connue sous l’appellation ″shish-kebab″ .
➻ Les conditions thermiques
Les conditions de refroidissement (plus ou moins rapides) contrôlent en partie le nombre de germes et le taux de cristallinité. De plus, un fort gradient thermique peut modifier la géométrie de croissance du fait des variations de vitesse. Les sphérolites dégénèrent vers une forme parabolique ou ″comètes″ [27]. Proche de la surface, les effets conjugués de la température et de la germination, due à la paroi du moule, contribuent quelquefois à l’apparition de zones transcristallines (croissance préférentielle des entités cristallines perpendiculairement à la paroi des outillages de mise en forme) .
De part la nature même du procédé d’injection, la morphologie des pièces mises en forme peut faire intervenir tout ou une partie de ces microstructures dans une organisation globalement multicouche. Les strates sont parallèles à la direction de l’écoulement. Si le refroidissement est symétrique, les strates sont symétriques par rapport au plan médian de la pièce. Le nombre de ces couches entre la surface et le centre varie dans la littérature entre trois [29] et cinq [22,30]. Dans tous les cas, on distingue :
➻ Une zone de peau
La peau est constituée du polymère qui aurait cristallisé au cours de l’écoulement. Dans cette zone, le polymère est fortement orienté dans le sens de l’écoulement (ayant subi l’effet ″fontaine″) et est également sollicité en cisaillement en amont du front de remplissage [22,24,31]. La densité et donc la cristallinité en peau serait plus faible qu’à cœur et diminuerait en s’éloignant de la buse d’injection. Du point de vue morphologique, la zone de surface d’un polypropylène injecté peut être divisée en sous-zones : une zone de trempe sans morphologie apparente et une zone de cisaillement et de gradient thermique de ″comètes″ de faibles dimensions alignées en rangs parallèles à la direction de l’écoulement [22].
➻ Une zone de cœur
Le cœur est isolé du refroidissement brutal subi par la couche solidifiée au contact du moule. Le polymère cristallise donc dans des conditions de plus faibles écoulement et vitesse de refroidissement, mais de plus forte pression (compactage) que le reste de la pièce. La cristallisation a donc lieu sans orientation moléculaire privilégiée. Elle conduit à la formation de sphérolites plus grossiers que dans les autres strates de la pièce injectée.
➻ Une zone intermédiaire
Les zones de surface et de cœur peuvent être éventuellement séparées par une zone médiane. La morphologie des entités cristallines dans cette zone est très sensible à la nature du polymère et aux conditions d’injection. Le polymère aurait cristallisé subissant un écoulement de cisaillement, ce qui induit la formation de strates alignées formées de sphérolites dont la taille augmenterait en s’approchant du cœur [29]. L’influence du gradient thermique est perceptible et induirait la formation de morphologies en ″comètes″. Il est bien souvent difficile de délimiter ces trois zones étant donné l’évolution des morphologies à l’intérieur de chacune d’entre elles. La nature du polymère, la géométrie de la pièce ainsi que les conditions d’injection peuvent profondément perturber la morphologie cristalline des pièces. Ainsi certaines de ces zones peuvent ne pas se former et les morphologies peuvent ne pas être discernables par microscopie optique.
La structure multicouche des pièces injectées est un facteur incontournable pour la compréhension du comportement sous sollicitation du polypropylène. Viana et al. [32,33] soulèvent la compétition entre deux phénomènes antagonistes au cours de la déformation d’un copolymère polypropylène/éthylène selon les conditions de sa mise en forme par injection : l’amplification de la ductilité avec la taille des sphérolites à cœur (favorisée par un taux de refroidissement faible) et son atténuation si l’orientation de la peau est notable (favorisée par un taux de refroidissement important). Ainsi dans la première configuration, le comportement du cœur prédomine et au contraire le comportement des peaux devient décisif si celles-ci sont fortement orientées. Plusieurs auteurs dont Aurrkoetxea et al. [34] relèvent également la différence du comportement à la rupture de la peau et du cœur des pièces injectées. En effet, la peau peut se comporter d’une manière plus ductile ou plus fragile que le cœur selon les conditions de mise forme et la géométrie du moule.
