Vendredi 14 Juin 2013, 10 heures, premier décollage du nouvel A350, la bataille de l’air entre Airbus et Boeing, dont la première manche se joue à l’occasion du 50ème salon du Bourget, est officiellement lancée. La principale raison à cela est la course à l’avion « tout composite » : Airbus A350 vs Boeing B787. Le dénominateur commun entre ces deux avions est leur pourcentage massique significatif (≈ 50%) de matériaux composites. Dans une période où les combustibles fossiles se font de plus en plus rares, l’heure est à l’utilisation de matériaux innovants. Entre déboires et espérances, les ingénieurs et chercheurs des deux géants de l’aéronautique se sont heurtés, avec les matériaux composites, à des problématiques industrielles encore jamais rencontrées jusqu’à présent (fuselage en composite, non-conductivité électrique des composites à matrice organique, tolérance d’assemblage, dommage à l’impact, réparation,…).
Les matériaux composites
Un matériau composite est un matériau solide et hétérogène constitué d’au moins deux constituants dont les qualités respectives se complètent pour former un matériau dont les performances globales sont améliorées. Cette association confère au nouveau matériau, des propriétés que les composants de base ne possèdent pas [Jones, 1975]. Ainsi, le matériau composite est appelé multi-matériau , permettant de concevoir des matériaux « sur-mesure » pour une application donnée.
De manière générale, un matériau composite est constitué d’une matrice et d’un renfort. La matrice joue un rôle de liant, permettant les transferts de charges au sein du matériau et la conservation de la géométrie, en plus de la protection contre les environnements sévères. Le renfort est un matériau présentant des caractéristiques mécaniques élevées en terme de rigidité et/ou de résistance. Dans certains cas, afin de permettre la solidarisation des deux composants et donc, une bonne interface ; un agent de liaison peut-être utilisé. Afin d’améliorer certaines caractéristiques du composite (tenue aux chocs, résistance aux UV, résistance au feu,…), des additifs ou des charges peuvent être ajoutés .
Le renfort
Le renfort représente l’armature du matériau composite, en assurant sa tenue mécanique (résistance et rigidité). Ce dernier est en général de nature fibreuse donnant ainsi au matériau un caractère directionnel. Outre sa forme (fibres longues ou courtes ou particules), le renfort se définit aussi par sa nature (organique ou minérale) et son architecture. Le verre, le carbone et l’aramide sont les renforts les plus utilisés. Les fibres longues sont généralement constituées d’un assemblage de milliers de filaments de très faible diamètre (quelques dizaines de micromètres). Ces fibres sont regroupées en paquets appelés torons. L’agencement spatial des torons permet d’obtenir différentes architectures de renforts fibreux :
– Le mât est un assemblage aléatoire de fibres discontinues sans orientation particulière, maintenu en place par un liant. Ce type de renfort présente un comportement quasi-isotrope.
– L’assemblage unidirectionnel est l’architecture la plus courante des composites fibreux. C’est un assemblage de fibres continues, orientées dans une même direction et reliées entre elles par un fil de trame fin.
– Le tissu est un assemblage bi-directionnel où les fibres sont orientées généralement selon deux directions perpendiculaires (0 et 90°), définissant les directions de chaîne et de trame. Il existe plusieurs types de tissus selon le motif utilisé : le sergé, le taffetas et le satin (cf. Figure I-3).
– Le tricot est une architecture formée à partir de boucles entrelacées permettant d’obtenir un plus large panel de motifs. Leur principale caractéristique est leur grande déformabilité.
– Les tissus multidirectionnels sont des architectures tissées en trois dimensions. Aux directions chaîne et trame dans le plan se rajoutent un renfort fibreux dans l’épaisseur. Ce type de renfort est principalement utilisé pour améliorer les caractéristiques du composite à l’impact (notamment la résistance au délaminage).
Le choix du renfort se fait en fonction de l’application et des caractéristiques souhaitées.
La matrice
Les différents types de matrice
La matrice possède un rôle primaire de liant entre les renforts. Elle fixe la forme géométrique désirée et protège les renforts de l’environnement potentiellement agressif (chimique, humidité, résistance au feu,…). Les matériaux composites sont classés en fonction de la nature de leur matrice :
– Les composites à matrice organique (CMO) sont les plus utilisés à l’échelle industrielle, en raison de leurs propriétés spécifiques (rapportées à la masse) élevées. Cependant, ce type de composite est limité aux structures dont les domaines d’utilisation en température ne dépassent pas 300°C.