LES POLYPROPYLENES INDUSTRIELS
De nombreux additifs entrent dans la composition finale des matières polymères pour faciliter leur mise en forme, améliorer ou adapter leurs propriétés mécaniques, électriques ou thermiques, améliorer l’aspect de surface ou bien diminuer le prix de revient du polymère transformé [35,36,37,38]. Dans le cas des polypropylènes, nous ajouterons (peut être de manière impropre) à la famille des additifs les co-monomères et/ou mélange de polymères. En effet, le polypropylène homopolymère est généralement trop fragile pour être utilisé tel quel. Généralement, il sera légèrement copolymérisé avec une autre α-oléfine (éthylène par exemple) pour former une matrice copolymère statistique à faible taux de co-monomère. A cette phase majoritaire, on rajoutera, soit par mélange après synthèse soit par contrôle de la synthèse, une phase caoutchoutique (souvent copolymère aléatoire). Dans certains cas, une deuxième polyoléfine (PE) peut exister. Les polymères étant généralement immiscibles, cela se traduit par une morphologie de phases dispersées dans une matrice. Les autres adjuvants les plus fréquemment employés sont :
❖ Les plastifiants et lubrifiants sont utilisés pour abaisser la rigidité (ou la viscosité) des matières plastiques. Ils peuvent être ajoutés pour faciliter la mise en œuvre. Leur persistance à l’état solide peut modifier le comportement du polymère.
❖ Les stabilisants empêchent la dégradation des polymères lors de leur transformation en les stabilisant contre les effets de la température, de l’oxygène et du rayonnement UV.
❖ Les colorants et pigments.
❖ Les retardateurs de flamme ou ignifugeants.
❖ Les agents antistatiques.
❖ Les charges minérales (verre, carbone, talc, …) ou organiques (farine de bois, fibres végétales, …).
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I MATERIAUX DE L’ETUDE – APPLICATION INDUSTRIELLE
I.1. LES FORMULATIONS DE L’ETUDE
I.1.A. STRUCTURE MOLECULAIRE DU POLYPROPYLENE
I.1.B. STRUCTURES CRISTALLINES DU POLYPROPYLENE
I.1.C. MORPHOLOGIE SEMI CRISTALLINE DU POLYPROPYLENE – STRUCTURE DES PIECES INJECTEES
I.1.D. LES POLYPROPYLENES INDUSTRIELS
I.1.E. LES MATERIAUX DE L’ETUDE
I.1.F. MISE EN FORME PAR INJECTION DES EPROUVETTES
I.2. CARACTERISATION INITIALE
I.3. ELEMENTS DE CARACTERISATION EN GRANDES DEFORMATIONS
I.3.A. ELEMENTS SUR LES MECANISMES DE DEFORMATION DES POLYMERES
I.3.A.1. DEFORMATION DES POLYMERES SEMI CRISTALLINS
I.3.A.2. LES POLYMERES RENFORCES
I.3.A.3. CONCLUSION
I.3.B. IMPACT MULTIAXIAL SUR PIECE-TYPE
I.3.B.1. PROTOCOLE EXPERIMENTAL
I.3.B.2. REPONSE DES POLYPROPYLENES
I.3.C. IMPACT MULTIAXIAL SUR PLAQUES
I.3.C.1. PROTOCOLE EXPERIMENTAL
I.3.C.2. REPONSE DES POLYPROPYLENES
I.4. CONCLUSION – CAMPAGNES D’ESSAIS
CHAPITRE II COMPORTEMENT VISCOELASTIQUE EN PETITES DEFORMATIONS
II.1. INTRODUCTION
II.2. ELEMENTS SUR LES RELAXATIONS DU POLYPROPYLENE
II.3. PROTOCOLE EXPERIMENTAL
II.3.A. TECHNIQUE UTILISEE
II.3.B. CHOIX D’UNE ZONE DE PRELEVEMENT