– Les composites à matrice métallique (CMM) sont appliqués pour des plages de températures allant jusqu’à 1000°C. La matrice méta llique confère au composite des propriétés additionnelles telles que la résistance à l’abrasion, au fluage, la conductivité thermique et la stabilité dimensionnelle. Leurs principaux défauts sont leur prix et leur masse volumique très élevés. Bien que les premiers CMMs soient apparus il y a plus de 50 ans, la recherche dans ce domaine est relativement récente.
– Les composites à matrice céramique (CMC) sont réservés aux domaines de haute technicité. Ils sont essentiellement utilisés dans le secteur aérospatial (motorisation), en raison de leurs performances thermomécaniques élevées pour des températures pouvant dépasser 1000°C. Ils possèdent d’excellente s propriétés spécifiques (rigidité et résistance). En revanche, la matrice céramique leur confère un comportement fragile.
Matrice Thermodurcissable / Thermoplastique
Dans la catégorie des CMOs, on distingue deux types de résines qui se différencient par leur structure moléculaire (organisation et liaisons entre molécules), c’est à dire l’assemblage ou l’enchaînement des macromolécules :
– Les thermodurcissables (TD) sont très largement exploités dans l’industrie. Ces résines présentent un assemblage tridimensionnel de macromolécules caractérisé par des liaisons fortes de type pontage obtenues lors de la polymérisation. Le caractère chimique de ces liaisons rend cette réaction irréversible.
– Les thermoplastiques (TP) possèdent quant à eux, une structure linéaire. Les macromolécules forment une chaîne enchevêtrée grâce à des liaisons faibles de type Van Der Waals. Cette structure est obtenue par un cycle de chauffagerefroidissement permettant de bloquer les mouvements des macromolécules. Ces liaisons faibles procurent à la structure un caractère réversible (par chauffage). Enfin, le développement de résines TP hautes performances, permet l’utilisation des CMOs à matrice TP à haute température, élargissant leur domaine d’application dans les structures composites.
Structure amorphe ou semi-cristalline
Outre la différence d’arrangement spatial, les polymères se caractérisent par leur organisation cristalline : amorphe ou semi-cristalline. Les résines TD sont exclusivement amorphes alors que les TP peuvent être amorphes ou semi-cristallines. Cette spécificité rend leurs réponses mécaniques et leurs caractéristiques physiques et structurelles très différentes les unes des autres . De la même façon, le poids moléculaire, indicateur de la longueur des chaînes moléculaire, influe directement sur la cristallinité des polymères [Dubord, 2006]. Plus les chaînes sont longues, plus le taux de cristallinité sera faible et donc plus le polymère aura tendance à posséder des zones cristallines imparfaites. Comme la cristallisation se produit au cours d’un cycle thermique, le taux de cristallinité dépend donc, aussi beaucoup de la méthode de fabrication du polymère. Plus le temps de cristallisation sera grand, plus ce taux sera élevé.
Selon l’état cristallin du polymère, on observe une ou deux températures caractéristiques : la température de transition vitreuse Tg et la température de fusion Tm. Le passage de la Tg se traduit par une transition d’un état vitreux à caoutchouteux qui s’accompagne d’une diminution significative de la rigidité. Le passage de la Tm se traduit par une transition d’un état caoutchouteux à visqueux accompagnée d’une nouvelle chute de la rigidité.
❖ Les polymères amorphes
Ce type de matériau présente une structure sans arrangement particulier. Les chaînes de molécules sont entremêlées de manière désordonnée . Un polymère amorphe est caractérisé par sa température de transition vitreuse Tg. Au dessus de la Tg, l’énergie est assez grande pour qu’il y ait désenchevêtrement des chaînes de molécules. Dans ce cas, les conditions de refroidissement n’ont pas d’influence sur les caractéristiques mécaniques du matériau. La mise en œuvre peut donc se faire plus facilement comparativement aux semi-cristallins. De plus, les polymères amorphes possèdent de plus faibles propriétés mécaniques que les semi-cristallins.
❖ Les polymères semi-cristallins
Un polymère n’est jamais totalement cristallin [Chassanieux, 2008], seulement partiellement cristallisé. Le polymère possède alors 2 phases : une phase amorphe reliée à une phase cristalline ordonnée . Ces dernières sont assimilables à des sphères à cause du caractère multidirectionnel de la cristallisation à partir d’un centre de germination et sont appelées sphérolites. Les polymères semi cristallins sont caractérisés par un taux de cristallinité pouvant varier entre 20 à 80 %. La structure partiellement organisée rend les chaînes de macromolécules solidement enchevêtrées. Un polymère semi-cristallin est caractérisé par sa Tg et sa Tm. Au-delà de la Tg, seules les parties amorphes s’écoulent expliquant une perte partielle des caractéristiques mécaniques à cette température. Les parties cristallines commencent à fondre à partir de la température de fusion Tm, à partir de laquelle les propriétés mécaniques deviennent insignifiantes [Boukhili, 2009]. L’un des inconvénients majeurs des TP semi-cristallins réside dans leur mise en œuvre. En effet, le taux de cristallinité et le comportement thermomécanique dépendent directement des conditions de refroidissement du matériau. Les propriétés mécaniques vont donc varier fortement en fonction du temps et de la température de refroidissement rendant les opérations de mise en forme particulièrement délicates. En règle générale, les propriétés mécaniques diminuent avec le taux de cristallinité, qui lui-même diminue lorsque le taux de refroidissement augmente.
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Table des matières
Introduction
Chapitre I : Contexte de l’étude et présentation des matériaux
I.1 Les matériaux composites
I.1.1 Le renfort
I.1.2 La matrice
I.2 Contexte de l’étude
I.2.1 Présentation des matériaux étudiés
I.2.2 Objectifs de l’étude
I.3 Comportement sous chargement monotone des composites tissés
I.3.1 Endommagement des composites à renfort tissé
I.3.2 Mécanismes d’endommagement sous chargement de traction
I.3.3 Mécanismes d’endommagement sous d’autres types de chargements
I.4 Comportement à haute température
I.4.1 Stratifiés C/Epoxy
I.4.2 Stratifiés C/PPS
I.5 Conclusion
Chapitre II : Revue bibliographique du comportement visco-élasto-plastique des matériaux composites
II.1 Comportement sous chargement de fluage
II.1.1 Essai de fluage et déformations associées
II.1.2 Comportement en fluage de composites à matrice TP
II.2 Comportement sous chargement de relaxation
II.3 Comportement sous chargement de fatigue
II.3.1 Types d’endommagements et accumulation de l’endommagement
II.3.2 Diagramme de vie en fatigue
II.3.3 Chronologie de l’endommagement des stratifiés UD
II.3.4 Chronologie de l’endommagement des stratifiés tissés
II.3.5 Influence des paramètres environnementaux
II.3.6 Comportement en fatigue de stratifiés tissés C/PPS
II.4 Interaction fluage/fatigue
II.5 Conclusion
Chapitre III : Etude expérimentale du comportement à long terme de stratifiés à matrice thermoplastique et thermodurcissable
III.1 Dispositif d’essais et géométrie des éprouvettes
III.1.1 Dispositif et protocole expérimentaux
III.1.2 Géométrie des éprouvettes
III.1.3 Usinage des éprouvettes
III.1.4 Séquences d’empilement étudiées
III.2 Fluage-recouvrance
III.2.1 Stratifiés QI
III.2.2 Stratifiés [(+45,-45)]7
III.3 Fatigue
III.3.1 Stratifié [(+45,-45)]7
III.3.2 Stratifiés QI
III.4 Interaction fluage/fatigue
III.4.1 Définition des essais
III.4.2 Résultats et discussion
III.5 Conclusion
Chapitre IV : Revue bibliographique de la modélisation du comportement visco-élasto-plastique de stratifiés composites – Mise en œuvre d’une approche classique
IV.1 Introduction
IV.2 Viscoélasticité
IV.2.1 Les modèles rhéologiques
IV.2.2 Principe de Superposition de Boltzmann
IV.2.3 Equation de Findley
IV.2.4 Formulation de Schapery
IV.2.5 Formulation spectrale
IV.2.6 Autres modèles
IV.3 Viscoplasticité
IV.4 Mise en œuvre d’une approche classique
IV.4.1 Modèle visco-élasto-plastique [Schapery,1969] [Zapas,1984]
IV.4.2 Identification des paramètres
IV.4.3 Validation
IV.5 Conclusion
Chapitre V : Modélisation du comportement visco-élastoplastique d’un stratifié C/PPS à T>Tg
V.1 Modélisation du comportement visco-élasto-plastique du pli élémentaire
V.1.1 Loi constitutives du comportement du pli élémentaire
V.1.2 Lois incrémentales
V.2 Identification des paramètres
V.2.1 Propriétés mécaniques élastiques du pli élémentaire
V.2.2 Paramètres relatifs à la viscoélasticité
V.2.3 Paramètres relatifs à la viscoplasticité
V.3 Simulation et validation
V.3.1 Essais de fluage multi-paliers
V.3.2 Essais structures
V.4 Conclusion
Conclusion et Perspectives
Annexes