II.4. REPONSE DES POLYPROPYLENES
II.4.A. SENSIBILITE A LA TEMPERATURE
II.4.B. SENSIBILITE A LA FREQUENCE
II.5. CONCLUSION
CHAPITRE III COMPORTEMENT THERMO – MECANIQUE EN GRANDES DEFORMATIONS
III.1. TRACTION UNIAXIALE MONOTONE SUR EPROUVETTES LISSES
III.1.A. PROTOCOLE EXPERIMENTAL ET DEPOUILLEMENT DES ESSAIS DE TRACTION
III.1.B. HOMOGENEITE DE LA DEFORMATION
III.1.C. INCOMPRESSIBILITE
III.1.D.DISSIPATION INTRINSEQUE
III.1.E. THERMODEPENDANCE ET EFFET DE L’ECHAUFFEMENT
III.1.F. SENSIBILITE A LA VITESSE DE DEFORMATION
III.1.G. ANISOTROPIE DU COMPORTEMENT
III.1.H.CONCLUSION
III.2. TRACTION UNIAXIALE MONOTONE SUR EPROUVETTES ENTAILLEES
III.2.A. PROTOCOLE EXPERIMENTAL
III.2.B.DEFORMATION LE LONG DU LIGAMENT
III.2.C. HETEROGENEITE DE L’ENDOMMAGEMENT EN EPAISSEUR
III.2.D.INFLUENCE DE L’ETAT DE TRIAXIALITE DES CONTRAINTES
III.2.E.DISSIPATION INTRINSEQUE
III.2.F. SCENARIO DE L’ENDOMMAGEMENT
III.2.G.CONCLUSION
III.3. MESURE DE L’ENDOMMAGEMENT
III.3.A. DEFINITION DE LA VARIABLE D’ENDOMMAGEMENT
III.3.B.PROTOCOLE EXPERIMENTAL
III.3.C. EVOLUTION DU PARAMETRE D’ENDOMMAGEMENT
III.3.D.MODELISATION DE L’ENDOMMAGEMENT
III.3.E.CONCLUSION
III.4. CHARGEMENT EN CISAILLEMENT
III.4.A. DISPOSITIFS EXPERIMENTAUX
III.4.A.1. DISPOSITIF DE DOUBLE CISAILLEMENT
III.4.A.2. DISPOSITIF DE GLISSEMENT SIMPLE OU IOSIPESCU
III.4.B.RESULTATS ET DISCUSSION
III.4.B.1. PHENOMENE DE CAVITATION
III.4.B.2. HOMOGENEITE DE LA DEFORMATION
III.4.B.3. COMPORTEMENT INTRINSEQUE
III.4.B.4. ANISOTROPIE DU COMPORTEMENT
III.4.C.CONCLUSION
III.5. CHARGEMENT EN COMPRESSION
III.5.A. PROTOCOLE EXPERIMENTAL
III.5.B. COMPORTEMENT INTRINSEQUE
III.5.C.CONCLUSION
III.6. CONTRAINTE AU SEUIL DE PLASTICITE
III.6.A.INFLUENCE DE LA NATURE DU CHARGEMENT – SENSIBILITE A LA VITESSE DE DEFORMATION
III.6.B. ENVELOPPE DE PLASTICITE
III.6.C.CONCLUSION
III.7. SYNTHESE
CHAPITRE IV RUPTURE DES POLYPROPYLENES
IV.1. LES CRITERES DE RUPTURE : REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
IV.1.A. MECANIQUE ELASTIQUE ET ELASTO-PLASTIQUE LINEAIRE DE LA RUPTURE
IV.1.A.1. DISCUSSION
IV.1.B. CRITERES PHENOMENOLOGIQUES APPLIQUES AUX MATERIAUX FRAGILES
IV.1.B.1. DISCUSSION
IV.1.C. CRITERES PHENOMENOLOGIQUES APPLIQUES AUX MATERIAUX DUCTILES
IV.1.C.1. CRITERES BASES SUR UNE ANALYSE DU CHAMP DE CONTRAINTES
IV.1.C.2. CRITERES BASES SUR LE CALCUL D’UN TEMPS DE RUPTURE
IV.1.C.3. DISCUSSION
IV.1.D. CRITERES BASES SUR UNE IDENTIFICATION DE L’ENDOMMAGEMENT
IV.1.D.1. CRITERES BASES SUR UN VOLUME OU UNE TAILLE CRITIQUE DE CAVITES
IV.1.D.2. CRITERES D’AMORÇAGE DE CRAQUELURES
IV.1.D.3. CRITERES BASES SUR L’INTRODUCTION D’UNE VARIABLE D’ENDOMMAGEMENT
IV.1.D.4. DISCUSSION
IV.1.E. STATISTIQUE DE WEIBULL
IV.1.F. CONCLUSION
IV.2. ELEMENTS SUR LA RUPTURE DE NOS POLYPROPYLENES
IV.2.A. FRACTOGRAPHIE
IV.2.B. SITES D’AMORÇAGE DE LA RUPTURE
IV.2.C. EVOLUTION DES GRANDEURS MECANIQUES
IV.2.D. STATISTIQUE DE LA RUPTURE
IV.3. CONCLUSION
CHAPITRE V MODELISATION ET SIMULATION DU COMPORTEMENT MECANIQUE
CONCLUSION